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JR1213 |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
CHICOUTIMI |
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« Chambre civile » |
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N° : |
150-32-003477-011 |
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DATE : |
Le 7 mai 2002 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : Madame la juge Johanne Roy |
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MANON LAROCQUE |
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Partie requérante |
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c. |
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9031-9146 QUÉBEC INC. Faisant affaires sous la raison sociale T-Net TECHNOLOGIES |
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Partie intimée |
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JUGEMENT |
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[1] Mme Manon Larocque a t-elle été exclue du réseau de communication informatique de façon arbitraire et, le cas échéant, a t-elle droit à l’attribution de dommages punitifs ?
LES FAITS
[2] À compter du début de l’année 2000, Mme Manon Larocque fréquente un site informatique connu sous le nom de Réseau contact. Com opéré par 9031-9146 Québec Inc. , propriété de Québecor Média.
[3] En août 2000, elle s’inscrit, à titre de membre privilège, moyennant le paiement de frais établis à 45 $ pour une durée d’un an.
[4] Ce statut lui permet d’accéder aux fiches complétées par les autres membres, lesquelles comportent un profil personnel succinct.
[5] L’objectif du réseau est de favoriser les rencontres.
[6] Les membres sont soumis à un code d’éthique ayant pour but de protéger un environnement harmonieux.
[7] Il est notamment « interdit d’utiliser des propos grossiers, diffamatoires, injurieux, racistes, obscènes, harcelants ou irrespectueux ».[1]
[8] Les administrateurs du Réseau se réservent le droit de résilier l’entente de service en cas de manquement aux règles de comportement prescrites.
[9] Mme Larocque a été bannie du site le 13 septembre 2000. Elle en conteste le fondement et recherche la condamnation de l’entreprise à 3 000 $ pour « dommages et inconvénients suite au non respect du contrat mais (demande) à titre de dommages exemplaires ».
[10] Cette réclamation est contestée par l’entreprise qui soumet que des avertissements ont été servis à Mme Larocque qui n’a par ailleurs pas cessé de recourir à une expression agressive et irrespectueuse dans ses communications, ce qui a entraîné son bannissement.
DÉCISION
[11] En excluant Mme Larocque du Réseau de communication, résiliant de ce fait l’entente contractuelle intervenue entre les parties, T-Net Technologies a t-elle commis une faute ?
[12] L’article 1458 du Code civil du Québec impose aux co-contractants de respecter les engagements auxquels ils ont souscrit, à défaut de quoi ils doivent répondre des dommages ainsi causés à l'autre partie.
[13] Avant de compléter sa fiche personnelle, celui qui souhaite adhérer à Réseau contact.Com doit, après avoir pris connaissance des règles de fonctionnement du site, signifier qu’il en accepte les clauses et conditions.
[14] Il convient de citer quelques extraits de ce document intitulé « Code d’éthique Réseau contact.Com ».
« Le présent contrat constitue une entente légale entre l’utilisateur du site et le Réseau contact. VEUILLEZ LE LIRE ATTENTIVEMENT AVANT DE VOUS INSCRIRE.
En vous inscrivant au Réseau Contact, vous acceptez d’être lié (e) par les modalités et stipulations du présent contrat, et ce, tant et aussi longtemps que vous demeurez membre. SI VOUS NE SOUHAITEZ PAS ÊTRE LIÉ (E) PAR CE CONTRAT, NE VOUS INSCRIVEZ PAS AU RÉSEAU CONTACT.
[…]
Les services du Réseau Contact sont destinés aux membres qui désirent créer des liens d’amitié, d’affaires ou autres avec différents membres.
[…]
Il est interdit de véhiculer sur le Réseau Contact des textes diffamatoires, obscènes, offensants, violents ou racistes, ni du matériel illégal qui violerait la propriété d’autrui, sous peine de poursuites judiciaires.
[…]
Les membres qui ne respectent pas les règles de conduite normales dans une communauté virtuelle amicale ou qui sont violents ou irrespectueux de quelque façon que ce soit envers d’autres membres, s’exposent à une expulsion du réseau, et ce, sans préavis ni remboursement. »
[15] Madame Larocque admet avoir un style de rédaction particulier qu’elle décrit ainsi dans un document remis à l’audience :
« Quelques personnes n’aiment pas mon style (j’écris comme je parle, sur les sites virtuels, et je crée carrément mes intonations, en répétant des lettres pour mettre une syllabe en emphase, et je tape également mes liaisons).
[16] Plusieurs extraits de courriels dont elle est l’auteur ont été déposés.
[17] Ceux-ci révèlent l’utilisation d’un langage grossier, régulièrement ponctué de sacres.
[18] Des extraits de correspondance établissent également que la requérante a fait l’objet de plaintes de la part de d’autres utilisateurs, lesquels dénoncent une situation répétée. Les reproches sont fondés sur un manque de respect, une attitude qui provoque des disputes et suscite la controverse.
[19] Le mouvement aurait été tel que des membres se sont réunis pour créer deux fiches anti-Manon que les administrateurs du réseau ont vu à faire supprimer mais qui ont amené une mise au point avec Mme Larocque, le 8 septembre 2000 et la résiliation du contrat, le 13 septembre suivant vu le défaut de cette dernière d’amender son type d’intervention.
[20] Même si la liberté d’expression est une valeur fondamentale garantie à la Charte des droits et libertés, elle ne peut autoriser le recours à un style offensant et peu soucieux des droits des autres membres de la collectivité.
[21] Mme Larocque prétend avoir fait l’objet d’un coup monté, elle met en doute le nombre de plaintes reçues à son sujet qu’elle attribue à trois ou quatre individus.
[22] Par ailleurs, elle nie avoir reçu des avertissements répétés de s’amender, un seul appel ayant été logé par un administrateur du réseau, quelques jours avant son exclusion.
[23] Elle admet : a) être un tantinet « baveuse » quand elle se fait narguer;
b) avoir demandé à d’autres membres privilèges d’inclure ses textes après avoir été bannie;
c) elle écrit comme elle parle.
[24] La Cour supérieure, dans une décision de 1997, rappelle un principe dicté par la Cour d’appel à l’effet que :
[…]
« la limite raisonnable à la liberté d’expression se situe là où débute la responsabilité applicable à la diffamation. À cet égard, c’est le concept général de la faute civile qui doit servir de guide. En matière de diffamation, il n’y a pas lieu de faire appel à la théorie de l’abus de droit. La question qui se pose donc n’est pas de savoir si l’on a abusé du droit à la liberté d’expression mais bien d’examiner si l’exercice de ce droit cause un préjudice ». [2]
[25] Par son comportement, Mme Larocque a transgressé les règles de conduite visant à procurer un environnement sain et harmonieux aux quelques 300 000 membres qui composent le réseau.
[26] Ses façons de faire ne peuvent être excusées par son droit à la libre expression et, en conséquence, le Réseau de contact n’a commis aucune faute en l’excluant.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] REJETTE la demande avec dépens lesquels sont établis à 55 $.
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__________________________________ Johanne Roy, Juge à la Cour du Québec |
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Date d’audience : |
18 octobre 2001 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.