JJ0270 |
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(Recours collectifs) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000076-980 |
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500-06-000070-983 |
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DATE: |
LE 21 FÉVRIER 2005 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE PIERRE JASMIN, J.C.S. |
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No 500-06-000076-980
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CONSEIL QUÉBÉCOIS SUR LE TABAC ET LA SANTÉ et JEAN-YVES BLAIS |
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Requérants |
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c. |
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JTI-MACDONALD CORP. et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. |
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Intimées |
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ET No 500-06-000070-983
CÉCILIA LÉTOURNEAU Requérante c.
JTI-MACDONALD CORP. et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. Intimées |
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JUGEMENT EN AUTORISATION DE RECOURS COLLECTIFS |
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[1] Comme les deux dossiers ont été réunis aux fins d’enquête et audition et que plusieurs des allégations des requérants de même que les contestations des trois intimées sont identiques, similaires ou comportent plusieurs éléments communs, le Tribunal considère qu’il est plus pratique qu’il n’y ait qu’un seul jugement, avec des conclusions différentes pour chacun des dossiers.
[2] Les requérants Conseil québécois sur le tabac et la santé (« Conseil ») et Jean-Yves Blais (« M. Blais ») et Cécilia Létourneau (« Mme Létourneau ») demandent au Tribunal l’autorisation d’exercer un recours collectif contre les intimées Imperial Tobacco Ltée (« ITL »), Rothmans, Benson & Hedges inc. (« RBH ») et JTI-Macdonald Corp. (« JTI »).
[3] Le Conseil désire exercer son recours collectif pour le compte des personnes physiques faisant partie du groupe ci-après décrit :
« Toutes les personnes résidant au Québec qui sont ou qui ont été victimes d’un cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ou qui souffrent d’emphysème, après avoir inhalé directement de la fumée de cigarette sur une période de temps prolongée au Québec.
Ainsi que les ayants droit et/ou héritiers de personnes décédées qui autrement auraient fait partie du groupe. »
[4] Mme Létourneau, pour sa part, désire exercer le recours collectif pour le compte des personnes physiques comprises dans le groupe ci-après décrit, dont elle est elle-même membre :
« Toutes les personnes résidant au Québec qui sont ou qui ont été dépendantes de la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les intimées ainsi que les héritiers légaux des personnes comprises dans le groupe mais décédées;
All persons residing in Quebec who are or who have been addicted to nicotine contained in the cigarettes manufactured by the respondents as well the legal heirs of persons included in the group but deceased. »
1. Requête du Conseil et de M. Blais
[5] Le Conseil est une société à but non lucratif qui a été constituée en 1976 dont la mission est de mobiliser les intervenants québécois autour de l’objectif global de réduction de la consommation des produits du tabac en situant ses interventions dans le cadre d’une approche en promotion de la santé et en prévention. La grande majorité des organismes qui en font partie sont spécialisés en santé ou ont pour but de lutter contre l’usage du tabac. Il est possible de devenir membre du Conseil à titre individuel.
[6] Le Conseil a nommé M. Blais à titre de membre désigné lors de la réunion de son conseil exécutif tenue le 15 juillet 1998. M. Blais est né le 29 mai 1944 et a commencé à fumer à l’âge de 10 ans. Il a toujours consommé une moyenne de 50 cigarettes par jour. Au fil des ans, il a fait plusieurs tentatives pour cesser de fumer, mais sans succès.
[7] En août 1997, il a appris qu’il était atteint d’un cancer du poumon. Par la suite, il subit l’ablation du lobe du poumon droit. Son médecin traitant, le docteur Edwin Lafontaine, attribue son cancer à la consommation de cigarette. Malgré plusieurs conseils de ses médecins traitants qui le pressaient de cesser de fumer, M. Blais n’a jamais réussi à le faire. Le docteur André Gervais, pneumologue, a confirmé l’état de dépendance à la nicotine de M. Blais, ce qui expliquerait ses difficultés ou son incapacité d’arrêter de fumer.
[8] Les trois intimées accaparent la presque totalité des ventes de cigarette au Canada et sont liées, sur une base corporative, aux plus importantes compagnies de tabac au monde.
[9] Selon le Conseil, la fumée de cigarette contient plus de 4 000 produits chimiques dont au moins 40 à 50 sont reconnus comme cancérigènes. Toujours selon le Conseil, le tabac est reconnu depuis des dizaines d’années comme étant responsable de 85 % des cancers du poumon, 30 % des cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, de l’estomac, du pancréas, du col utérin, de l’uretère et de la vessie, et comme un facteur de risque de maladies cardiovasculaires telles que l’hypertension ou l’hypercholestérolémie et d’une manière générale de 30 % de tous les décès dus au cancer. Le tabac est la principale cause de certains types de cancer, dont le cancer du poumon. Il y a un lien de causalité scientifique entre la consommation des produits du tabac et diverses formes de cancer, dont le cancer du poumon. En 1991, le nombre de décès imputables au tabagisme au Canada s’élevait à 45 064. Une étude débutée en 1951 et publiée en 1994 a conclu que la moitié des fumeurs de cigarette invétérés finiront par mourir à cause de leur habitude.
[10] Le Conseil allègue également que le tabac crée une dépendance à cause notamment de la nicotine, une drogue qui créerait une dépendance similaire à la toxicomanie provoquée par l’héroïne et la cocaïne. La dépendance à la nicotine est la conséquence la plus fondamentale du tabagisme pour la santé et 70 % des personnes fumant tous les jours admettent elles-mêmes être dépendantes de la cigarette.
[11] Selon le Conseil, malgré les preuves scientifiques et les études réalisées par l’industrie du tabac qui tendent à établir un lien entre la cigarette et plusieurs problèmes de santé, celle-ci a longtemps nié la causalité entre le tabac et le cancer. Le Conseil appuie cette affirmation sur plusieurs sources documentaires émanant de l’industrie à compter de la fin des années 1950 et s’échelonnant jusqu’en 1998 et dont plusieurs ont été dévoilées à l’occasion de procès impliquant les sociétés mères des intimées ou des sociétés intimement liées à ces dernières.
[12] Selon le Conseil, l’industrie du tabac a toujours tenté de cacher plusieurs conclusions de ses recherches reconnaissant un lien entre la cigarette et certains problèmes de santé comme le cancer et elle n’a jamais fait aucun effort sérieux pour tenter de réduire substantiellement les effets nocifs de la cigarette ou de la nicotine afin de réduire ou d’éliminer la dépendance chez les fumeurs. Cette dépendance à la nicotine a toujours été connue par l’industrie du tabac depuis le début des années 1960 suite à des recherches confidentielles effectuées par cette dernière.
[13] Le Conseil allègue également que pour accentuer l’effet de dépendance à la nicotine, et par le fait même augmenter substantiellement la vente de leurs cigarettes, les intimées auraient manipulé les taux de nicotine en augmentant le taux de goudron ou en ajoutant certains produits comme l’ammoniaque.
[14] Selon le Conseil, dès que les intimées se sont vues forcées de poser des avis sur les paquets de cigarettes, elles ont persisté à en nier le contenu et ont toujours insisté pour que les avis soient attribués à l’État qui leur en avait imposé l’affichage. Les intimées ont contesté jusqu’à la Cour suprême la Loi réglementant les produits du tabac[1] de 1988, soutenant que celle-ci constituait une entrave inconstitutionnelle à la liberté d’expression. Comme la Loi lui obligeait à faire une affirmation qu’elles réprouvaient, les avertissements devaient être attribués à l’État. En 1990, le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac a nié la nécessité des avis relatifs à l’état de dépendance que créait le tabac en soutenant qu’il serait insultant et irresponsable de tenter de traiter de dépendants les six millions de canadiens qui choisissent de fumer. Il a également affirmé qu’il ne reconnaissait pas l’existence d’une preuve sûre, ou digne de foi, établissant qu’inhaler la fumée secondaire du tabac constituait un véritable risque pour la santé des non-fumeurs.
[15] Le Conseil allègue que les intimées ou leurs compagnies affiliées ou les compagnies mères ont effectué ou fait effectuer d’importantes recherches de marketing dans le but d’attirer les jeunes et d’augmenter leurs ventes chez ces derniers qui constituent la clientèle la plus vulnérable et la plus rentable à long terme.
[16] Le Conseil a enfin prétendu que l’ensemble des dommages causés par la cigarette imputait au système de santé des coûts considérables. Une partie des sommes allouées à titre de dommages et intérêts devait donc être allouée à la création d’un fonds visant à mettre en œuvre des mesures d’intervention destinées à limiter la consommation de cigarette et à favoriser la recherche médicale des maladies liées au tabac.
2. Requête de Cécilia Létourneau
[17] Plusieurs des faits allégués par la requérante sont similaires ou identiques à ceux allégués par le Conseil. Il n’est donc pas nécessaire de les reprendre en entier. Il s’agit de rajouter les faits allégués suivants :
[18] Au Québec, la cigarette tue chaque année environ 12 000 personnes, soit trois fois plus que les décès causés par les accidents de la route, les homicides, les suicides, le sida et les drogues illicites réunies.
[19] La vaste majorité des millions de fumeurs québécois sont dépendants de la nicotine contenue dans la cigarette et des dizaines de milliers d’autres en deviennent dépendants chaque année.
[20] Les intimées, par le biais du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac, ont conspiré afin de coordonner leurs efforts de relations publiques pour combattre et contredire toute perception négative et enrayer toute tentative gouvernementale de réglementer l’industrie de la cigarette. Ainsi :
a) aucune des intimées n’aurait admis publiquement que la nicotine crée une dépendance;
b) aucune n’a tenté de mettre sur le marché une cigarette qui ne créerait pas de dépendance, bien que toutes en seraient capables;
c) aucune n’aurait admis l’existence d’un lien de causalité entre la cigarette et un quelconque problème de santé;
d) aucune n’aurait tenté de mettre sur le marché une cigarette dont certaines des substances toxiques connues auraient été enlevées.
[21] Les intimées et les autres compagnies auxquelles elles sont liées détiennent des brevets sur des variétés de tabac qui ont été manipulées génétiquement afin que le pourcentage de nicotine soit augmenté. Alors qu’elles faisaient en sorte de baisser les taux de goudron dans la cigarette, elles en ont augmenté le taux de nicotine rendant les cigarettes beaucoup plus dangereuses qu’elles ne l’étaient déjà.
[22] Par leurs propres recherches, les intimées ou les compagnies auxquelles elles sont liées, ont confirmé le consensus existant dans le monde médical relativement aux méfaits du tabac, ce qui prouve qu’en tout temps, elles étaient au courant de l’impact de leurs produits sur la santé des fumeurs. Cependant, elles ont toujours nié publiquement qu’il existe un lien de causalité entre l’utilisation de leurs produits et un quelconque problème de santé.
[23] Les intimées se sont concertées pour cesser d’effectuer des recherches visant à développer une cigarette plus sécuritaire, ce qui par référence logique impliquerait que les cigarettes mises en marché ne sont pas sécuritaires.
[24] Les intimées auraient également fait défaut d’avertir les membres du groupe des dangers de leurs produits. La soi-disant connaissance générale de la population relativement aux dangers de la cigarette alléguée par les intimées, si cette connaissance existe, l’a été en dépit des efforts des intimées pour contredire, nier et occulter les renseignements qu’elles détenaient déjà. Les intimées ont toujours refusé que les avertissements imposés par le gouvernement fédéral sur les paquets de cigarettes leur soient attribués et elles ont contesté jusqu’en Cour suprême la Loi réglementant les produits du tabac.
[25] Les intimées auraient utilisé de la publicité trompeuse dans leur campagne publicitaire et notamment en associant à leurs produits le prestige, la richesse, la jeunesse, la vitalité et l’indépendance d’esprit. Cette publicité serait surtout destinée à convaincre une nouvelle génération de se joindre au rang des fumeurs. La publicité relativement aux cigarettes douces et légères est une publicité trompeuse puisque ces produits ne sont nullement plus sûrs que ceux qui contiennent une forte quantité de goudron et donnent une fausse impression de sécurité aux fumeurs inquiets pour leur santé.
[26] La requérante a enfin allégué que les intimées continuent à se concerter pour maintenir le déni collectif du caractère créateur de dépendance de la nicotine et pour fabriquer de toutes pièces une soi-disant « controverse » tendant à discréditer les recherches scientifiques indépendantes ou gouvernementales établissant le danger pour la santé des cigarettes ainsi que le caractère créateur de dépendance de la nicotine.
[27] La requérante soutient qu’elle peut adéquatement représenter le groupe puisqu’elle a commencé à fumer des cigarettes fabriquées par ITL en 1964 alors qu’elle était âgée de 19 ans. Au moment où elle a commencé à fumer, elle ne savait pas que la cigarette pouvait créer une dépendance, mais elle est rapidement devenue dépendante. Lorsqu’elle a appris par les médias que fumer était dangereux pour la santé, elle a opté pour une marque de cigarette dont les taux de nicotine et de goudron étaient moindres. Elle a, à plusieurs reprises, tenté de cesser de fumer, mais sans succès.
[28] Malgré le fait que vers 1995, un médecin lui ait expliqué le mécanisme de la dépendance à la nicotine, elle n’a réussi à arrêter de fumer que pour une période d’un an et demi. Par la suite, sa dépendance est réapparue.
[29] À cause de sa dépendance à la nicotine, un produit toxique, elle subit un risque accrû de contracter une ou plusieurs des maladies associées à l’usage de la cigarette en plus de voir son espérance de vie réduite. Sa dépendance lui cause des dommages moraux liés à la perte d’estime de soi résultant de son incapacité de briser sa dépendance et à l’humiliation résultant des échecs subis à chaque fois qu’elle a tenté d’arrêter. Elle est également victime de la réprobation sociale dont souffre tout fumeur.
[30] Les contestations des intimées ont été sensiblement les mêmes et peuvent être résumées ainsi :
1. Contestations à la requête du Conseil
[31] Les intimées soutiennent que le recours proposé ne rencontre pas les critères du Code de procédure civile en matière de recours collectif. Les raisons les plus importantes qu’elles invoquent sont les suivantes :
― le Conseil n’a pas l’intérêt ni les qualités requises pour se voir octroyer le statut de représentant;
― il y a conflit d’intérêts entre le Conseil et les membres du groupe proposé;
― le membre désigné n’est pas membre du Conseil;
― les allégations clés de la requête ne sont pas appuyées d’un affidavit du membre désigné;
― les allégations clés de la requête et les pièces produites au soutien de ces allégations ne visent pas les agissements ou omissions des intimées, mais plutôt ceux des fabricants américains de cigarettes;
― la majorité des pièces communiquées dans la requête sont inadmissibles étant du ouï-dire et non pertinentes parce qu’elles se rapportent à des identités autres que les intimées ou à des produits autres que ceux fabriqués par ces dernières ou encore à des témoignages et des pièces dans des procès américains où ni les intimées ni leurs produits n’étaient en cause;
― la requête ne relève d’aucune cause d’action contre les intimées puisque lors de son interrogatoire, le membre désigné a admis avoir fumé en toute connaissance des risques, tout comme toutes les personnes qui fument qui, selon l’affidavit de l’historien québécois Jacques Lacoursière, connaissent très bien les risques de la cigarette pour leur santé depuis au moins les années 1950;
― il est possible d’arrêter de fumer lorsqu’on est dépendant et les personnes qui fument le font en toute connaissance de cause et parce qu’elles ne veulent pas arrêter;
― selon l’affidavit du professeur Angel, il faut procéder à un examen approfondi de chaque personne qui se prétend être membre du groupe et déterminer si elle est dépendante ou non de la nicotine;
― on ne peut, avec la définition du groupe proposé, déterminer si une personne est membre du groupe sans une enquête approfondie, ce qui ne saurait se faire sans un procès individuel pour chacun des membres qui pourrait faire partie du groupe;
― la définition du groupe est inappropriée car il n’y a aucun critère objectif pour déterminer ce que veut dire « avoir inhalé de la fumée de cigarette sur une période de temps prolongée ». Le recours collectif n’est pas le véhicule approprié puisque les questions nécessaires pour établir la responsabilité des intimées ne sont pas identiques, similaires ou connexes. De plus, il y a des milliers de personnes susceptibles de faire partie du groupe proposé et pour qui il faudrait déterminer individuellement la cause ou leur maladie, leur profil de dépendance ou leur connaissance des risques; pour toutes ces raisons, la responsabilité des intimées pour les dommages subis n’est pas une question qui peut être déterminée collectivement;
― la connaissance généralisée de M. Blais et de tous les membres du groupe des risques associés à la consommation du tabac crée une absence de faute, de lien de causalité et, par conséquent, de responsabilité des intimées pour tout prétendu dommage subi par les membres du groupe proposé;
― il n’y a aucune obligation pour les intimées d’aviser les consommateurs de ce qu’ils savent déjà, de ce qu’ils auraient dû savoir ou d’un préjudice qu’ils pouvaient prévoir.
― le recours serait prescrit et dans les cas où il ne le serait pas, il s’agit d’une question individuelle, ne pouvant être traitée dans le cadre d’un recours collectif.
2. Contestations à la requête de Cécilia Létourneau
[32] Les intimées soutiennent que le recours proposé ne rencontre pas les critères du Code de procédure civile en matière de recours collectif. Elles allèguent, entre autres, les motifs suivants :
― la requérante n’a pas de cause d’action personnelle à faire valoir contre les intimées et elle ne peut donc agir comme représentante dans le cadre du recours collectif puisque :
a) elle a déjà renoncé à toute poursuite contre l’intimée ITL dans une procédure antérieure contre elle devant la Cour du Québec;
b) elle n’a jamais fumé de cigarettes fabriquées par les autres intimées;
c) sa réclamation est prescrite;
d) elle a assumé la responsabilité de tout prétendu préjudice subi du fait d’avoir fumé régulièrement et elle ne souffre d’aucune maladie reliée à sa consommation de tabac;
― la requérante ne peut être une représentante adéquate puisqu’elle a démontré un manque de souci pour la vérité;
― elle n’a pas vérifié les sources primaires de l’auteur Rob Cunningham dont le livre La Guerre du tabac a été la source de la quasi-totalité de ses allégations;
― la requérante est dans l’impossibilité de faire la preuve des allégations clés de sa requête;
― les membres du groupe proposé, selon l’affidavit de l’historien québécois Jacques Lacoursière, sont au courant depuis les années 1950 que fumer peut créer une habitude dont il est difficile de se départir et comporte des risques pour la santé;
― la requérante et les membres du groupe proposé n’ont aucune cause d’action parce qu’ils ont commencé à fumer ou continué en toute connaissance de cause;
― une preuve non contredite, et notamment l’affidavit du professeur Angel, démontre que la requérante ou tout membre du groupe proposé peuvent arrêter de fumer, s’ils le désirent. Même si un diagnostic de dépendance à la nicotine peut engager la responsabilité des intimées, il faudrait préalablement procéder à un examen approfondi par un médecin qualifié de chaque membre du groupe pour déterminer s’il est dépendant de la nicotine et si cette dépendance lui fait perdre sa capacité d’arrêter de fumer, ce qui est impossible de faire dans le cadre d’un recours collectif. La définition du groupe est inappropriée, car elle ne permet pas de déterminer de manière objective, les personnes qui ont été dépendantes de la nicotine;
― il y a plus de deux millions de personnes susceptibles de faire partie du groupe proposé et pour qui il faudra procéder à une expertise individuelle afin de déterminer si elles sont membres du groupe proposé;
― les fins de l’administration de la justice ne seraient pas servies en autorisant le recours proposé puisque les questions nécessaires pour établir la responsabilité des intimées ne sont pas identiques, similaires ou connexes.
[33]
Les articles
« 1002.Un membre ne peut exercer le recours collectif qu’avec l’autorisation préalable du tribunal, obtenue sur requête.
La requête énonce les faits qui y donnent ouverture, indique la nature des recours pour lesquels l’autorisation est demandée et décrit le groupe pour le compte duquel le membre entend agir. Elle est accompagnée d’un avis d’au moins dix jours de la date de sa présentation et signifiée à celui contre qui le requérant entend exercer le recours collectif; elle ne peut être contestée qu’oralement et le juge peut permettre la présentation d’une preuve appropriée.
1003. Le tribunal autorise l’exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que :
a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67; et que
d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
1005. Le jugement qui fait droit à la requête :
a) décrit le groupe dont les membres seront liés par tout jugement;
b) identifie les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s’y rattachent;
c) ordonne la publication d’un avis aux membres. »
[34]
L’article
« 1048 Une personne morale de droit privé, une société ou une association visée au deuxième alinéa de l’article 999 peut demander le statut de représentant si :
a) un de ses membres qu’elle désigne est membre du groupe pour le compte duquel elle entend exercer un recours collectif; et
b) l’intérêt de ce membre est relié aux objets pour lesquels la personne morale ou l’association a été constituée.
Hormis une personne morale régie par la partie III de la Loi sur les compagnies (chapitre C-38), une coopérative régie par la Loi sur les coopératives (chapitre C-67.2) ou une association de salariés au sens du Code du travail (chapitre C-27), une personne morale de droit privé, une société ou une association ne peut en aucun cas obtenir l’aide financière du Fonds d’aide aux recours collectifs pour exercer son recours. »
A. Principes généraux de la procédure d’autorisation
[35] D’une jurisprudence constante et de la doctrine, se dégagent les principes suivants :
1. Les allégations sont tenues pour avérées
[36] Au stade de la demande d’autorisation, les faits allégués à la requête doivent être tenus pour avérés[2]. De plus, toutes les questions d’opinion doivent être écartées et laissées à l’appréciation du juge du fond[3].
[37] Dans le cadre de l’examen sommaire de la preuve, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur la valeur probante des éléments contradictoires de la preuve[4]. La crédibilité du requérant peut s’établir à partir de ce qu’il croit de plusieurs sources documentaires et c’est le juge du fond qui doit décider de la valeur des pièces. Ainsi, les sources extérieures comme les sources américaines peuvent être acceptées[5]. Les références à une source extérieure peuvent être admises et les règles de preuve sont beaucoup moins restrictives dans le cas d’une requête pour autorisation[6]. En effet, le requérant n’a pas à établir son droit par une preuve prépondérante, mais par simple apparence de droit qui démontre que la procédure n’est pas futile, sans fondement ou irrémédiablement vouée à l’échec[7].
2. La suffisance des allégations
[38] Selon la jurisprudence, au stade de la demande d’autorisation, le Tribunal ne doit pas exiger un degré de précision dans les allégations comme on l’exige au fond. De plus, on ne doit pas à ce même stade, exiger le même degré de preuve que lors de l’audition au fond[8].
3. Au Québec, le recours collectif n’est pas un recours discrétionnaire
[39]
Le Tribunal doit autoriser le recours lorsqu’il
est d’avis que les conditions prévues à l’article
4. Une interprétation libérale favorable au fond de la requête
[40] Les dispositions relatives à l’autorisation doivent être interprétées de façon libérale. En cas de doute, celui-ci doit jouer en faveur du fond de la requête[10].
B. Application des principes généraux aux deux requêtes
[41]
Pour que le Tribunal autorise l’exercice du
recours collectif et attribue le statut de représentant aux membres qu’il
désigne, il faut que les quatre conditions prévues aux paragraphes a), b), c)
et d) de l’article
1. La composition
du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles
59
ou
67
. (art.
[42]
Toutes les parties ont admis que la composition
des groupes proposés rend difficile ou peu pratique l’application des articles
2. Les faits
allégués paraissent justifier les conclusions recherchées (art.
a) Les faits allégués
[43] Il convient d’abord de rappeler certains principes particuliers de droit reconnus par la jurisprudence et la doctrine et applicables à la requête en autorisation d’exercice des recours collectifs. Les faits allégués sont tenus pour avérés et le fait qu’ils soient en partie basés sur du ouï-dire, des sources documentaires ou comme dans le cas de Mme Létourneau sur le livre de M. Rob Cunningham intitulé La Guerre du Tabac, n’est pas suffisant pour justifier le rejet des requêtes. On ne doit pas exiger du docteur Boulanger, représentant du Conseil, de M. Blais ou de Mme Létourneau qu’ils connaissent la preuve et les faits de façon très précise puisque, comme l’a écrit la Cour d’appel dans Bellavance c. Klein et al.[11] :
« Il n’y a pas lieu d’exiger au stade de la requête en autorisation, le même degré de preuve que lors de l’audition du fond du litige. »
[44] Comme l’écrit l’honorable juge Banford dans Brochu c. La Société des loteries et jeux du Québec[12] :
« Au stade de l’autorisation, le requérant n’est pas tenu d’établir une preuve prépondérante de son droit et des faits, comme dans le cadre d’un recours ordinaire, mais une simple apparence de droit, suffisante à tout le moins pour convaincre un tribunal que la procédure n’est pas futile, sans fondement ou irrémédiablement vouée à l’échec. »
[45] Le fait que les intimées aient contredit certaines allégations des requérants, soit par preuve documentaire ou par les opinions de M. Lacoursière ou du professeur Angel, n’est pas suffisant pour que le Tribunal rejette les requêtes, comme l’a également décidé l’honorable juge Banford dans la cause précitée[13] :
« De plus, dans le cadre de l’examen sommaire de la preuve, au stade de l’autorisation, le Tribunal n’a pas à trancher sur ce type de questions, n’a pas à se pencher sur la valeur probante des éléments contradictoires de la preuve, si l’on s’en tient aux principes déjà énoncés plus haut. »
[46] En somme, pour que le Tribunal rejette une allégation, il faut que les réponses des requérants à l’occasion de leur interrogatoire hors cour contredisent carrément ce qu’ils ont allégué ou que la preuve apportée par les intimées démontre, à sa face même, que le fait allégué est invraisemblable et non plausible. Il faut rappeler que c’est au juge du fond qu’il appartient d’évaluer la force probante de la preuve, y compris des différentes opinions.
[47] Ceci étant, le Tribunal estime que les faits suivants doivent être tenus pour avérés et retenus puisqu’ils n’ont pas été contredits par les requérants ou niés par des déclarations assermentées des représentants des intimées ou contredits par la preuve de ces dernières de façon à rendre non plausibles et invraisemblables ces faits :
[48] Les intimées occupent la presque totalité du marché de la vente du tabac au Canada.
[49] Il existe des liens très étroits, tant sur le plan financier que sur le plan de la mise en marché et des recherches faites sur les produits du tabac, entre les intimées et les sociétés étrangères qui leur sont apparentées. Ainsi, l’intimée ITL a des liens très étroits avec BAT et Brown et Williamson, RBH avec Philips Morris et JTI avec R.J. Raynolds.
[50] Le tabac est composé de 2 500 produits chimiques incluant 43 substances toxiques, dont certaines sont cancérigènes et se transforment en plusieurs milliers de substances dangereuses. Les intimées connaissent à tout le moins depuis 1960, les dangers réels que comporte le fait de consommer leurs produits.
[51] Elles n’ont jamais communiqué, à tout le moins de façon directe, toute l’information sur les risques et les dangers de la consommation du tabac. Elles ont toujours prétendu que le tabac n’était pas nocif ou, à tout le moins, qu’il existait une controverse scientifique sur le sujet. Elles ont élaboré des stratégies de mise en marché pour tenter d’établir des associations dans l’esprit des consommateurs pour renforcer l’acceptabilité sociale de l’usage du tabac.
[52] Relativement à toute la question de la connaissance des méfaits du tabac, l’attitude des intimées est très surprenante et contradictoire à plusieurs égards. L’assise principale de leur argumentation repose essentiellement sur la longue opinion de l’historien Jacques Lacoursière. Selon ce dernier, il existe au Québec depuis au moins 50 ans, une connaissance générale et chez tous les individus des dangers que représente la consommation de tabac.
[53] Or, les intimées ont néanmoins contesté jusqu’à la Cour suprême l’obligation que leur imposait le gouvernement fédéral d’insérer sur les paquets de cigarettes les dangers que représente l’usage de la cigarette[14]. Elles ont également contesté une nouvelle loi adoptée par le gouvernement fédéral[15]. Elles ont porté en appel la décision de la Cour supérieure qui a rejeté leur contestation.
[54] De plus, comme le démontrent les témoignages de dirigeants des intimées devant le Comité Isabelle (1968-1969) ou devant le Comité législatif de la Chambre des communes du Canada qui étudiait le projet de loi interdisant la publicité en faveur des produits du tabac et réglementant leur étiquetage (P.L.C-51) (1987-1988), la position des intimées a été des plus ambiguës. Elles n’ont jamais reconnu de façon claire, précise et non équivoque que le tabac représentait un danger pour la santé. Si on se fie aux témoignages de leurs représentants, même en ce qui concerne l’usage du tabac par les femmes enceintes, il n’y aurait aucune preuve scientifique des méfaits pour le fœtus et le tout ferait l’objet d’une controverse.
[55] Le cancer est une cause importante de décès.
[56] Le tabac peut aggraver l’état de santé des consommateurs.
[57] La nicotine constitue une drogue qui crée une dépendance chez l’usager qui constitue la forme la plus courante de toxicomanie.
[58] Les intimées ont nié ce fait et ont produit une longue opinion du professeur Angel. Cette opinion est fort intéressante, mais elle est contredite par plusieurs rapports du Surgeon General des États-Unis et certains experts qui ont témoigné dans le cadre du procès connu sous le nom de « Procès du Minnesota (dossier no C1-94-8565) ». Au niveau de l’autorisation, cette preuve peut être acceptée même si elle provient des États-Unis, puisqu’elle porte sur la nicotine qui se retrouve autant dans les cigarettes américaines que canadiennes.
[59] Dans l’arrêt de la Cour suprême R.J.R.-MacDonald inc. c. Canada[16], l’honorable juge La Forest, a reconnu la dépendance que peut créer la nicotine contenue dans le tabac, qu’il qualifie de « drogue sociale » :
« Pourquoi, alors, le Parlement a-t-il choisi d’interdire la publicité en faveur des produits du tabac et non leur usage? À mon avis, ce choix repose sur une justification impérative. En fait, ce n’est pas que le Parlement tentait d’empiéter de façon déguisée sur une compétence provinciale, mais bien qu’une interdiction de vente ou d’usage du tabac ne constitue pas pour lui une option politique pratique pour le moment. Il faut se rappeler que la nature même de l’usage du tabac rend l’action gouvernementale problématique. De nombreux scientifiques conviennent que la nicotine que l’on trouve dans le tabac constitue une drogue qui crée une forte dépendance. Par exemple, le Surgeon General des États-Unis a conclu que [Traduction] « [l]es cigarettes et les autres types de produits du tabac créent une dépendance » et que « les méthodes de détermination de la dépendance au tabac sont semblables à celles utilisées pour d’autres drogues, y compris les drogues illicites. »
[60] Les intimées se sont toujours concertées pour combattre la perception que leurs produits étaient dangereux et pour cesser leurs recherches afin de développer un produit plus sécuritaire.
b) Les faits allégués justifient-ils les conclusions recherchées?
[61] Il est utile de rappeler encore une fois qu’au niveau des autorisations, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur le droit mais sur l’apparence de droit. En somme, il s’agit de déterminer si prima facie, il est possible ou vraisemblable que le juge du fond en arrive à la conclusion recherchée, c’est-à-dire la responsabilité des intimées, s’il est d’avis que les faits allégués ont été prouvés à sa satisfaction.
[62] Ainsi, tant en vertu du C.c.B.C. que du C.c.Q., les intimées pourraient être tenues responsables en vertu de leur obligation de renseignement qu’elles n’auraient pas remplie adéquatement.
[63] Les intimées prétendent que depuis plusieurs années, les fumeurs sont très bien informés des méfaits de la cigarette pour la santé. Or, dans leurs allégations, les requérants insistent sur le fait que ce ne sont pas les intimées qui ont fourni l’information et que de toute manière l’information que pourraient avoir les fumeurs est tout à fait insuffisante et contrée par de l’information trompeuse véhiculée par la publicité des intimées relativement à leurs différents produits. Ainsi, en présentant leur cigarette douce ou légère comme étant moins dangereuse pour la santé, ou comme pouvant créer moins de dépendance, les intimées pourraient avoir commis une faute.
[64] Il pourrait également y avoir faute civile des intimées si le juge du fond conclut qu’elles ont fait défaut d’informer ou du moins d’informer suffisamment les consommateurs des dangers de leurs produits ou des particularités les rendant impropres à un usage courant.
[65] Il pourrait également conclure que cette obligation de renseignement est continue et particulièrement intense lorsque le bien est intrinsèquement dangereux, comme l’est la cigarette.
[66] Les requérants allèguent que les fautes commises par les intimées sont intentionnelles puisqu’il ne s’agit pas d’un produit utile mais au contraire qui est potentiellement dangereux pour la santé. Ce produit est utilisé pour satisfaire à la dépendance engendrée par la nicotine qui y est contenue et ne peut donc être consommé sans danger puisque la cigarette tue des dizaines de milliers de canadiens à chaque année.
[67] Le juge du fond pourrait donc arriver à la conclusion que les intimées n’ont pas été de bonne foi en mettant sur le marché un produit dangereux et en ne divulguant pas pleinement et de façon précise les risques associés à son usage.
[68] Il est également vraisemblable de croire que le juge du fond pourrait conclure à la responsabilité des intimées, si comme le prétendent les requérants, les intimées ont manipulé le taux de nicotine dans les cigarettes ou qu’en maintenant le taux de nicotine à un certain niveau, elles continuent à entretenir la dépendance rendant impossible ou très difficile chez certains fumeurs, l’abandon de la cigarette.
[69] Selon un des allégués non contredits, les fumeurs se retrouvent de plus en plus chez les gens pauvres et très peu instruits. L’obligation d’informer pourrait donc être encore plus élevée eu égard à ces personnes.
[70]
Les requérants ont également allégué que les
intimées portent intentionnellement atteinte à la vie, à la sécurité, à
l’intégrité physique des membres du groupe, qui sont protégées par l’article
[71] Dans le cas de dépendance soulevé par la requérante Létourneau, les intimées ont soutenu qu’il serait impossible pour le Tribunal saisi du recours au fond d’accorder des dommages exemplaires, s’il s’avérait impossible de faire une preuve de dommage réel, matériel ou moral.
[72]
Selon le Tribunal, il s’agit d’une question de
droit qui ne fait pas l’unanimité et qui devrait être laissée à
l’interprétation du juge du fond. On ne
peut donc exclure qu’il puisse condamner les intimées à payer aux membres du
groupe représenté par
Mme Létourneau des dommages exemplaires même s’il n’accordait pas
des dommages compensatoires.
[73]
Les requérants prétendent qu’en omettant
d’informer adéquatement les fumeurs des dangers de la cigarette ou en faisant
des représentations fausses ou trompeuses, les intimées auraient violé les
articles
53
,
219
et
[74]
Le juge
du fond devra décider si en vertu de l’article
[75] Les intimées ont allégué que c’est en toute connaissance de cause que les fumeurs continuent de fumer et qu’elles ne peuvent donc être tenues responsables de ce choix éclairé. Il est utile de reprendre ici quelques observations de l’honorable juge Banford dans la cause Brochu c. La Société des loteries et des jeux du Québec[18].
« [57]. Dans ces conditions, il prétend que l’intimée avait une obligation d’informer les usagers des dangers inhérents à l’utilisation de tels appareils. À cet égard, les prétentions du requérant n’apparaissent pas sans fondement, notamment à la lumière des principes émis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail ltée, notamment les propos suivants :
Le fabricant, par exemple, connaît ou est présumé connaître les risques et dangers créés par son produit, ainsi que les défauts de fabrication dont il peut souffrir. Ces informations exercent une influence certaine dans les décisions du consommateur relativement à l’achat et à l’usage de ces produits. Le plus souvent, le consommateur fait confiance au fabricant à cet égard ou se trouve dans l’impossibilité de connaître ces informations. Il en va de même pour les autres manifestations de l’obligation de renseignement.
[58]. Ainsi, si un danger de dépendance lié à l’usage des ALV existe n’est-il pas réaliste de plaider, comme le requérant, que pour effectuer un choix éclairé, les usagers doivent en être adéquatement informés?
[59]. Par conséquent, si un tribunal bien au fait de l’ensemble de la situation en venait à la même conclusion, il pourrait reconnaître le bien-fondé du recours du requérant et condamner l’intimée à compenser le préjudice subi en raison de cette situation. »
[76] Dans l’arrêt Hollis c. Down Corning Corporation[19], l’honorable juge La Forest apporte les commentaires suivants relativement à l’obligation de mise en garde du fabricant d’un produit qui peut très bien s’appliquer aux intimées :
« Il est bien établi en droit de la responsabilité délictuelle au Canada que le fabricant d’un produit a le devoir de mettre les consommateurs en garde contre les dangers inhérents à son utilisation, dont il est ou devrait être au courant.
[…]
L’obligation de mise en garde vient corriger le déséquilibre des connaissances entre le fabricant et les consommateurs en prévenant ces derniers de l’existence d’un danger et en leur permettant de prendre des décisions éclairées concernant l’utilisation sécuritaire du produit.
[…]
Si l’utilisation ordinaire présente des dangers importants, une mise en garde générale sera rarement suffisante; elle devra au contraire être suffisamment détaillée pour donner au consommateur une indication complète des dangers précis que présente l’utilisation du produit.
[…]
Les tribunaux de notre pays reconnaissent depuis longtemps que les fabricants de produits destinés à être ingérés ou consommés par l’organisme ou à y être autrement placés, et donc fortement susceptibles de causer des dommages aux consommateurs, sont en conséquence soumis à une norme de diligence élevée au regard du droit de la négligence. »
[77] Le juge du fond pourrait vraisemblablement en arriver à la conclusion, s’il est satisfait de la preuve, que les intimées ont commis une faute en négligeant d’informer adéquatement les fumeurs des conséquences précises que comporte l’utilisation des cigarettes, et notamment de la dépendance causée par la nicotine. Il pourrait également en venir à la conclusion que les intimées sont responsables s’il est d’avis qu’elles n’ont pas fait tout en leur possible pour créer une cigarette dont le taux de nicotine est tellement bas ou absent qu’il amènerait une bonne partie des fumeurs à se départir beaucoup plus facilement de leur dépendance et à éventuellement cesser de fumer.
[78] Une telle obligation pourrait sembler exorbitante pour les intimées puisqu’à la longue, ceci pourrait éventuellement mener à la disparition complète de leurs opérations puisqu’il n’y aurait plus de fumeurs. N’est-ce pas là le souhait de tous les gouvernements aux prises avec le coût exorbitant des soins de santé causé par les méfaits du tabac? Quelle personne sensée, fumeuse ou non-fumeuse, pourrait prétendre aujourd’hui que la cigarette a une quelconque utilité. Au contraire, la cigarette est non seulement inutile, mais elle est dangereuse et crée de sérieux problèmes de santé et, dans bien des cas, cause des problèmes tels que l’emphysème, le cancer et les maladies cardiaques.
[79] Peut-on affirmer que les fumeurs qui sont dépendants de la nicotine ont fait un choix éclairé en décidant de fumer et, comme le prétendent les intimées, que c’est en toute connaissance de cause et parce qu’ils le désirent qu’ils continuent à fumer? Peut-on penser que les fumeurs aux prises avec un cancer du poumon, sont heureux de leur sort? Peut-on sincèrement croire que les fumeurs, qui représentent maintenant la minorité, qui sont souvent pointés du doigt, qui doivent se réfugier dans des endroits qui leur sont réservés, ou qui doivent s’entasser les uns sur les autres en plein hiver à l’extérieur pour fumer, sont vraiment heureux de leur sort et souhaitent continuer à être dépendants de la cigarette? Il est permis d’en douter.
[80] Le Tribunal en vient à la conclusion que les faits allégués par les requérants paraissent justifier les conclusions recherchées.
3. Les recours des membres soulèvent-ils des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes?
[81] Les intimées soutiennent essentiellement qu’il est impossible de déterminer qui doit faire partie du groupe puisque chaque requérant devrait faire l’objet d’un procès individuel pour déterminer s’il est un fumeur de longue date, s’il a fumé de façon sérieuse et pour déterminer également s’il y a d’autres raisons qui peuvent avoir causé son cancer, ou toute autre maladie qui pourrait être reliée à la cigarette ou qui pourrait causer ou maintenir sa dépendance à la cigarette. Elles soutiennent également que comme il y a eu une preuve de connaissance générale chez la population du Québec des méfaits de la cigarette, il faudrait un procès individuel pour déterminer le degré de connaissance de chaque fumeur.
[82] Le Tribunal est d’avis que ces arguments ne peuvent être retenus pour les raisons suivantes. En tenant pour avérés les faits allégués mentionnés plus haut, plusieurs questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes, sont présentes et pourraient éventuellement amener le juge du fond à conclure à la responsabilité des intimées. Les questions suivantes sont communes à tous les requérants et devraient être examinées collectivement avant qu’on puisse déterminer le dommage causé à chaque membre du groupe et éventuellement l’indemnité à être accordée, y compris les dommages exemplaires ou punitifs :
1. Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
2. Les intimées avaient-elles connaissance ou peut-on présumer qu’elles avaient connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
3. Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
4. Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
5. Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
6. Les intimées ont-elles sciemment mises sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
[83] Les intimées ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
[84] Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[85]
Si lors de l’audition au fond, la preuve est
faite d’un ou de plusieurs éléments ci-haut mentionnés, elle servira à tous les
requérants. Le Tribunal considère qu’il
existe suffisamment de questions de droit ou de fait identiques, similaires ou
connexes pour rencontrer les exigences du paragraphe a) de l’article
[86] Les intimées ont soutenu que vu le grand nombre de membres possible, il sera pratiquement impossible de traiter chaque réclamation de façon individuelle dans le cadre d’un recours collectif. Tant la doctrine que la jurisprudence ont écarté ce moyen de contestation.
[87] Il est vrai que d’autres causes que la cigarette peuvent contribuer au cancer du poumon, du larynx, du pharynx ou causer de l’emphysème. Cependant, le fait qu’il puisse y avoir plusieurs facteurs pouvant causer la maladie, ne saurait empêcher un tribunal d’en arriver à tout le moins à une responsabilité partielle ou contributive des intimées, d’autant plus que selon une preuve prima facie, la grande majorité des cancers du poumon, du pharynx, du larynx et des problèmes d’emphysème, sont causés par la consommation du tabac.
[88] Dans Hotte c. Servier Canada inc.[20], l’honorable juge Dalphond a accueilli l’autorisation du recours collectif même s’il y avait une grande disparité de questions de droit et de fait soulevés :
« Il ajoute qu’une fois réglées les questions communes, notamment les effets nocifs pouvant être causés par le produit et le rôle et la responsabilité légale de Servier dans la mise en marché de celui-ci, rien ne sera encore gagné pour les membres du groupe. Selon lui, commencera alors une série de procès individuels représentant des difficultés en fait et en droit dépassant en complexité celles soulevées par les questions communes.
Tel pourrait bien être effectivement le cas, mais cela ne signifie pas pour autant que le recours collectif ne devrait pas être autorisé.
En effet, ce qui est
déterminant, c’est l’existence de questions communes dont la réponse est une
étape essentielle à toute indemnisation individuelle. De plus, ces questions communes n’ont pas à
être prédominantes, l’art.
[89] Dans Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs[21], le professeur Claude Lafond écrit ce qui suit :
« L’exigence d’une preuve de questions identiques, similaires ou connexes n’implique pas que toutes les réclamations fassent l’objet d’une seule et même preuve dont le fardeau appartient au requérant. La structure actuelle marque une distinction fondamentale entre l’introduction du recours collectif et son exécution finale; une fois établies les questions communes parmi les membres du groupe, la preuve des questions individuelles est en général reportée au stade de l’exécution du jugement final. Concevoir le recours collectif différemment aboutit à le rendre inutilisable. »
[90] L’opinion de l’honorable juge Dalphond dans la cause ci-haut mentionnée a été partagée par l’honorable juge Lalonde dans Thibault c. St. Jude Medical inc.[22] :
« Le Tribunal partage l’opinion du juge Dalphond, alors de cette Cour, dans l’affaire Servier, lequel souligne que même si les questions individuelles représentent des difficultés en fait et en droit dépassant en complexité celles soulevées par les questions communes, cela ne signifie pas pour autant que le recours collectif ne devrait pas être autorisé.
Ce qui compte, c’est l’existence de questions communes dont la réponse est une étape essentielle à toute indemnisation individuelle. Ces questions n’ont pas à être prédominante, elles doivent néanmoins permettre l’avancement commun du débat. »
[91] Dans Brochu c. La Société des loteries et jeux du Québec[23], précédemment cité, l’honorable juge Banford faisait face lui aussi aux problèmes causés par la multiplicité des causes du jeu pathologique et éventuellement par les différences et les variations mêmes importantes dans la nature et le montant des dommages ou des sommes réclamées auxquels pourrait être confronté le juge du fond. Il a néanmoins autorisé le recours collectif en s’exprimant ainsi :
« La problématique associée à la multiplicité des causes du jeu pathologique peut certes générer des difficultés. Toutefois, la souplesse que la loi accorde au Tribunal lors du déroulement du recours ordinaire, notamment en vertu de l’article 1022, permet d’envisager qu’il soit possible de contourner ces embûches soit en révisant le jugement d’autorisation, le modifiant ou l’annulant carrément. »
[92] Il en est de même dans l’arrêt Nadon c. Ville d’Anjou[24], où la Cour d’appel a autorisé le recours collectif alors que toute personne qui se prétendait membre devait démontrer qu’elle souffrait de rhinite allergique. Il faut souligner que dans ce cas, le territoire couvert par la demande d’autorisation de recours collectifs était imposant et plusieurs milliers de personnes pouvaient être touchées.
[93] Dans le cas du Conseil et de M. Blais, les membres devront prouver qu’ils sont atteins du cancer du poumon, du larynx, du pharynx ou qu’ils souffrent d’emphysème et qu’ils ont fumé pendant une assez longue période de temps, de façon régulière et que leur consommation est importante. Cette appréciation ne devrait pas soulever les problèmes allégués par les intimées. De façon pratique, il existe une différence énorme entre un fumeur « social » qui fume à l’occasion une ou deux cigarettes et un bon « fumeur » qui consomme plus ou moins un paquet de cigarettes par jour.
[94] En ce qui concerne Mme Létourneau, il est vrai que le nombre de personnes qui fument régulièrement et qui peuvent être dépendantes de la cigarette peut être énorme. Cependant, si le juge du fond conclut dans un premier temps à la responsabilité des intimées pour avoir mis sur le marché un produit qui crée une dépendance dont peut difficilement se défaire une bonne partie des fumeurs ou pour avoir négligé de mettre sur le marché des cigarettes avec un taux si bas de nicotine que la dépendance pourrait cesser d’elle-même, il pourra décider de la modalité des indemnisations individuelles. Si ceci s’avère une tâche impossible sur le plan pratique, vu le nombre trop élevé de membres, il aura toujours le loisir de condamner les intimées à des dommages punitifs ou exemplaires à être versés à des organismes à but non lucratif qui se préoccupent de la lutte au tabagisme ou d’améliorer le sort des victimes du tabac. Une telle approche a parfois été retenue par les tribunaux[25].
4. Les membres auxquels doit être attribué le statut de représentant sont-ils en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres?
A. Le Conseil et M. Blais
[95]
Le Conseil demande le statut de représentant tel
que le permet l’article
« 1048. Une personne morale de droit privé, une société ou une association visée au deuxième alinéa de l’article 999 peut demander le statut de représentant si :
a) un de ses membres qu’elle désigne est membre du groupe pour le compte duquel elle entend exercer un recours collectif; et
b) l’intérêt de ce membre est relié aux objets pour lesquels la personne morale ou l’association a été constituée. »
a) Le Conseil
[96] Les intimées prétendent que le Conseil ne peut être désigné comme requérant puisqu’il est en conflit d’intérêts avec celui des membres du groupe proposé. Selon les intimés, en réclamant la création d’un fonds dont l’objectif sera la mise en œuvre de mesures d’interventions destinées à limiter la consommation de cigarette, à la recherche médicale des maladies liées au tabac et au remboursement en faveur de l’État des coûts reliés aux soins de santé, le Conseil priverait les membres d’une partie des indemnités qui pourrait leur être attribuées pour dommages corporels et moraux. En demandant à être autorisé à représenter les membres avec lesquels il serait en conflit d’intérêts, le Conseil se disqualifie.
[97] Les intimées ont en outre allégué que le Conseil se servait du véhicule du recours collectif, et, par conséquent, des membres du groupe proposé pour atteindre ses objectifs sociaux, politiques et financiers. Ceci serait contraire à l’intention du législateur et à la jurisprudence.
[98] Les règlements généraux du Conseil précisent que sa mission est de « mobiliser les intervenants québécois autour de l’objectif global de réduction de la consommation des produits du tabac, en situant ces interventions dans le cadre d’une approche en promotion de la santé et en prévention ».
[99] Le Tribunal est d’avis que les buts du Conseil s’harmonisent très bien et complètent les demandes de M. Blais et des membres qu’il veut représenter. En effet, les membres « collectifs » du Conseil sont tous impliqués dans la promotion de la santé, la prévention du cancer et la recherche pour éliminer ou traiter le cancer ou dans la lutte au tabagisme. Or, il est vraisemblable, si preuve en est faite, que le juge du fond puisse venir à la conclusion que les intimés ont failli à leur obligation d’informer adéquatement les fumeurs ou ceux qui sont sur le point de le devenir, de tous les dangers du tabac pour la santé.
[100] On peut dès lors raisonnablement présumer qu’un tel jugement pourrait avoir des conséquences sur la prévention et mener éventuellement à une baisse du nombre de fumeurs. Dans un tel cas, la promotion de la santé en sortirait gagnante.
[101] M. Blais et les membres qu’il veut représenter sont tous victimes du cancer. Il est dans leur intérêt qu’ils puissent avoir toutes les ressources médicales, sociales et psychologiques nécessaires pour combattre leur maladie de la façon la plus efficace possible. Le Conseil suggère au juge du fond qu’un pourcentage que ce dernier aura à déterminer lui-même, des indemnités accordées aux membres soit versé à un fonds qui pourrait leur fournir ces ressources. Selon le Tribunal, une telle suggestion rencontre non seulement les buts du Conseil puisqu’une partie des sommes allouées pourrait servir à la promotion de la réduction de la consommation des produits du tabac, mais pourrait également être affectée à l’amélioration de la qualité de vie des membres qui sont victimes des différents cancers causés principalement par le tabac.
[102] Par contre, le recours ne doit pas comprendre la partie de la demande qui vise à ce que le fonds rembourse en faveur de l’État les coûts inhérents aux soins de la santé occasionnés par le traitement des maladies liées à la consommation du tabac. Si l’État estime qu’il a droit à un tel remboursement, il doit entreprendre lui-même les démarches juridiques nécessaires.
[103] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que le Conseil peut adéquatement représenter les intérêts du membre désigné et des membres qu’il veut représenter et qu’il n’est pas en conflit d’intérêts.
b) M. Blais
[104]
Les intimées ont soutenu que M. Blais n’était
pas membre du Conseil ou qu’il
était tout au plus un membre de complaisance de dernière minute puisque le Conseil
a été informé qu’on en avait besoin pour intenter le recours étant donné
les critères de l’article
[105] Les intimées ont enfin soutenu que M. Blais, à titre de membre désigné, n’avait aucune cause d’action personnelle puisqu’il a admis lors de son interrogatoire hors cour qu’il avait toujours fumé en toute connaissance des risques associés à l’usage de la cigarette, et ce, même après avoir été averti d’arrêter de fumer à plusieurs reprises par ses médecins pendant une période d’au moins une vingtaine d’années.
[106] Le Tribunal ne croit pas que les griefs des intimés à l’endroit de M. Blais sont fondés. Ce dernier peut très bien représenter les membres. Il est lui-même un gros fumeur depuis qu’il est très jeune. Il est victime d’un cancer du poumon à un stade très avancé et selon une preuve prima facie, ce cancer a été causé par un usage prolongé du tabac.
[107] Il est devenu un membre individuel du Conseil et il importe peu qu’il soit un membre actif. Le fait qu’il ait été recruté par le docteur Boulanger pour devenir membre, dans le but évident qu’il devienne représentant, n’est pas un motif pour l’empêcher d’être un représentant adéquat. Il suffit qu’il soit d’accord, même de façon passive, avec les buts du Conseil et ses démarches.
[108] Les intimées ont mis en doute la légalité de sa qualité de membre. Comme les tribunaux l’ont déclaré à plusieurs reprises, la rigidité et un trop grand formalisme ne sont pas de mise en matière de recours collectif. Le Tribunal n’a pas à s’immiscer dans les règlements internes du Conseil. Ceux-ci ont accepté que M. Blais devienne membre et ce dernier était d’accord pour le devenir. M. Blais gagne sa vie comme chauffeur de taxi; il est de condition modeste et n’a pas une grande instruction. On ne peut donc s’attendre à ce qu’il connaisse la procédure, les rouages du déroulement d’un recours collectif et qu’il puisse expliquer en détail le bien-fondé des allégations de la requête. Comme l’écrivait l’honorable juge Dalphond dans Hotte c. Servier [26] :
« Le représentant adéquat est essentiellement le justiciable moyen, de bonne foi, qui, au meilleur de ses capacités, agit dans l’intérêt des membres de concert avec ses procureurs. L’élitisme n’est pas de mise en cette matière et celui qui se propose pour agir comme représentant n’a pas à être le meilleur. Au stade de l’autorisation, l’essentiel du travail étant à venir, celui qui a fait en sorte que la requête en autorisation a été entendue, a, jusqu’à preuve du contraire, représenté adéquatement les membres. Il a travaillé avec ses procureurs, a prêté serment, a été interrogé, accomplissant ainsi les formalités requises à l’exercice du recours.
Les Tribunaux, dans leur sagesse, ont évité de créer une catégorie de superjusticiables ou une fonction avec le rôle de représentant ce qui aurait été à l’encontre de la philosophie même du recours collectif. La ménagère prestataire de l’aide sociale et le détenu, sont sur le même pied que le notaire ou l’avocat pour agir à ce titre. On examine la démarche du requérant dans le contexte précis de chaque recours. L’on donne la chance au coureur et l’on ignore le procès d’intention que l’on fait parfois à son égard. »
[109] L’honorable juge Champagne dans Vaughan c. New York Life Insurance Company[27] abondait dans le même sens :
« New York Life estime que Vaughan ne constitue pas un bon représentant dans cette cause : il ne connaît personne d’autre que sa femme pouvant se trouver dans la même situation, n’a pas fait d’effort particulier pour se familiariser avec les problèmes que soulève ce dossier, n’a pas recherché d’information spécifique à ce sujet, etc.
Le Tribunal estime que ces griefs ne comportent aucun fondement puisque la jurisprudence enseigne qu’il ne faut pas sacrifier la représentation adéquate à l’élitisme si on veut favoriser l’exercice d’un recours collectif. »
[110] Dans Options Consommateurs et al. c. Assurances générales des Caisses Desjardins inc.[28], les intimés reprochaient à la personne désignée d’être totalement à la remorque de ses avocats. L’honorable juge Melançon a rejeté ce grief en précisant que la personne désignée ne devait pas être nécessairement un représentant idéal qui serait parfaitement au courant du problème et très impliqué :
« La revue de la jurisprudence permet de constater que l’on a reconnu le statut de représentant à des gens très minimalement impliqués ou même dont le caractère de bonne foi avait été assez sérieusement mis en doute sans que ce dernier trait ne les ait écartés.
[…]
De même, pour dire un mot de la question du ou des représentants « à la remorque des avocats qu’ils consultent », l’on ne saurait reprocher à ces représentants d’avoir consulté des procureurs compétents qui, dans le contexte particulier, ont su attirer leur attention sur l’utilité d’un recours collectif pour traiter des questions qui autrement ne le seraient probablement jamais. »
[111] Le professeur Pierre-Claude Lafond, dans son traité Le Recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs[29], est d’avis qu’il n’est pas inusité qu’en matière de recours collectif, les avocats puissent souvent être des entrepreneurs :
« La vocation d’« entrepreneur » des avocats oeuvrant en matière de recours collectifs est trop souvent négligée dans la littérature juridique. Dans bien des cas, l’âme dirigeante d’une telle procédure n’est nul autre que le procureur au dossier. Plusieurs recours collectifs québécois sont le fruit de l’initiative d’avocats soucieux de participer à la justice sociale pour certains, ou de satisfaire leurs ambitions, pour d’autres. Par sa politique d’accorder un tarif horaire maximum de 100 $ à titre d’honoraires extrajudiciaires, le Fonds d’aide évoque l’idée du partage du risque et de l’assumation d’une partie du financement du recours par le procureur […]. »
[112] Il importe peu que M. Blais ait une cause d’action personnelle. Selon la doctrine et la jurisprudence[30], ce seul fait n’est pas suffisant pour l’empêcher d’être un représentant adéquat. Ceci est d’autant plus vrai que l’allégation de l’insuffisance de l’information relativement aux dangers du tabac qui devait être fournie par les intimées n’est qu’une des nombreuses allégations du Conseil.
[113] Les remarques concernant M. Blais s’appliquent également au Conseil et plus particulièrement au docteur Boulanger, qui a été l’âme dirigeante de ce recours.
B. Mme Létourneau
[114] Les intimées ont essentiellement reproché à Mme Létourneau d’avoir renoncé à toute poursuite contre ITL lors du procès qu’elle avait intenté contre cette dernière devant la Cour du Québec de Rimouski. Elles lui reprochent également de manquer de sérieux dans sa démarche et elles soulignent son incapacité de diriger le recours étant donné son insouciance à vérifier l’exactitude de ses allégations.
[115] Le Tribunal estime que ces griefs sont non fondés ou, à tout le moins, qu’ils ne sont pas de nature à faire perdre à Mme Létourneau sa qualité de représentante, et ce, pour les mêmes motifs que ceux s’appliquant au Conseil et à M. Blais. À compter du moment où Mme Létourneau a accepté d’être la représentante, elle a dû se rendre à de nombreuses reprises à Montréal, à partir de Rimouski où elle habite. Elle a participé activement à toute la préparation de la requête et s’est prêtée à plusieurs interrogatoires qui ont duré plusieurs jours. Elle a assisté assidûment aux 14 journées d’audition de la présente requête. Nul ne peut donc douter de l’intérêt que Mme Létourneau porte à toute la question des méfaits du tabac et de sa dépendance. En ce sens, elle sera certes en mesure de représenter adéquatement tous les membres qui se croient dépendants de la nicotine.
[116] Comme la jurisprudence l’a bien établi, le membre désigné ou le représentant n’a pas à avoir une connaissance précise de tous les faits et documents qui pourraient être pertinents au litige. Comme l’a souligné l’honorable juge Dalphond dans Rouleau c. Placements Etteloc inc.[31], le but de l’interrogatoire sur affidavit est de vérifier la sincérité du requérant et non de faire la preuve au fond :
« De tels interrogatoires n’ont pas pour but de démontrer l’existence des faits allégués, ce qui relève de l’enquête au fond, mais d’éclairer la démarche au soutien de laquelle les requérants ont déposé les affidavits incluant son sérieux et la sincérité des déclarants. Les faits qu’ils révèlent font intégralement partie des affidavits et de la requête pour autorisation qu’ils appuient.
[…]
Il faut se rappeler quant à l’aspect sincérité de l’affidavit produit au soutien d’une requête pour autorisation d’un recours collectif, qu’il ne signifie pas que le déclarant doit avoir une connaissance personnelle de tous les faits allégués, car cela est souvent impossible. Il suffit au requérant de croire sincèrement ceux-ci vrais. »
[117] Le Tribunal ne doute pas de la bonne foi et de la sincérité de Mme Létourneau et nul doute que celle-ci pourra représenter les intérêts des membres de façon adéquate.
[118] Les questions de sa renonciation à poursuivre ITL et de la prescription sont des éléments que le juge au fond qui entendra la preuve à cet égard devra trancher, d’autant plus que Mme Létourneau allègue collusion entre les intimées, ce qui relève aussi du fond.
CONCLUSION
[119]
Le Tribunal est d’avis que dans les deux
dossiers, on retrouve les quatre conditions de l’article
C. Détermination en vertu de l’article
[120]
Conformément à l’article
[121] Le groupe proposé, dans le cas du Conseil et de M. Blais, tel que ci-haut décrit, comprend :
« Toutes les personnes, résidant au Québec, qui sont ou qui ont été victimes d’un cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ou qui souffrent d’emphysème après avoir inhalé directement de la fumée de cigarette sur une période de temps prolongée au Québec;
ainsi que les ayants droit ou héritiers des personnes décédées qui autrement auraient fait partie du groupe. »
[122] Le Tribunal est d’avis que la composition du groupe doit être modifiée. Celui proposé est beaucoup trop vague et il sera très difficile pour les personnes qui désirent s’exclure, de le faire selon la description ci-haut mentionnée. Le Tribunal estime que pour faire partie du groupe, une personne devrait avoir résidé au Québec et avoir été victime du cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ou avoir souffert d’emphysème au moment de la date de signification de la présente requête ou depuis cette date, après avoir inhalé directement de la fumée de cigarette. Cette personne devra avoir fumé un minimum de 15 cigarettes par période de 24 heures et pendant une période prolongée d’au moins cinq ans. Les ayants droit ou héritiers des personnes décédées qui auraient pu faire partie du groupe doivent être limités aux ayants droit ou héritiers de personnes décédées après l’institution de la présente requête. Une telle limitation est nécessaire puisque l’enquête individuelle qui sera nécessaire, une fois établie la responsabilité, serait, à toutes fins utiles, impossible si on doit remonter dans le temps, de façon à peu près illimitée.
[123] Le Tribunal recommande au Juge en chef que le recours collectif soit exercé dans le district de Montréal, ce qui semble être le désir de toutes les parties.
[124]
Dans le cas de la requérante Létourneau, encore là, il s’agit de
limiter les personnes qui devront faire partie du groupe. Le Tribunal est d’avis que le groupe doit
comprendre toutes les personnes résidant au Québec qui, au moment de
signification de la présente requête, étaient dépendantes de la nicotine
contenue dans les cigarettes fabriquées par les intimées et le sont demeurées,
ainsi que les ayants droit des personnes qui étaient comprises dans le groupe
lors de la signification de la requête mais qui sont décédées par la suite,
sans avoir préalablement cessé de fumer.
Comme le dossier de Mme
Létourneau a été réuni à celui du Conseil
et de
M. Blais, il sera donc
automatiquement entendu dans le district de Montréal si le Juge en chef en
décide ainsi.
[125]
Enfin, il faut rappeler que la composition du
groupe n’est pas immuable et que le dernier alinéa de l’art.
[126] Le Tribunal estime que pour les deux requêtes, la publication de l’avis aux membres doit être limitée à la publication dans les principaux journaux du Québec.
DANS LE DOSSIER 500-06-000076-980 :
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[127] ACCUEILLE la requête pour autorisation d’exercer le recours collectif ci-après : une action en dommages et intérêts;
[128] ATTRIBUE au requérant Conseil Québécois sur le tabac et la Santé le statut de représentant et à M. Jean-Yves Blais le statut de membre désigné aux fins de l’exercice du recours collectif pour le compte du groupe des personnes physiques ci-après décrit :
« Toutes les personnes résidant au Québec qui, au moment de la signification de la requête, souffraient d’un cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ou d’emphysème, ou qui depuis la signification de la requête ont développé un cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ou ontsouffert d’emphysème après avoir inhalé directement de la fumée de cigarette, avoir fumé un minimum de 15 cigarettes par période de 24 heures, pendant une période prolongée et ininterrompue d’au moins 5 ans et les ayants droit de toute personne qui rencontrait les exigences ci-haut mentionnées et qui serait décédée depuis la signification de la requête. »
[129] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement :
· Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
· Les intimées avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
· Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
· Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
· Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
· Les intimées ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
· Les intimées ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
· Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[130] IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s’y rattachent :
a) ACCUEILLIR l’action en dommages et intérêts du requérant et de chacun des membres du groupe;
b) DÉCLARER les intimées conjointement et solidairement responsables des dommages subis par M. Blais et chacun des membres du groupe;
c) CONDAMNER les intimées à indemniser les membres du groupe et les dommages subis;
d) CONDAMNER les intimées à payer à chacun des membres du groupe, des dommages exemplaires pour atteinte à la vie et à la sécurité de leur personne;
d) RÉSERVER le droit pour chacun des membres de réclamer des dommages futurs liés à la consommation du tabac;
e) ORDONNER aux intimées que soient versées, à titre de mesures réparatrices, à même les indemnités accordées aux membres, jusqu’à concurrence de la proportion que le tribunal jugera opportun de fixer, les sommes nécessaires à la constitution d’un fonds visant à mettre en ordre des mesures d’intervention destinées à limiter la consommation de cigarette (dont notamment l’information, l’éducation et le traitement des personnes enclines à fumer ou dépendantes des produits du tabac), la recherche médicale des maladies liées au tabac;
f) ORDONNER aux intimées que soient versées, à titre de mesures réparatrices, à même les indemnités accordées aux membres, jusqu’à concurrence de la proportion que le tribunal jugera opportun de fixer, les sommes nécessaires à la constitution d’un fonds visant à mettre en oeuvre des mesures d’intervention destinées à limiter la consommation de cigarette (dont notamment l’information, l’éducation et le traitement des personnes des personnes enclines à fumer ou dépendantes des produits du tabac) et la recherche médicale des maladies liées au tabac;
[131] DÉCLARE qu’à moins d’exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours collectif de la manière prévue par la loi;
[132] FIXE le délai d’exclusion à 30 jours après la date de la publication de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;
[133] ORDONNE la publication, au plus tard 60 jours après le prononcé du présent jugement, d’un avis aux membres dans les termes et par les moyens appropriés au présent recours et par le moyen indiqué ci-dessous :
Deux parutions dans les quotidiens suivants :
LA PRESSE, LE JOURNAL DE MONTRÉAL, LE JOURNAL DE QUÉBEC,
LA GAZETTE, LE SOLEIL, LA TRIBUNE, LE DROIT ET LE DEVOIR.
[134] RÉFÈRE le dossier au Juge en chef pour détermination du district dans lequel le recours collectif devrait être exercé et désignation du juge pour l’entendre;
[135] ORDONNE au greffier de cette Cour pour le cas où le recours devrait être exercé dans un autre district, de transmettre le dossier dès la décision du Juge en chef, au greffier de cet autre district;
[136] LE TOUT, frais à suivre.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[137] ACCUEILLE la requête pour autorisation d’exercer le recours collectif;
[138] ATTRIBUE à la requérante Cécilia Létourneau le statut de représentant aux fins de l’exercice du recours collectif pour le compte du groupe des personnes physiques ci-après décrit :
« Toutes les personnes résidant au Québec qui, au moment de la signification de la requête, étaient dépendante de la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les intimées et le sont demeurées ainsi que les héritiers légaux des personnes qui étaient comprises dans le groupe lors de la signification de la requête mais qui sont décédées par la suite sans avoir préalablement cessé de fumer. »
[139] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement :
· Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
· Les intimées avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
· Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
· Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
· Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
· Les intimées ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
· Les intimées ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
· Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[140] IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s’y rattachent :
a) ACCUEILLIR l’action de la requérante Cécilia Létourneau;
b) CONDAMNER les intimées, solidairement, à payer à la requérante des dommages exemplaires;
c)
CONDAMNER les intimées, solidairement, à verser à la
requérante des dommages et intérêts à être évalués avec intérêt depuis
l’assignation de la présente requête ainsi que l’indemnité additionnelle prévue
par l’article
d) ACCUEILLIR l’action de la requérante en recours collectif pour le compte de tous les membres du groupe;
e)
ORDONNER le recouvrement collectif de réclamation
pour dommages exemplaires, de liquidation des réclamations individuelles des
membres conformément aux dispositions prévues aux articles
f) CONDAMNER les intimées, solidairement, à payer à chaque membre du groupe des dommages exemplaires;
g) CONDAMNER les intimées, solidairement, à payer à chacun des membres du groupe le montant de sa réclamation, avec intérêt depuis l’assignation de la présente requête et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619C.c.Q.;
h) LE TOUT, avec dépens, incluant les frais d’experts et les frais d’avis;
[141] DÉCLARE qu’à moins d’exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours collectif de la manière prévue par la loi;
[142] FIXE le délai d’exclusion à 30 jours après la date de la publication de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;
[143] ORDONNE la publication, au plus tard 60 jours après le prononcé du présent jugement, d’un avis aux membres dans les termes et par les moyens appropriés au présent recours et par le moyen décrit ci-dessous :
Deux parutions dans les quotidiens suivants :
LA PRESSE, LE JOURNAL DE MONTRÉAL, LE JOURNAL DE QUÉBEC, LA GAZETTE, LE SOLEIL, LA TRIBUNE, LE DROIT ET LE DEVOIR.
[144] RÉFÈRE le dossier au Juge en chef pour détermination du district dans lequel le recours collectif devra être exercé et désignation du juge pour l’entendre;
[145] ORDONNE au greffier de cette Cour, pour le cas où le recours devrait être exercé dans un autre district, de transmettre le dossier dès la décision du Juge en chef au greffier de cet autre district;
[146] LE TOUT, frais à suivre.
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__________________________________ PIERRE JASMIN, J.C.S. |
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DANS LE DOSSIER 500-06-000076-980
Me Marc Beauchemin |
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DE GRANDPRÉ CHAIT |
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Procureur du Conseil québécois sur le tabac et la santé |
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Me Michel Bélanger |
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Me Yves Lauzon LAUZON BÉLANGER |
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Procureurs de la personne désignée Jean-Yves Blais |
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Me Guy Pratte Me Peter Richardson Me Emmanuelle Rolland Me Marie Audren BORDEN LADNER GERVAIS Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.
Me Christine A. Carron Me Sylvie Rodrigue OGILVY RENAULT Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée
Me Gérald Tremblay Me Jean-François Lehoux Me Donald Bisson McCARTHY TÉTRAULT Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges
DANS LE DOSSIER 500-06-000070-983
Me Philippe H. Trudel Me Gordon Kugler Me Bruce Johnston Me Pierre Boivin TRUDEL & JOHNSTON KUGLER, KANDESTIN Procureurs de la requérante Cécilia Létourneau
Me Guy Pratte Me Peter Richardson Me Emmanuelle Rolland Me Marie Audren BORDEN LADNER GERVAIS Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.
Me Christine A. Carron Me Sylvie Rodrigue OGILVY RENAULT Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée
Me Gérald Tremblay Me Jean-François Lehoux Me Donald Bisson McCARTHY TÉTRAULT Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges
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Dates d’audience : |
4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18, 19, 22 et 23 novembre 2004 |
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[1] Loi réglementant les produits du tabac, L.R. 1988, ch. 14 (4e suppl.).
[2] Serge Joyal c. Élite tours inc., C.S. Montréal, 500-06-0000030-886, 3 mai 1988, j. Brossard, p. 5.
[3] Mouvement laïque québécois c. Commission des écoles
catholiques de Montréal, C.S. Montréal,
[4] Brochu c. La Société des loteries et jeux du Québec,
C.S. Québec,
[5] Doyer c. Dow Corning,
[6] Thompson c. Masson, C.A.
[7] Brochu c. La Société des loteries et jeux du Québec, précité note 4, par. 51-52.
[8] Comité de l’Environnement de la Baie inc. c. Société de
l’Électrolyse et de chimie Alcan Ltée,
[9] Guimond c. Québec (Procureur général),
[10] Rouleau c. P.G.Q. et P.G.C., C.A. Montréal,
500-09-003029-964, arrêt de la Cour d’appel du 27 novembre 1997, p. 9; Association des propriétaires et
locataires de St-Ignaces-du-Lac inc. c. Consolitated-Bathurst inc.,
C.S. Montréal,
[11] Précité note 8, p. 6.
[12] Précité note 4, par. 25.
[13] id., par. 52.
[14] R.J.R.-MacDonald inc. et al. c. Le Procureur
général du Canada,
[15] JTI-MacDonald Corporation et al. c. La procureure
générale du Canada, (500-05-031299-975) (500-05-031306-978)
(
[16] Précité note 14,p. 246.
[17] Précité note 4, par. 99.
[18] Précité note 4, par. 57 à 59.
[19] [1995]. 4 R.C.S. 634, pp. 652 à 655.
[20]
[21] LAFOND Pierre-Claude,
[22] Précité note 4, p. 10, par. 75 et 76.
[23] Précité note 4, par. 48.
[24] Précité note 4, p. 1825.
[25] Clavel c. Productions Musicales Donald K. Donald inc., [1996] AQ. no 208; Malhab c. Métromédia inc., [2003] J.Q. no 2521, par. 69, (C.A.).
[26] Précité note 20, par. 39.
[27] R.E.J.B., 2002-34265, j. Champagne, p. 7, par. 53.
[28] R.E.J.B., 2001-25788, j. Melançon, pp. 4 et 6, par. 32 et 38.
[29] Précité note 21, p 523.
[30] LAUZON Yves,
[31] R.E.J.B., 1996-29268, (CS) p .2, par. 6 et 8.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.