Décision

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JM-1606

 

 

 

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-040318-993

 

 

 

DATE :

12 avril 2002

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ELIANA MARENGO, J.C.Q.

 

 

 

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SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, COPROPRIÉTÉ LOT 1033

Demanderesse

c.

COMMUNICATIONS FRANC MOT INC.

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                La demanderesse Syndicat Des Copropriétaires, Copropriété Lot 1033 ("le Syndicat") poursuit la défenderesse Communications Franc Mot Inc., copropriétaire d'une unité de condominium, en dommages, suite à un dégât d'eau survenu dans cette unité.  La défenderesse plaide qu'elle n'est pas responsable des dommages réclamés car:  a) elle se serait comportée en personne prudente et diligente;  b) en tant que coassurée en vertu de la police d'assurance souscrite par le Syndicat, elle ne lui devrait rien;  et c) les dommages seraient exagérés.

LES FAITS

[2]                En 1996, alors que l'immeuble date d'environ 10 ans, le Syndicat demande des soumissions pour le remplacement des chauffe-eau dans chacune des unités.  En effet, il croit que ces travaux seraient de mise, car d'après les renseignements qu'il détient, il serait prudent de changer les chauffe-eau tous les 10 ans.  Le 3 janvier 1997, conformément à une décision prise lors d'une assemblée annuelle, le Syndicat avise les copropriétaires en conséquence, en leur envoyant l'avis P-3.

[3]                Le 20 janvier 1997, par le biais de sa représentante Francine Moreau ("Moreau"), la défenderesse exprime son accord relativement aux travaux proposés:

" Pour ce qui est du chauffe-eau, je considère l'offre de M. Landry et je souhaiterais que l'installation puisse se faire après le 1er avril.  Veuillez me confirmer les horaires d'installation pour que je puisse être au rendez-vous ou que je puisse assigner Carole Charbonneau.  D'ailleurs si l'installation pouvait se discuter au même moment que Carole, nous nous éviterions bien des complexités.  Vous pouvez d'ailleurs faire le suivi avec elle à ce propos. "

(pièce P-14, page 2)

[4]                Le Syndicat demande alors à l'entrepreneur Drainage Yvon Landry Enr. de communiquer avec les divers copropriétaires, y compris la défenderesse par le biais de Moreau ou son amie Carole Charbonneau.

[5]                Pour des raisons qui ne concernent pas le Syndicat, le chauffe-eau de la défenderesse n'est pas changé tel que prévu.  Moreau s'explique tout simplement en disant, qu'à l'époque, elle avait "d'autres priorités", et qu'elle attendait "un appel pour voir si le chauffe-eau allait être changé."

[6]                Le 8 août 1998, le chauffe-eau situé dans l'unité de la défenderesse se met à couler, causant d'importants dommages à son unité (le numéro 505), ainsi qu'aux unités 305 et 405 et à des parties communes de l'immeuble.

[7]                Au moment du sinistre, la défenderesse loue l'unité à un tiers depuis environ 13 mois.

[8]                Lors de l'événement, plusieurs personnes sont importunées par les dégâts, qui s'étalent sur 3 étages.  De plus, il n'est pas facile de pénétrer dans l'unité 505, car le locataire est absent, et il faut trouver la clé.

[9]                Les 10 et 12 août 1998, le Syndicat et les propriétaires des unités 305 et 405 mettent Moreau en demeure de réparer et dédommager "tous les dommages et inconvénients subis, survenus et à survenir, en raison du bris (du) chauffe-eau." (pièces P-4 et P-5)

[10]            Voici comment Moreau répond à la mise en demeure du Syndicat:

" J'accuse réception de votre lettre du 12 août dernier et je tiens à vous mentionner que je suis désolée de l'événement survenu le 8 août dernier, spécialement pour les propriétaires des condos 305 et 405.

J'ai rapporté l'événement à mes assureurs, La Promotuel l'Abitibienne, dès le lundi matin à 9 h 00.  Leurs précieux conseils m'ont fait passer aux actes imédiatement (sic) puisque je tiens mordicus au confort de tous.  J'ai même rapporté moi-même l'incident à la compagnie d'assurances qui couvre la co-propriété soit l'Assurance Desjardins des Entreprises puisque personne ne l'avait encore fait, toujours pour les mêmes raisons de souci des personnes qui ont été affectées par cet incident.

Maintenant, la compagnie d'Assurance Desjardins des Entreprises attend le rapport de son ajusteur.  Je vous fais donc parvenir la facture pour les réparations à effectuer au condo 505.  Cette facture est une soumission que la compagnie d'assurances pourrait considérer et totalise $2,323.51.  Celle-ci doit parvenir à la compagnie d'assurances de la co-propriété, responsabilité des administrateurs.  Finalement, les compagnies d'assurances régleront la réclamation comme il se doit. "

(pièce P-6)

[11]            Vu cette réponse, le Syndicat procède aux réparations des 3 unités et des parties communes, lesquelles coûtent 11 572,46 $.

[12]            En vertu de son contrat d'assurance avec Assurances générales des caisses Desjardins inc. (pièce P-8), le Syndicat reçoit une indemnité de 6 572,46 $ (pièce P-9).  Il doit assumer, cependant, la différence de 5 000$, qui représente la franchise prévue au contrat d'assurance.  Il paie donc le solde du prix des travaux, à l'entrepreneur, par chèque, le 30 octobre 1998 (pièce P-10).

[13]            Le 23 avril 1999, le Syndicat fait inscrire une hypothèque légale contre l'unité de la défenderesse, pour ledit montant de 5 000$, plus les intérêts et les frais, le tout selon l'art. 14.1 de la déclaration de copropriété P-1 ("la déclaration").  Finalement, au mois de décembre 1999, et il intente son action.

LE DROIT

[14]            CONSIDÉRANT QUE, dans le paragraphe 18 de sa défense, la défenderesse admet être gardienne du chauffe-eau;

[15]            VU l'art. 1465 C.C.Q.;

[16]            CONSIDÉRANT QU'il y a une présomption de faute contre la défenderesse, à titre de gardienne du bien;

[17]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse n'a pas repoussé cette présomption;

[18]            CONSIDÉRANT QUE, d'ailleurs, la défenderesse n'a pas pris les moyens raisonnables pour empêcher le fait dommageable;

[19]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse n'a pas agi avec prudence et diligence;

[20]            CONSIDÉRANT QUE, malgré son assentiment aux travaux (pièce P-14), malgré les recommandations et l'assistance du Syndicat, et malgré l'avis P-3, la défenderesse a fait défaut de changer le chauffe-eau qui datait de 10 ans, et, par ce fait, a été négligente dans l'entretien du bien;

[21]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse n'a pas prouvé qu'il lui était impossible de prévenir le fait dommageable; au contraire, son laxisme et nonchalance ont laissé libre cours à la survenance de celui-ci;

[22]            CONSIDÉRANT QUE le dommage a été causé par le fait autonome de la chose;

[23]            VU  les arts. 1062, 1063, 1073, 1077 et 2481 C.C.Q.;

[24]            VU les arts. 7.1, 7.1.2, 7.1.4, 7.1.16, 7.1.19 et 7.1.28 de la déclaration;

[25]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse a contrevenu à la loi et à la déclaration;

[26]            VU les arts. 7.2, 7.4.3, 9.2, 9.3 et 14.1 de la déclaration;

[27]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse est responsable et redevable envers le Syndicat des dommages réclamés;

[28]            CONSIDÉRANT QU'elle en est responsable car le coût des réparations n'a pas été "entièrement assumé par une compagnie d'assurance", au sens de l'art. 9.2 de la déclaration, et l'exclusion contenue à l'art. 14.1 ne s'applique pas, car les dommages réclamés ne constituent pas des "pertes, coûts, frais, dommages… couvert (sic) par une police d'assurance";

[29]            VU le jugement rendu dans Syndicat des copropriétaires des Terrasses Lulli c. Stéphane Fortin et al, REJB 2001-2554, où il a été décidé comme suit:

"[29] Cependant, les montants non couverts, telle la franchise, constituent une perte dont l'intimée est redevable à la partie requérante.

[30] L'assureur de l'intimée plaide que l'article 10.4.1 qui comporte une restriction des recours des assureurs contre les administrateurs et les autres copropriétaires.  Cela ne s'applique pas aux recours du Syndicat contre le copropriétaire responsable pour les montants non couverts par les protections en vigueur.

[31] Il serait d'ailleurs contraire aux règles fondamentales applicables en droit civil que de demander à l'ensemble des copropriétaires d'assumer la perte résultant directement de la faute de l'un d'entre eux.

[32] Dans un article écrit par Me Yves Jolicoeur dans la revue Condoliaision1, celui-ci écrit au sujet de la responsabilité des copropriétaires:

Soulignons seulement le cas des copropriétaires qui causent des dommages à autrui (chauffe-eau défectueux ou remplacé à l'expiration de sa durée de vie, fenêtres laissées ouvertes, etc.) source de nombreux problèmes pour le Syndicat.  Rappelons que ce dernier est habilité à poursuivre ces copropriétaires fautifs pour recouvrer la franchise (la portion «déductible») de la convention d'assurance.";

(pages 7 et 8 du jugement)

[30]            VU les arts. 10.3, 10.3.5, 10.3.18, 10.3.19, 10.3.21, 13.1 et 13.1.3 de la déclaration;

[31]            CONSIDÉRANT QUE le Syndicat a respecté toutes ses obligations contractuelles et légales;

[32]            CONSIDÉRANT QUE la défenderesse n'a pas respecté les siennes;

[33]            VU la faute de la défenderesse;

[34]            CONSIDÉRANT QUE les honoraires légaux et déboursés allégués au par. 18 de la déclaration amendée, sont dus en vertu des arts. 9.2 et 14.1 de la déclaration;

[35]            CONSIDÉRANT QUE, cependant, les faits allégués au par. 19 de la déclaration amendée sont erronés, car l'on fait référence à plus d'une demande, alors qu'il n'y en a qu'une;

[36]            CONSIDÉRANT QUE les copropriétaires des unités 305 et 405 et l'administratrice Christiane Paquette Sanscartier ne sont pas demandeurs dans cette action;

[37]            CONSIDÉRANT QUE le tribunal n'accorde donc que 1 000$ "à titre de dommages-intérêts pour troubles, inconvénients, stress et pertes de temps" subis par le Syndicat, lesquels ont bien été décrits et prouvés par la représentante du Syndicat, Christiane Paquette Sanscartier;

[38]            CONSIDÉRANT QU'enfin, le Syndicat n'a pas présenté une preuve suffisante quant au taux d'intérêt réclamé;

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE, en partie, l'action telle qu'amendée;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 13 717,04 $, avec intérêts au taux légal de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de l'assignation;

LE TOUT avec dépens.

 

 

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ELIANA MARENGO, J.C.Q.

 

Me Martin Courville

Rouleau, Doss, d'Amours

Procureurs de la demanderesse

 

Me Marie Legault

Rancourt Legault Boucher Godbout & St-Onge

Procureurs de la défenderesse

 

Date d’audience :

15 février 2002

 

AVIS :
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