Décision

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Centre de santé et de services sociaux de l'Énergie c. Société immobilière Lemieux inc.

2011 QCCA 972

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

N:

200-09-007117-101

 

(410-17-000814-108)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

26 mai 2011

 

CORAM :  LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

JULIE DUTIL, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

PARTIE APPELANTE

AVOCAT

 

CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE L'ÉNERGIE

 

 

Me ÉRIC BEAUCHESNE (ABSENT)

(Joli-Coeur, Lacasse)

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCAT

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE LEMIEUX INC.

 

 

Me FRANÇOIS VIGEANT (ABSENT)

(Bélanger, Sauvé)

 

 

En appel d'un jugement rendu le 28 juin 2010 par l'honorable Ivan Godin de la Cour supérieure, district de St-Maurice.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Louage de choses (bail)

 

Greffière :  Michèle Blanchette (TB3352)

Salle :  4.33

 


 

 

AUDITION

 

 

Continuation de la cause entamée le 25 mai 2011;

 

 

9 h 30

Arrêt.

 

 

 

 

 

(s)

Greffière audiencière

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]          L'appelante se pourvoit contre un jugement déclaratoire de la Cour supérieure, district de St-Maurice, rendu le 28 juin 2010 par l'honorable Ivan Godin, déclarant que le calcul de l'ajustement des frais d'exploitation, décrit à la clause 4.3.1 du bail de location intervenu entre les parties, « doit être cumulatif d'une année à l'autre et être ajouté au prix du loyer de l'année précédente ».

[2]          La clause suivante est l'objet du litige :

4.3       Ajustements annuels

 

4.3.1 Ajustement des frais d'exploitation

 

À la fin de chaque année du bail et à la fin de l'exercice de l'option 1, un ajustement automatique du coût unitaire des frais d'exploitation est fait selon la formule suivante :

 

Coût initial :       coût/m.c. (an 1 : 55.85) $           X        Indice nouveau

                                                                                 Indice de base      

 

L'indice nouveau est composé de 75 % de l'indice général national des prix à la consommation, plus 25 % de l'indice des coûts énergétiques pour le troisième (3e) mois précédant la date d'ajustement.

 

L'indice de base est composé de 75 % de l'indice général national des prix à la consommation, plus 25 % de l'indice des coûts énergétiques pour le troisième (3e) mois précédant la date d'entrée en vigueur du bail.

[3]          L'appelante est d'avis que les frais d'exploitation, calculés chaque année, doivent l'être sur la base du coût initial de l'« an 1 » seulement, alors que l'intimée estime que le résultat de l'année précédente doit être ajouté de manière récurrente au coût initial, avant d'effectuer le nouveau calcul annuel.

[4]          Le juge de première instance estime « qu'une difficulté réelle résulte de l'interprétation de la clause 4.3.1 du bail … » et, tenant compte des termes de la clause, de ses effets selon que les frais sont cumulatifs ou pas, et du comportement des parties, il conclut que les résultats de l'exercice mathématique doivent être cumulatifs, s'ajoutant les uns aux autres au fil des années.

[5]          Il revient au juge de première instance de déterminer s'il y a ambiguïté. C'est une question de fait qui requiert retenue et déférence et, sans une erreur manifeste et dominante, le tribunal d'appel ne peut intervenir. L'appelante ne nous convainc pas de l'existence d'une telle erreur.


[6]          Il est vrai que l’ambiguïté ne provient pas de la formule prévue à la clause 4.3.1. Les parties en conviennent. Elle réside plutôt notamment dans l'utilisation du terme « an 1 », qui n'est d'aucune utilité si l'on retient la théorie de l'appelante, puisque le montant, selon elle, serait toujours le même, soit 55,85. Or, si l'on mentionne « an 1 », il faut conclure que les montants pour les années subséquentes seront différents. Comme c'est l'appelante elle-même qui a rédigé le bail, on peut certes s'interroger sur la raison de cette mention afin de déterminer s'il y a ambiguïté ou non.

[7]          L'ambiguïté peut aussi provenir, dans ce contexte, de l’absence d’indication quant au cumul ou non des montants résultants du calcul. S'agissant d'un bail de 10 ans, l'absence de clause d'augmentation réelle de loyer peut donc être considérée.

[8]          Par ailleurs, il n'y a pas que le texte du bail qui soit en cause. En effet, le reste de la preuve permettait également au juge de conclure à l'ambiguïté du bail. Ainsi, le directeur général de l'appelante, Guy Lemieux, laisse entendre que l'interprétation de l'intimée n'est pas dénuée de sens :

Q.   [134] Vous comprenez que ce n’est pas une réclamation, ce n’est pas nécessairement une chose qui est farfelue, dans le sens qu’il vous soumet une façon de calculer qui va être à déterminer par le Tribunal, vous avez une façon de calculer qui est différente. Mais ce n’est pas…La position de monsieur Lemieux[1], là, vous ne la calculez pas comme étant une position farfelue comme telle, là ?

R.   Absolument pas.

[9]          Alain Lemieux indique, quant à lui, que l'appelante semblait y voir un problème d'interprétation :

R.   …monsieur Guy Lemieux est venu nous rencontrer, on a eu une discussion parce que le litige dure depuis plusieurs années, puis il m'a demandé de faire une nouvelle formule, de lui proposer une nouvelle formule. Alors, moi, je me dis si la formule a été proposée par eux et qu'ils me redemandent de faire une nouvelle formule, ça veut dire qu'il y a déjà un problème.

[10]       Le juge pouvait également considérer la décision de l'appelante de payer la somme demandée par l'intimée, conformément à l'interprétation de cette dernière, lors de l'année 2007-2008.

[11]       Comme il y avait ambiguïté, le juge devait interpréter la clause.

[12]       Il a tenu compte du résultat des prétentions de deux parties et constaté que, selon l'interprétation de l'appelante, la clause d'ajustement annuel n'avait d'effet véritable que la première année. Après celle-ci, l'augmentation ne reflète même pas l'inflation et l'augmentation réelle des frais d'exploitation[2].

[13]       L'intimée résume d'ailleurs très bien cette question dans son exposé écrit :

[62]      Pourquoi la première année d'augmentation du bail, soit à compter du 31 mars 2006, le prix du loyer a-t-il augmenté de 13 739 $ soit à un taux à peu près équivalent au taux d'inflation, alors que pour toutes les autres années subséquentes, le loyer n'augmente presque plus, n'augmentant que de 2 920 $ entre l'année 2006 et l'année 2009 alors que le taux d'inflation demeure toujours relativement constant d'une année à l'autre, tel que le démontre le tableau apparaissant à la suite du paragraphe 8 du présent mémoire.

[14]       Le juge fait aussi état d'un fait connu, c'est-à-dire que les frais d'exploitation « s'accroissent habituellement chaque année en fonction de l'inflation et des autres facteurs inhérents à l'augmentation des coûts de ces divers frais d'exploitation ». En d'autres termes, l'intimée serait remboursée de ses frais d'exploitation, mais recevrait toujours le même prix de base, qui est fixe, alors que l'inflation en réduirait considérablement la valeur au fil des ans. Le juge pouvait tenir compte de ce constat dans la recherche de l'intention véritable des parties.

[15]       Enfin, au chapitre de l'interprétation donnée par les parties au bail, le juge retient le paiement fait par l'appelante pour l'année 2007-2008, conformément à la méthode de calcul préconisée par l'intimée. Comme le paiement est mensuel, l'appelante a donc, à 12 reprises durant l'année, versé une somme qu'elle prétend maintenant être supérieure à l'entente.

[16]       Bref, l'appelante ne démontre pas l'existence d'une erreur.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[17]       REJETTE l'appel, avec dépens.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 



[1]     Il s'agit d'un autre « M. Lemieux » (Alain), représentant de l'intimée.

[2]     Qui sont définis ainsi au bail : Les «frais d'exploitation» sont toutes les dépenses habituellement encourues par le locateur pour l'énergie, la consommation électrique, les contrats de services, l'entretien ménager, les primes d'assurance, les frais de gestion, la surveillance, l'entretien et les réparations mineures de l'immeuble et des lieux loués.

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