Décision

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Saulnier c. Régie du bâtiment

2012 QCCS 5564

 

JL4197

 
COUR SUPÉRIEURE

                                                                                                                       

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 MONTRÉAL

 

 

No :

500-17-073910-120

 

DATE :

 7 novembre 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE MARIE-CLAUDE LALANDE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MARC SAULNIER

et

9090-5092 QUÉBEC INC.

et

9204-3769 QUÉBEC INC.

partie requérante

c.

RÉGIE DU BÂTIMENT

et

DANIEL BEAUDRY, ENQUÊTEUR MANDATAIRE DANS LA DÉSIGNATION DU POUVOIR

partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

Transcription révisée[1] d’un jugement prononcé séance tenante

le 1er novembre 2012 sur une requête pour suspendre une audition tenue en vertu de l'article 129 de la loi sur le bâtiment et pour l'obtention d'une ordonnance de confidentialité et de huis clos et de non-publication amendée

______________________________________________________________________

 

[1]           Le Tribunal est saisi d’une requête pour suspendre une audition tenue en vertu de l’article 129 de la Loi sur le bâtiment[2] et pour l’obtention d’une ordonnance de confidentialité et de huis clos et de non-publication amendée. Cette requête est présentée en vertu des articles 13 , 20 , 33 et 46 du Code de procédure civile ainsi que des articles 7, 11c), 11 d) et 13 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]           La convocation visée par cette requête a été signifiée à la partie requérante (Monsieur Saulnier) par voie de subpoena pour une audition le 2 novembre 2012. Il s’agit du quatrième subpoena émis à l’endroit du requérant. Les trois précédents ayant fait l’objet de remises pour diverses raisons dont le Tribunal n’entend pas discuter dans le cadre des présentes.

[3]           Les conclusions de la requête se lisent comme suit:

Accueillir la présente requête;

CONSTATER l'urgence de procéder à la présente requête;

RÉDUIRE les délais de signification et de présentation de la présente requête;

ORDONNER la suspension de toute procédure inquisitoire envers Monsieur Marc Saulnier en ce qui concerne les faits relatifs aux évènements survenus le 15  octobre 2010, pour lesquels ce dernier fait l'objet d'accusations criminelles dans le dossier 500-01-048295-106, le tout jusqu'au moment où les procédures pénales seront décidées par jugement final;

ORDONNER que le témoignage du requérant dans la présente instance se déroule à huis clos et qu'il ne puisse être divulgué sans une ordonnance spéciale de la Cour obtenue suite à une requête écrite dûment signifiée au requérant;

ORDONNER que soit gardée confidentielle aux parties impliquées la transcription du témoignage de votre requérant requis par les enquêteurs de la RBQ ainsi que toutes les pièces produites par votre requérant dans le cadre de son interrogatoire;

ORDONNER la mise sous scellé des transcriptions officielles du témoignage de votre requérant;

ORDONNER la confidentialité et la non-publication, en tout ou en partie, du témoignage de votre requérant;

ORDONNER la mise sous scellé des pièces produites par les parties tant dans le cadre de l'enquête de la Régie du Bâtiment du Québec que dans le présente (sic) dossier de la cour;

ORDONNER la confidentialité et la non-publication des pièces produites par les parties tant dans le cadre de l'enquête de la Régie du Bâtiment du Québec que dans le présente (sic) dossier de la cour;

PERMETTRE que cette ordonnance s'applique aussi à toute autre audition ultérieurement requise par l'intimée en regard des mêmes allégations;

SUSIDIAIREMENT et ce, dans l'éventualité où cette honorable Cour ne pouvait entendre la présente requête:

REPORTER l'assignation à comparaître des requérantes dans les dix (10) jours du jugement exécutoire à intervenir. […]

[4]           Le Tribunal note par ailleurs, que le 16 octobre 2012, la partie requérante a formulé une demande auprès de la Régie du bâtiment du Québec qui allait dans le même sens et dont voici un extrait:

[…]  Nous aimerions connaître votre position par écrit concernant les demandes suivantes:

-          l'assignation se déroulera à huis clos, puisque nous sommes présentement au stade de l'enquête;

-          compte tenu que les documents que monsieur Saulnier doit apporter avec lui sont de nature confidentielle, ces derniers ne seront ni divulgués, ni publiés ou utilisés de quelque façon que ce soit à d'autres fins que pour celles de ladite assignation;

-          une demande de suspension partielle de l'audition quant à toutes questions relatives à la cause pendante devant la cour du Québec de Montréal dont le procès doit se tenir le 3 décembre prochain et ce, jusqu'à ce qu'un jugement final soit rendu dans cette cause. […]

[5]           Le 19 octobre, la Régie transmettait sa réponse dont voici un extrait:

[…]  1ère demande:

Dans un premier temps, tel que discuté avec Me Prévost-Gabriel le 18 octobre 2012, nous vous informons que votre demande de remise de l'assignation du 23 octobre 2012, en raison de l'indisponibilité de Me Cordeau, a été acceptée. Suite à la réception des disponibilités de Me Cordeau, il a été convenu de reporter l'assignation au 2 novembre 2012. Ainsi, une nouvelle citation à comparaître avec tous les détails sera signifiée à M. Marc Saulnier.

2e demande

Dans un second temps, nous vous soulignons que l'ordonnance adressée à l'attention de M. Marc Saulnier, lui ordonnant d'apporter des documents, ne concerne que l'entreprise 9090-5092 Québec inc. De plus, il est à souligner que les documents supplémentaires qui ont été demandés par le soussigné (statuts constitutifs, incluant le capital-actions, le règlement intérieur et la convention unanime des actionnaires), sont des documents corporatifs contenus dans les livres de la compagnie, qui eux doivent être tenus au siège de celle-ci. Pour ces raisons, M. Marc Saulnier, en sa qualité de président de 9090-5092 Québec inc., ne devrait avoir aucune difficulté particulière à apporter les documents décrits dans la citation à comparaître. Par conséquent, l'ordonnance d'apporter tous les documents corporatifs décrits dans la citation à comparaître sera maintenue.

3e demande:

Considérant que l'assignation de M. Marc Saulnier s'inscrit dans le cadre d'une enquête administrative, nous vous informons que celle-ci se déroulera à huis clos. Les seules personnes autorisées à assister à l'enquête seront M. Marc Saulnier, les avocats qui le représentent, ainsi que les enquêteurs désignés de la Régie du bâtiment du Québec.

4e demande:

Considérant que l'assignation de M. Marc Saulnier et l'ordonnance de production de documents concernant l'entreprise 9090-5092 Québec inc., s'inscrivent dans le cadre d'une enquête administrative, nous vous informons que les documents qui seront produits auprès du soussigné ne seront ni divulgués, ni publiés ou utilisés à d'autres fins que pour celles liées à la mission et aux fonctions de la Régie du bâtiment du Québec.

5e demande:

Considérant que l'assignation de M. Marc Saulnier s'inscrit dans le cadre d'une enquête administrative en matière d'intérêt public et de bonnes mœurs, que celle-ci ne vise aucunement à déterminer la responsabilité criminelle de la personne assignée, nous vous informons que votre demande de suspension partielle de l'audition est refusée. Les questions en lien avec les voies de faits graves qui auraient été commises sur la personne de M. Patrick Major, le ou ver le 15 octobre 2010, sont considérées pertinentes à l'objet de notre enquête. […]

[6]           En début d’audience, les avocats de la partie intimée ont formulé un moyen préliminaire basé sur l’absence de compétence de la Cour supérieure pour entendre ce recours.

[7]           Compte tenu de cela, il a été convenu d’entendre les arguments de chaque partie et de trancher cette question avant d’entendre les parties quant à leur position sur le fond de la requête pour suspendre une audition.

[8]           Les avocats de la partie intimée soutiennent par leur requête en irrecevabilité que la Cour supérieure n’a pas compétence pour entendre cette requête étant donné les pouvoirs dévolus à la Régie du bâtiment du Québec et à ses enquêteurs en vertu, notamment, des articles 129 et 130 de la Loi sur le bâtiment.

[9]           Quant à l’avocat de la partie requérante, il affirme qu’en vertu de l’article 33 du Code de procédure civile du Québec, la Cour supérieure a la compétence de se saisir de ce différend en vertu de ses pouvoirs généraux de surveillance et de réforme.

Analyse

[10]        Les pouvoirs de la Régie du bâtiment du Québec sont édictés aux articles 110 et suivants de la Loi sur le bâtiment.

[11]        Sans refaire l’énumération de ces derniers, le Tribunal retient ceux élaborés à l’article 129 de cette loi qui se lit de la manière suivante :

La Régie peut enquêter sur toute question relative à la présente loi.

Elle est investie, à cette fin, des pouvoirs et de l’immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d’ordonner l’emprisonnement.

[12]        Il apparaît donc que l’enquêteur de la Régie a le pouvoir d’émettre des subpoenas, de demander communication de documents et de faire enquête.

[13]        En retour, la personne assignée à comparaître peut, comme la partie requérante s’en est prévalue par sa lettre du 16 octobre, demander des clarifications ou des modifications quant à la tenue de cette assignation. En retour, l’enquêteur a les pouvoirs d’y donner suite aux conditions qu’il détermine, comme il l’a fait d’ailleurs, dans sa décision du 19 octobre 2012.

[14]        Aujourd'hui, la requête formulée par la partie requérante, bien qu’intitulée différemment et ne comportant pas les allégués et conclusions d’une requête en révision judiciaire, demande essentiellement à la Cour supérieure de réviser la décision de l’enquêteur.

[15]        Or, ce recours est spécifiquement interdit en vertu de l’article 17 de la Loi sur les commissions d’enquête[3] dont voici le libellé:

Nulle injonction et nul bref visé aux articles 846 à 850 du Code de procédure civile ni aucune autre procédure légale ne peuvent entraver ou arrêter les procédures des commissaires à l’enquête.

[16]        L'article 17 de cette loi trouve application dans la présente instance compte tenu des pouvoirs qui sont conférés à la Régie et à ses enquêteurs. Conclure autrement mènerait à une situation intolérable.

[17]        En effet si les décisions prises par les enquêteurs au cours de leurs enquêtes pouvaient faire l’objet de révision ou de toute autre procédure d’appel devant la Cour supérieure cela équivaudrait à dire que ceux-ci ont des pouvoirs mais ne peuvent les sanctionner.

[18]        Le Tribunal prend acte que la partie requérante ne conteste pas la validité et la constitutionnalité de la Loi sur le bâtiment.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]        ACCUEILLE la requête en irrecevabilité pour absence de compétence de la Cour supérieure ;

[20]        REJETTE la requête pour suspendre une audition tenue en vertu de l'article 129 de la Loi sur le bâtiment et pour l'obtention d'une ordonnance de confidentialité et de huis clos et de non-publication amendée ;

[21]        LE TOUT, avec dépens.

 

 

 

 

__________________________________

Marie-Claude Lalande, j.c.s.

 

 

Me Pierre-Olivier Baillargeon

Hébert, Rancourt avocats

Procureurs de la partie requérante

 

Me Maxime Seyer-Cloutier

Leroux, Desjardins (RBQ)

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

1er novembre 2012

 



[1]     Comme le permettent les articles 471 et 472 C.p.c. (Kellogg's Company of Canada c. P. G. du Québec, [1978] C. A. 258 , 259-   260), le Tribunal s'est réservé le droit, au moment de rendre sa décision, d'en modifier, amplifier et remanier les motifs.  La   soussignée les a remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

 

 

[2]     L.R.Q. c. B-1.1.

[3]     L.R.Q. c. C-37.

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