TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
RIMOUSKI |
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N° : |
100-53-000009-032 |
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DATE : |
30 novembre 2004 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHÈLE RIVET |
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AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURS : |
Me François Blais M. Jean Decoster |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, organisme public constitué en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne [L.R.Q., c. C-12], ayant son siège au 360, rue Saint-Jacques Ouest, Montréal (Québec) H2Y 1P5, agissant en faveur de madame Jeannette Pelletier et monsieur Robert Potvin, tant en leur nom qu’au nom de leur fils mineur Joël Potvin |
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Demanderesse |
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c. |
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COMMISSION SCOLAIRE DES PHARES, personne morale de droit public légalement constituée ayant son siège social au 435 avenue Rouleau, Rimouski (Québec) G5L 8V4 |
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Défenderesse |
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L’ASSOCIATION POUR L’INTÉGRATION SOCIALE (région de Rimouski), personne morale de droit privé, ayant son siège social au 274 rue Potvin, Rimouski (Québec) G5L 7P5 |
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Partie intéressée |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal des droits de la personne (ci-après le « Tribunal » ) est saisi d'une demande introductive d'instance dans laquelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après la Commission), agissant dans l'intérêt public et en faveur de Joël Potvin, allègue que:
1. La défenderesse, soit la Commission scolaire des Phares, le ou vers le 19 novembre 2001, a porté atteinte au droit de Joël de conclure un acte juridique ayant pour objet des services ordinairement offerts au public au sens des articles 10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne, (L.R.Q. c. c-12, ci-après «Charte»), soit des services éducatifs dans le cadre ordinaire d'enseignement, avec l'adaptation requise.
2. Également, la défenderesse a porté atteinte au droit de Joël Potvin à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité de son droit à l'instruction publique gratuite au sens des articles 10 et 40 de la Charte.
3. Par la même occasion, la défenderesse a porté atteinte au droit de Joël, Jeannette Pelletier et Robert Potvin à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité de leur droit au respect de leur dignité et de leur intégrité, de façon contraire aux articles 1, 4 et 10 de la Charte.
4. Les plaignants ont subi un préjudice de l'atteinte à leurs droits par la défenderesse, pour lequel ils sont en droit de réclamer des dommages matériels et moraux, le tout tel qu'il sera plus amplement démontré lors de l'enquête.
5. Étant donné le caractère illicite et intentionnel de l'atteinte aux droits des victimes et plaignants, les dommages punitifs réclamés sont également justifiés.
[2] À ses conclusions, telles qu'amendées en date du 24 août 2004, la Commission demande au Tribunal des droits de la personne:
D'ACCUEILLIR la présente demande;
CONDAMNER la Commission scolaire des phares à verser aux plaignants, Joël Potvin, Jeannette Pelletier et Robert Potvin, une somme de trente-six mille dollars (36 000$) répartie également entre eux comme suit :
a) Trente mille dollars (30 000$), à titre de dommages moraux;
b) Six mille dollars (6 000$), à titre de dommages-intérêts punitifs.
CONDAMNER la Commission scolaire des Phares à verser conjointement aux plaignants Jeannette Pelletier et Robert Potvin une somme de vingt mille cent trois dollars (20 103, 70 $) à titre de dommages matériels.
ORDONNER à la Commission scolaire des Phares, prenant en considération les besoins et l'intérêt de Joël Potvin:
a) De procéder à une évaluation de Joël Potvin en adaptant les normes d'évaluation et de classement pour tenir compte de son handicap;
b) d'élaborer un plan d'intervention afin que Joël Potvin reçoive les services éducatifs conformes à ses besoins et son intérêt, et que dans ce contexte il soit intégré, le cas échéant, à une classe régulière de son école de quartier, cette dernière option étant à privilégier.
Pour ce faire, il est suggéré de faciliter et de privilégier l'intégration de Joël en classe régulière:
i) En procédant à l'adaptation du matériel pédagogique pour son intégration en classe, en prenant en considération les différents moyens proposés par les spécialistes;
ii) En offrant une formation au professeur de la classe régulière, tant sur l'intégration de façon générale que sur le handicap de Joël, les caractéristiques qui y sont associées et les besoins particuliers qu'il présente en regard de l'adaptation du matériel pédagogique.
Le tout dans un délai de 60 jours du jugement à intervenir.
ORDONNER à la Commission scolaire des Phares dans l'intérêt public:
a) d'appliquer sa Politique concernant l'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés, et le cas échéant la modifier, afin que la classe régulière soit considérée la norme et que l'enfant ne soit pas orienté vers une classe spécialisée en fonction de son handicap, mais que le choix de la classe soit plutôt fait en fonction de l'intérêt de l'enfant et de ses besoins;
Pour ce faire, il est suggéré de faciliter et de privilégier l'intégration de Joël en classe régulière:
i) De considérer l'adaptation du matériel pédagogique pour l'intégration en classe régulière, en prenant en considération les différents moyens suggérés par les spécialistes pour chaque enfant, dans chaque cas particulier;
ii) D'offrir une formation aux différents intervenants, notamment les directeurs d'école et les enseignants du secteur régulier, tant sur l'intégration de façon générale que sur la déficience intellectuelle et les différents moyens d'adaptation du matériel pédagogique.
b) de procéder à l'évaluation et à l'orientation de tout élève handicapé en fonction de son intérêt et de ses besoins, tout en adaptant les normes d'évaluation et de classement pour tenir compte du handicap.
Pour ce faire, il est suggéré de faciliter et de privilégier l'intégration de Joël en classe régulière:
i) De ne pas fonder la décision de classement en classe spécialisée sur la non-réussite des objectifs applicables à tous les élèves;
ii) D'adapter les objectifs, les normes d'évaluation et la notion de réussite afin de prendre en considération le cas particulier de chaque enfant et de tenir compte de son handicap.
LE TOUT avec les intérêts et l'indemnité additionnelle, conformément à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement, ainsi que les entiers dépens, incluant le cas échéant les frais d'experts, tant pour la préparation de leur rapport que pour leur présence en cour.
[3] La Commission scolaire des Phares nie pour sa part avoir exercé quelque discrimination en déterminant le classement de Joël dans une classe à effectif réduit à l'École l'Aquarelle pour l'année scolaire 2001-2002. Elle s'oppose aux prétentions de la demanderesse alléguant que l'évaluation des capacités et besoins de Joël aurait été discriminatoire et affirme au contraire que cette évaluation a été fondée sur des observations concrètes, que les observations au bulletin 2001-2002 étaient particularisées et respectaient les caractéristiques de Joël, que l'évaluation de l'orthopédagogue a été faite avec des instruments adaptés et que les compétences ou habilités qui y étaient évaluées ne constituaient pas des préalables de passage en première année.
[4] Elle affirme que ni le classement ni l'évaluation des besoins et capacités de Joël en 2003-2004 n'étaient discriminatoires et que le plan d'intervention a été révisé périodiquement en avril et juin 2004.
[5] Par conséquent, la Commission scolaire des Phares demande le rejet de toutes les conclusions demandées dans l'intérêt public et réaffirme que sa Politique concernant l'organisation des services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage favorise l'intégration en classe ordinaire et n'est pas discriminatoire. Elle prétend qu'il en est de même au niveau de l'adaptation du matériel pédagogique et de la formation. La défenderesse soumet également qu'il n'y a aucune preuve à l'effet que les décisions de classement en classe spécialisée à la Commission scolaire des Phares sont fondées sur « la non-réussite des objectifs applicables à tous les élèves» ou que les objectifs, les normes d'évaluation ou la notion de réussite ne sont pas adaptées pour prendre en considération le cas particulier de chaque enfant et tenir compte de son handicap.
1. Les faits tels que mis en preuve
[6] Joël est né le 12 août 1994. Il est atteint de trisomie 21, ce qui s’actualise notamment par une déficience intellectuelle de légère à moyenne selon les dimensions évaluées, ainsi que par un retard du développement du langage.
[7] Depuis sa naissance, Joël demeure avec ses parents, madame Jeannette Pelletier et monsieur Robert Potvin, qui habitent Rimouski depuis 1995 et qui voient au développement de leur enfant, aidés en ce par leur fille Cathy.
1.1 La vie scolaire de Joël Potvin
1.1.1. La période préscolaire (septembre 1999 à juin 2001)
[8] Au cours de l’année scolaire 1999-2000, Joël fréquente la classe préscolaire de l’école l’Annonciation, son école de quartier, à raison de trois jours par semaine.
[9] Au terme de cette année scolaire, la direction de l’école l’Annonciation avise les parents de Joël de son intention d’orienter ce dernier en classe spécialisée à l’école l’Aquarelle, à Rimouski, au cours de l’année scolaire 2000-2001. Insatisfaits de cette orientation, les parents de Joël demandent une révision de la décision de la direction de l’école.
[10] La direction générale de la Commission scolaire des Phares, en collaboration avec la direction de l’école, révise le classement de Joël et permet que celui-ci poursuive sa scolarisation en classe préscolaire à l’école l’Annonciation, à plein temps cette fois.
[11] Joël refait donc son cours préscolaire à l’école l’Annonciation au cours de l’année 2000-2001 à plein temps.
[12] À chacune des quatre étapes de cette année, madame Liette Turcotte, l’enseignante de Joël, consigne l’évolution de celui-ci dans son bulletin scolaire.[1] Lors de son témoignage, madame Turcotte explique que le même bulletin est utilisé pour tous les élèves de la classe, mais qu'elle l’adapte à la situation de Joël, comme pour tout élève manifestant des besoins particuliers. À cet égard, on remarque les ajouts manuscrits de l'enseignante à certains des éléments évalués du bulletin.
[13] Le bulletin utilisé évalue l’enfant en fonction de l’acquisition de quatre grandes compétences : agir efficacement sur le plan sensoriel et moteur dans différents contextes; affirmer sa personnalité; interagir de façon harmonieuse avec les autres et; communiquer en utilisant les ressources de la langue.
[14] Le bulletin de Joël du 15 juin 2001, signé par mesdames Turcotte et France Bélanger, directrice de l’école l’Annonciation, comporte la mention « a encore besoin de s'exercer » pour l'ensemble des aspects évalués (l'autre mention, non obtenue par Joël étant « oui, l'enfant a développé cette compétence ») et indique son classement en adaptation scolaire à l’école l’Aquarelle pour l’année scolaire 2001-2002.[2]
[15] Vers la fin de l’année scolaire 2000-2001, Joël fait l’objet de certaines évaluations.
[16] Ainsi, le 17 avril 2001, madame Julie Ouellet, orthopédagogue, produit une évaluation de Joël à partir de l’Outil pour l’évaluation et la prévention, niveau préscolaire élaboré par la Commission scolaire Jacques-Cartier. Cette évaluation porte sur la conscience de l’écrit et l’éveil logico-mathématique. Elle y note «En résumé, les outils utilisés nous montrent que Joël est insuffisamment préparé aux apprentissages proposés en première année.» [3]
[17] À la même date, mesdames Ouellet et Turcotte produisent une évaluation de Joël effectuée à partir de la Grille synthèse des compétences acquises facilitant le passage du préscolaire au primaire élaborée par la Commission scolaire La Neigette.[4] Cette grille comporte trois parties. La première partie de l'évaluation de Joël indique qu'aux plans socio-affectif, intellectuel et moteur, L’enfant se situe plus près du profil Préscolaire que Scolaire ou Préscolaires/scolaires. Dans la seconde partie, concernant les préalables à la lecture, à l’écriture et aux mathématiques, et conçue de façon à ce que les préalables aux apprentissages soient évalués comme étant acquis, en voie d'acquisition et non acquis et sous forme numérique, les résultats de Joël sont respectivement : Acquis 6/65, En voie d’acquisition 27/65, Non acquis 32/65. La troisième partie (Partie E) fournit un profil de l’adaptation de l’enfant à l’école. L’acquisition par l’élève de comportements adaptatifs est évaluée comme jamais, quelquefois et toujours présent. Ces résultats sont répartis en trois sphères. Concernant l’évaluation de Joël, on observe que dans la sphère de l’adaptation à l’école [aux activités de la classe], les résultats se répartissent également dans chacune des trois catégories. Dans la sphère de l’adaptation affective ainsi que dans celle de l’adaptation sociale, on note une dominante marquée dans la catégorie toujours présent.
[18] L’éducatrice et l’enseignante de Joël consignent aussi dans un document les besoins de soutien de Joël en regard des différentes sphères d’activités en milieu scolaire.[5]
[19] Le 19 avril 2001 se tient une réunion du comité d’aide pédagogique à l’école l’Annonciation à laquelle participent mesdames France Bélanger, directrice de l’école, Liette Turcotte, enseignante, Jocelyne Cyr, éducatrice spécialisée, Julie Ouellet, orthopédagogue, Marie Dubé, conseillère pédagogique en adaptation scolaire à la Commission scolaire des Phares, Johanne Vignola du CRDI[6], ainsi que les parents de Joël accompagnés de leur fille Cathy. Le but de cette réunion, tel que l’indique le Rapport de rencontre rédigé par madame Dubé, est de «faire un bilan sur le cheminementscolaire de Joël dans un objectif de faire les recommandations de classement pour l’année scolaire 2001-2002».[7]
[20] Le Rapport de rencontre indique :
[…] L’enseignante présente le cheminement de Joël au préscolaire cette année. Un bilan des apprentissages a été effectué avec les mêmes outils utilisés en 1999-2000. La synthèse du bilan est remise aux parents. Le bilan fait ressortir que Joël se situe toujours au niveau du jeu et que chaque apprentissage nouveau nécessite une longue adaptation.
L’orthopédagogue présente l’évaluation réalisée à l’aide de l’outil d’évaluation de Jacques-Cartier. Le but de la démarche d’évaluation est de porter un jugement sur le degré de maîtrise des apprentissages d’un programme d’études en tenant compte des diverses évaluations de l’année. Un rapport synthèse est remis aux parents.
Les diverses évaluations réalisées montrent que Joël a besoin de poursuivre son cheminement au niveau du programme scolaire.
De plus, Joël nécessite un accompagnement continu dans l’ensemble de ses activités scolaires selon le bilan de l’éducatrice : autobus, entrée, déplacements, récréation, habillement, hygiène, adaptation d’activités. […][8]
[21] Au terme de cette réunion, une recommandation est formulée quant au classement de Joël pour l’année scolaire 2001-2002 et se trouve consignée dans le Rapport de rencontre dans les termes suivants:
À la lumière des diverses évaluations réalisées tant au plan des apprentissages, qu’au plan de l’accompagnement et du soutien, il est recommandé que Joël poursuive son cheminement scolaire dans un groupe à effectif réduit à l’école l’Aquarelle.[9]
[22] Madame Pelletier mentionne que lors de cette réunion, elle et son mari expriment le désir que leur fils intègre l’école de quartier en première année ordinaire, avec le support d’une accompagnatrice spécialisée, et manifestent clairement leur désaccord quant à la recommandation d’orienter Joël en classe spécialisée à l’école l’Aquarelle. Elle mentionne aussi que le motif fourni par la direction de l’école pour justifier cette orientation est que Joël n’a pas fait suffisamment d’acquis et que son intégration à l’école de son quartier avec une accompagnatrice serait presque impossible à réaliser sur le plan administratif.
[23] La nature des motifs invoqués par les intervenants scolaires pour orienter Joël en classe spécialisée à l’école l’Aquarelle est reconnue tant par les témoignages de monsieur Potvin et de madame Vignola, que par les intervenants de la Commission scolaire des Phares, mesdames Turcotte, Dubé et Bélanger.
[24] Mesdames Vignola et Pelletier proposent alors un projet d’intégration de Joël en classe ordinaire comportant la collaboration financière des parents et celle du CRDI quant au support d’une accompagnatrice spécialisée. Celles-ci sont invitées à soumettre leur projet à la direction de la Commission scolaire des Phares.
[25] Une rencontre se tient le 11 juin 2001, à la demande des parents de Joël, qui espèrent que soient alors pris en compte les besoins de socialisation de leur fils et l’intérêt que présente la fréquentation de son école de quartier sur ce plan. Sont présentes à cette rencontre mesdames Bélanger, Dubé, Turcotte, Ouellet et Pelletier.
[26] Le Rapport de rencontre signé par madame Bélanger indique que le but de cette réunion est d'évaluer le plan d’intervention dans un objectif d’assurer la poursuite des interventions pour l’année scolaire 2001-2002[10]. Au début de la rencontre, madame Pelletier fait part de son désir de voir le classement de son fils révisé pour la prochaine année scolaire afin qu'il soit intégré à son école de quartier. Elle réitère son offre de défrayer en partie les coûts inhérents à cette orientation. Lorsqu'elle est informée du maintien de la décision de classement, elle quitte la réunion sans participer à l’élaboration du plan d’intervention.
[27] Mesdames Pelletier et Vignola soumettent ensuite leur projet d’intégration de Joël à son école de quartier à madame Jeanne-Paule Berger, directrice de la Commission scolaire des Phares. Cette dernière refuse de donner suite au projet en alléguant ne pas vouloir créer de précédent.
[28] Le 4 septembre 2001, les parents de Joël effectuent auprès de la direction de la Commission scolaire des Phares une demande de révision du classement de leur fils, et ce par l’entremise de madame Lise Gaudreault, directrice générale de l’Association pour l’intégration sociale, région de Rimouski.[11]
[29] À la suite d’une recommandation faite en ce sens par un comité de révision composé de mesdames Cathy-Maude Croft, secrétaire générale, Marthe Beauchesne, directrice des services éducatifs à la Commission scolaire des Phares et Luce Pigeon, directrice d’école désignée par les deux premiers membres[12], le Conseil des commissaires de la Commission scolaire des Phares adopte, le 19 novembre 2001, la résolution de maintenir la décision de la direction de l’école l’Annonciation, soit le classement en classe spécialisée à l’école l’Aquarelle pour l’année 2001-2002.[13]
[30] Les parents de Joël décident de ne pas l'inscrire à l’école l’Aquarelle pour l’année scolaire 2001-2002, et informent les autorités de la Commission scolaire des Phares qu’ils recherchent une ressource scolaire à l’extérieur du territoire de la Commission scolaire qui puisse accueillir leur fils en classe ordinaire.
[31] De septembre à décembre 2001, Joël fréquente un centre d’apprentissage personnalisé privé de Rimouski. Selon le témoignage de madame Pelletier, les parents ont déboursé 388,50 $ du coût total, qui s’élevait à 1 388,50 $.[14]
[32] Au cours de l'automne 2001, madame Monic Vézina, directrice de l’adaptation scolaire à la Commission scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup, propose à madame Pelletier d’intégrer Joël à l’école Roy de Rivière-du-Loup dont l’organisation des services éducatifs prévoit une intégration des élèves handicapés intellectuellement à mi-temps en classe ordinaire, l’autre mi-temps étant consacré à la scolarisation en classe spécialisée. Par la suite, madame Lucie Gagnon-Labrie, directrice à l'école Roy, propose à madame Pelletier d’accueillir Joël à son école à partir de janvier 2002, ce à quoi ses parents consentent.
[33] Le 16 janvier 2002, madame Pelletier décline une offre visant à lui fournir les services temporaires d’une enseignante à domicile pour Joël, à raison de quatre heures par semaine, jusqu'à ce qu'ils prennent une décision quant à la scolarisation de leur fils.[15] Cette offre a été proposée le 20 décembre 2001 par madame Marthe Beauchesne, directrice des services éducatifs à la Commission scolaire des Phares.
1.1.2 La scolarisation à Rivière-du-Loup (janvier 2002 à juin 2003)
[34] De janvier à juin 2002, Joël fréquente l’école Roy de Rivière-du-Loup, mi-temps en classe ressource spécialisée le matin et mi-temps en classe ordinaire de première année, avec l’accompagnement d’une éducatrice, en après-midi.
[35] Selon madame Dany Beaulieu, l'enseignante de Joël en classe ordinaire, ce dernier s’adapte bien au groupe qui comprend déjà un enfant trisomique et il est bien accepté par les autres élèves. On procède à l’intégration de l'enfant selon une routine d’enseignement dans laquelle il apprend à son rythme, accompagné par une éducatrice qui le dirige dans la réalisation de tâches adaptées. Chaque fois que cela est possible, il est intégré aux activités de la classe pour lesquelles il est parfois jumelé à un autre élève, comme l’informatique. Joël s'adapte bien au fonctionnement de cette routine.
[36] En mai 2002, on procède au classement de Joël pour l’année scolaire 2002-2003. Les intervenants recommandent unanimement la poursuite du même plan de services.
[37] Au cours de l’année scolaire 2002-2003, Joël poursuit sa fréquentation scolaire à l’école Roy, toujours à mi-temps en classe ressource spécialisée le matin et à mi-temps en classe ordinaire de première année, avec accompagnement, en après-midi.
[38] Selon madame Renée Gauvin, éducatrice de Joël et d’un autre enfant trisomique en classe ordinaire au cours de cette année-là, Joël s’intègre bien au groupe, est constamment de bonne humeur et d’agréable compagnie. Au niveau des apprentissages, il progresse lentement, à son rythme.
[39] Le 9 juin 2003, lors de la réunion de classement pour l’année scolaire 2003-2004, madame Gauvin appuie la recommandation que Joël intègre à mi-temps une classe ordinaire de deuxième année, malgré que certains objectifs de première année n’aient pas été atteints, dans le but que celui-ci puisse côtoyer des enfants de son âge et afin de promouvoir le développement de sa socialisation. Selon elle, toutes les personnes présentes sont d’accord avec cette orientation.
[40] Madame Pelletier déclare dans son témoignage être très satisfaite du fonctionnement de son fils à l’école Roy et des progrès qu’il y réalise. Selon elle, le fait de côtoyer des enfants ne présentant pas de déficience intellectuelle en classe ordinaire l’après-midi constitue une stimulation extrêmement importante.
[41] La scolarisation de Joël à Rivière-du-Loup entraîne toutefois d’importantes difficultés pour l’ensemble des membres de sa famille. Ainsi, madame Pelletier déclare qu’elle a dû louer un logement à Rivière-du-Loup, qu’elle a habité sur semaine avec son fils, de février à juin 2002. Le coût de location de ce logement est alors de 320 $ par mois, sans compter le coût du chauffage et de l’électricité.[16] En août 2002, madame Pelletier loue de nouveau un logement à Rivière-du-Loup, qu’elle habite sur semaine avec son fils, de septembre 2002 à août 2003. Le coût de la location de cet appartement est de 395 $ par mois, comprenant le coût du chauffage et de l’électricité.[17]
[42] De janvier 2002 à juin 2003, madame Pelletier réduit de trois à deux jours par semaine son horaire de travail à Rimouski.[18] Des frais de téléphone et d’achat de meubles sont également encourus au cours de cette période.[19]
[43] Dans son témoignage, madame Pelletier décrit les effets psychologiques négatifs qu’elle-même et les membres de sa famille vivent au cours de cette période. Elle assume alors un important surcroît de travail. Elle quitte le lundi pour Rivière-du-Loup où elle habite seule avec son fils jusqu’au jeudi, travaille à Rimouski les vendredi et samedi et prépare le départ pour Rivière-du-Loup, le dimanche. Les déplacements en hiver sont vécus de façon particulièrement difficile pour elle et constituent une source d’inquiétude pour l’ensemble des membres de sa famille.
[44] Elle déclare que pendant presque une année et demie, le couple ainsi que chaque membre de la famille vivent l’impact d’une famille séparée. Le témoignage de monsieur Potvin corrobore celui de son épouse. Celui-ci mentionne :« Ça a changé notre vie complètement […]».
1.1.3 La scolarisation à Rimouski (septembre 2003 à juin 2004)
[45] Le 25 août 2003, une réunion convoquée par les autorités de la Commission scolaire des Phares rassemble mesdames Pelletier, Gaudreau, ainsi que mesdames Beauchesne, Marie Dubé et Sylvie Dubé, directrice de l’école l’Aquarelle. On offre à la mère de Joël de dispenser à son fils, pour l’année scolaire 2003-2004, le même plan de services que celui qu’il a reçu l’année précédente à l’école Roy. Ces services seraient dispensés à l’école l’Aquarelle qui, en plus des classes ordinaires, dispense des programmes enrichis en anglais ou des programmes de sports-études et regroupe l’ensemble des services dispensés aux élèves handicapés présentant des difficultés d’adaptation et d’apprentissage.
[46] En réponse à cette proposition, madame Pelletier demande alors que son fils intègre l’après-midi la classe ordinaire de son école de quartier là où sont ses amis, plutôt que la classe ordinaire de l’école l’Aquarelle. Cette demande lui est refusée pour des motifs d’ordre pédagogique (décrits verbalement lors de la rencontre du 25 août 2003, tel que mentionné dans la lettre du 11 septembre 2003).[20]
[47] Le 3 septembre 2003, les parents de Joël font parvenir une lettre à monsieur Paul Labrecque, directeur général de la Commission scolaire des Phares, dans laquelle ils acceptent la proposition d’intégrer leur fils à l’école l’Aquarelle, en attendant la décision du Tribunal des droits de la personne, suite au dépôt d’une demande introductive d'instance le 23 septembre 2003, tout en signifiant leur volonté de voir ce dernier intégrer éventuellement son école de quartier.[21]
[48] Lors de son témoignage, madame Pelletier explique son insistance à ce que son fils soit intégré à son école de quartier. Elle mentionne que Joël est enraciné socialement dans son quartier, qu’il est bien connu des autres jeunes avec lesquels il a de bonnes relations, qu’il y est inscrit à des activités de loisir, tel le terrain de jeu, auxquelles il est bien intégré. Selon madame Pelletier, ces interrelations constituent un facteur important dans son apprentissage de l’autonomie, et il serait «terrible de déraciner Joël»pour le placer dans un milieu scolaire où il serait confronté à de nouvelles figures d’adultes et de pairs.
[49] Tout au long de l’année scolaire 2003-2004, Joël fréquente donc l’école l’Aquarelle de la Commission scolaire des Phares, mi-temps en classe ressource spécialisée le matin et mi-temps en classe ordinaire de deuxième année, avec l’accompagnement d’un éducateur, en après-midi.
[50] Madame Nathalie Bernard, enseignante de Joël en classe ordinaire au cours de l’année scolaire 2003-2004, a comme mandat de développer les habiletés sociales de Joël selon le modèle, implanté à l’école Roy de Rivière-du-Loup, qui lui est étranger et pour lequel on ne lui a donné aucune indication. L'enseignante est seulement informée du fait que Joël est un enfant trisomique en processus d’intégration. Elle ne reçoit aucune formation spécifique au cours de l’année si ce n’est le soutien d’un technicien éducateur.
[51] De manière constante, elle donne son enseignement aux autres élèves tandis que le technicien éducateur, assis à l’arrière de la classe avec Joël avec lequel il forme un sous-groupe dans le groupe, poursuit avec ce dernier les activités commencées le matin en classe spécialisée. Cette approche soulève certaines difficultés, l’éducateur devant parler en sourdine alors que l’enfant souhaite des interactions plus vivantes et plus intéressantes pour lui.
[52] Madame Bernard nous indique que lorsqu'elle organise des travaux d'équipe, par exemple en arts plastiques et qu’elle tire au hasard des noms d'élèves pour former les groupes, certains des enfants jumelés avec Joël refusent de travailler avec lui. Elle indique aussi que lorsque Joël ne veut pas se rasseoir après qu'elle lui ait demandé de venir écrire un chiffre au tableau, elle le laisse parfois gribouiller sur un coin du tableau tandis qu'elle poursuit son enseignement pour les autres élèves.
[53] Madame Hélène Bujold, enseignante de Joël en classe spécialisée au cours de l’année scolaire 2003-2004, a un groupe d'élèves composé de huit enfants présentant des difficultés importantes, soit de l’autisme, des troubles graves d’apprentissage et de la motricité, ainsi que de la déficience intellectuelle. Selon elle, Joël est un enfant jovial et chaleureux qui a besoin de beaucoup de temps pour acquérir des connaissances et qui est plus autonome dans la réalisation de ses tâches à la fin de l’année 2004, bien qu'il ait encore des progrès importants à faire en ce sens.
[54] Selon mesdames Bujold et Lucie Émond, orthopédagogue, Joël a besoin d’un endroit comprenant de nombreux référents visuels, adaptés à ses besoins et à ses capacités, afin que ses apprentissages académiques soient facilités par la répétition et les références à ce qu’il connaît. Or, selon madame Bernard, les repères visuels dans la classe ordinaire sont les mêmes pour tous les élèves et aucun n'est spécialement adapté à Joël.
[55] Madame Marie Dubé occupe le poste de coordonnatrice en adaptation scolaire à la Commission scolaire des Phares au cours de l’année scolaire 2003-2004. Une de ses principales fonctions consiste à soutenir la direction de l’école et les enseignants dans leurs tâches auprès des élèves handicapés et en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Elle s’assure notamment que les enseignants qui oeuvrent auprès de cette clientèle possèdent la formation requise, au moyen de formations spécialisées. Cependant, madame Dubé reconnaît que comme Joël a été inscrit à l’école l’Aquarelle le jour même de sa rentrée à l’école, madame Bernard est informée à ce moment seulement du fait qu’il est un enfant trisomique en intégration et elle ne reçoit aucune formation spécifique au cours de l’année, si ce n’est le soutien d’un éducateur spécialisé.
[56] À l’automne 2003, une demande d’évaluation en orthopédagogie est faite par les intervenants scolaires afin de préciser les acquisitions scolaires et les besoins de Joël au plan des apprentissages. L'évaluation produite par madame Émond, en avril 2004, est réalisée à la suite des observations effectuées auprès de Joël en décembre 2003 et en janvier 2004, et ce, sans qu'il y ait consultation du dossier complet de Joël depuis 1999.
[57] Madame Émond déclare qu’elle n’a pas fait de recherche spécifique sur la trisomie 21 au plan théorique, mais qu’elle connaît certaines de ses caractéristiques au plan du mode d’apprentissage.
[58] Les conclusions et les recommandations de madame Émond se fondent essentiellement sur une évaluation des apprentissages de l’enfant en lecture, en écriture et en mathématiques. Concernant l’intégration de Joël en classe ordinaire, elle écrit :
Nous avons pu observer Joël dans la classe de premier cycle (2e année). Il est évident pour nous que les contenus d’apprentissage n’apparaissent pas ou peu appropriés, offrant à Joël un contexte pédagogique trop formel et trop abstrait pour lui permettre de mettre en valeur ses connaissances et de les partager avec les pairs dans une situation d’apprentissage. [22]
Elle recommande :
Que Joël puisse évoluer dans des groupes restreints qui pourront lui fournir un contexte d’apprentissage plus ludique, fonctionnel et interactif qui respecte son rythme et son mode d’apprentissage plus concret.[23]
[59] Au cours de l’année scolaire 2003-2004, le cheminement scolaire de Joël est encadré par un comité d’aide pédagogique. Ce comité se réunit une première fois, le 22 octobre 2003, dans le but de jeter les bases d’un plan d’intervention pour Joël. [24] Ce plan est finalement adopté, lors de la rencontre du 8 décembre 2003[25], sans examen préalable du modèle de Rivière-du-Loup.
[60] À la fin de l’année scolaire, soit le 16 juin 2004, le comité d’aide pédagogique se réunit dans le but d’effectuer une Évaluation du plan d’intervention. [26] Participent à cette réunion mesdames Pelletier, Bujold, Bernard, Vignola, Marie Dubé, Sylvie Dubé et monsieur Olivier Caron, l’accompagnateur de Joël en classe ordinaire.
[61] Les intervenants font alors un rapport de l’évolution de Joël à l’école. Un bilan des apprentissages académiques situe Joël«aux niveaux de pré-écriture; pré-lecture, pré-mathématiques. » Il est noté que :
«Les attitudes scolaires deviennent plus intégrées. […] Joël est en progrès, en classe régulière. Il est plus capable de garder sa concentration sur son activité. [toutefois] Il a besoin d’être motivé par un renforçateur pour faire le travail. - Joël a amélioré sa participation dans le cadre des discussions - Il s’intéresse plus au sujet des autres. »[27]
[62] À la section Recommandations après évaluation du plan d’intervention de ce même document,[28] on peut lire que:
- Sylvie redonne les éléments à retenir au plan d’intervention pour la poursuite en 2004-2005.
- Madame nous indique qu’elle ne s’engage pas et ne signe pas le plan d’intervention tant que les décisions ne seront pas prises dans le dossier de Joël. Elle ne sait pas si Joël reviendra à cette école - on verra à l’automne.
- Madame nous informe que Joël termine sa classe le vendredi 18 juin 2004, car madame part pour Montréal.
- Hélène remet le bulletin à la mère, pour signature ainsi que les bulletins des spécialistes que madame devra retourner par Joël le 18 juin 2004.
[63] Le bulletin scolaire 2003-2004 de Joël [29], indique à la première page: Classement en 2004-2005, en classe spécialisée.
[64] Lors de son témoignage, madame Pelletier déclare que lorsqu'on lui remet le bulletin, le 16 juin 2004, elle ne voit pas la mention Classement en 2004-2005, en classe spécialisée. Elle ne voit cette mention que plus tard, sur le document qu'on lui signifie dans le cadre du recours intenté au Tribunal des droits de la personne, soit la pièce D-34. Madame Pelletier déclare qu’elle n'est alors pas autrement informée de ce classement.
1.2. Les expertises
1.2.1. Les évaluations de Joël Potvin
· L'évaluation de madameNathalie Poirier
[65] Madame Nathalie Poirier, psychologue, fait une évaluation de Joël, en mai 2004, à la demande de la Commission des droits de la personnes et des droits de la jeunesse. Elle produit un rapport d'évaluation en juillet 2004. Elle indique que ce sont principalement les habiletés sociales développées par l'enfant Joël qui détermineront sa qualité de vie à l’âge adulte.
[66] Bien que son fonctionnement social constitue une force chez Joël, son développement en ce sens est loin d’être terminé, puisque les habiletés à communiquer socialement évoluent avec l’âge chronologique. Joël devra donc poursuivre son développement et ses apprentissages dans cette sphère tout au long de son enfance et de son adolescence. L’école ayant comme objectif de rendre l’élève le plus fonctionnel et autonome possible, elle doit poursuivre son travail auprès de Joël en vue de favoriser le développement de sa socialisation, et ce, tout au long des cours de niveau primaire et du secondaire.
[67] Dans son rapport, madame Poirier analyse les compétences et les besoins de Joël identifiés lors des différentes évaluations dont il a fait l’objet, au cours des années antérieures, en psychologie, en orthophonie, en ergothérapie et en orthopédagogie. Les résultats de son analyse l’amènent à constater que le volet des apprentissages académiques de Joël est très bien évalué, mais que les différents spécialistes ne tiennent pas suffisamment compte du volet de sa socialisation et de l’importance de cette dimension tant dans son cheminement scolaire que dans l’acquisition de son autonomie. Elle écrit en ce sens :
Cependant, en analysant le tableau ci-dessous relatant les compétences et les difficultés notées à l’intérieur des différents documents, il apparaît que l’exposition des compétences de la sphère sociale semble réduite. Tous les professionnels s’accordent pour mentionner d’excellentes compétences dans ce sens, mais aucun ne met cette sphère en valeur comme quoi cette facilité ne pourrait pas améliorer la condition scolaire de Joël. [30]
[68] Sa propre expertise indique qu’au plan des habiletés sociales chez Joël, les scores standards rapportent des données dans la normale, soit des données fonctionnelles pour un enfant de dix ans.[31]
[69] Sur le plan de la socialisation, Joël apprend par imitation sociale et en ce sens, il a besoin d’évoluer dans un milieu qui lui offre des modèles d’interactions sociales acceptés et valorisés dans la vie en société de tous les jours. À son avis, la classe ordinaire constitue un milieu beaucoup plus propice que la classe spécialisée aux fins de développer ses comportements adaptatifs.
[70] Madame Poirier s’inquiète également de la possibilité que Joël ne développe, toujours par imitation, des modèles de comportements inappropriés présents en classe spécialisée car au moment de l’évaluation de sa personnalité, les tests administrés «ne montrent aucun résultats problématiques. Ce qui signifie que Joël ne présente pas de comportement ni d’attitude se décrivant comme étant agressive, irresponsable ou renfermée. »[32]
[71] Questionnée sur la manière de rendre Joël fonctionnel au plan des matières de base à l’école, madame Poirier se réfère au rapport de l’orthopédagogue Lucie Émond qui comporte des recommandations concrètes en ce sens, dont plusieurs suggestions en vue de rattacher les activités d’apprentissage à l’univers concret de Joël et de leur faire prendre racine dans son vécu quotidien.[33] Madame Poirier ne partage pas l'opinion des spécialistes qui évaluent principalement la sphère des apprentissages académiques chez Joël en fonction d’une fréquentation à plein temps d’une classe spécialisée :
Contrairement à certains professionnels, je ne crois pas qu’une fréquentation à mi-temps en classe ordinaire causerait préjudice à Joël. Au contraire, certains intervenants ont précisé que Joël avait progressé de façon intéressante dans un tel cadre.[34]
[72] Madame Poirier reconnaît que Joël présente des limites sur le plan des apprentissages académiques, qu’il faut se préoccuper de ses besoins sur ce plan et elle indique que les modalités de scolarisation à l’école Roy de Rivière-du-Loup sont adéquates en ce sens. Selon madame Poirier, transformer le matériel pédagogique, utiliser du matériel différent ou des moyens alternatifs sont des interventions possibles en classe ordinaire.
[73] Madame Poirier témoigne avec clarté et précision, en tenant compte de l’ensemble des éléments qui ont été portés à son attention. Dans son appréciation des différents aspects de la situation ainsi que dans ses recommandations, elle fait montre d’impartialité et d’objectivité, en présentant les différents points de vue et en les commentant de façon nuancée.
· L’évaluation de Madame Lorraine Doucet
[74] Madame Doucet, orthopédagogue et spécialiste en réadaptation scolaire[35], présente un bilan du développement de Joël en se basant essentiellement sur ses résultats au test qu’elle lui a administré en juin 2004[36] (ÉQCA) et ce, à la demande de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
[75] Elle explique devant nous que l’ÉQCA est une échelle de développement de l’enfant portant sur différentes sphères de son vécu. Cette échelle fournit un quotient de développement qui s’exprime en pourcentage. Les résultats sont présentés en deux parties, la première ayant trait aux comportements adaptatifs (communication, socialisation, autonomie, habiletés préscolaires/scolaires et loisirs). La seconde partie a trait aux comportements inadéquats.
[76] Madame Doucet indique deux façons de traiter les données recueillies pour obtenir le quotient de développement dans chacune des sphères de développement. Une première méthode consiste à soumettre les données recueillies à un traitement informatique, à l’aide d’un logiciel conçu spécifiquement à cette fin. Une seconde méthode, celle qu’utilise madame Doucet, consiste à diviser le nombre d’items réussis dans une sphère par le nombre total d’items évalués dans cette sphère et à le multiplier par cent. Le quotient global de développement est obtenu en effectuant une moyenne des quotients de développement des différentes sphères évaluées.
[77] Concernant l’apprentissage de la lecture, madame Doucet mentionne que Joël est présentement en mesure d’identifier 37 mots globaux de la méthode Mémo en se référant à l’image. Pour l’apprentissage de la lecture, madame Doucet préconise l’utilisation de la méthode globale avec pictogrammes. Elle souligne également l’importance de travailler concurremment la méthode syllabique.
[78] Concernant l’apprentissage des mathématiques, Joël reconnaît les chiffres de 1 à 10. Il est cependant encore incapable d’effectuer des opérations de calcul de base. Madame Doucet préconise l’utilisation de la méthode SAFCO afin d’aider Joël à progresser dans l’apprentissage des mathématiques; elle indique que cette méthode est également recommandée dans le rapport de l’orthopédagogue Lucie Émond.[37]
[79] Concernant le langage de Joël, madame Doucet se prononce ainsi: «Son langage contextuel avec le soutien des éléments de l’environnement est tout à fait adéquat et compréhensible.»[38], ce qui d’ailleurs est aussi repris, comme nous le verrons, par madame Francine Lussier, qui estime que contrairement à ce qui est fréquemment observé dans le syndrome de Down, le langage est la fonction cognitive qui est la mieux préservée chez Joël. Ceci sera cependant contredit par madame Bourdère Andréou, orthophoniste certifiée, qui évalue Joël en mai 2004 et qui mentionne dans son rapport que l’enfant présente un retard sévère au niveau du développement langagier tant au niveau réceptif qu’expressif.[39]
[80] Ajoutons aussi que le madame Francine Lussier estime, comme nous le verrons plus loin, que des erreurs méthodologiques importantes se retrouvent dans l’administration de l’échelle ÉQCA.
[81] Au terme de son témoignage, madame Doucet recommande que Joël intègre une classe ordinaire à plein temps.
· L’évaluation de mesdames Nancy Labrecque et Marie-Josée Berberi
[82] Madame Labrecque évalue Joël à titre d’ergothérapeute à l’emploi du Centre Régional d’Ergothérapie pour le Développement de l’Enfant (CREDE) et ce, en mai 2004, à la demande de la Commission scolaire des Phares.
[83] Madame Berberi témoigne à l'effet qu'elle a supervisé le travail de madame Labrecque, à titre de responsable du CREDE, et signé le rapport d’évaluation dans le but de le valider. Elle déclare ne pas avoir examiné Joël, ne pas l’avoir observé en classe et ne pas avoir lu son dossier, éléments que le Tribunal prend en compte dans l’évaluation de ses recommandations.
[84] Les résultats des tests administrés à Joël par madame Labrecque montrent un retard important dans l’acquisition d’habiletés dans les sphères de la motricité globale, de la motricité fine ainsi que sur le plan perceptivo-cognitif. Elle compare les habilités de Joël sur ces différents plans à celles d’un enfant d’environ 4 ans - 4 ½ ans.
[85] Madame Labrecque indique les conséquences de ces limitations sur les capacités de Joël à effectuer des tâches d’apprentissage scolaire :
Les problèmes mentionnés ci-haut entraînent des difficultés au niveau de l’écriture, du dessin, de l’organisation et de l’autonomie dans la tâche, de la compréhension et de l’exécution d’une activité complexe. Pour ces raisons, l’adaptation des activités est nécessaire pour permettre à Joël de réussir les tâches et ainsi favoriser son développement et ses apprentissages académiques. [40] (nous soulignons)
[86] Après avoir observé Joël en classe, celle-ci constate que :
En classe spécialisée (avant-midi), les activités sont adaptées pour que Joël effectue les mêmes activités que ses pairs, mais en fonction de son potentiel. Il accomplit donc la tâche, mais avec la supervision de l’éducatrice. Les moyens utilisés en classe spécialisée (avant-midi) nous semblent donc adéquats.
Par contre, lors de la période de l’après-midi avec l’éducateur, nous constatons que ce dernier est toujours présent avec lui, ce qui peut nuire au développement de son autonomie dans sa tâche. L’éducateur aide Joël à toutes les étapes de l’activité. Joël ne peut alors s’approprier le travail et apprendre à résoudre certaines difficultés de lui-même. Nous croyons également que l’intégration n’est pas nécessairement bénéfique pour Joël dans l’optique que la majorité du temps, il n’effectue pas les mêmes tâches que les autres élèves et ne peut donc pas observer les autres enfants dans l’accomplissement de leurs activités (il ne peut donc pas les imiter). De plus, il ne peut pas partager avec ses pairs dans une situation d’apprentissage académique. Autre point important, en changeant ainsi de classe dans l’après-midi, les activités débutées le matin sont rarement terminées. Par conséquent, il devient abstrait pour Joël de vouloir terminer une tâche de façon adéquate (Ex : terminer un projet et vouloir le montrer aux autres). Ceci affecte donc sa motivation à faire un travail bien fait et peut aussi altérer son estime de soi (comme il n’a pas souvent l’occasion de terminer un travail, il manque la satisfaction ou la valorisation qu’il peut en retirer). Sachant aussi que ces enfants bénéficient beaucoup d’une routine pour favoriser leurs apprentissages, on peut se questionner sur la pertinence d’un tel fonctionnement scolaire pour Joël.
Notons pour terminer, que Joël participe bien aux différentes discussions tant en classe spécialisée qu’en classe régulière. Il lève la main et partage ses opinions, même s’il a parfois besoin d’être recentré vers le sujet abordé. La socialisation est chez lui un point fort.[41]
[87] Au terme de son témoignage, madame Labrecque, selon elle, recommande que Joël poursuive sa scolarisation dans une classe adaptée qui va répondre de façon plus optimale à ses besoins.
[88] Madame Labrecque témoigne de façon peu affirmative. À quelques reprises, à tout le moins, elle refuse de répondre à la question qu'on lui pose, préférant que ce soit madame Berberi elle-même qui réponde à la question.
· L’évaluation de madame Delphine Bourdère Andréou
[89] Madame Bourdère Andréou, à la demande de la Commission scolaire des Phares, rencontre Joël individuellement, en mai 2004, pour effectuer l’évaluation orthophonique proprement dite. Elle observe également l’enfant en classe spécialisée, en classe ordinaire ainsi qu’au service de garde. Elle écrit :
Dans la classe spécialisée, il entre en interaction avec son voisin de pupitre, un enfant très verbal arrivé au mois de janvier et à peu près du même niveau académique que lui. Un lien d’amitié se tisse entre eux deux. Avec les autres, qui progressent plus rapidement au niveau académique, il y a très peu d’interactions. Joël n’avait pas réellement d’ami avant janvier. Par contre, dans le « coin-jeu », alors que trois enfants de la classe parlent entre eux, il s’installe à l’écart.
Il est capable de demander de l’aide auprès des intervenantes. Lors de la causerie du lundi matin au cours de laquelle Joël doit parler devant le groupe de ses activités de la fin de semaine, les intervenants s’aident du cahier de correspondance entre parents et école dans lequel la famille écrit ce que l’enfant a fait à la maison.
Dans la classe régulière, il est placé avec Olivier, son accompagnateur au dernier rang et exécute la majeure partie du temps des tâches différentes de celles des autres élèves ce qui ne favorise pas les interactions. En réalité, il est surtout en contact avec Olivier. On note cependant quelques beaux moments avec un autre enfant de cette classe, notamment lors du cours d’éducation physique. Joël le cherche, se colle contre lui, lui parle. Il est à noter que cet enfant sort lui-même d’une classe spécialisée et vient de réintégrer une classe régulière mais qu’il est un peu marginalisé par rapport au reste de la classe. Les autres enfants l’acceptent dans leur équipe mais il y a peu d’échanges. Joël a mis beaucoup de temps avant d’apprendre leurs prénoms. Il adresse parfois la parole à certains d’entre eux.
Il suit à peu près les consignes données par l’enseignante mais il a parfois besoin que ce soit nominatif pour se sentir concerné. Il est aussi nécessaire qu’Olivier lui redonne une à une les consignes séquentielles données par l’enseignante.
Il y a eu un moment au cours de l’hiver où Joël exprimait clairement qu’il préférait rester dans la classe spécialisée toute la journée et poursuivre les activités entreprises le matin avec ses camarades.[42]
[90] Sur le plan orthophonique, madame Au terme de son témoignage, madame Doucet recommande que Joël intègre une classe ordinaire à plein temps.
[91] résume les résultats de son évaluation de Joël en ces termes :
La présente évaluation orthophonique de Joël effectuée en mai 2004 montre que l’enfant présente un retard sévère au niveau du développement langagier tant au niveau réceptif (compréhension) qu’expressif. L’accès au langage écrit pour sa part n’en est encore qu’au début. [43]
[92] Ses observations de Joël en classe lui permettent toutefois de constater que bien qu’il présente des difficultés à prononcer correctement les mots, il réussit néanmoins à faire comprendre son message mais se réfère beaucoup au non verbal pour comprendre les consignes.
[93] Bien que selon madame Bourdère Andréou le langage d’un enfant puisse se développer par imitation, Joël a besoin de plus que l’imitation de ses pairs pour développer son langage et ce, en raison de la sévérité de son retard. Elle préconise le recours à tout ce qui est visuel comme le pictogramme et la gestuelle afin de le stimuler. Au niveau de l'apprentissage du langage écrit, elle préconise le recours à une méthode de lecture globale, plutôt que syllabique, avec laquelle on travaille avec des mots qui ont un sens pour Joël, telle que la méthode VPL.
[94] En conclusion, madame Bourdère Andréou indique :
En ce qui concerne l’intégration en classe régulière, il est essentiel qu’il en retire un bénéfice. Or, étant donné l’écart qui existe entre son niveau d’apprentissage (préscolaire) et celui atteint par les enfants de son âge, une intégration au niveau académique n’et pas envisageable. En l’occurrence, cette année, il est au fond de la classe régulière avec un accompagnateur qui lui fournit les tâches venant de la classe spécialisée. Ils forment en fait un sous-groupe à eux deux, ce qui ne favorise pas non plus une réelle intégration sociale mais plutôt une intégration physique. Il est très dépendant d’Olivier qui ne s’occupe que de lui. Je recommande d’ailleurs vivement aux parents d’aller observer leur enfant dans les deux classes qu’il fréquente comme les enseignants le leur ont offert.
Comme je l’ai écrit plus tôt, Joël entre en interaction avec les adultes et avec quelques enfants souvent eux-mêmes marginalisés.
Il me semble plus pertinent d’aménager son horaire afin de lui permettre d’assister, comme il le fait déjà, à des cours réguliers dans des matières plus propices aux échanges comme l’éducation physique ou les arts plastiques ou encore durant les récréations et au service de garde. Il est important qu’il puisse se considérer comme membre d’un groupe à part entière ce qui n’est pas le cas actuellement, qu’il s’y fasse des amis, qu’il développe sa propre identité.[44]
[95] Le Tribunal constate qu’en formulant ses recommandations, l’expert ne tient pas compte, de façon significative, de la dimension de la socialisation qui est pourtant, avec l’instruction et la qualification, un des trois objectif fondamentaux de l’école québécoise à l’égard des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.
· L’évaluation de madame Francine Lussier
[96] Madame Lussier, neuropsychologue, à la demande de la Commission scolaire des Phares, présente un bilan du fonctionnement cognitif de Joël, qui le situe de manière globale, au niveau de la déficience modérée :
Joël est un jeune enfant qui présente une trisomie 21 associée à une déficience modérée. L’aspect le plus et le mieux développé chez cet enfant est sans contredit l’aspect de la socialisation certainement grâce, du moins en partie, à l’encadrement parental qui a toujours misé sur cette valeur.
De même, contrairement à ce qui est fréquemment observé dans le syndrome de Down, le langage est la fonction cognitive qui est la mieux préservée chez Joël. On peut encore affirmer qu’il en est ainsi grâce aux bons soins des parents qui l’ont toujours bien stimulé. Pour cette fonction, on peut même stipuler un niveau de fonctionnement de déficience légère. Les fonctions visuo-motrices et visuo-praxiques, visuelle et visuo-spaciales sont moins bien développées que les fonctions du langage mais demeurent assez fonctionnelles pour sa condition.
Les fonctions les plus affectées par sa condition sont les fonctions attentionnelles et mnésiques de même que le raisonnement. Par contre, on a constaté tout au cours de l’évaluation que Joël est un enfant qui réagit bien aux nouveaux apprentissages, qu’il y manifeste de l’intérêt dans la mesure où on apporte un encadrement adéquat, des outils et des stratégies appropriées à sa condition, même s’il nécessite plus de temps pour les réaliser.[45]
[97] Madame Lussier souligne que les déficits cognitifs que présente Joël entraînent chez lui un retard important sur le plan des apprentissages académiques. Dans la conclusion de son rapport, elle formule un pronostic sur la capacité de Joël d’effectuer des apprentissages académiques d’ici la fin de sa scolarisation :
Avec une déficience de légère à modérée selon les fonctions évaluées, on peut escompter qu’à la fin de sa scolarisation (soit vers 21 ans), le jeune pourrait avoir acquis des compétences d’un élève de 4ième année primaire, ce qui lui donnerait la chance de pouvoir lire, écrire et compter de façon fonctionnelle.[46]
[98] Madame Lussier estime que si Joël peut faire l’apprentissage de compétences relatives aux activités de la vie quotidienne par imitation, «ce n’est pas le cas pour l’apprentissage de matériel plus abstrait tel la lecture, l’écriture et le calcul [qui] se font grâce à une pédagogie adaptée[47]»et pour lesquels elle recommande que Joël soit intégré «dans une classe à effectif restreint en adaptation scolaire.»[48]
[99] Le Tribunal constate que madame Lussier n’a d’autre choix que de recommander une orientation de Joël en classe spécialisée, en vue de maximiser ses apprentissages dans les matières académiques, du fait que la pédagogie adaptée que nécessite sa limitation intellectuelle est dispensée en classe spécialisée dans le cadre actuel d’organisation des services pédagogiques aux élèves handicapés à la Commission scolaire des Phares.
[100] Madame Lussier fonde sa recommandation de classe spécialisée sur le fait que la socialisation de Joël est déjà passablement développée et sur l’importance de mettre l’accent sur l’acquisition de connaissances académiques par rapport auxquelles Joël accuse actuellement un retard important, et ce en vue de le rendre autonome.
[101] Le Tribunal note que cette opinion va à l’encontre de celle de madame Poirier selon laquelle les habiletés sociales qu'aura développées Joël sont déterminantes du point de vue de sa qualité de vie à l’âge adulte, et qu’il est impératif que celui-ci poursuive ses apprentissages au plan de la socialisation tout au long de son cours primaire et de son cours secondaire.
[102] Madame Lussier est d’avis que la fréquentation d’une classe spécialisée peut être bénéfique pour Joël au plan de la socialisation, en lui offrant la possibilité d’avoir des échanges compétitifs valorisants avec des pairs du même niveau que lui sur le plan académique.Ici encore, cette opinion s'oppose à celle de madame Poirier qui estime que l’immersion de Joël dans une classe où évoluent des enfants de son âge et ne présentant aucun déficit intellectuel constitue le meilleur moyen de favoriser chez lui l’acquisition d’habiletés à communiquer et socialiser avec ses pairs, en vue de s’insérer harmonieusement dans la société.
[103] Le Tribunal accorde crédit à l’analyse de madame Poirier qui, tout en reconnaissant l’importance de favoriser chez Joël l’apprentissage des matières de base en vue de lui permettre d’acquérir son autonomie, estime néanmoins que la qualité de son insertion sociale au cours de sa vie adulte reposera davantage sur sa capacité à communiquer et à échanger harmonieusement avec les personnes de son entourage.
[104] Le Tribunal retient également l’opinion de madame Poirier quant au fait que la classe régulière constitue le milieu le plus susceptible d’aider Joël à se développer au plan de la socialisation.
[105] À la question du Tribunal sur la façon dont elle voit l’intégration d’un enfant en difficulté en classe régulière, madame Lussier répond que cela dépend des besoins de l’enfant.
[106] Appelée à préciser si cela ne dépend que des besoins de l’enfant, le témoin répond que cela dépend également de la réalité, soit la possibilité d’adapter pour cet enfant une pédagogie qui a du sens pour lui.
[107] Par ailleurs, madame Lussier, signale au Tribunal des erreurs importantes commises par madame Doucet dans l’administration du test ÉQCA. Pour valider ses commentaires, madame Lussier se renseigne auprès de l’auteur du test. Son premier commentaire concerne le fait que depuis 1997, pour que les résultats du test soient valides, celui-ci doit comporter la version des parents et la version des enseignants. Or madame Doucet ne base ses résultats que sur une seule des deux versions. Madame Lussier est également surprise de constater que les résultats sont présentés en pourcentages, ce qui selon elle ne se fait jamais avec cet outil d’évaluation. Enfin, pour que les résultats soient valides, le traitement des données doit être soumis à un traitement statistique informatisé comportant un algorithme complexe, procédure à laquelle madame Doucet ne soumet pas ses données.
[108] Nous retenons la critique de madame Lussier sur la validité des résultats obtenus par madame Doucet au test ÉQCA, ce qui, comme nous l’avons déjà mentionné, sape considérablement la fiabilité des informations sur le développement de Joël mentionnées par madame Doucet dans son rapport et dans son témoignage.
1.2.2 L’expertise relative aux principes de la pédagogie inclusive
[109] La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait entendre madame Alice Bender, consultante en pédagogie inclusive, qui dépose le Rapport concernant la cause de l'élève Joël. [49]
[110] La pédagogie inclusive s’appuie, selon madame Bender, sur le principe que«tous les enfants peuvent apprendre mais pas nécessairement au même rythme. » Ceci implique donc que « l’école et la classe doivent s’adapter aux besoins, intérêts et aptitudes des élèves en pratiquant une pédagogie différenciée» afin de favoriser et de valoriser la participation de tous les élèves.[50]
[111] La réussite d’un tel projet implique, selon cet expert, la mise en œuvre d’une organisation des services, à l’école et dans la classe, qui nécessite l’actualisation de moyens pédagogiques adaptés, tant au plan de l’enseignement que de l’évaluation des progrès de l’enfant.
[112] En pédagogie inclusive, l’enseignant doit être en mesure de diversifier son approche pédagogique de façon à répondre aux besoins et aux capacités de chaque élève.
[113] À cet effet, madame Bender insiste sur l’importance de dispenser de la formation aux enseignants des classes ordinaires sur la pédagogie différentielle, et d’adapter le matériel pédagogique de la classe ordinaire aux élèves en difficulté.
[114] Afin de promouvoir l’acquisition de l’autonomie chez les élèves en difficulté, elle préconise «de prévoir de moins en moins de soutien direct à l’enfant sans nécessairement réduire le soutien à l’enseignant. »[51]
[115] Interrogée sur les avantages de l’intégration en classe ordinaire pour les élèves handicapés intellectuellement, madame Bender souligne le rôle important que joue l’école dans la socialisation des enfants. Plusieurs habiletés sociales ne s’apprennent qu’en présence d’enfants du même âge qui ne présentent pas de déficit de développement. Les interactions sociales en classe ordinaire fournissent aux élèves en difficulté des modèles de comportements et de stratégies de communication socialement acceptables qu’ils assimilent par imitation.
[116] Concernant l’apprentissage académique chez les enfants handicapés intellectuellement, madame Bender mentionne qu’il faut viser l’essentiel dans ce domaine, soit une base de français pour communiquer et une base de mathématiques pour gérer les nombres. L’intégration d’un enfant handicapé intellectuellement en classe ordinaire ne pose pas de problème aux autres élèves qui bénéficient de cette expérience pour s’ouvrir à la différence. L'école devient en ce sens une école de la vie pour tous les enfants.
[117] Interrogée sur la formule mi-temps classe spécialisée mi-temps classe ordinaire, madame Bender répond que cette formule est plus exigeante pour l’enfant du fait qu’il doit s’adapter à deux milieux différents et qu’il lui est plus difficile de développer alors un sentiment d’appartenance, un élément important pour favoriser sa socialisation.
[118] Madame Bender expose au Tribunal différents projets en intégration scolaire qu’elle a réalisés, d’abord comme enseignante et comme directrice d’école à la Commission scolaire Riverside, puis comme personne ressource au ministère de l’Éducation du Québec auprès d’écoles qui ont implanté la pédagogie inclusive. Ces réalisations démontrent clairement qu’il est effectivement possible d’intégrer avec succès en classes ordinaires des élèves qui présentent de sérieuses difficultés sur le plan des apprentissages.
1.3 Les politiques de la Commission scolaire des Phares relatives à l’organisation des services aux élèves handicapés et en difficulté d’adaptation et d’apprentissage.
[119] Afin de se conformer à ses obligations légales en matière de services éducatifs destinés aux élèves handicapés ou en difficulté, la Commission scolaire des Phares a adopté, en 1998, la Politique relative à l'organisation des services aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage[52]. En réponse à la politique d’adaptation scolaire adoptée par le Ministère de l’Éducation en 1999[53], la Commission scolaire des Phares a adoptée, en 2002, une nouvelle politique en remplacement de celle de 1998 : la Politique relative à l'organisation des services aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage[54]. Dépendamment de la période où les faits en litige ont pris place, l’une ou l’autre de ses politiques s’appliquent. Nous résumerons donc les dispositions les plus pertinentes.
[120] L'article 7.0 (articles 7.1 à 7.9) de la politique de 1998 prévoit, comme modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, qu'un élève admis pour la première fois à la Commission scolaire doit faire l'objet d'une évaluation de ses capacités et que ses besoins doivent être identifiés avant de procéder à son classement. Les parents et l'élève sont invités à participer à l'ensemble du processus d'évaluation.
[121] Les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention sont prévues à l'article 10.0 (10.1 à 10.6) de la politique de 1998. On y énonce que la direction de l'école s'assure que l'élève, s'il en est capable, ses parents et les intervenants directement concernés, participent à l'élaboration du plan.
[122] La politique de 2002 a pour principes directeurs de placer l'adaptation des services éducatifs aux élèves handicapés ou en difficulté comme première préoccupation de toute personne intervenant auprès d'eux, et de leur offrir ces services en s'appuyant sur l'évaluation individuelle de leurs capacités et besoins, dans le milieu le plus naturel et le plus près possible de leur lieu de résidence et en privilégiant l'intégration à la classe ordinaire, lorsque les conditions prévues à l'article 235 de la Loi sur l'instruction publique se trouvent réunies. L’article premier et introductif de la politique établit la volonté de la Commission scolaire de donner les meilleures chances de réussites possible à l’élève qui lui est confié afin de l’instruire, de le socialiser et de le qualifier.
[123] À cet égard, l'article 6.0 de cette politique donne certaines orientations à la Commission scolaire des Phares, telle l'adoption d'un modèle de services adaptés à options diverses, selon les besoins de l'enfant. Des huit options proposées par ce « système en cascade », deux sont à l'école du quartier et en classe ordinaire, avec ou sans soutien pédagogique ou professionnel pour l’enseignant. Cependant dès qu’un soutien pédagogique ou professionnel est requis par l’élève ou encore s’il reçoit un enseignement spécialisé, ce système en cascade prévoit que la classe régulière lui sera offerte non pas dans son école de quartier mais « dans une école désignée ».
[124] L'article 7.0 (articles 7.1 à 7.12) de la politique de 2002 énumère les modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Ainsi, lorsqu'au moment de l'admission ou à la suite de l'inscription d'un élève, des difficultés particulières sont observées et signalées, une évaluation de ses capacités et besoins est effectuée, en vue de mesures préventives ou correctives et non pour le catégoriser. Les parents de l'élève ont la droit d'être consultés quant à l'évaluation de leur enfant et sont invités à participer au comité ad hoc constitué à cette fin. La direction de l'école favorise la participation des parents à l'évaluation et ne décide du classement d'un élève handicapé ou en difficulté qu'après la démarche d'évaluation de ses capacités et de ses besoins.
[125] L'article 8 de la politique de 2002 prévoit les modalités d'intégration harmonieuse et d'organisation des services d'appui pour les élèves handicapés et les élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Cette intégration peut se réaliser en classe ordinaire : elle peut être totale ou partielle; ou bien se réaliser par la participation de l’élève, selon ses capacités, aux activités de l’école ordinaire tout en recevant ses activités d’apprentissage dans un groupe à effectif réduits regroupant des élèves en difficulté d’apprentissage. Des services d’appui à l’élève ainsi que des services de soutien à l’enseignant sont alors prévus de façon spécifique afin de faciliter l’adaptation de l’enseignement et soutenir l’enseignant dans sa tâche auprès des élèves.
[126] L'article 10 de cette politique indique pour sa part qu'un plan d'intervention doit être établit en tenant compte de l'évaluation des capacités et des besoins de l'élève, en concertation avec la direction de l’école, les parents de l’élève handicapé ou en difficulté d’apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève ainsi qu’avec l’enfant lui-même, si cela est possible. Ce plan d’intervention, est en quelque sorte l’outil essentiel de planification et de coordination qui établit la définition du problème, les objectifs éducatifs ainsi que les moyens choisis pour les atteindre. La direction de l'école s'assure de la contribution de tout intervenant et voit à ce que les mesures mises en place répondent aux besoins de l'élève dans les domaines de l'instruction, de la socialisation et de la qualification. La direction de l'école informe régulièrement les parents de l'élève de la réalisation et de l'évaluation périodique du plan d'intervention.
[127] L'enseignant doit appliquer les modalités d'intervention pédagogique correspondant aux besoins et objectifs d'un groupe ou d'un élève et choisir les instruments d'évaluation qui lui sont confiés afin de mesurer et d'évaluer constamment et périodiquement les besoins et l'atteinte des objectifs par rapport à chacun des élèves qui lui sont confiés, en se basant sur les progrès réalisés. Il est invité à œuvrer de façon préventive et à adapter ses interventions pédagogiques.
2. Le droit à l'égalité, sans discrimination fondée sur le handicap, dans la jouissance et l'exercice du droit à l'instruction publique gratuite, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi .
[128] Le droit d'un élève handicapé de jouir et d'exercer sans discrimination son droit à l'instruction publique gratuite, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, a connu une évolution significative tant dans les principes jurisprudentiels ayant balisé l'interprétation des textes législatifs applicables en la matière que dans les modifications apportées, en concomitance, à ces derniers.
2.1.1 Le droit international
[129] Le Tribunal[55] et la Cour d'appel[56] ont examiné, dans l'affaire St-Jean-sur-Richelieu, certains instruments internationaux susceptibles d'éclairer l'interprétation à donner au droit d'une personne handicapée de jouir en pleine égalité de son droit à l'instruction publique gratuite, dans la mesure prévue par la loi.
[130] La Convention relative aux droits de l'enfant[57] prévoit notamment le droit de tout enfant de jouir, sans discrimination fondée sur son incapacité, des droits qui y sont énoncés[58] tels celui de bénéficier de soins spéciaux adaptés à ses besoins particuliers, cette aide étant gratuite chaque fois qu'il est possible et conçue de telle sorte que:
[…] les enfants handicapés aient effectivement accès à l'éducation, à la formation […] et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel.[59]
[131] Cette reconnaissance de la nécessité de mesures ou de soins particuliers afin que les enfants handicapés jouissent sans discrimination de l'ensemble de leurs droits s'est progressivement accompagnée d'indications précisant qu'il est souhaitable que ces mesures soient fournies, de manière générale, à l'intérieur des structures ordinaires d'enseignement, de santé, d'emploi et de services sociaux. Ce principe se concrétise ainsi dans les Règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées[60] (ci-après les Règles) adoptées, le 20 décembre 1993, par l'Assemblée générale des Nations Unies.
[132] Dans le domaine de l'éducation plus particulièrement, la règle 6 énonce à l'intention des États diverses modalités visant à assurer le respect du principe selon lequel il faut offrir aux enfants, aux jeunes et adultes handicapés des chances égales en matière d'enseignement primaire, secondaire et supérieur, et ce, dans un cadre intégré:
1. C'est aux services d'enseignement général qu'il incombe d'assurer l'éducation des handicapés dans un cadre intégré. Cette éducation devrait être intégrée à la planification de l'éducation nationale, à l'élaboration des programmes d'études et à l'organisation scolaire.
2. L'éducation des handicapés dans les établissements d'enseignement général suppose l'existence de services d'interprétation et d'autres services d'appui appropriés. L'accessibilité et des services d'appui conçus en fonction des besoins de personnes souffrant de différentes incapacités devraient être assurés.
6. Pour que l'éducation des handicapés puisse être assurée dans le cadre de l'enseignement général, les États devraient :
a) Avoir une politique bien définie, qui soit comprise et acceptée au niveau scolaire et par l'ensemble de la collectivité;
b) Établir des programmes d'études souples, adaptables et susceptibles d'être élargis;
c) Prévoir des matériaux didactiques de qualité, la formation permanente des enseignants et des maîtres auxiliaires.
[133] Les Règles reconnaissent aussi que des mesures d'appui extérieures au système régulier d'enseignement peuvent, à certaines conditions, être requises; notons que la réinsertion dans le système régulier demeure cependant la norme de référence:
8.Lorsque le système d'enseignement général ne répond pas encore aux besoins de tous les handicapés, un enseignement spécial peut être envisagé. Celui-ci devrait être conçu de manière à préparer les élèves à entrer dans le système d'enseignement général. Il devrait répondre aux mêmes normes et ambitions que l'enseignement général sur le plan de la qualité, et lui être étroitement lié. Au minimum, les élèves handicapés devraient bénéficier dans la même mesure des ressources allouées à l'enseignement que les élèves non handicapés. Les États devraient viser à intégrer graduellement les services d'enseignement spécial à l'enseignement général. Il est cependant reconnu qu'à ce stade, l'enseignement spécial peut dans certains cas être considéré comme la forme d'enseignement convenant le mieux aux élèves handicapés.
[134] Enfin, la règle 19 prévoit l'obligation des États d'assurer la formation du personnel assurant la prestation de services destinés aux personnes handicapées. Il est prévu, par ailleurs, que «les principes d'intégration et d'égalité pleine et entière régissent la formation des spécialistes de l'incapacité, de même que l'information apportée à ce sujet dans le cadre des programmes de formation générale».
[135] Si ces Règles ne constituent pas en tant que telles des normes contraignantes qui s'imposent d'elles-mêmes aux États, l'Assemblée générale des Nations Unies n'en considère pas moins qu'elles pourront acquérir un caractère coutumier dans la mesure où un grand nombre d'États les appliqueront dans l'intention de faire appliquer une norme de droit international. Elles n'exigent pas moins des États «qu'ils prennent l'engagement moral et politique résolu d'agir pour égaliser les chances des handicapés»[61], cette démarche désignant plus précisément «le processus par lequel les divers systèmes de la société, le cadre matériel, les services, les activités et l'information sont rendus accessibles à tous, et en particulier aux handicapés»[62].
[136] Dans son Observation générale 5[63] relative aux personnes souffrant d'un handicap, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels chargé de voir au respect du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[64] émet à son tour différents principes, dotés d'une valeur doctrinale dans la hiérarchie des normes juridiques, qui situent aussi l'intégration au cadre régulier au cœur des mesures auxquelles les personnes handicapées ont droit.
[137] Ainsi, après avoir noté que, pour des raisons historiques essentiellement, le Pacte ne fait pas expressément référence aux personnes souffrant d'un handicap, le Comité note que:
[L]a condition formulée au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, à savoir que les droits "qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune" fondée sur certaines considérations énumérées "ou toute autre situation", s'applique de toute évidence à la discrimination pour des motifs d'invalidité.[65]
[138] Quant à l'obligation qui incombe aux États parties au Pacte, aux termes de l'article 2, de promouvoir la réalisation progressive des droits pertinents, dans toute la mesure de leurs moyens, elle exige selon le Comité:
[…] que les gouvernements ne se contentent pas de s'abstenir de prendre des dispositions qui pourraient avoir une incidence défavorable sur les personnes souffrant d'un handicap. S'agissant d'un groupe aussi vulnérable et aussi désavantagé, cette obligation consiste à prendre des mesures concrètes pour réduire les désavantages structurels et accorder un traitement préférentiel approprié aux personnes souffrant d'un handicap, afin d'arriver à assurer la participation pleine et entière et l'égalité, au sein de la société, de toutes ces personnes. D'où la nécessité presque inéluctable de mobiliser des ressources supplémentaires à ces fins et d'adopter un large éventail de mesures ponctuelles.[66]
[139] Référant aux Règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées et contribuant ainsi au renforcement de leur effectivité, le Comité note que:
Les responsables des programmes scolaires dans un grand nombre de pays reconnaissent actuellement que la meilleure méthode d'éducation consiste à intégrer les personnes souffrant d'un handicap dans le système général d'enseignement. […] les États devraient faire en sorte que les enseignants soient formés à l'éducation des enfants souffrant d'un handicap dans les établissements d'enseignement ordinaire et qu'ils disposent du matériel et de l'aide nécessaires pour permettre aux personnes souffrant d'un handicap d'atteindre le même niveau d'éducation que les autres élèves.[67]
[140] Finalement, dans son Observation générale 13 [68] adoptée en 1999, le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels examine divers aspects du droit à l'éducation inscrit à l'article 13 du Pacte qui prévoit notamment que:
Article 13
1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des valeurs fondamentales. Ils conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié […].
2. Les États parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit:
a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous; […]
[141] Bien qu'il soit tributaire de la situation de chacun des États parties, l'enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux (incluant l'enseignement primaire) doit néanmoins répondre, selon le Comité, à différentes caractéristiques interdépendantes et essentielles, dont l'accessibilité. Celle-ci comporte trois dimensions:
i) Non-discrimination: l'éducation doit être accessible à tous en droit et en fait, notamment aux groupes les plus vulnérables, sans discrimination fondée sur une quelconque des considérations sur lesquelles il est interdit de la fonder […];
ii) Accessibilité physique: l'enseignement doit être dispensé en un lieu raisonnablement accessible (par exemple dans une école de quartier) ou à travers les technologies modernes (par exemple l'enseignement à distance);
iii) Accessibilité du point de vue économique: l'éducation doit être économiquement à la portée de tous. Il y a lieu de noter à ce sujet que le paragraphe 2 de l'article 13 est libellé différemment selon le niveau d'enseignement considéré : l'enseignement primaire doit être "accessible gratuitement à tous", tandis que les États parties sont tenus d'instaurer progressivement la gratuité de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur; (paragraphe 6b) de l'Observation)
[142] Le Comité rappelle en outre que l'interdiction de la discrimination, qui constitue également une garantie inscrite au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte[69], n'est ni sujette à une mise en oeuvre progressive ni tributaire des ressources disponibles. En conséquence, «elle s'applique sans réserve et directement à tous les aspects de l'enseignement et vaut pour tous les motifs sur lesquels le droit international interdit de fonder l'exercice d'une discrimination quelle qu'elle soit»[70].
[143] C'est d'ailleurs dans cet ordre d'idées que le Comité «confirme le paragraphe 35 de son observation générale 5, qui traite du droit à l'éducation des personnes souffrant d'un handicap»[71]. Ce faisant, il réitère son interprétation selon laquelle l'intégration au cadre régulier d'enseignement constitue la mesure la plus susceptible d'enrayer efficacement la discrimination subie, dans ce domaine, par les personnes handicapées.
[144] La communauté internationale s'est progressivement dotée de normes au sein desquelles la promotion de l'égalité des personnes handicapées s'est traduite par la reconnaissance, dans un premier temps, de leurs besoins spéciaux. S'appuyant par ailleurs sur les avantages accrus qui découlent de l'intégration sociale de ces personnes à un milieu aussi «normalisant» que possible, les règles et principes adoptés plus récemment insistent plutôt sur l'importance que les mesures d'adaptation requises soient apportées, dans l'ensemble des domaines d'activités, à l'intérieur même des cadres ordinaires ou réguliers et non plus en marge de ceux-ci.
2.2 Le droit québécois et canadien
2.2.1 Les développements récents
[145] Dans une décision rendue en 1991[72] relativement à l'intégration en classe ordinaire, avec des services éducatifs adaptés, d'un élève atteint d'une déficience intellectuelle, le Tribunal examine la portée du droit résultant de la conjugaison des articles 10 et 40 de la Charte des droits et libertés de la personne[73] (la Charte) en conjugaison avec certaines prescriptions de la Loi sur l’instruction publique[74] (ci-après la L.I.P.). Les articles de la Charte énoncent :
10: Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
40. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l'instruction publique gratuite.
[146] Quant aux articles pertinents de la L.I.P., ils se lisent :
234. La commission scolaire doit, sous réserve de l'article 222, adapter les services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage selon leurs besoins.
235. La commission scolaire adopte, par règlement, après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, les normes d'organisation des services éducatifs à ces élèves de manière à faciliter leurs apprentissages et leur insertion sociale.
Cette politique doit notamment prévoir:
1° les modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage;
2° les modalités d'intégration de ces élèves dans les classes ou groupes ordinaires ou autres activités de l'école ainsi que les services d'appui à cette intégration et, s'il y a lieu, la pondération à faire pour déterminer le nombre maximal d'élèves par classe ou par groupe;
3° les modalités de regroupement de ces élèves dans des écoles, des classes ou des groupes spécialisés;
4° les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention destinés à ces élèves.
[147] En 1994, la Cour d'appel[75] confirme la décision rendue en indiquant que ces dispositions traduisent une volonté législative d'éviter «le piège de la loi antérieure qui consiste à conclure trop rapidement que l'élève handicapé ou en difficulté est incapable de suivre les cours réguliers et que, par conséquent, il suffit de lui offrir des services spéciaux les plus appropriés à sa situation»[76].
[148] La Cour note ensuite que ni la loi ni les nouveaux règlements ne comportent de référence expresse à l'intégration aux activités régulières d'enseignement, mais qu'ils mettent plutôt l'emphase sur l'adaptation et l'individualisation des services éducatifs en faveur de chaque enfant handicapé. Elle conclut de l'ensemble des prescriptions découlant de la L.I.P. que:
L'orientation suivant laquelle l'intégration scolaire doit être réalisée chaque fois que c'est possible et propre à faciliter les apprentissages et l'insertion sociale des enfants handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, sans être une norme juridique imposée par la loi, est tout de même inscrite dans la formulation de l'article 235. […]
L'intégration en classe ordinaire, sans être un droit exclusif et absolu, demeure un moyen privilégié d'adaptation des services éducatifs aux besoins d'apprentissage et d'insertion sociale des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.[77]
[149] Dans l'arrêt Chauveau rendu la même année et relativement aux mêmes dispositions, la Cour d'appel précise:
Puisque, à mon avis, l'article 40 de la charte ne garantit pas aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage le droit à l'intégration en classe régulière, mais plutôt l'adaptation des services éducatifs dans le cadre des modalités d'adaptation que sont l'intégration en classe ordinaire ou le regroupement en classe ou école spécialisée, la norme d'égalité garantie par l'article 10 de la charte, à l'égard de ces élèves, ne saurait être analysée dans un contexte différent.[78]
[150] En 1997, la Cour suprême[79] examine les facteurs qu'un tribunal de l'Ontario devait considérer afin de s'assurer que les dispositions d'une loi prévoyant les services éducatifs à offrir aux élèves handicapés n'entraînent pas de discrimination contraire à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[80].
[151] La Cour suprême rappelle que la discrimination envers les personnes handicapées prend plus particulièrement sa source dans l'absence de mesures d'adaptation requises afin qu'elles jouissent, à part entière, des avantages d'une société qui ne soit pas seulement fondée sur les attributs de la majorité, auxquels elles ne pourront jamais avoir accès. Selon la Cour, l'évolution de l'enseignement destiné aux élèves handicapés en Ontario démontre ainsi que leur exclusion se fondait sur l'attitude stéréotypée selon laquelle ils ne pouvaient fonctionner dans un système conçu pour la population en général et sur l'absence de mesures pour composer avec leurs caractéristiques:
C'est plutôt l'omission de fournir des moyens raisonnables et d'apporter à la société les modifications qui feront en sorte que ses structures et les actions prises n'entraînent pas la relégation et la non-participation des personnes handicapées qui engendre une discrimination à leur égard. L'enquête sur la discrimination […] peut être considérée plutôt comme un cas d'inversion d'un stéréotype qui, en ne tenant pas compte de la condition d'une personne handicapée, fait abstraction de sa déficience et la force à se tirer d'affaire toute seule dans l'environnement de l'ensemble de la société. C'est la reconnaissance des caractéristiques réelles, et l'adaptation raisonnable à celles-ci, qui constitue l'objectif principal du par. 15(1) en ce qui a trait à la déficience.[81]
[152] La Cour suprême conclut qu'en contexte scolaire, la norme juridique d'égalité consiste, pour un élève handicapé, dans son intégration au processus régulier:
L'intégration devrait être reconnue comme la norme d'application générale en raison des avantages qu'elle procure habituellement, mais une présomption en faveur de l'enseignement intégré ne serait pas à l'avantage des élèves qui ont besoin d'un enseignement spécial pour parvenir à cette égalité. […] Une instance décisionnelle doit déterminer si le cadre intégré peut être adapté pour répondre aux besoins spéciaux d'un enfant en difficulté. Lorsque ce n'est pas possible, c'est-à-dire lorsque des aspects du cadre intégré qui ne peuvent pas raisonnablement être modifiés empêchent de répondre aux besoins spéciaux de l'enfant, le principe de l'arrangement exigera un placement spécial à l'extérieur de ce cadre.[82]
[153] En raison de la très grande diversité des handicaps, incluant les caractéristiques, les situations et les besoins des personnes atteintes, la Cour note que c'est la prise en compte de l'ensemble de ces facteurs individuels qui permet de déterminer si un «arrangement» raisonnable doit consister dans l'adaptation des services éducatifs au sein d'une classe ordinaire ou, plutôt, dans des services particuliers dispensés en classe spéciale.
[154] Plus récemment, la Cour suprême a appliqué cette approche dans l'arrêt Martin[83] où elle examinait notamment la validité, eu égard au paragraphe 15(1) de la Charte constitutionnelle, de la Workers' Compensation Act de la Nouvelle-Écosse et de son règlement d'application qui excluaient de plusieurs bénéfices les personnes souffrant de douleur chronique. Relativement à l'interdiction de la discrimination fondée sur la déficience, la Cour rappelle que:
[L]la raison d’être de cette interdiction est de permettre la reconnaissance des besoins particuliers et des capacités véritables de personnes qui, dans des contextes sociaux très variés, sont atteintes de déficiences très différentes les unes des autres. Conformément à cette raison d’être, le par. 15(1) oblige l’État à agir, dans une large mesure, d’une manière qui tienne compte raisonnablement de la situation particulière de certaines personnes atteintes d’une déficience.[84]
[155] Après avoir souligné que la diversité des handicaps et de leurs caractéristiques constitue une «caractéristique fondamentale et typique» de ce motif illicite, la Cour indique que:
Pour qu’il y ait égalité véritable des personnes atteintes de déficiences, il faut bien tenir compte de ces différences. Dans bien des cas, tracer une seule ligne de démarcation entre les personnes atteintes d’une déficience et les autres personnes est pour ainsi dire inutile, vu qu’aucune mesure d’adaptation ne permet à elle seule de répondre aux besoins de tous. Les personnes atteintes d’une déficience sont plutôt assujetties à des limites supplémentaires lorsqu’elles sont aux prises avec des régimes ou des situations sociales qui présument ou exigent qu’elles possèdent un ensemble de capacités différent de celui qu’elles possèdent. Pour garantir la participation égale des personnes atteintes d’une déficience, il faudra changer ces situations de bien des manières, selon les capacités de la personne en question. Dans chaque cas, la question sera non pas de savoir si l’État a exclu toutes les personnes atteintes d’une déficience ou s’il a omis de répondre à leurs besoins en général, mais plutôt de savoir s’il a suffisamment tenu compte des besoins et de la situation de chacune d’elles.[85]
[156] C'est pourquoi le concept d'accommodement raisonnable, sous réserve de contrainte excessive, constitue en matière de handicap tout particulièrement un corollaire naturel du droit à l'égalité dans la mesure où il vise précisément l'adaptation de normes et de processus standardisés de manière à permettre aux personnes handicapées ayant des besoins particuliers d'exercer leurs droits sans discrimination.
[157] Dans l'arrêt Eldridge[86], rendu peu après l'arrêt Eaton, où elle conclut au caractère discriminatoire du régime d'assurance maladie de la Colombie-Britannique parce qu'il ne prévoyait pas la fourniture gratuite de certains services d'interprétation gestuelle aux personnes sourdes, la Cour suprême établit ainsi que:
La discrimination découlant d'effets préjudiciables est particulièrement pertinente dans le cas des déficiences. Le gouvernement va rarement prendre des mesures discriminatoires à l'endroit des personnes handicapées. Il est plus fréquent que des lois d'application générale aient un effet différent sur ces personnes. […] Dans le présent cas, […] l'effet préjudiciable subi par les personnes atteintes de surdité découle […] plutôt du fait qu'on ne fait pas en sorte qu'elles bénéficient d'une manière égale d'un service offert à tous. […] l'interprétation gestuelle […] est le moyen qui permet aux personnes atteintes de surdité de recevoir la même qualité de soins médicaux que les entendants.[87]
[158] Dans les arrêts Meiorin[88] et Grismer[89], la Cour suprême revoit par ailleurs la portée de l'obligation d'accommodement raisonnable à laquelle sont notamment tenus un employeur et un prestataire de services en vertu du Human Rights Code de la Colombie-Britannique:
[L]a règle ou la norme jugée raisonnablement nécessaire doit composer avec les différences individuelles dans la mesure où cela ne cause aucune contrainte excessive. […] il faut démontrer qu'il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l'employeur subisse une contrainte excessive. (Meiorin par. 62 et 72)
[159] Dans le second de ces arrêts, où elle conclut au caractère discriminatoire d'une norme médicale entraînant l'impossibilité absolue, pour les personnes atteintes d'un certain handicap visuel, d'obtenir un permis de conduire, la Cour suprême précise:
Les employeurs et autres personnes régies par une loi concernant les droits de la personne sont maintenant requis, dans tous les cas, de tenir compte dans leurs normes des caractéristiques des groupes touchés, au lieu de maintenir des normes discriminatoires complétées par des mesures d'accommodement pour ceux qui ne peuvent pas y satisfaire. L'incorporation de l'accommodement dans la norme elle-même assure que chaque personne est évaluée selon ses propres capacités personnelles, au lieu d'être jugée en fonction de présumées caractéristiques de groupe. Ces caractéristiques sont fréquemment fondées sur un parti pris et des préjugés de longue date, et ne peuvent pas constituer le fondement de normes raisonnablement nécessaires. Bien que le critère de l'arrêt Meiorin ait été établi dans le contexte de l'emploi, il s'applique à toutes les demandes fondées sur le Human Rights Code de la Colombie-Britannique, dans lesquelles l'existence de discrimination est alléguée.[90]
[160] En d'autres termes, pour assurer sa conformité à la législation sur les droits de la personne, il ne suffit plus qu'une norme discriminatoire soit éventuellement «rachetée» par une mesure d'accommodement réservée aux personnes exclues de manière discriminatoire. À moins d'une contrainte excessive, il faut plutôt, nous dit la Cour, que la norme elle-même soit conçue de manière à tenir compte des caractéristiques de ces personnes afin qu'elles soient évaluées en fonction de ces dernières et non plus à partir de critères dont on présume à tort qu'ils sont communs à tous.
[161] Quant aux éléments permettant d'apprécier le caractère excessif d'une contrainte, ils sont essentiellement tributaires du contexte factuel dans lequel l'obligation d'accommodement se manifeste, quoique «[l]'utilisation de l'adjectif "excessive» suppose qu'une certaine contrainte est acceptable»[91]. Les tribunaux considèrent alors les coûts générés, la taille d'une entreprise et l'impact de l'accommodement sur les conditions de travail des autres employés; en d'autres circonstances, ils prennent en compte les risques posés à la sécurité d'un plaignant, de son entourage et de celle du public. Dans l'arrêt Eaton, la Cour suprême indique ainsi que si l'intégration d'un élève handicapé dans un cadre régulier constitue la norme en matière d'égalité, elle doit toutefois céder le pas au cadre «spécial» lorsque les aspects du premier qui ne peuvent raisonnablement être modifiés ne permettent pas de répondre aux besoins particuliers de cet élève.
2.2.2 La spécificité du droit québécois
[162] Dans la mesure où la législation en matière de droits de la personne est assujettie à une obligation de conformité aux normes constitutionnelles, et comme les prescriptions de la Charte des droits et libertés de la personne s'interprètent en conséquence à la lumière de la Charte canadienne[92], il n'est pas surprenant de constater que ces principes ont trouvé un écho particulier dans les modifications apportées, en 1997[93], à certaines dispositions de la L.I.P. ainsi qu'aux énoncés de politique visant à en préciser la portée.
[163] Les articles 234 et 235 de la L.I.P.[94] relatifs aux services éducatifs destinés aux élèves handicapés se lisent comme suit (pour plus de clarté, nous soulignons les modifications apportées à la version antérieure de la loi):
234. La commission scolaire doit, sous réserve des articles 222 et 222.1, adapter les services éducatifs à l'élève handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage selon ses besoins, d'après l'évaluation qu'elle doit faire de ses capacités selon les modalités établies en application du paragraphe 1° du deuxième alinéa de l'article 235.
235. La commission scolaire adopte, après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, une politique relative à l'organisation des services éducatifs à ces élèves qui assure l'intégration harmonieuse dans une classe ou un groupe ordinaire et aux autres activités de l'école de chacun de ces élèves lorsque l'évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale et qu'elle ne constitue pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.
Cette politique doit notamment prévoir:
1° les modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, lesquelles doivent prévoir la participation des parents de l'élève et de l'élève lui-même, à moins qu'il en soit incapable;
2° les modalités d'intégration de ces élèves dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école ainsi que les services d'appui à cette intégration et, s'il y a lieu, la pondération à faire pour déterminer le nombre maximal d'élèves par classe ou par groupe;
3° les modalités de regroupement de ces élèves dans des écoles, des classes ou des groupes spécialisés;
4° les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention destinés à ces élèves.
Une école spécialisée visée au paragraphe 3° du deuxième alinéa n'est pas une école visée par l'article 240.
[164] Ces dispositions, au cœur du présent litige, comportent plusieurs modifications d'importance par rapport aux textes examinés par le Tribunal et par la Cour d'appel dans les affaires Saint-Jean-sur-Richelieu et Chauveau.
[165] En tout premier lieu, la version actuelle de la L.I.P. fait expressément de l'évaluation des besoins et des capacités de chaque élève handicapé une exigence obligatoire et préalable à la détermination des services adaptés qui lui seront offerts.
[166] En outre, à la différence du droit antérieur et en conformité avec l'évolution récente du droit pertinent en la matière, la loi fait expressément de l'intégration à la classe ordinaire une norme juridique, et ce à deux conditions: 1) l'évaluation démontre qu'elle favorise les apprentissages et l'insertion sociale de l'élève; 2) les mesures d'adaptation requises à cette fin n'entraînent ni de contrainte excessive ni d'atteinte importante aux droits des autres élèves. Aussi, la Loi oblige les commissions scolaires à adopter et à mettre en œuvre une politique, fondée sur une approche individualisée plutôt que normative, qui privilégiel'intégration au groupe ordinaire ainsi que les services d’appui à cette intégration et qui ne se contente plus de favoriser l’intégration dans la mesure du possible.
[167] Ce changement en vertu duquel l'intégration en classe ordinaire est en quelque sorte passée du statut de «moyen privilégié d'adaptation des services éducatifs»[95] à celui d'une véritable norme juridique d'application générale se concrétise d’ailleurs plus particulièrement par l’adoption, par les Commissions scolaires, de politiques visant à assurer une réelle mise en œuvre de cette norme juridique. La Politique 2002, adoptée par la Commission scolaire des Phares, prévoit d’ailleurs à son article 5.2 qu’elle « place l’adaptation des services éducatifs comme première préoccupation de toute personne intervenant auprès de l’élève handicapé ou en difficulté. »
[168] Ainsi, la norme générale est l’intégration dans une classe ordinaire en raison des avantages que cela procure habituellement. Cette approche doit être toujours privilégiée dès que l’évaluation individuelle d’un élève handicapé révèle que son intégration complète ou partielle est la plus profitable pour lui en vue de maximiser ses apprentissages et son insertion sociale. Comme l’adaptation des services constitue l’orientation fondamentale de la loi afin que s’exerce le droit des élèves handicapés à des services éducatifs[96], c’est donc l’intégration qui doit être envisagée avant de penser à des services adaptés plus spécialisés pour un élève donné. De plus, cette intégration doit se faire de façon à ce que les services éducatifs soient offerts dans un milieu naturel et le plus près possible de la résidence de l’enfant. À ce titre, l’article 5.4 de la Politique 2002 prévoit que la Commission scolaire[97] :
« Offre des services éducatifs à l’élève handicapé ou en difficulté, en fonction des ressources dont elle dispose, en s’appuyant sur l’évaluation individuelle de ses capacités et de ses besoins, en favorisant que les services lui soient offerts dans le milieu le plus naturel et le plus près possible de son lieu de résidence et en privilégiant l’intégration à la classe ordinaire, lorsque l’évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale, sans constituer une contrainte excessive ou porter atteinte de façon importante aux droits des autres élèves » […] (nous soulignons)
[169] La Commission scolaire ne serait toutefois pas tenue de procéder à l’intégration lorsque celle-ci constitue une contrainte excessive ou porte atteinte de façon importante aux droits des autres enfants. Par exemple, cette contrainte pourrait se traduire par des coûts déraisonnables, une impossibilité de procéder à l’adaptation sur le plan pédagogique ou bien encore, si cette intégration s’avérait dangereuse pour la sécurité de l’élève ou des autres élèves. Comme il s’agit de contrainte « excessive », il ne s’agit nullement de contrainte ordinaire ou injustifiée et il en incombe à celui qui l’invoque d’en faire la preuve.
[170] D’ailleurs, il est utile de mentionner que la voie d’action privilégiée par la politique ministérielle du Ministère de l’Éducation, en matière d’adaptation scolaire et d’intégration implique que les administrateurs scolaires ont « le défi de planifier l’ensemble des services éducatifs selon les besoins individuels des élèves, plutôt que d’un regroupement de catégories d’élèves »[98]. L’article 7.5 de la Politique 2002 établit de plus que :
L’évaluation des besoins de l’élève à risque ou susceptible d’être identifié comme tel est faite pour déterminer les mesures préventives ou les mesures correctives à lui offrir et non pour le catégoriser […] (nous soulignons)
[171] À ce sujet, divers types d’évaluations, selon les circonstances, pourront être réalisées soit à titre d’exemple, une évaluation pédagogique, intellectuelle, orthophonique, affective ou sociale[99].
[172] Plus concrètement, l'évaluation ne vise plus seulement à reconnaître la maîtrise des compétences académiques en tant que telles puisqu'elle doit aussi remplir une fonction d'aide à l'apprentissage et fournir des pistes de solution au plan de l'intervention. À cette fin, elle doit aussi permettre la reconnaissance des acquis et des qualifications, et ce, en fournissant un portrait adéquat de la situation d'un élève qui tienne compte à la fois de ses difficultés et d'éléments positifs tels ses forces, ses qualités et ses ressources.
[173] Ainsi, comme cette approche s'inscrit plus fondamentalement dans une orientation axée sur la réussite de l'élève aux plans de l'instruction, de la socialisation et de la qualification[100], la notion même de réussite éducative doit elle aussi être considérée de façon différenciée. En d'autres termes, elle ne doit plus être exactement la même pour tous et doit plutôt être adaptée en fonction des besoins et des capacités des élèves handicapés et accompagnée de moyens favorisant le développement optimal de celle-ci. C'est ainsi que la socialisation des élèves, qui constitue un objectif important de la mission générale de l'école, revêt une signification particulière pour l'élève handicapé.
[174] À ce titre, l’article 3.2.3 de la Politique 2002 prévoit ceci :
[…] « Aider l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage à réussir sur les plans de l’instruction, de la socialisation et de la qualification. À cette fin, accepter que cette réussite éducative puisse se traduire différemment selon les capacités et les besoins des élèves, se donner les moyens qui favorisent cette réussite et en assurer la reconnaissance. »
[175] Ainsi,diverses modalités telles l'adaptation des modalités d'enseignement et du matériel didactique, le recours à des approches pédagogiques souples et respectueuses du rythme d'apprentissage des élèves, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication[101] pourront être envisagées. Il est d’ailleurs prévu dans la Politique 2002 que la Commission scolaire offre le support nécessaire aux écoles dans le développement de mesures d’appui pédagogique et de récupération[102].
[176] En adoptant ses Politiques d’adaptation scolaire, la Commission scolaire des Phares indique ainsi à l'ensemble des intervenants du monde scolaire les principes directeurs de leur action, les objectifs à poursuivre et les mesures nécessaires à leur mise en œuvre, ces énoncés de Politiques s’inscrivent en droite ligne avec la Cour d'appel, notamment lorsqu'elle souligne que la garantie d'égalité inscrite à l'article 10 de la Charte véhicule une conception non seulement juridique, au plan de l'attribution des droits, mais aussi une dimension réelle et concrète qui, appliquée à l'article 40, requiert des mesures d'accommodement (ou modalités d'intégration) particulières. Autrement:
Il serait illusoire de reconnaître aux élèves handicapées un accès gratuit aux services éducatifs adaptés dans une optique d'intégration en classe régulière […] si aucune mesure concrète ne favorise ou ne privilégie l'exercice de ce droit. […]L'obligation d'accommodement apparaît donc comme une condition indispensable à l'exercice en pleine égalité du droit à l'instruction publique.[103]
[177] L'application de ces propos de la Cour d'appel au contexte législatif actuel nous amène à dire que pour assurer une articulation réussie entre, d'une part, la garantie d'égalité inscrite dans la Charte et, d'autre part, la norme juridique d'intégration à des services éducatifs réguliers contenue dans la L.I.P., la jouissance et l'exercice en pleine égalité du droit d'un élève handicapé à l'instruction publique gratuite, dans la mesure prévue par la loi, requièrent désormais que des mesures d'accommodement raisonnable soient prévues à chacune des étapes (évaluation, norme de réussite, mesures d'accompagnement) qui jalonnent son intégration en classe ordinaire, sous réserve que celle-ci soit «de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale et qu'elle ne constitue pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves»[104].
3. L’analyse des faits retenus en preuve avec le droit applicable : nos conclusions.
[178] Joël, qui a maintenant dix ans, est un enfant atteint de trisomie 21 et tous s’entendent pour dire que sa déficience est de légère à moyenne, dépendamment de qui l’évalue et pour quelles fins il est évalué. Il est sociable, ne présente aucun comportement qui pourrait le décrire comme agressif, irresponsable ou renfermé. Il entre facilement en contact avec les adultes. D’aucune manière, il ne dérange en classe. Tout au contraire.
[179] Tous s’entendent pour reconnaître tout le bien de l’encadrement parental offert à Joël. Nous avons d’ailleurs été en mesure d’observer combien les parents de Joël ont son développement à cœur. Ils ne sont ni fermés, ni obstinés; ils veulent avec intelligence, pousser leur fils pour qu’il aille le plus loin possible, à sa mesure. Ils sont ouverts, ils cherchent les solutions les meilleures avec abnégation et avec un sens des responsabilités qui impressionne. Il nous faut les féliciter, la mère, le père, comme d’ailleurs la grande sœur Cathy qui a également témoigné devant nous.
[180] Le parcours scolaire de Joël n’a pas été sans difficulté.
[181] Dans ce contexte, le Tribunal se doit d’établir si Joël a pu bénéficier de son droit à l’instruction publique gratuite, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi et ce, sans discrimination fondée sur son handicap, conformément aux prescriptions de la Charte en matière de droit à l’égalité.
[182] En d’autres termes, Joël a-t-il été traité différemment, de manière discriminatoire, à cause de son handicap et ce, en contravention des prescriptions de la Charte et de la Loi sur l’instruction publique dont nous avons analysé plus haut la portée?
[183] Plusieurs périodes sont ici à regarder. Le Tribunal doit trancher les deux questions suivantes :
- Les évaluations et le classement de Joël ont-il été faits en conformité avec les prescriptions de la Charte et ce, d’avril 2001 à octobre 2001 et de septembre 2003 à juin 2004?;
- L’intégration de Joël en classe ordinaire à mi-temps, à partir de septembre 2003, a-t-elle été faite en conformité avec les prescriptions de la Charte?
[184] À ces deux questions, nous répondons par la négative.
[185] Les évaluations de Joël, au printemps de l’année scolaire 2000-2001, sont faites exactement comme elles le sont pour tout élève non atteint de handicap, c’est-à-dire sans tenir compte qu’un niveau de réussite puisse se traduire différemment selon les capacités et les besoins de chaque élève. En utilisant les grilles appliquées aux enfants non atteints de handicap, il est certain qu’on ne peut que mettre Joël en situation d’échec. En ne prenant pas en compte le handicap de Joël dans l’évaluation elle-même, on contrevient ainsi à la Charte.
[186] Les évaluations terminées par les intervenants de l’école, c’est vers une classe spécialisée qu’on oriente Joël, et ce malgré la volonté des parents et malgré le fait aussi, il est important de le souligner, que les parents proposent de défrayer, en collaboration avec le CRI, pour grande partie, les frais d’une accompagnatrice spécialisée pour intégrer Joël en classe ordinaire. Ce projet sera rejeté par la Commission scolaire des Phares au motif de ne pas vouloir créer de précédent.
[187] Et c’est ainsi que Joël est orienté en classe spécialisée à l’école L’Aquarelle, école qui, en plus des classes ordinaires, regroupe des cheminements spéciaux, qu’il s’agisse de classes sport - étude, de domaine ou de classe spécialisée pour des enfants ayant toutes sortes de difficultés comportementales ou des difficultés d’apprentissage.
[188] La décision d’orienter Joël en classe spécialisée se fonde essentiellement sur des évaluations montrant qu’il n’a pas atteint les objectifs du programme du préscolaire permettant son passage au niveau primaire. Elle se fonde également sur le fait qu’on n’a envisagé aucun accommodement raisonnable du programme du primaire en fonction de son handicap, et ce, en vue d’assurer une intégration harmonieuse en classe ordinaire, dans une école près de chez lui.
[189] Plus concrètement, nous comprenons que si la réussite ou la maîtrise, par les élèves handicapés, des apprentissages académiques imposés à l'ensemble des élèves constituent une condition préalable à leur intégration en classe ordinaire, celle-ci sera systématiquement vouée à l'échec puisque cette exigence ne pourra jamais, en pratique, être pleinement remplie. Il en ira de même si l'intégration ne s'accompagne pas de mesures d'adaptation concrètes (outils pédagogiques, formation et soutien de l'enseignant, etc.) destinées à favoriser des apprentissages adaptés aux besoins et capacités réels d'un élève.
[190] Pourtant, Joël n’était pas un enfant qui par son attitude portait atteinte au droit des autres élèves. De plus, la Commission scolaire n’avait jamais indiqué, et d’ailleurs n’a jamais mis en preuve, qu’il se serait agi là d’une contrainte excessive.
[191] Il était pourtant du devoir de la Commission scolaire de favoriser pour Joël l’intégration en classe ordinaire afin de voir comment celle-ci pouvait être possible, comme l’a d’ailleurs fait la Commission scolaire de Kamouraska - Rivière-du-Loup de janvier 2002 à juin 2003, en adaptant les services aux besoins de Joël plutôt qu’en le plaçant d’emblée dans un groupe composé d’élèves présentant des besoins particuliers.
[192] La commission scolaire avait l’obligation de voir comment l’intégration de Joël pouvait se faire, en se donnant les moyens de favoriser et privilégier la norme d’intégration, que ce soit avec le soutien d’un éducateur spécialisé, avec du matériel didactique et une pédagogie adaptés qui tiennent compte du rythme d’apprentissage et de la spécificité des besoins de Joël. C’est seulement si cette intégration n’était pas possible et qu’elle n’était pas finalement de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale, une fois ces adaptations proposées et mises en place, qu’on pouvait alors conclure à une classe spéciale.
[193] D’ailleurs, la perspective dans laquelle le ministère de l'Éducation explicite, à l'intention des intervenants concernés, les modalités de mise en oeuvre des dispositions de la L.I.P. relatives aux services éducatifs destinés aux élèves handicapés illustre bien les difficultés que pose aux élèves atteints d'un handicap un système éducatif essentiellement conçu en fonction de ceux qui ne le sont pas[105].
[194] L’école et la Commission scolaire n’ont pas fait cet exercice, ayant préféré conclure, comme d’ailleurs les différents intervenants de l’école l’avaient fait, au classement en classe spécialisée sans s’interroger d’aucune manière sur les mesures d’adaptation en classe ordinaire afin de faciliter l’insertion de Joël.
[195] Devant cette impasse, les parents de Joël décident de retirer leur enfant du système d’éducation publique. Ils décident alors de lui faire fréquenter, de septembre à décembre 2001, un centre d’apprentissage personnalisé situé à Rimouski, tout en continuant leur démarche afin de trouver une école répondant aux besoins d’intégration de Joël.Et c’est ainsi que de janvier 2002 à juin 2003 Joël fréquentera l’école Roy de Rivière-du-Loup dont l’organisation des services éducatifs prévoit une intégration des élèves handicapés intellectuellement en mi-temps en classe ordinaire, l’autre mi-temps étant consacré à la scolarisation en classe spécialisée. Cette période scolaire se déroule fort harmonieusement, à la satisfaction des parents.
[196] Il n’empêche que tous les frais encourus pendant cette période ainsi que les difficultés matérielles, financières, psychologiques reliées à la scolarisation de Joël à Rivière-du-Loup sont extrêmement importantes, sérieuses, sévères, comme la preuve nous le démontre amplement.
[197] Joël revient ensuite à Rimouski en septembre 2003.
[198] Formellement, il suit le même type d’intégration scolaire que celle suivie à Rivière-du-Loup, c’est-à-dire qu’il est à mi-temps en classe spécialisée le matin et intégré en classe ordinaire l’après-midi. Formellement, disons-nous, parce que d’aucune manière on ne peut constater que Joël est effectivement intégré en classe ordinaire. L’intégration d’un enfant handicapé en classe ordinaire n’est certes pas le fait de l’asseoir en classe ordinaire, à l’arrière, avec un accompagnateur sans qu’il y ait somme toute quelque interaction que ce soit ou à peu près pas de l’enfant avec le professeur titulaire ou avec les autres enfants. C’est pourtant ce qui a été fait avec Joël.
[199] L’intégration requiert la planification des services éducatifs selon les besoins de chaque élève plutôt qu’un regroupement en fonction de catégories d’élèves. On ne le répétera jamais assez, diverses adaptations sont à prévoir, qu’il s’agisse de l’élaboration de programmes pour cet élève, de modalités d’enseignement, de matériel didactique ou d’approches pédagogiques souples. Nous avons à ce sujet longuement regardé comment la Loi sur l’instruction publique doit être appliquée, lorsque nous l’avons analysée précédemment.
[200] Or, rien de tout cela n’a été fait pour Joël. On ne peut parler d’intégration de Joël en classe ordinaire. Au contraire, on peut plutôt noter une ségrégation à la manière dont on parlait jadis de «separate but equal», puisque comme l’a aussi relevé madame Bourdère Andréou, il forme avec son éducateur un sous-groupe au sein du groupe-classe.
[201] Force est de constater que les services éducatifs dispensés à Joël au cours de l’année 2003-2004 ne constituent pas une intégration réelle en classe ordinaire. Joël se retrouve en pratique isolé avec son accompagnateur à l’arrière de la classe et, comme le souligne madame Émond qui l'observe sur une période de quelques mois : «La majorité du temps, il n’effectue pas les mêmes tâches que les autres élèves»[106], mais complète plutôt les tâches commencées le matin en classe spécialisée.
[202] L’enseignante de Joël ne reçoit pas de formation spécifique sur la trisomie 21, ni sur la pédagogie inclusive au cours de cette année. L’intégration de Joël se fera d’ailleurs sans que l’on sache et que l’on ait quelque information sur la façon dont l’intégration de Joël s’est faite harmonieusement à Rivière-du-Loup. C’est d’ailleurs ce que nous confirme clairement madame Marie Dubé qui occupait, en 2003-2004, le poste de coordonnatrice en adaptation scolaire à la Commission scolaire des Phares.
[203] Le programme d’enseignement du primaire dispensé aux élèves réguliers et le matériel pédagogique qui l’accompagne ne font pas l’objet d’une adaptation significative en fonction du handicap que présente Joël.Des adaptations doivent donc être envisagées en concertation avec les recommandations de certains spécialistes. De plus, certaines adaptations peuvent parfois se faire de façon créative en utilisant des techniques éducatives souples, demandant certes un peu d’imagination, mais somme toute à la portée de tous les enseignants.
[204] De plus, le bulletin scolaire de Joël pour l’année 2003-2004 ne fait aucunement mention de son fonctionnement et de son évolution en classe ordinaire et le nom de son enseignante, madame Bernard, n’apparaît même pas sur le document.
[205] Finalement, la preuve indique qu’aucun accommodement raisonnable du programme scolaire du primaire n’est envisagé en fonction du handicap de Joël, dans la décision d’orienter celui-ci en classe spécialisée au cours de l’année scolaire 2004-2005.
[206] L’année scolaire 2003-2004, telle qu’elle s’est déroulée, ne correspond absolument pas aux prescriptions de la Loi sur l’instruction publique relatives à la norme d’intégration des enfants handicapés en classe ordinaire, avec les mesures d’adaptation raisonnablement requises. Il ne s’agit ici aucunement d’intégration au sens même où les politiques de la Commission scolaire des Phares nous le précisent.
[207] Force nous est de constater qu’en agissant ainsi, tant l’école L’Aquarelle que la Commission scolaire des Phares n’ont aucunement su appliquer correctement les politiques de 1998 et de 2002, pourtant établies en conformité avec les politiques ministérielles qui découlent de la Loi sur l’instruction publique.
[208] En effet, l’offre de services éducatifs proposée à Joël en septembre 2003 n’a pas été faite conformément à la Politique de 2002 en ce qu’elle n’est pas fondée sur une évaluation de ses besoins et capacités. On s’est tout au plus contenté de reproduire le modèle offert en 2002-2003 par la Commission scolaire Kamouraska - Rivière-du-Loup et ce de manière formelle, sans vérifier quel était le lien entre la classe spéciale et la classe ordinaire, non plus que le déroulement des activités dans l’une et l’autre de ces classes.
[209] Une analyse des politiques de la Commission scolaire nous amène, de manière générale, à conclure à leur conformité à la Charte. Le problème relatif aux politiques de la Commission scolaire se situe principalement au niveau de l’application qui en a été faite tout au cours des années dans le dossier de Joël. Cependant, nous devons questionner l’adoption, par la Commission scolaire des Phares dans sa Politique 2002, du modèle de service adapté à options diverses fondé sur le système en cascade proposé par le rapport COPEX du Ministère de l’Éducation qui remonte à 1976. C’est en effet là la première des orientations de la Commission scolaire des Phares dans son article 6.1.
[210] Ce système en cascade, tel qu’énoncé par la Commission scolaire ne permet pas la fréquentation de l’école de quartier lorsque l’élève et le titulaire doivent recevoir un soutien pédagogique ou professionnel. La classe ordinaire désignée à l’élève ayant besoin de soutien pédagogique ou professionnel ou encore qui reçoit un enseignement spécialisé sera donc offerte dans « l’école régulière désignée » et non dans l’école de quartier de cet élève.
[211] Les modalités de ce système en cascade ne peuvent donc être appliquées telles quelles car elle ont pour effet de pénaliser l’élève qui autrement, s’il n’avait pas besoin de services adaptés, se retrouverait dans son école de quartier, le plus près possible de sa résidence,. avec les enfants qui font partie de son entourage familier. Partant, ce système à options diverses va à l’encontre de la politique ministérielle et de la politique même adoptée par la Commission scolaire des Phares en 2002 qui prévoit que les services adaptés soient offerts « dans le milieu le plus naturel et le plus près possible de son lieu de résidence et en privilégiant la classe ordinaire »[107]. Il s’agit de favoriser l’un et l’autre de ses énoncés et non pas l’un ou l’autre. Ces aspects du système en cascade n’incorporent pas l’obligation d’accommodement requis par le droit à l’égalité prescrit par la Charte.
[212] La norme générale est l’intégration des élèves dans une classe ou un groupe ordinaire en raison des avantages que cela procure habituellement. Ainsi, dès que l’évaluation individuelle d’un élève handicapé révèle que son intégration en classe ordinaire est la plus profitable pour lui en vue de maximiser ses apprentissages et son insertion sociale, la Commission scolaire doit procéder à cette intégration et offrir à l’élève les moyens jugés nécessaires, à moins bien sûr que cela ne constitue pour elle une contrainte excessive ou ne porte atteinte de façon importante aux droits des autres élèves, ce qui ne constitue absolument pas ici le cas. Mais l’intégration ne peut être réalisée du seul fait d’installer physiquement un enfant en classe ordinaire avec un technicien en éducation assis tout à côté de lui, et ce au fond de la classe. Ce qui est important, nous l’avons déjà dit, c’est de modifier la norme de réussite, les objectifs visés et les approches didactiques, d’aménager l’environnement cognitif, d’accommoder Joël en réduisant le plus possible l’environnement, somme toute en réduisant et en essayant d’éliminer au mieux les obstacles qui compromettent son apprentissage.
[213] L’objectif de l’intégration est de favoriser l’inclusion de l’enfant dans le groupe afin qu’il se sente partie prenante à ce groupe. L’intégration requiert un soutien qui varie selon l’incapacité de l’enfant et la formation de l’enseignant. En effet, le handicap en tant que motif illicite de discrimination comporte des différences importantes selon l’individu et le contexte et cela commande une approche hautement individualisée. Nécessairement, cela implique que l’on doive prendre les moyens nécessaires afin d’adapter les outils et les approches pédagogiques. Cependant, une intégration qui se résume qu’à la seule présence physique de l’élève, serait-ce même avec un accompagnateur spécialisé, ne correspond pas à l’esprit de la loi ni aux prescriptions de la Charte en matière de droit à l’égalité.
[214] Les forces principales de Joël sont sa socialisation et si tant est que l’adaptation des activités soit nécessaire pour permettre à Joël de réussir, selon ses capacités et ses limites propres, et ainsi favoriser son développement et ses apprentissages académiques, la preuve ne nous a été aucunement faite que ces adaptations n’auraient pu se dérouler en classe ordinaire ou que des aspects du cadre intégré ne peuvent être raisonnablement modifiés afin de répondre aux besoins spécifiques de Joël. En fait, d’aucune manière on n’a essayé à quelque moment que ce soit d’apporter véritablement ces adaptations et de chercher à intégrer réellement Joël dans le cadre de la classe ordinaire. C’est pourtant ce qu’on doit entendre par l’égalité substantive dans un contexte éducatif.
[215] Les différents intervenants appelés à évaluer Joël nous ont clairement décrit la manière dont les activités se déroulaient en classe ordinaire et nous amènent à conclure à la ségrégation vécue par Joël à l’intérieur de celle-ci.
[216] Nous avons regardé d’ailleurs, avec grande attention, et critiqué les différentes évaluations produites. L’expertise de madame. Poirier, notamment, nous apparaît tout à fait concluante et nous ne pouvons que nous ranger aux conclusions qu’elle exprime et à son analyse de Joël. Puisqu’il faut miser sur les forces de Joël, il est certain que l’intégration en classe ordinaire ne peut que davantage favoriser les compétences de la sphère sociale qui, est-il besoin de le rappeler, sont le fondement même de la vie de tout adulte en société.
[217] Il est certain que l’intégration de Joël en classe ordinaire doit être faite en formulant pour lui, avec ses parents et tous les intervenants scolaires, des objectifs clairs, concrets, réalistes, sur le plan de la socialisation et de la qualification afin de l’aider à développer au maximum son potentiel tout en consolidant ses acquis. L’évaluation ne doit pas, dans ce cas, viser seulement à reconnaître la maîtrise des compétences mais à déterminer de façon la plus concrète et la plus réaliste possible les aspects pratiques et les éléments pédagogiques qui devront être adaptés en fonction des objectifs d’apprentissage déterminés par les intervenants et les spécialistes.
[218] Cependant, l’analyse des faits, depuis l’entrée en maternelle de Joël jusqu’à la fin de l’année scolaire 2003-2004, permet de constater que les intervenants de la Commission scolaire des Phares mettent essentiellement l’emphase sur l’évaluation des habiletés académiques de Joël pour effectuer son classement à l’école. De plus, sauf à l’automne 2003, la position de la Commission scolaire des Phares demeure identique quant au classement de Joël, soit une orientation en classe spécialisée.[108]
[219] Les différents experts venus témoigner devant nous ne s’accordent pas tous quant à ce que devrait être l’orientation scolaire la plus profitable pour Joël et ce, dépendamment de l’emphase donnée à l’un ou l’autre des volets soit académique ou soit d’intégration sociale. Selon l’aspect privilégié, les recommandations des témoins experts vont de la classe ordinaire à temps plein à la classe spécialisée, en passant par l’intégration partielle en classe ordinaire.
[220] Cependant, nous sommes d’accord avec l’opinion de madame. Poirier à l’effet que bien que les spécialistes aient évalué les résultats académiques de Joël de façon réaliste, ces spécialistes n’ont pas suffisamment tenu compte du volet socialisation et de son importance dans le cheminement scolaire et dans l’acquisition de l’autonomie.
[221] Certains témoins experts ont recommandé une orientation en classe spécialisée pour Joël en vue de maximiser ses apprentissages dans les matières académiques. Cependant, ceux-ci ont fait cette recommandation à partir du fait que, en réalité, la classe ordinaire n’offrait aucune pédagogie adaptée et les faits ont démontré qu’il s’agissait davantage de ségrégation que d’intégration. Plusieurs ont mentionné que Joël et son accompagnateur fonctionnaient comme un sous-groupe dans le classe et que cela n’avait pas pour effet de favoriser une réelle intégration sociale.
[222] Dans le but d’offrir à Joël une appartenance qui soit la plus significative possible à un groupe ordinaire, et en tenant compte des expertises entendues, nous concluons donc qu’une intégration à mi-temps, en classe ordinaire, est celle qui favorise les meilleures chances de réussite possible de Joël dans ses apprentissages académiques et dans sa socialisation et ce, dans la mesure de ses capacités.
[223] En vue d’assurer une intégration effective et harmonieuse de Joël en classe ordinaire, différents moyens suggérés par des spécialistes et intervenants scolaires doivent donc être mis en œuvre afin de maximiser les effets bénéfiques de cette intégration. Cet exercice n’a pas eu lieu et, par voie de conséquence, Joël s’est vu de nouveau reclassé en classe spécialisée en juin 2004.
[224] Joël a certes des limitations, mais il a aussi des forces importantes. Il faut en tenir compte comme autant d’éléments positifs, de qualités, de ressources qui doivent faire partie de l’évaluation et sur lesquels des objectifs d’apprentissage doivent être identifiés.
[225] La Commission scolaire n’a pas procédé à l’intégration de Joël en lui offrant les moyens nécessaires pour que cette intégration soit harmonieuse et positive; partant, elle ne s’est pas acquittée correctement de son devoir et a ainsi enfreint les prescriptions de la Charte. Elle n’a par ailleurs pas démontré que cette intégration constitue une contrainte excessive ou porte atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.
[226] La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous demande de condamner la Commission scolaire des Phares à verser conjointement aux plaignants, madame Jeannette Pelletier et monsieur Robert Potvin, une somme de 20 103,70 $ à titre de dommages matériels.
[227] Il s’agit là des sommes encourues lors de la scolarisation de Joël à Rivière-du-Loup. Pour le Tribunal, ce sont des dommages directs qui découlent de la décision de la Commission scolaire de placer Joël en classe spécialisée à compter de septembre 2001. De plus, le quantum de ces dommages n’a pas été contesté. Par conséquent, ces dommages doivent être accordés.
[228] Par ailleurs, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous demande de condamner la Commission scolaire des Phares à verser 30 000 $ à titre de dommages moraux, et ce à Joël ainsi qu’à ses parents, Jeannette Pelletier et Robert Potvin.
[229] Il est toujours extrêmement difficile de quantifier un dommage moral. Ici, la preuve nous a été faite plus qu’abondamment des difficultés importantes que les parents de Joël ont vécues dans leurs relations avec les différents intervenants de l’école comme de la Commission scolaire. Soucieux de pousser au maximum le développement complet de leur enfant, ils se sont toujours opposés aux décisions de placer Joël en classe spécialisée; les démarches qu’ils ont dû faire ont été plus que nombreuses et ils n’ont obtenu que des réponses négatives alors même qu’ils offraient des accommodements tel celui de payer, à un certain moment, pour l’accompagnement d’un éducateur en classe ordinaire avec Joël.
[230] Cette famille a vécu une séparation pendant plus d’un an et demi, la mère étant seule avec Joël à Rivière-du-Loup, et il est certain que pareilles difficultés ne sont pas sans laisser des séquelles profondes. Se battre contre un système est toujours extrêmement difficile, extrêmement douloureux surtout lorsqu’il s’agit de son enfant. La preuve sur ce chapitre nous a été abondamment faite. Nous n’avons donc aucune hésitation à accorder ce montant de 30 000 $ qui, dans ce contexte, nous apparaît même conservateur.
[231] Enfin, nous n’accordons aucun dommage punitif. Les dommages ont pour objectif un effet dissuasif lorsque l’intention malicieuse se manifeste ou lorsqu’il y a une connaissance de la transgression d’une loi.
[232] La Commission scolaire n’a pas respecté les prescriptions de la Charte et a par conséquent enfreint le droit de Joël à l’instruction publique gratuite sans discrimination fondée sur son handicap. Il est sans doute beaucoup plus simple de regrouper ensemble des enfants avec des handicaps d’ailleurs de nature très différente, plutôt que de prévoir des solutions adaptées à chacun de ces enfants dans le but de leur intégration à un cadre régulier. Nous ne pouvons cependant retrouver là les conditions requises pour l’octroi de dommages punitifs.
4. Le dispositif
[233] CONSIDÉRANT que la Charte prévoit l’exercice du droit à l’instruction publique gratuite dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, sans discrimination fondée sur le handicap;
[234] CONSIDÉRANT que la Loi sur l’instruction publique édicte, comme norme générale, l’intégration de l’élève dans une classe ou un groupe ordinaire lorsque l’évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale;
[235] CONSIDÉRANT que cette loi prévoit que l’intégration doit alors se faire à moins qu’elle ne constitue pour la Commission scolaire une contrainte excessive ou ne porte atteinte de façon importante aux droits des autres élèves ;
[236] CONSIDÉRANT que la Commission scolaire des Phares n’a pas respecté le droit de Joël à l’instruction publique gratuite dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, sans discrimination fondée sur son handicap;
[237] CONSIDÉRANT qu’une intégration de Joël en classe ordinaire, compte tenu de l’évaluation de ses besoins et de ses capacités, est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale;
[238] CONSIDÉRANT que la Commission scolaire des Phares n’a pas fait la preuve devant le Tribunal que l’intégration harmonieuse de Joël en classe ordinaire, le plus près possible de sa résidence, constitue une contrainte excessive ou porte atteinte de façon importante aux droits des autres élèves;
[239] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[240] ACCUEILLE pour partie la présente demande ;
[241] CONDAMNE la Commission scolaire des Phares à verser conjointement aux plaignants Jeannette Pelletier et Robert Potvin une somme de 20 103,70 $ à titre de dommages matériels ;
[242] CONDAMNE la Commission scolaire des Phares à verser aux plaignants Joël Potvin, Jeannette Pelletier et Robert Potvin une somme, répartie également entre eux, de 30 000 $ à titre de dommages moraux ;
[243] ORDONNE à la Commission scolaire des Phares, prenant en considération les capacités et les besoins de Joël Potvin :
a) De procéder à l’évaluation de Joël Potvin en adaptant les normes d’évaluation et de classement pour tenir compte de son handicap;
b) D’élaborer un plan d’intervention afin que Joël Potvin puisse être intégré à une classe ordinaire, le plus près possible de sa résidence;
c) De procéder à l’adaptation du matériel pédagogique pour l’intégration en classe ordinaire de Joël Potvin, en prenant en considération les différents moyens proposés par les spécialistes et en s’assurant que les services de soutien à l’enseignant soient prévus de façon spécifique afin de faciliter l’adaptation de l’enseignement auprès de l’enfant.
d) De procéder à l’intégration de Joël Potvin, au moins pour mi-temps en classe ordinaire, en s’assurant que les mesures d’adaptation nécessaires répondent à ses besoins dans les domaines de l'instruction, de la socialisation et de la qualification, de manière à ce que l’intégration soit substantielle et non pas seulement formelle;
le tout dans un délai de soixante (60) jours à compter de la signification du présent jugement ;
[244] ORDONNE à la Commission scolaire des Phares, dans l’intérêt public, d’appliquer sa politique concernant l’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et le cas échéant, la modifier afin que la classe ordinaire, la plus près possible de la résidence, soit considérée la norme et que l’enfant ne soit pas orienté vers une classe spécialisée en raison de son handicap mais que le choix de la classe soit plutôt fait en fonction des capacités de l’enfant et de ses besoins;
[245] LE TOUT, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle conformément à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement ainsi que les entiers dépens, incluant les frais d’expert, tant pour leur présence à la Cour que la préparation de leur rapport.
MICHÈLE RIVET, Présidente du Tribunal des droits de la personne
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Me Athanassia Bitzakidis Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Contentieux 360, rue St-Jacques, bureau 310 Montréal (Québec) H2Y 1P5 Procureure de la demanderesse |
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Mes Jean-Claude Girard et Louise Crête Pothier, Delisle 3075, chemin des Quatre-Bourgeois, bureau 400 Sainte-Foy (Québec) G1W 4X5 Procureurs de la défenderesse Commission scolaire des Phares |
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Me Isabelle Hudon Tremblay, Bois Mignault 1195, avenue de Lavigerie, bureau 200 Sainte-Foy (Québec) G1V 4N3 Avocate-conseil pour la partie défenderesse Commission scolaire des Phares |
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Me Cathy-Maude Croft Commission scolaire des Phares 435, avenue Rouleau Rimouski (Québec) G5L 8V4 Avocate et secrétaire générale pour la Commission scolaire des Phares
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Dates d’audience : 16 au 20 août 2004 |
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AUTORITÉS DE LA PARTIE DEMANDERESSE
telles que citées par la partie demanderesse
Droit international:
Convention relative aux droits de l'enfant (ONU (1991)), Convention relative aux droits de l'enfant(adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée nationale).
Droit interne:
Charte des droits et libertés de la personne L.R.Q., c. C-12.
Loi sur l'instruction publique L.R.Q., c. I-13.3.
Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l'adaptation scolaire, Québec, Ministère de l'Éducation, 1999-99-0798.
Une école adaptée à tous ses élèves: Plan d'action en matière d'adaptation scolaire, Québec, Ministère de l'Éducation, 1999-99-0826.
Le plan d'intervention au service de la réussite de l'élève. Cadre de référence pour l'établissement des plans d'intervention, Québec, Ministère de l'Éducation, 2004-03-00557.
Les difficultés d'apprentissage à l'école: Cadre de référence pour guider l'intervention, Québec, Ministère de l'Éducation, 2003-03-00167.
Programmes d'études adaptés. Français, mathématiques, sciences humaines, Enseignement primaire, Québec, Ministère de l'Éducation,
Le programme de formation de l'école québécoise: Le premier cycle du primaire. Information aux parents, Québec, octobre 2001, Ministère de l'Éducation.
Commission scolaire régionale Chauveau c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1196 , p. 1207 (j. Rousseau-Houle).
Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1227 (C.A.).
Canada (Secrétaire d'état aux Affaires extérieures) c. Menghani, [1994] 2.F.C.
Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 24.
Regent Taxi & Transport Company, Limited c. Congregation des Petits Frères de la Marie, [1928] C.S. Vol. 46.
CARON, M., Les concepts d'égalité et de discrimination dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit administratif (1993), Cowansville, Éd. Yvon Blais, p.39;
G. PEACOCK, M., Recent Developments in Education Law Affecting the Linguistic Minority and the Handicapped Students in Quebec: Public Education that is «Separate but Equal?», dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développement récent en droit de l'Éducation (1996), Cowansville, Éd. Yvon Blais, p.25.
GARON, M., La déficience intellectuelle et le droit à l'intégration scolaire, Montréal, Éd. Yvon Blais, 1992, p.33 et p. 63.
Philippe ROBERT DE MASSY et Muriel GARON, Lignes directrices en matière d'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire public, septembre 1997, Document officiel de la Commission des droits de la personne, Cat. 2..120-12.9.6.
Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 5e édition, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 1998.
AUTORITÉS DE LA PARTIE DÉFENDERESSE
telles que citées par
la partie défenderesse
Charte des droits et libertés de la personne L.R.Q., c. C-12.
Loi sur l'instruction publique L.R.Q., c. I-13.3.
Régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire.
Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l'adaptation scolaire, , 2000.
Bigonesse c. École secondaire du Mont-Bruno, J.E. 96-1477 (T.D.P.Q.).
Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 24.
Commission scolaire régionale Chauveau c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1196 , p. 1207 (j. Rousseau-Houle).
Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1227 (C.A.).
Forget c. Québec (Procureur general), [1988] 2 R.C.S. 90 .
Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 .
Picard c. Conseil des commissaires de la Commission scolaire Prince-Daveluy, [1992] R.J.Q. 2369 (C.A.).
Québec (Procureur général) c. Lambert, [2002] R.J.Q. 599 (C.A.), (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada (CSC no 29227).
Roy c. Commission scolaire des Draveurs, J.E. 95-1740 (T.D.P.Q.).
Syndicat des infirmières du Nord Est québécois (SINEQ) (SIIQ) c. Sylvestre, [2003] R.J.Q. 1392 (C.A.).
Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493 .
Weatherall c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 872 .
La fédération des commissions scolaires du Québec, La Loi sur l'instruction publique annotée, articles 111 à 301.
Droit international:
Observation générale 5, Doc. N.U., CESCR 09/12/94 Personnes souffrant d'un handicap.
Observation générale 13, Doc. N.U., CESCR E/C.12/1990/10, Observation générale 13, Le droit à l'éducation, décembre 1999.
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1976) 99, R.T.N.U. 3.
Règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées, adoptées, le 20 décembre 1993, par l'Assemblée générale des Nations Unies, Doc. N.U., A/RES/48/96, mars 1994.
Droit interne:
Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, L.R.Q., E-20.1.
Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, L.Q. 1997, c. 96; entrée en vigueur des dispositions pertinentes en l'espèce le 1er juillet 1998.
Jurisprudence
Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] R.C.S. 970, p. 984 (j. Sopinka).
Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGESU, [1999] 3 R.C.S. 3 .
Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 .
Commission des droits de la personne du Québec c. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu, [1991] R.J.Q, 3003.
Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624 .
Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54 .
Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27 , par. 42.
[1] Pièce D-9.
[2] Pièce D-9, p. 11.
[3] Pièce D-10, Feuille synthèse.
[4] Pièce D-11.
[5] Pièce D-12, Activités nécessitant du soutien.
[6] Centre de réadaptation en déficience intellectuelle du Bas-Saint-Laurent.
[7] Pièce D-13, p. 1.
[8] Pièce D-13 pp. 1 et 2.
[9] Pièce D-13 p. 2.
[10] Pièce D-30.
[11] Pièce D-0.1.
[12] Pièce D-14.
[13] Pièce P-2.
[14] Pièce P-12.
[15] Pièce D-15.
[16] Pièce P-14.
[17] Pièce P-10.
[18] Pièce P-15.
[19] Pièces P-11 et P-13.
[20] Pièces D-17 en liasse.
[21] Pièces D-17 en liasse.
[22] Pièce D-24, p. 15.
[23] Pièce D-24, p. 16.
[24] Pièce D-20.
[25] Pièce D-22.
[26] Pièce D-33, p. 1.
[27] Pièce D-33, pp. 2 et 3.
[28] Pièce D-33, p. 3.
[29] Pièce D-34.
[30] Pièce P-19, p. 3.
[31] Pièce P-19, p. 6.
[32] Pièce P-19, p. 7.
[33] Pièce D-24, Annexe 1 : Pistes suggérées pour orienter les interventions en lecture, en écriture et en mathématiques.
[34] Pièce P-19, p. 8.
[35] Madame Doucet est conseillère à l’intégration scolaire au service Accès-Intégration du Regroupement pour la Trisomie 21.
[36] L’Échelle Québécoise des Comportements Adaptifs (ÉQCA).
[37] Pièce D-24, Annexe 1, dernière page.
[38] Pièce P-20, p. 6.
[39] Pièce D-26, p. 7.
[40] Pièce D-25, p. 8.
[41] Pièce D-25, p. 9.
[42] Pièce D-26, p. 3.
[43] Pièce D-26, p. 7.
[44] Pièce D-26, pp. 7 et 8.
[45] Pièce D-27, p. 6.
[46] Pièce D-27, p. 6.
[47] Idem.
[48] Pièce D-27, p. 7.
[49] Pièce P-18.
[50] Pièce P-18, p. 1.
[51] Pièce P-18, p. 4.
[52] Commission scolaire des Phares, SE-98-06-22, ci-après la Politique de 1998. Pièce D-1
[53] Québec, Ministère de l'Éducation, Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l'adaptation scolaire, 1999. Pièce D-1.2
[54] Commission scolaire des Phares, SE-02-08-27, ci-après la Politique de 2002. Pièce D-1.1
[55] Commission des droits de la personne du Québec c. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu, [1991] R.J.Q, 3003, pp. 3024-3028.
[56] Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1227 , pp. 1233-1234.
[57] Adoptée le 20 novembre 1989: Rés. A.G. 4425, Annexe; déclaration d'adhésion du Québec le 9 décembre 1991 et ratification par le Canada le 12 décembre 1991.
[58] Id., art. 2.
[59] Id., art. 23.
[60] Doc. N.U., A/RES/48/96, mars 1994, par. 26 de l'introduction.
[61] Id., par. 14.
[62] Id., par. 24.
[63] Doc. N.U., CESCR 09/12/94, Observation générale 5, Personnes souffrant d'un handicap.
[64] (1976) 993 R.T.N.U. 3; le Québec y a donné son adhésion le 21 avril 1976 et le Canada l'a ratifié le 19 mai 1976.
[65] Observation générale 5, précitée, note 63, par. 5.
[66] Id., par. 9. Il en est ainsi parce qu'à la différence d'autres droits, l'interdiction de la discrimination est d'application immédiate, et non sujette à une mise en œuvre progressive.
[67] Id., par. 35.
[68] Doc. N.U., CESCR E/C.12/1990/10, Observation générale 13, Le droit à l'éducation, décembre 1999.
[69] Le paragraphe 2(2) se lit comme suit: «Les États parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation»; nous soulignons.
[70] Id., par. 31.
[71] Id., par. 36.
[72] Commission des droits de la personne du Québec c. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu précitée, note 55
[73] L.R.Q., c. C-12.
[74] L.R.Q., c. I-13.3.
[75] Commission des droits de la personne du Québec c. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu précitée, note 56
[76] Commission des droits de la personne du Québec c. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu, précitée, note 56, p. 1240 (j. Rousseau-Houle).
[77] Id.; nous soulignons.
[78] Commission scolaire régionale Chauveau c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1196 , p. 1207 (j. Rousseau-Houle).
[79] Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241 .
[80] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[81] Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brant, précitée, note 79, par. 67.
[82] Id., par. 69 et 77.
[83] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54 .
[84] Id., par. 93 (j. Gonthier).
[85] Id., par. 81.
[86] Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624 .
[87] Id., par. 64, 66 et 71 (j. La Forest).
[88] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGESU, [1999] 3 R.C.S. 3 .
[89] Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 .
[90] Id., par. 19 (j. McLachlin); soulignés dans le texte.
[91] Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] R.C.S. 970, p. 984 (j. Sopinka).
[92] Principe réitéré par la Cour suprême dans l'arrêt Québec (Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27 , par. 42.
[93] Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, L.Q. 1997,
c. 96; entrée en vigueur des dispositions pertinentes en l'espèce le 1er juillet 1998.
[94] Loi sur l’instruction publique, précitée, note 75
[95] Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec,
précitée, note 56, p. 1242.
[96] Voir l'article 1er de la L.I.P., précitée, note 74: «Toute personne a droit au service de l'éducation préscolaire et aux services d'enseignement primaire et secondaire prévus par la présente loi et le régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de l'article 447, à compter du premier jour du calendrier scolaire de l'année scolaire où elle a atteint l'âge d'admissibilité jusqu'au dernier jour du calendrier scolaire de l'année scolaire où elle atteint l'âge de 18 ans, ou 21 ans dans le cas d'une personne handicapée au sens de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées (chapitre E-20.1) Elle a aussi droit, dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire, aux autres services éducatifs, complémentaires et particuliers, prévus par la présente loi et le régime pédagogique visé au premier alinéa ainsi qu'aux services éducatifs prévus par le régime pédagogique applicable à la formation professionnelle établi par le gouvernement en vertu de l'article 448. […]».
[97] Voir aussi, Québec, Ministère de l'Éducation, Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l'adaptation scolaire, précité, note 53, p. 23
[98] Québec, Ministère de l'Éducation, Le plan d'intervention au service de la réussite de l'élève. Cadre de référence pour l'établissement des plans d'intervention, 2004, p. 10.
[99] Politique 2002, précitée, note 54, art 7.4
[100] L’article premier et introductif de la Politique 2002, établit la volonté de la Commission scolaire de
donner les meilleures chances de réussites possible à l’élève qui lui est confié afin de l’instruire, de le socialiser et de le qualifier.
[101] Québec, Ministère de l'Éducation, Une école adaptée à tous ses élèves. Prendre le virage du succès. Politique de l'adaptation scolaire, précité, note 53, p. 20.
[102] Politique 2002, précitée, note 54, art. 6.2.
[103] Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne du Québec, précitée note 56, p. 1246; en supprimant les termes «dans la mesure du possible», l'énoncé de la Cour d'appel conserve tout son sens dans le contexte législatif applicable en l'espèce.
[104] Art 235 de la L.I.P., précitée, note 74
[105] Québec, Ministère de l'Éducation, Programmes d'études adaptés. Français, mathématiques, sciences humaines, Enseignement primaire, p. 14. « Vivre avec une déficience intellectuelle dans un environnement cognitif conçu par et pour des personnes «intelligentes», c'est vivre constamment en situation d'échec avec des conséquences néfastes, voire dévastatrices sur l'estime de soi et la motivation à apprendre.
En contexte d'enseignement, deux solutions sont envisageables: la première consiste à faire vivre des succès à l'enfant par un programme d'enseignement taillé sur mesure pour lui ou elle. C'est le «programme d'enseignement individualisé» qui est en fait un programme d'enseignement «personnalisé» habituellement basé sur une microgradation des objectifs. Cette solution réduit l'intégration à la simple présence de l'élève dans le même local que ses camarades et comporte le risque que l'élève accumule de plus en plus de retard dans la maîtrise des habiletés importantes pour le développement de l'autonomie et du sens des responsabilités. L'autre solution, qui sera privilégiée ici, consiste à aménager l'environnement cognitif (programmes, stratégies, procédure, consignes, outils) pour que chaque personne y trouve son compte. Les incapacités d'une personne qui présente une déficience intellectuelle peuvent se résumer en une seule phrase: elle a du mal à comprendre et à retenir. Accommoder cette personne en changeant l'environnement, c'est reconnaître et réduire ou éliminer les obstacles qui lui rendent l'apprentissage impossible »
[106] Pièce D-25, p. 9.
[107] Politique 2002, précitée, note 54, art. 5.4
[108] À huit occasions, entre 2000 et 2004, la Commission scolaire des Phares a officiellement notifié sa décision d’orienter Joël en classe spécialisée : 1- Lorsqu’elle informe les parents de Joël de son classement pour l’année scolaire 2000-2001; 2- Lors de la réunion du 19 avril 2001 (Pièce D-13); 3- Dans le bulletin 2000-2001 (Pièce D-9); 4- Lors de la révision de la décision prise le 19 avril 2001 (Pièce D-14); 5- Dans la lettre transmise par madame France Bélanger aux parents de Joël le 17 mai 2001 (Pièce D-29); 6- Lors de la réunion du 11 juin 2001 (Pièce D-30); 7- Dans la résolution des commissaires adoptée le 19 novembre 2001 (Pièce P-2); 8- Dans le bulletin scolaire de Joël pour l’année scolaire 2003-2004 (Pièce D-34).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.