9149-5408 Québec inc. c. Groupe Ortam inc. |
2012 QCCA 2275 |
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COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No: |
500-09-021577-119 |
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(500-17-050584-096) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE: |
13 décembre 2012 |
CORAM: LES HONORABLES |
PIERRE J. DALPHOND, J.C.A. |
JACQUES DUFRESNE, J.C.A. |
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CLÉMENT GASCON, J.C.A. |
APPELANTES |
AVOCAT |
9149-5408 QUÉBEC INC.
RICHARD SOUCY REMBOURRAGE INC. |
Me Marc Lanteigne DE GRANDPRÉ JOLI-COEUR |
INTIMÉE |
AVOCAT |
GROUPE ORTAM INC. |
Me David Banon BANON & ASSOCIÉS INC. |
En appel d'un jugement rendu le 4 mars 2011 par l'honorable Steve J. Reimnitz de la Cour supérieure, district de Montréal. |
NATURE DE L'APPEL: |
Contrat de services |
Greffière: Marcelle Desmarais |
Salle: Antonio-Lamer |
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AUDITION |
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Audition complémentaire à l'audition du 21 novembre 2012. |
15 h 37 Argumentation par Me David Banon. |
15 h 57 Me Banon informe la Cour qu'elle peut prendre acte du fait qu'il ne réclamera pas les frais d'expertises puisqu'il n'a pas déposé de facture en première instance et qu'il ne les réclamera pas dans son mémoire de frais. |
15 h 58 Argumentation par Me Marc Lanteigne. |
16 h 09 Me Banon n'a pas de réplique. |
16 h 09 Fin de l'argumentation de part et d'autre. |
16 h 09 Suspension de la séance. |
16 h 33 Reprise de la séance. |
PAR LA COUR: |
Arrêt - voir page 3. |
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Marcelle Desmarais |
Greffière d'audience |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1] Les appelantes se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure qui les condamne à payer à l'intimée une somme de 52 219,56 $ avec intérêts au taux de 24 % à compter du 7 février 2008, plus une pénalité de 5 219 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle, plus les dépens.
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[2] Les appelantes font valoir diverses erreurs de fait et de droit que l'on peut regrouper sous deux moyens.
[3] D'abord, que certains des travaux de décontamination ont été exécutés sur un terrain limitrophe au leur, mais ne leur appartenant pas. Selon elles, il revenait à l'intimée de s'assurer de faire des travaux uniquement sur leur propriété. Elles n'ont donc pas à payer pour ces travaux.
[4] Ensuite, que le juge a eu tort de les condamner à payer, en plus du solde du contrat, des intérêts à un taux de 24 % depuis février 2008, date de présentation d'une facture dite « finale » à la suite de la fin des travaux, alors que celle-ci sera considérablement réduite au deuxième jour du procès puisque certains items y réclamés n'avaient tout simplement pas été réalisés. Le juge aurait aussi erré en ajoutant des frais de recouvrement et des dépens, alors que le litige a démontré que les appelantes avaient raison de refuser de payer le montant de la facture dite « finale ».
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[5] Sur le premier moyen, il suffit de dire que les appelantes ont commandé les travaux de décontamination en 2007 alors qu'elles s'apprêtaient à vendre un immeuble et s'étaient engagées envers l'acheteur à enlever un réservoir d'huile situé à l'arrière de leur bâtiment commercial et à décontaminer le sol. Elles devaient donc être en mesure de bien identifier les tenants et aboutissants de leur propriété.
[6] De plus, le contrat intervenu indiquait à la clause « échéancier » :
À l'acceptation de ce contrat, veuillez nous transmettre une copie du certificat de localisation ou tout plan faisant référence au bâtiment.
[7] Les appelantes, qui ont fait défaut de remettre à l'intimée un tel certificat, ne peuvent blâmer l'intimée de ne pas avoir réalisé que, contrairement aux apparences, leur terrain n'incluait pas la petite bande limitrophe de terrain où des travaux de décontamination étaient aussi requis.
[8] Finalement, il est manifeste que les appelantes étaient responsables de la contamination du terrain limitrophe et qu'elles doivent en assumer la responsabilité.
[9] Refuser dans les circonstances de payer l'intimée pour les travaux de décontamination sur le terrain limitrophe serait les faire bénéficier d'un avantage important, et ce, gratuitement; bref un enrichissement injustifié au sens de l'article 1493 C.c.Q.
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[10] Sur le deuxième moyen, la Cour a soulevé lors de l'audience du 21 novembre 2012 plusieurs questions qui ont donné lieu à des observations écrites subséquentes et une ré-audition ce jour.
[11] Après analyse du contrat intervenu entre les parties, il ressort qu'il contient à sa dernière page, sous la rubrique « conditions particulières », des clauses non négociées, apparemment standards pour l'intimée, dont une, au cœur du différend devant la Cour, ainsi rédigée :
Pénalité
Au-delà de 30 jours, de la date de facturation, les montants impayés seront majorés d'un intérêt au taux de 2% par mois de retard ou 24% par année.
En cas de litige ou de recours aux tribunaux pour recouvrer des montants impayés, des frais de cour et extrajudiciaires correspondants à un minimum de 850.00$ et/ou de 25% de la facture totale seront ajoutés au montant de la facture.
[12] Cette clause prévoit en réalité une double pénalité. L'une s'applique au retard de payer un montant dû, l'autre en cas de nécessité d'une poursuite[1].
[13] La pleine application de cette clause pénale était demandée par l'intimée dans son action.
[14] Le juge de première instance a fait droit à la première partie relative aux intérêts; quant à la partie frais de recouvrement, il a conclu que la dernière partie de la clause était imprécise et a réduit à 10% le montant des frais exigibles.
[15] Il ne s'est pas prononcé sur l'effet cumulatif des deux parties de la clause et semble avoir ignoré que l'octroi de dépens en plus des frais de recouvrement faisait un double emploi. Sans doute, le débat devant lui n'a pas été fait de façon complète sur ces questions.
[16] De l'avis de la Cour, la clause en litige, imposée par l'intimée, considérée dans sa globalité, constitue une clause pénale abusive au sens de l'article 1623 C.c.Q.
[17] Dans sa première partie, le taux d'intérêt mentionné, 24%, constitue une peine comminatoire (il vise non seulement à compenser le préjudice du retard à payer, mais aussi à punir le cocontractant tant il excède actuellement le montant des dommages-intérêts autrement applicables, soit le taux légal majoré de l'indemnité additionnelle; Baudouin et Jobin, Les obligations, 6e éd., 2005, no 120, p. 168-170). Dans sa deuxième partie, la formule est ambiguë et si le pourcentage y indiqué, 25%, doit s'appliquer en l'espèce, il apparaît lui aussi de nature comminatoire.
[18] Les pourcentages indiqués sont ainsi réductibles par la Cour (art. 1623 C.c.Q.).
[19] De plus, il ressort du dossier que l'intimée avait accepté un report de quelques mois de l'exigibilité de sa créance, soit jusqu'à la vente de l'immeuble, que sa facture « finale » était substantiellement incorrecte et que le dossier a fait l'objet d'une remise attribuable en partie à l'intimée, prolongeant la période de calcul des intérêts de quelques mois.
[20] Tenant compte de ces circonstances, des conditions du marché en matière de taux d'intérêt et des marges très substantielles réalisées par l'intimée sur les travaux donnés en sous-traitance, la Cour est d'avis que les pourcentages mentionnés au contrat doivent faire l'objet d'une réduction à un taux global (intérêts et frais de recouvrement) de 15%, et ce, depuis le 16 septembre 2010, date du deuxième jour du procès et moment où le montant réel de la créance de l'intimée a été finalement précisé par cette dernière.
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POUR CES MOTIFS, LA COUR:
[21] ACCUEILLE l'appel, sans frais vu le succès mitigé du pourvoi;
[22] INFIRME en partie le jugement de la Cour supérieure, afin de remplacer les paragraphes 117, 118 et 119 du jugement par les suivants :
[117] CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer à la demanderesse la somme de 52 219,56 $, avec intérêts au taux de 15% l'an à compter du 16 septembre 2010;
[118] Le tout avec dépens[2].
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PIERRE J. DALPHOND, J.C.A. |
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JACQUES DUFRESNE, J.C.A. |
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CLÉMENT GASCON, J.C.A. |
[1] La validité d'une clause pénale en cas de nécessité d'une poursuite a été reconnue par la Cour : 164618 Canada inc. c. Compagnie Montréal Trust, [1998] R.J.Q. 2696 (C.A.); Vitrerie Fortin et al. c. Armtec inc., et al, J.E. 99-6 (C.A.); Groupe Guy Pépin inc. c. Nova PB inc., J.E. 2005-1189 , 2005 QCCA 596 ; Groupe Van Houtte inc. (A.L. Van Houtte ltée) c. Développements industriels et commerciaux de Montréal inc., J.E. 2010-2010 , 2010 QCCA 1970 .
[2] L'intimée a indiqué que, de toute façon, elle ne réclamerait pas de frais d'expert dans le calcul des dépens.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.