Konarski c. Gornitsky |
2010 QCCA 1291 |
||
COUR D’APPEL |
|||
|
|||
CANADA |
|||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||
GREFFE DE
|
|||
N° : |
|||
(500-17-037099-077) |
|||
|
|||
DATE : |
7 juillet 2010 |
||
|
|||
|
|||
L'HONORABLE ANDRÉ ROCHON, J.C.A. |
|||
|
|||
|
|||
MAREK KONARSKI |
|||
APPELANT - défendeur |
|||
c. |
|||
|
|||
BRUCE GORNITSKY |
|||
et |
|||
JOY ETCOVITCH |
|||
INTIMÉS - demandeurs |
|||
|
|||
|
|||
|
|||
|
|||
[1] Dans un jugement final, la Cour supérieure a ordonné au requérant d'abattre 18 arbres matures de plus de 25 pieds de hauteur, situés dans la ligne arrière de sa propriété.
[2] L'assise principale du jugement entrepris est l'article 976 C.c.Q. Les arbres causent, selon le juge de la Cour supérieure, des inconvénients anormaux qui excèdent les limites de tolérance que se doivent des voisins. Plus particulièrement, les aiguilles des arbres envahissent sur une base quotidienne la piscine des intimés, leur causant de sérieux ennuis sans parler de la hauteur des arbres qui bloque le soleil la plupart de la journée.
[3] Le requérant a inscrit en appel. Il me demande de suspendre l'injonction permanente (760 C.p.c.).
[4] Les intimés contestent cette demande de suspension. Leur avocat fait valoir que le requérant ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer, prima facie, la faiblesse du jugement entrepris. Il ajoute que le litige perdure depuis de nombreuses années et que les intimés doivent pouvoir bénéficier immédiatement de la présomption de la validité du jugement entrepris. Il requiert l'application en leur faveur du régime juridique prévu à l'article 760 C.p.c.
[5] Dans la mesure où la requête en suspension était accueillie, les intimées me demandent d'assurer la gestion de l'instance notamment en assujettissant le pourvoi à une procédure accélérée. L'avocat des intimés m'informe également de son intention de présenter une requête en rejet d'appel (art. 501 C.p.c.).
[6] Malgré que je sois tout à fait conscient des ennuis que continueront à subir les intimés, je suis d'avis de suspendre l'injonction permanente. Voici pourquoi.
[7] En l'espèce, ne pas suspendre l'injonction permanente créerait pour l'appelant un préjudice démesuré, quasi irréversible et le priverait à toutes fins utiles de son droit d'appel.
[8] Je reconnais d'emblée que le requérant ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer l'existence d'une faiblesse dans le jugement de la Cour supérieure. Il s'agit d'un jugement étoffé qui tranche tous les moyens soumis par les parties et qui semble à première vue être une application correcte, aux faits de l'espèce, des prescriptions de l'article 976 C.c.Q. À l'audience, le requérant, qui se représente seul, a soumis uniquement des arguments relatifs à l'évaluation de la preuve faite par le juge de première instance.
[9] Selon une jurisprudence constante, la démonstration d'une faiblesse apparente est la première condition que doit satisfaire la partie qui requiert la suspension de l'injonction aux termes de l'article 760 C.p.c.[1].
[10] Cela étant, à défaut d'avoir respecté cette première condition, il peut se présenter des situations qui, comme en l'espèce, feraient en sorte que le refus de suspension équivaudrait au rejet de l'appel, fonction qui n'appartient pas au juge unique, sauf dispositions précises à cet effet.
[11] Je n'élabore pas ici de nouvelles conditions d'application de l'article 760 C.p.c. Dans une affaire maintes fois reprises, le juge LeBel, alors à notre Cour, écrivait :
Comme on l'a vu, ce n'est donc que s'il y a une démonstration claire de situations comme l'absence de fondement juridique dans le jugement de première instance ou encore un préjudice démesuré pour une partie, à défaut de suspension pendant l'appel, que la requête pourra être accordée.[2]
[12] À ce stade, il n'est pas raisonnable d'exiger du requérant qu'il coupe ses arbres matures qui ne pourront être remplacés (sauf peut-être à des coûts prohibitifs vu leur taille) si l'appel devait réussir. Il reviendra à la Cour, saisie d'une requête aux termes de l'article 501 C.p.c., de déterminer si l'appel doit suivre son cours.
[13] Finalement, je suis d'avis que la demande de gestion particulière, formulée par l'avocat des intimés, est bien fondée (art. 508.2 C.p.c. et 61 des Règles de la Cour). Une ordonnance sera en conséquence prononcée.
[14] POUR CES MOTIFS :
[15] ORDONNE la suspension de l'injonction contenue au dispositif du jugement de la Cour supérieure du 2 juin 2010.
[16] ORDONNE que le dossier procède par voie accélérée selon l'échéancier suivant.
[17] ORDONNE à la partie appelante, après avoir fait signifier copie à la partie intimée, de déposer au greffe au plus tard le 7 septembre 2010, quatre exemplaires des pièces qui auraient normalement formé les Annexes I, II et III de son mémoire, y compris la requête pour permission de faire appel et le présent jugement, un exposé n'excédant pas 20 pages, et ses sources;
[18] ORDONNE à la partie intimée, après avoir fait signifier copie à la partie appelante, de déposer au greffe, en quatre copies, au plus tard le 7 octobre 2010 un complément de documentation, un exposé n'excédant pas 20 pages, et ses sources;
[19] ORDONNE aux parties de déposer leur exposé sur un format 21,5 cm X 28 cm (8 ½ X 11 pouces), rédigé à au moins un interligne et demi (sauf quant aux citations qui doivent être à interligne simple et en retrait), avec des caractères à l'ordinateur de douze points, le texte ne devant pas compter plus de douze caractères par 2,5 cm;
[20] ORDONNE que les documents déposés par les parties soient paginés de façon continue, ou soient séparés par des onglets, et comprennent une page de présentation et une table des matières;
[21] RÉFÈRE le dossier au maître des rôles dès l'émission du certificat de mise en état, pour que le dossier soit fixé au rôle prévu pour les dossiers qui procèdent par voie accélérée. Le temps d'audition sera d'une heure (30 minutes à chaque partie).
|
||
|
|
|
|
ANDRÉ ROCHON, J.C.A. |
|
|
||
Monsieur Marek Kinarski |
||
Personnellement |
||
|
||
Me Gary Rosen et Me Lawrence Witt |
||
Heenan, Blaikie |
||
Pour les intimés |
||
|
||
Date d’audience : |
30 juin 2010. |
|
[1] Soumissionnez.com c. Médias Transcontinental, s.e.n.c., 2008 QCCA 1240 (C.A.); Yazedjian c. Hassan, 2008 QCCA 1216 (C.A.), paragr. 2, 3 et 4; Pharmascience inc. c. Binet, J.E. 2005-22 (C.A.), paragr. 5, 9 et 10; Carrières régionales inc. c. Boulanger, J.E. 3002-224 (C.A.), paragr. 5, 8, 9 et 10; Bureau c. Stoneham et Tewesbury (Corp. municipale des cantons unis de), [1989] R.D.J. 242 , paragr. 2.4.
[2] Picard c. Johnson & Higgins Willis Faber Ltée, [1988] R.J.Q. 235 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.