Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Desgagné-Bolduc c

Desgagné-Bolduc c. Provigo Distribution inc.

2007 QCCS 3224

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

 

No :

150-17-000951-050

 

 

 

DATE :

 3 juillet 2007

 

 

 

EN PRÉSENCE DE : L’HONORABLE CATHERINE LA ROSA, J.C.S.                   JL3751

 

 

 

 

 

ANNA DESGAGNÉ-BOLDUC,

 

Partie demanderesse;

 

c.

 

PROVIGO DISTRIBUTION INC.,

 

Partie défenderesse.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

 

[1]                La demanderesse, Anna Desgagné-Bolduc réclame la somme de 252 000 $, plus les avantages sociaux, avec intérêts et indemnité additionnelle de la défenderesse, Provigo Distribution inc. (Provigo) à la suite de son congédiement.

Les faits pertinents

[2]                Madame Bolduc est âgée de 55 ans. En 1973, elle obtient un emploi pour Provigo.  Au fil des ans, elle gravit les échelons de l’entreprise et occupe, à partir de l’année 1996, un poste de cadre, soit celui de gérante de services pour le magasin « Maxi & Cie », propriété de Provigo, situé sur le boulevard Harvey dans l’arrondissement de Jonquière.  En 2004, le salaire annuel de madame Bolduc est de 50 950,78 $[1].

[3]                De façon plus spécifique, les responsabilités qui lui incombent consistent alors à planifier, organiser, contrôler, diriger le personnel et le département dont elle est responsable selon les normes de la compagnie. Elle sécurise également les argents en s’occupant du contenu du coffre-fort, du tiroir de change ainsi que des dépôts des caissiers/caissières.[2]

[4]                Dans l’accomplissement de ses tâches, elle bénéficie d’une grande autonomie et son supérieur immédiat est le directeur du magasin, monsieur Ghislain Côté. Tout au cours des années, elle n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires et n’a pratiquement pas été absente pour cause de maladie. De façon générale, « le travail de madame Bolduc est apprécié » de son employeur. D’ailleurs, à cet effet, les conclusions du rapport d’évaluation annuelle de rendement de madame Bolduc pour l’année 2003, daté du mois de février 2004, abondent en ce sens.[3]

[5]                Depuis l’arrivée du nouveau directeur en 2001, les relations de madame Bolduc avec la direction sont plus tendues. Madame Bolduc a l’impression que monsieur Côté ne lui fait pas confiance. Il préfère de façon générale discuter avec l’assistant de madame Bolduc, Mathieu Gauthier, qui, selon elle, est plus prometteur aux yeux de l’employeur. D’ailleurs, on le forme, on lui fait suivre des cours de gérance, on admet préparer la relève. Il est même arrivé que Mathieu Gauthier donne certaines directives aux employés sous la responsabilité de madame Bolduc. Cette situation est tolérée par le directeur. Monsieur Côté possède également des liens étroits avec la représentante syndicale, madame Line Rodgers.

[6]                Madame Bolduc a établi une bonne relation avec les employés, à l’exception d’une seule.  Cette employée est réfractaire à certaines consignes de madame Bolduc et s’en plaint au directeur dans le courant de l’année 2001. Madame Bolduc s’explique avec le directeur et les choses finissent par entrer dans l’ordre. Malgré les tensions existantes, madame Bolduc continue de donner sa prestation de travail de façon responsable et fidèle.

[7]    Depuis quelques années, madame Bolduc envisage la possibilité de prendre sa retraite. Aucune date fixe n’est établie. Au début de l’été 2004, dans le courant du mois de juin ou juillet, madame Bolduc s’adresse à son patron, monsieur Ghislain Côté, pour s’enquérir des conditions financières applicables au cas où elle prendrait sa retraite.

[8]    Pour répondre aux interrogations de madame Bolduc, monsieur Côté la met en relation avec madame Vicky Lamontagne, conseillère en développement et service aux employés.

[9]    Lors de cette rencontre, madame Bolduc mentionne son intérêt à prendre sa retraite si les conditions financières sont avantageuses. Elle a su que certains employés de Provigo ont pu prendre une retraite anticipée en bénéficiant d’une prime de départ équivalant à 1 500 $ par année de service. Comme elle compte 32 ans à son actif, une prime de l’ordre de 48 000 $ pourrait constituer un incitatif à une prise de retraite anticipée.

[10]            Madame Lamontagne lui répond que de tels programmes n’existent pas pour des employés de sa catégorie. Il est vrai que certains employés de l’entreprise ont déjà bénéficié de tels avantages, mais il s’agissait de situations très particulières, non applicables en l’espèce.

[11]            En boutade, madame Bolduc répond à madame Lamontagne que pour bénéficier d’une telle prime, il faut donc être « pourri ». Madame Lamontagne invite madame Bolduc à communiquer avec madame Ghislaine Lajeunesse du bureau-chef à Montréal, au département des ressources humaines, pour s’enquérir des conséquences financières immédiates si elle prenait une retraite anticipée.

[12]            La rencontre s’effectue de façon cordiale et se termine sans nécessité de suivi supplémentaire.

[13]            Dans les jours qui suivent, madame Bolduc contacte par téléphone madame Lajeunesse et à la suite des informations obtenues, en arrive à la conclusion qu’il n’est pas avantageux financièrement de prendre une retraite immédiate. Dans l’esprit de madame Bolduc, sa décision est claire : elle doit continuer à travailler jusqu’à l’âge de 55 ans. Il lui reste environ 1 ½ an.

[14]            Après la rencontre de juin 2004, la tension s’installe de nouveau avec le directeur, monsieur Ghislain Côté. Déjà au mois de mai 2004, Ghislain Côté demande à plusieurs reprises à madame Bolduc de faire des « disciplinaires » aux employées qui étaient sous sa supervision. Madame Bolduc est d’opinion que la sanction requise est nettement exagérée. Elle a alors l’impression que monsieur Côté la met sans cesse devant des situations où elle peut être prise en défaut.

[15]            Durant cette période, un événement survient dans lequel sont impliquées madame Bolduc et la représentante syndicale, madame Pauline Blackburn. Madame Bolduc demande à madame Blackburn de raccourcir une de ses pauses. Cette dernière n’est pas contente, elle se met à crier devant les clients en invectivant madame Bolduc. Par la suite, madame Blackburn rencontre le directeur, monsieur Côté, pour lui dire qu’elle a l’intention de déposer une plainte de harcèlement contre Anna Bolduc qui l’a insultée devant les clients.

[16]            Madame Bolduc s’explique avec Ghislain Côté. Elle indique que les propos rapportés par madame Blackburn sont totalement inexacts. Au contraire, madame Bolduc, à titre de cadre, a agi dans les limites de ses fonctions et a simplement demandé à une employée de respecter les règles mises en place par l’employeur. L’incident n’emporte pas de conséquence immédiate.

[17]            Le 28 septembre 2004, monsieur Côté se présente aux caisses à l’endroit où madame Bolduc se trouve et lui mentionne que madame Lamontagne désire la rencontrer « au sujet de ce qu’elle a demandé ».

[18]            Sur le moment, madame Bolduc ne comprend pas le but de la rencontre. En réfléchissant, elle se souvient toutefois de sa dernière discussion avec madame Lamontagne aux mois de juin ou juillet précédents. Elle se dit que l’employeur a peut-être changé d’idée et que certaines conditions financières pourraient finalement être rattachées à une éventuelle préretraite.

[19]            Madame Bolduc se présente donc au local où l’attendent madame Lamontagne et monsieur Francis Lapointe, le directeur des opérations.

[20]            Le ton est courtois. Madame Lamontagne dirige la rencontre et d’entrée de jeu, mentionne à madame Bolduc qu’à la suite d’une rencontre intervenue avec ses supérieurs, Provigo serait prête à lui verser une indemnité de départ de huit (8) semaines dans le cadre d’une retraite anticipée. Elle ajoute que cette offre est exceptionnelle.

[21]            Au surplus, Provigo pourrait faciliter la réception de prestations d’assurance emploi en invoquant un licenciement administratif. À cet effet, madame Lamontagne a déjà en main une lettre datée du 28 septembre 2004, adressée à madame Bolduc, dont les premiers paragraphes se lisent comme suit :

« Suite à l’étude de votre dossier, nous sommes venus à la conclusion que vous ne rencontriez plus les standards de l’entreprise et le profil recherché pour le poste que vous occupez.  Nous avons le regret de vous informer que nous devons mettre fin à votre emploi à compter de ce jour.

Dans ce contexte, vous aurez droit aux conditions de cessation d’emploi établies comme suit : (…). »[4]

[22]            Madame Bolduc n’a jamais vu la lettre auparavant et ne s’attend pas, au moment de la rencontre, à ce qu’une telle chose lui soit annoncée. Le contenu de la lettre explique par la suite les conséquences de ce licenciement sur les différents avantages dont bénéficie madame Bolduc dans le cadre de son emploi. La lettre est lue à madame Bolduc mais ne lui est pas remise.

[23]            Madame Bolduc trouve l’offre nettement insuffisante et demande si elle peut être majorée de façon significative. On lui répond par la négative. C’est à ce moment qu’elle indique à madame Lamontagne qu’elle n’a aucunement l’intention de prendre sa retraite dans un tel contexte et que de toute façon, à la suite de sa conversation téléphonique avec madame Lajeunesse quelques mois auparavant, elle a pris la décision de continuer à travailler jusqu’à l’âge de 55 ans. Dans les faits, il ne lui reste qu’une année et demie (1 ½) à travailler puisqu’elle désire prendre sa retraite à l’expiration de cette période. Elle refuse donc de signer le document présenté :

« C’est là que j’ai dit à Vicky : « Non, je ne pars pas. J’ai encore un an et demi (1 ½). Je me suis informée à Ghislaine Lajeunesse, avec discussion avec elle, non, je ne pars pas, j’en ai encore à peu près pour un an et demi (1 ½) avant de partir. »[5]

[24]            Dans un deuxième temps, entendant la réponse claire de madame Bolduc, madame Lamontagne lui mentionne que si effectivement elle désire poursuivre son emploi, elle doit savoir qu’il est fort probable qu’une plainte de harcèlement soit déposée contre elle.

[25]            La position de madame Lamontagne en regard des choix proposés est la suivante :

« Il est certain que durant les moments qu’on discutait du dossier de madame Bolduc, il est arrivé des événements durant l’été où on a eu vent qu’il y aurait eu une plainte, probablement, qui serait déposée contre madame Bolduc au niveau du harcèlement.  Nous, ce qu’on a fait, on s’est dit : « on va donner le choix à madame Bolduc. Je pense que madame Bolduc était la mieux placée à savoir si elle avait fait ou non du harcèlement, et nous, on avait discuté aussi du cas de madame Bolduc, c’est certain que c’est une madame qui avait beaucoup d’ancienneté. Elle avait quand même fait un bon travail au sein de la compagnie. Donc, on a offert le choix à la dame si elle voulait justement prendre huit semaines ou rester en lui expliquant exactement ce qu’il en était au niveau des plaintes qu’on devait avoir. »[6]

[26]            Madame Lamontagne ajoute que si cette plainte éventuelle se matérialise, cela risque d’être « très difficile pour madame Bolduc ».

[27]            Trois ans auparavant, une employée avait déposé une plainte contre madame Bolduc. Toutefois, après enquête, il est ressorti qu’elle était ferme dans ses décisions, exigeante, mais que son attitude était appropriée. La plainte est rejetée.

[28]            Madame Lamontagne donne à madame Bolduc trois jours pour prendre une décision : ou elle accepte la prime de départ de huit semaines et les autres modalités contenues à la lettre lue, mais non remise à madame Bolduc, ou elle reste à l’emploi de Provigo avec la possibilité qu’une plainte de harcèlement soit déposée contre elle, ce qui entraînera nécessairement des « moments difficiles à venir ».

[29]            Madame Lamontagne lui rappelle alors un événement antérieur au cours duquel madame Bolduc avait été l’objet d’une plainte de harcèlement. Madame Bolduc lui répond que cette plainte, après enquête, a été abandonnée.

[30]            Madame Lamontagne ajoute qu’elle a monté un dossier.[7]

[31]            Madame Bolduc est décontenancée :

« Moi, la façon que je l’ai perçue, si je ne signais pas ce papier-là, il y avait une plainte de confidentialité, il ne fallait pas que j’en parle à personne, que je prenne les huit semaines, que je m’en aille, sinon, il y avait une plainte de harcèlement qui s’en venait contre moi et après ça, selon la loi qu’elle avait dit, elle était très sévère, j’allais perdre mon emploi, j’avais déjà eu une plainte de harcèlement par le passé, que Sylvie Vézina lui avait dit ça, qu’ils avaient monté un dossier contre moi. Là-dessus, je me suis sentie écrasée. Le syndicat et la compagnie sont contre moi (..) »[8]

*  *  *

« J’avais l’impression qu’ils profitaient de ça en même temps. Mathieu qu’ils avaient envoyé en formation. Je pense que le plan de match était fait. Ils profitaient d’une occasion de harcèlement pour m’envoyer, mettre de la pression pour que je m’en aille et en même temps, ils faisaient rentrer Mathieu. »[9] 

*  *  *

 « C’est sûr que c’est avantageux pour eux de me tasser. Ils avaient une belle occasion. La représentante qui allait voir tout le monde pour m’accuser. Ghislain qui faisait en sorte qu’à un moment donné, le service soit bordélique. Qu’il n’y ait aucune entente, que le monde ne se parle plus, qu’il y ait des conflits, que le monde ne se fasse même plus confiance. »[10]

[32]            C’est dans ce contexte que madame Bolduc s’effondre; elle ne peut plus bouger.

[33]            À la suite de la présentation du document de congédiement administratif et des propos tenus par Vicky Lamontagne, madame subit un choc :

« Pour moi, je n’étais pas prête, ça a été un choc. »[11]

[34]            Madame Bolduc ajoute :

« Je n’étais pas capable de me lever, je pleurais, pour moi, c’était comme un congédiement, on me forçait à partir. »[12]

[35]            Madame a l’impression :

« (…) qu’il profitait d’une accusation de harcèlement pour m’envoyer, mettre de la pression pour que je m’en aille ».[13]

[36]            Elle demande de rester seule dans la salle de réunion. Dans les faits, elle y reste une trentaine de minutes. Elle ne bouge pas, elle ne parle pas.

« Vous souvenez-vous qu’elle semblait abasourdie, qu’elle semblait un peu en état de choc, assommée, comme on dit ? »

Réponse : « oui »[14]

[37]            Durant cette demi-heure, madame Lamontagne vient vérifier sur les lieux, à une ou deux reprises, l’état de madame Bolduc. Elle lui demande « si tout va bien » et madame Bolduc répond par la négative, sans engager de conversation. Aucun mot d’encouragement ni discussion sur le contenu de la rencontre n’est prononcé par madame Lamontagne.

[38]            La demi-heure écoulée, madame Bolduc contacte son mari par téléphone et lui demande de venir la chercher. Elle quitte les lieux sans reparler à madame Lamontagne ou à monsieur Lapointe.

« Pour moi, c’était comme un congédiement, on me forçait à partir. »[15]

[39]            Madame Bolduc, dans les faits, ne reviendra jamais au travail. Dans son esprit, elle est mise à pied et ne se sent pas de taille pour se défendre contre son employeur. Elle se sent seule, sans aucun appui. Si elle ne signe pas la lettre de congédiement, une plainte de harcèlement sera déposée et si elle est retenue, il y aura congédiement automatique avec perte des avantages liés à l’emploi.

[40]            Le lendemain, madame Bolduc reste à la maison. Elle a des maux de tête, des nausées et pleure constamment. Elle n’a pas dormi. Le surlendemain, la situation est la même. Son mari l’amène à la mini-urgence de l’hôpital de Chicoutimi où elle rencontre le docteur Guern.

[41]            Ce dernier lui prescrit un arrêt de travail de trois semaines. Elle retourne de nouveau à l’hôpital le lendemain car les maux de tête ne passent pas. On lui fait subir divers tests et on lui prescrit des anti-inflammatoires. Ce sont de nouveaux symptômes qui n’existaient pas avant le 28 septembre 2004.

[42]            Madame Bolduc est déclarée invalide en date du 28 septembre 2004 et reçoit en date du 29 septembre 2004 des prestations d’assurance invalidité de la Croix-Bleue. Elle recevra ces prestations jusqu’au 19 mars 2005.

[43]            Durant cette période, Provigo ne manifeste aucune contestation de l’état d’invalidité déclaré de madame Bolduc.

[44]            Madame Lamontagne contacte madame Bolduc deux ou trois semaines après le 28 septembre 2004 pour fixer une rencontre dont le but est de déterminer les attentes de part et d’autre « pour offrir un meilleur retour au travail ». Madame Bolduc se sent incapable de la rencontrer. Le dernier appel de madame Lamontagne à madame Bolduc a eu lieu le 13 décembre en vue d’une rencontre le 16 décembre. Madame Bolduc a refusé, se sentant incapable d’y participer.

[45]            Par la suite, aucun contact ne survient entre un représentant de Provigo et madame Bolduc jusqu’au 14 mars 2005. Le 14 mars 2005, l’employeur reçoit le rapport du docteur Laplante, expert-psychiatre choisi par la Croix-Bleue, compagnie d’assurance responsable du versement des prestations d’assurance invalidité. Il confirme que madame Bolduc est apte au travail. Madame Lamontagne contacte alors madame Bolduc pour fixer une rencontre et discuter du retour au travail.

[46]            Le 17 mars 2005, une rencontre a lieu au cours de laquelle sont présents madame Bolduc, sa fille Mélanie, madame Lamontagne et monsieur Lapointe.

[47]            Madame Bolduc se dit prête à reprendre le travail, mais dans un autre établissement. Madame Lamontagne lui mentionne que ce n’est pas possible.

[48]            On lui réitère l’offre formulée le 28 septembre 2004 et on lui reparle de l’éventuel dépôt d’une plainte de harcèlement si elle revient au travail avec des termes similaires. On confirme que les conditions entourant un éventuel retour risquent d’être « difficiles ». Madame Bolduc a l’impression de revenir six mois en arrière. On lui offre de revenir au travail le 21 mars 2004. Après la rencontre, elle retombe alors dans un certain état dépressif.

[49]            Comme mentionné précédemment, madame Bolduc cesse de recevoir ses prestations d’assurance invalidité le 19 mars 2005. Le 21 mars 2005, son médecin traitant, le docteur Guern, signe un document de prescription (D-2) dans lequel il stipule ce qui suit :

« Pourrait retourner au travail dans un autre magasin, sinon arrêt de travail prolongé au 30 avril 2005. »

[50]            Provigo n’a pas contesté l’invalidité de madame Bolduc jusqu’au 19 mars.

[51]            Madame Bolduc ne se présente pas au travail le 21 mars 2005. Le 24 mars 2005, madame Lamontagne transmet une lettre à madame Bolduc (D-3) dans laquelle elle lui dit :

« La présente fait suite à votre retour au travail dans votre poste de gérante de service au Maxi & Cie Jonquière. Suite à notre rencontre du 17 mars 2005, vous nous avez fourni un nouveau papier médical daté du 21 mars pour une prolongation de votre arrêt de travail jusqu’au 21 avril. Malheureusement, après analyse de ce document et de l’ensemble de votre dossier, nous ne pouvons accepter cette prolongation. Donc, nous vous prions de vous présenter au Maxi & Cie Jonquière en date du jeudi 31 mars à 8 heures afin de reprendre votre poste de gérante de service.

À défaut de vous présenter à cette date, nous serons dans l’obligation de mettre fin à votre emploi étant donné que votre absence sera injustifiée. »

[52]            Le même jour, madame Bolduc adresse à Provigo, par l’intermédiaire de son procureur, une mise en demeure dans laquelle elle réclame une somme de 252 000 $ plus les avantages sociaux pour une période de dix-huit mois.

[53]            Le 8 avril 2005, l’avocat de Provigo envoie une mise en demeure à madame Bolduc lui demandant de revenir au travail le 15 avril prochain :

«  (…) à défaut de quoi, nous n’aurons d’autre choix que de considérer que madame Bolduc a abandonné définitivement son travail au sein de l’entreprise. » (D-5)

[54]            Le 15 avril 2005, les procureurs de madame Bolduc transmettent une lettre à l’avocat de Provigo confirmant que madame Bolduc ne retournera pas au travail pour cause d’incapacité, comme le démontreront les expertises médicales à venir.

[55]            Le 26 avril 2005, madame Bolduc reçoit son relevé d’emploi ainsi qu’un chèque de 4 417,77 $ correspondant aux indemnités afférentes aux congés annuels accumulés et non payés à la date de terminaison de l’emploi fixée au 16 avril 2005. La mention « départ volontaire à compter du 16 avril 2005 » apparaît sur le relevé (D-7).

[56]            Le 10 mai 2005, madame Bolduc rencontre le psychiatre Denis Rochette. Ses services ont été retenus par ses avocats. Le but de l’expertise est d’une part de préciser si madame Bolduc présente une incapacité totale temporaire pour son travail et d’autre part, d’indiquer s’il y a un DAP permanent découlant de l’attitude de son ancien employeur entourant son licenciement (P-9).

[57]            Le docteur Rochette a en main l’expertise du docteur Laplante.

[58]            Le rapport du docteur Rochette mentionne entre autres que :

« Quand elle a rencontré le docteur Laplante à Québec, elle pensait que c’était encore possible d’aller travailler dans un autre magasin. Suite au refus catégorique de cette possibilité de solution par l’employeur, elle a réalisé qu’effectivement, il serait probablement impossible de travailler dans un autre magasin et de subir la pression qu’elle aurait à subir. »

[59]            Le docteur Rochette retient un diagnostic de trouble dépressif majeur d’intensité modérée, épisode unique déclenché par les comportements de son employeur.

[60]            Il conclut en ajoutant que :

« À partir de la revue des dossiers de madame Desgagné-Bolduc et de l’histoire qu’elle nous a rapportée, nous arrivons à la conclusion que madame Desgagné-Bolduc a présenté une période d’incapacité totale temporaire à partir du 28 septembre 2004 jusqu’à maintenant. Cette incapacité persiste actuellement en ce sens que du point de vue psychiatrique, elle est incapable actuellement de retourner au travail qu’elle faisait auparavant avec les mêmes personnes. Madame Desgagné-Bolduc a pendant un certain temps envisagé la possibilité qu’elle pouvait effectuer le travail qu’elle faisait auparavant dans un autre magasin avec d’autres supérieurs et d’autres employés. Elle a réalisé que ce serait plus difficile qu’elle ne le pensait et elle a perdu toute confiance envers un employeur qui, après plus de trente ans de services, a eu une attitude et un comportement si inadéquats à son endroit. Étant donné l’évolution du conflit, nous sommes d’accord avec madame Desgagné-Bolduc qu’il serait difficile pour elle de travailler à nouveau pour son employeur, même si c’était un autre emploi. »[16]

[61]            Il fixe son DAP dans le groupe des névroses au niveau du groupe modéré, c’est-à-dire environ 15%. Il ajoute qu’on peut penser qu’éventuellement, il pourrait y avoir une diminution des symptômes et qu’elle puisse conserver un DAP d’environ 5%. Il est toutefois impossible de prévoir avec exactitude ce qu’il pourra advenir.

Les prétentions de madame Bolduc

[62]            Il y a eu rupture du lien d’emploi le 28 septembre 2004. Elle a été congédiée. La rencontre qui a eu lieu à cette date a constitué le point culminant d’une situation difficile à laquelle madame Bolduc devait faire face depuis un certain temps.

[63]            Les importants troubles d’anxiété dont elle a souffert à la suite du 28 septembre 2004 sont directement reliés à son emploi. L’ensemble de la situation vécue par la demanderesse, les propos qui lui ont été tenus par les représentants des ressources humaines constituent un congédiement déguisé pour lequel elle a le droit d’être indemnisée. Elle n’a pas reçu de préavis raisonnable. Elle réclame une indemnité en compensation de ce préavis équivalant à dix-huit (18) mois de salaire, soit une somme de 72 000 $, ainsi que le paiement de tous les avantages sociaux qui en découlent pour cette période; le calcul de cette période de dix-huit mois devant débuter à la fin de la période d’invalidité.

[64]            Madame Bolduc réclame également une indemnité de départ de 80 000 $, soit 2 500 $ par année de services (32 années x 2 500 $), un montant de 50 000 $ en compensation du préjudice moral subi et une somme de 50 000 $ à titre de dommages exemplaires.

Les prétentions de Provigo

[65]            Le recours de madame Bolduc doit être rejeté. En effet, même si les faits allégués dans la requête introductive d'instance sont vrais, ce qui est nié, madame Bolduc ne pouvait intenter une action civile contre son employeur. Elle devait plutôt présenter son recours à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

[66]            Subsidiairement, si cet argument n’est pas retenu par le Tribunal, l’action intentée doit être rejetée également. L’offre soumise le 28 septembre 2004 l’a été sans aucune pression, laissant ainsi madame Bolduc totalement libre de l’accepter ou de la refuser. Lors de cette rencontre, ils ont dû toutefois informer la demanderesse qu’ils avaient des éléments de reproche relativement à son attitude au travail par une autre employée et qu’ils devaient traiter cette situation advenant sa décision de rester à l’emploi.

[67]            La demanderesse a fait le choix de ne pas se présenter au travail le 29 septembre 2004. Elle a par la suite reçu des prestations d’invalidité et a été déclarée apte au travail le 14 mars 2005. Par la suite, la demanderesse ne s’est pas présentée au travail malgré les offres faites par l’employeur dans ce cadre. Devant l’absence de la demanderesse, la défenderesse était en droit de comprendre que madame Bolduc a décidé de quitter volontairement son emploi en démissionnant et en renonçant aux droits en découlant.

[68]            À aucun moment la défenderesse n’a mis fin à l’emploi de la demanderesse. C’est plutôt la demanderesse qui a rompu unilatéralement le lien d’emploi qui prévalait entre les parties. La défenderesse n’a fait que constater la volonté de la demanderesse de ne pas reprendre le travail. La défenderesse n’est nullement responsable de sa situation. En choisissant de cesser de travailler, la demanderesse doit assumer les conséquences de ce geste. Au surplus, la demanderesse n’a exercé aucun recours visant sa réintégration à l’emploi pour le compte de la défenderesse. Madame Bolduc a ainsi manifesté son désir de rompre les liens avec la défenderesse. Finalement, sans aucune admission sur le bien-fondé des allégations de la demanderesse, les dommages réclamés sont non-fondés et grossièrement exagérés.

Analyse

1.         Le forum approprié

[69]            L’article 438 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[17] prévoit que :

« Le travailleur victime d’une lésion professionnelle ne peut intenter une action en responsabilité civile contre son employeur en raison de sa lésion. »

[70]            Cette loi a comme objectif principal l’indemnisation des travailleurs victimes de lésions professionnelles.[18]

[71]            La « lésion professionnelle » est définie à la Loi[19]. Elle inclut à la fois les notions « d’accidents de travail » et de « maladie professionnelle ». « L’accident de travail » se définit comme un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail, et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.

[72]            La « lésion professionnelle », quant à elle, se définit comme étant une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, y compris une récidive, une rechute ou une aggravation.

[73]            La « maladie professionnelle » est caractérisée quant à elle par une maladie contractée par le fait ou à l’occasion du travail et qui est caractéristique du travail ou reliée directement au risque particulier de ce travail.

[74]            Par conséquent, pour déterminer s’il s’agit d’une « lésion professionnelle » au sens de la loi, cinq (5) éléments doivent être vérifiés :

1.      S’agit-il d’un événement imprévu et soudain ?

2.      Cet événement est-il attribuable à toute cause ?

3.      Cet événement survient-il à une personne ?

4.      L’événement est-il survenu par le fait ou à l’occasion du travail de cette personne ?

5.      L’événement entraîne-il une lésion professionnelle ?[20]

[75]            En bref, le travailleur doit avoir subi une blessure survenue dans le cadre d’un accident de travail, à la suite d’un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause par le fait ou à l’occasion du travail. L’accident survenu doit être la cause de la blessure.[21]

[76]            Le fait de remplir des fonctions de direction au sein de l’entreprise ne fait pas obstacle à l’application de la notion de travailleur.[22]

[77]            Toutefois, il a été décidé que la notion de « lésion professionnelle » ne peut s’étendre à la réaction d’un travailleur à l’annonce de son congédiement.[23]

[78]            Les relations de travail conflictuelles ne sont pas reconnues comme source de lésion professionnelle. Il faut la preuve d’incidents qui débordent nettement et objectivement le cadre habituel des relations de travail. Une dépression causée par l’annonce d’un congédiement ou de critiques de son travail ne peut constituer une lésion professionnelle.[24]

[79]            En l’espèce, la preuve ne permet pas au Tribunal de conclure que la dépression dont souffre la demanderesse a été caractéristique de son travail ou reliée au risque particulier de son travail. Par conséquent, la dépression de la demanderesse ne constitue pas une maladie professionnelle au sens de la L.A.T.M.P.  La CSST n’a donc pas juridiction et le recours devant la Cour supérieure est possible.

2.         Congédiement ou démission

[80]            Madame Bolduc prétend qu’elle ne pourra plus jamais travailler au sein de l’entreprise de la défenderesse. Elle ajoute que la dépression dont elle souffre découle directement des agissements des représentants de la défenderesse. Elle allègue avoir été congédiée alors que l’employeur plaide démission.

[81]            Dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, une partie peut procéder à la résiliation unilatérale du contrat. Cette résiliation est qualifiée de congédiement si elle origine de l’employeur ou de démission si elle origine de l’employé(e).[25]

[82]            Le congédiement peut être implicite ou déguisé. L’intention de l’employeur n’a pas à être verbalisée clairement à l’employé. Elle peut découler de l’ensemble des propos tenus et de l’attitude générale adoptée par l’employeur. En l’espèce, il est admis que la représentante de l’employeur n’a pas utilisé le mot « congédiement » ou des termes synonymes.

[83]            Le congédiement par induction (dérivé) ou déguisé implique que l’employeur « déguise » ses véritables intentions de se départir de son employé en tentant, par divers moyens ou subterfuges, de provoquer sa démission. De façon malicieuse, abusive ou maladroite, il réduit par exemple son salaire, ses avantages pécuniaires ou encore modifie ou diminue ses responsabilités, lui refuse sans raison valable des promotions promises, le harcèle ou utilise d’autres subterfuges du même ordre.[26]

[84]            Un autre concept peut être compris dans l’expression « congédiement déguisé ». Il ne fait pas référence à un geste ou à une intention abusive de mauvaise foi, malicieuse ou arbitraire de l’employeur. Il s’agit plutôt de modifications substantielles apportées aux conditions de travail de l’employé pour divers motifs qui demeurent cependant, selon les circonstances, une résiliation du contrat de travail original.[27]

[85]            En l’espèce, y a-t-il eu congédiement implicite ou déguisé de la part de Provigo ou madame Bolduc a-t-elle, dans les faits, démissionné ?  L’arrêt principal en matière de congédiement déguisé a été rendu par la Cour Suprême en 1997.[28]

[86]            De façon générale, on a décidé que les principes généraux des contrats s’appliquent au contrat de travail. Lorsqu’un employeur décide unilatéralement de modifier de façon substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé et que celui-ci n’accepte pas ces modifications et quitte son emploi, son départ constitue non pas une démission mais un congédiement déguisé. En agissant ainsi, l’employeur cesse de respecter ses obligations et l’employé peut invoquer la résiliation pour bris de contrat et quitter. L’employé a alors droit à une indemnité qui tient lieu de délai-congé et, s’il y a lieu, à des dommages et intérêts.

[87]            Pour décider s’il y a eu modifications substantielles des conditions essentielles du contrat de travail par l’employeur, le Tribunal doit se demander si au moment où l’offre a été faite, une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’employé aurait considéré qu’il s’agissait d’une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail. Le fait que l’employé ait été prêt à accepter en partie la modification n’est pas déterminant.  Pour que le contrat de travail soit résilié, il n’est pas nécessaire que l’employeur ait eu l’intention de forcer son employé à quitter son emploi ou qu’il ait été de mauvaise foi en modifiant de façon substantielle les conditions essentielles de ce contrat.

[88]            Les conditions de congédiement déguisé ont été réitérées par la Cour d’appel[29] :

·        une décision unilatérale de l’employeur

·        une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail

·        le refus des modifications apportées par l’employé

·        le départ de l’employé.

[89]            La mauvaise foi de l’employeur n’est pas essentielle en vue d’établir l’existence d’un congédiement déguisé[30].

[90]            Le travail demeure un élément fondamental dans la vie d’un individu :

« Pour beaucoup de personnes, le travail représente davantage qu’un gagne-pain. Il constitue un moyen de réalisation personnelle et une occasion de valorisation. Les en priver peut donc porter atteinte à leur dignité, voire à l’intégrité de leur santé physique et mentale. »[31]

[91]            La Cour Suprême ajoute à cet effet que :

« (…) c’est pourquoi les conditions dans lesquelles une personne travaille sont très importantes pour ce qui est de façonner l’ensemble des aspects psychologiques, émotionnels et physique de sa dignité et du respect qu’elle a d’elle-même. »[32]

[92]            L’employeur est donc tenu de permettre l’exécution du travail convenu dans des conditions acceptables. Dans ce cadre, « l’employeur est responsable de façon accessoire à son pouvoir de direction du maintien d’un cadre et de conditions de travail propices à l’exécution de son travail par l’employé ».[33]

[93]            Le travail à fournir au salarié doit en outre être celui convenu avec lui :

« Se pose ici la question suivante : dans quelle mesure, s’il en est, l’employeur peut-il modifier la nature du travail du salarié, ses fonctions ou ses responsabilités ? Cette question est de plus en plus importante, notamment en raison du fait que pour le salarié, l’exercice de l’occupation pour laquelle il a été engagé s’avère souvent une considération essentielle de l’emploi, eu égard à la fois à la satisfaction qu’il veut légitimement en retirer et à son souci de conserver et de développer ses qualités et son habileté dans son champ d’activité professionnelle. La réponse tient compte d’abord de la nature et des circonstances de l’engagement et, ainsi, de la discrétion laissée explicitement ou implicitement à l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de gérance à ce sujet. Au-delà de cette marge de manœuvre que le contrat peut réserver à l’employeur, la substitution d’un travail de qualité nettement inférieure à celui convenu, au regard notamment du statut et des responsabilités de l’employé, ou la modification unilatérale et significative de ces conditions essentielles d’exécution équivaudra, en pratique, à un congédiement déguisé. »[34]

[94]            L’employeur est également tenu de sauvegarder la dignité de son employé :

« Il doit dans les limites de l’exercice de son pouvoir de direction protéger le salarié contre toute forme de harcèlement, pour quelque motif que ce soit, tant de la part des collègues de travail du salarié que de ses propres représentants. »[35]

[95]            Si l’employeur rend les conditions de travail de son employé intolérables à un point tel que ce dernier n’a d’autres choix que de quitter, il y a alors congédiement déguisé.

[96]            En l’espèce, par son attitude, l’employeur a modifié de façon substantielle les conditions de travail de madame Bolduc. On la place dans une situation où il n’existe pas de choix véritable. Dans un cas, elle accepte de quitter avec un chèque de l’employeur correspondant à huit semaines de salaire. Dans l’autre cas, elle reste à l’emploi, mais dans des conditions hostiles annoncées par l’employeur.

[97]            Au moment où madame Lamontagne verbalise à madame Bolduc que ce sera « difficile », aucune plainte formelle n’est déposée, aucun dossier n’est constitué. Aucune enquête de quelque nature que ce soit n’a été menée. Et même si le dépôt d’une éventuelle plainte de harcèlement était pour la représentante de l’employeur de l’ordre d’une forte probabilité, le fait d’avoir présenté les événements qu’elle croit venir d’une façon aussi menaçante laisse ainsi croire à l’employée qu’elle ne bénéficie d’aucun soutien et qu’elle devra seule faire face à cette menace dans un contexte « difficile ».

[98]            La rencontre du 28 septembre 2004 se fait dans un contexte particulier. Madame Bolduc n’a aucune idée qu’elle doit ce jour là discuter de son avenir dans l’entreprise. Dans son esprit, depuis les informations reçues dans le courant de l’été, elle demeure à l’emploi de Provigo jusqu’à sa retraite qu’elle fixe à l’âge de 55 ans, soit dans « un an et demi ».  Elle n’est pas préparée à arrêter de travailler. La rencontre a lieu en fin d’après-midi, alors que madame Bolduc termine une grosse journée de travail. Elle est fatiguée. Madame Lamontagne glisse la lettre de congédiement préparée à deux ou trois reprises vers madame Bolduc qui la glisse de nouveau vers madame Lamontagne. Cette dernière insiste et présente l’offre formulée comme étant exceptionnelle. Le directeur Ghislain Côté n’est pas présent. L’ensemble de cette situation laisse l’impression que madame Lamontagne a reçu des instructions. On ne veut plus de madame Bolduc dans l’entreprise.

[99]            Il ne s’agit pas d’une démission, mais d’un congédiement déguisé. L’employeur a agi d’une façon telle qu’il a provoqué le départ de l’employée. Les conditions de travail présentées lors de la rencontre du 28 septembre 2004 sont inacceptables pour madame Bolduc. Toute personne raisonnable placée dans la situation de madame Bolduc aurait agi de façon similaire. Le maintien du lien d’emploi est rompu.

[100]       Le docteur Rochette, expert choisi par la demanderesse, confirme dans son expertise que seuls les éléments du 28 septembre 2004 sont pertinents. Avant cela, madame Bolduc était capable de gérer les pressions, même si le climat de travail était difficile. Au niveau de la volonté manifestée par madame Bolduc de retourner au travail le 21 mars, il y a une nuance entre vouloir et pouvoir. Peut-être que madame Bolduc voulait retourner au travail, mais elle n’en avait pas le pouvoir. C’est d’ailleurs ce que confirme le docteur Rochette.

[101]       Les conclusions du rapport du docteur Laplante doivent être mises de côté. Lorsque madame Bolduc le rencontre, elle n’a pas confiance en lui, elle ne lui dit pas tout. Elle ne lui parle pas de sa honte et de son humiliation. Il ne retient pas l’effet de la durée du choc de trente (30) minutes dans lequel madame Bolduc est plongée à la suite de l’annonce du 28 septembre. À cet effet, le docteur Rochette confirme que dans une telle situation, la durée du choc a un impact direct sur l’importance des séquelles qui en découlent. Un choc de trente (30) minutes est considéré assez long en psychiatrie. Le docteur Laplante n’a pas en main la description de l’état réel de la situation de madame Bolduc. Il insiste dans son expertise sur la réponse donnée par madame Bolduc à la question : « Si vous pouviez rentrer dans un autre magasin, le feriez-vous ? ».  Elle répond « je ne serai plus capable de toffer là ». Le docteur Laplante interprète ces propos comme une acceptation de retour au travail alors que madame Bolduc manifeste clairement que même si elle retournait au travail, cela ne serait que de courte durée.

[102]       En réalité, l’offre du 28 septembre 2004 constitue un simulacre d’offre de retraite et équivaut à congédiement. L’employeur veut éviter le paiement d’une indemnité raisonnable et se cache derrière le paravent d’une offre qui comporte deux choix, dont chacun d’eux est inacceptable. Le vrai choix n’existe pas.

3.         L’effet de la mise en demeure de reconnaître la véracité

[103]       Le procureur de Provigo prétend que le Tribunal doit tenir pour avérée la véracité et l’exactitude du contenu de l’expertise du docteur Laplante, puisque ce document a été transmis à la partie adverse en utilisant l’article 403  C.p.c. et qu’il n’y a eu aucune déclaration sous serment niant que la pièce produite soit vraie ou exacte produite par la partie adverse. L’article 403  C.p.c. se libelle de la façon suivante :

« Après production de la défense, une partie peut, par avis écrit, mettre la partie adverse en demeure de reconnaître la véracité ou l’exactitude d’une pièce qu’elle indique. L’avis doit être accompagné d’une copie de la pièce, sauf si cette dernière a déjà été communiquée ou s’il s’agit d’un élément matériel de preuve, auquel cas celui-ci doit être rendu accessible à la partie adverse.

La véracité ou l’exactitude de la pièce est réputée admise si, dans les 10 jours ou dans tel autre délai fixé par le juge, la partie mise en demeure n’a pas signifié à l’autre une déclaration sous serment niant que la pièce soit vraie ou exacte, ou précisant les raisons pour lesquelles elle ne peut l’admettre. Cependant, le Tribunal peut la relever de son défaut avant que jugement ne soit rendu, si les fins de la justice le requièrent.

Le refus injustifié de reconnaître la véracité ou l’exactitude d’une pièce peut entraîner condamnation aux dépens qu’il occasionne. »

[104]       Une analyse exhaustive de la jurisprudence et de la doctrine a été effectuée par l’auteur Me Donald Béchard sur la validité de l’avis prévu à l’article 403  C.p.c.[36]

[105]       L’objectif premier visé par l’application de l’article 403  C.p.c. est d’abréger le déroulement de l’enquête en facilitant la preuve de la confection d’une pièce. Dans ce cadre, l’auteur de la pièce n’a pas à se déplacer pour témoigner car l’authenticité de la pièce et les circonstances entourant sa confection sont alors réputées admises. Mais encore faut-il que le document visé constitue une « pièce » au sens de l’article 403  C.p.c. Une expertise peut-elle être produite sous l’emprise de l’article 403  C.p.c. ? La jurisprudence est incertaine[37].

[106]       De toute façon, que l’expertise puisse ou non être produite sous l’emprise de l’article 403  C.p.c., il n’en reste pas moins qu’à l’audience, le docteur Laplante a été interrogé et contre-interrogé. Au surplus, le défaut de déposer la déclaration assermentée niant la véracité n’est nullement fatal. Il s’agit tout au plus d’une preuve « juristantum » qui n’a pas pour effet d’admettre que l’expert a raison. Reconnaître la véracité ou l’exactitude d’un écrit dans son aspect matériel, c’est en reconnaître l’authenticité, c’est reconnaître que l’écrit émane bien de la personne qui en est apparemment l’auteur. Toutefois, cela n’a pas pour but de reconnaître la véracité ou l’exactitude d’un écrit quant à son contenu, surtout une contre-expertise.[38]

[107]       Donc, malgré le défaut de contestation d’un avis sous l’article 403  C.p.c., le contenu du document n’est pas réputé admis.[39]

[108]       L’appréciation de la valeur probante du document appartient au Tribunal.

4.         Le délai de congé

[109]       La demanderesse requiert un délai-congé correspondant à dix-huit (18) mois de salaire, soit 72 000 $.

[110]       Dans le contexte d’un contrat de travail à durée indéterminée, chacune des parties peut légalement y mettre fin à la seule condition de donner à l’autre un préavis raisonnable.

[111]       L’article 2091, alinéa 2, du Code civil du Québec stipule que :

« Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte notamment de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail. »

[112]       La partie qui fait défaut de donner à l’autre le délai de congé auquel elle a droit est passible de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.[40]

[113]       L’article 2092 ajoute que :

« Le salarié ne peut renoncer au droit qu’il a d’obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive. »

[114]       Cet article a pour but d’accorder un droit au salarié. Tout comme le salaire, l’indemnité est un élément vital. Cet article est d’ordre public.[41]

[115]       La durée du délai-congé s’évalue au moment de la rupture du contrat.[42]

[116]       Dans la décision D’Amours c. Banque Nationale du Canada[43], le juge Banford ajoute ce qui suit :

« Ajoutons qu’aux fins de déterminer l’étendue de l’indemnité raisonnable à chaque cas de rupture de contrat visée par l’article 2091 C.c.Q., le législateur a prévu des critères reliés aux conditions de travail plutôt qu’aux causes de la cessation du lien d’emploi. Ainsi, au lieu de s’attarder à identifier le responsable du bris de contrat, il suggère d’évaluer le délai de congé en fonction de la nature de l’emploi, des circonstances dans lesquelles le travail s’exerce et la durée de la prestation de travail. Par conséquent, les circonstances propres à la cessation d’emploi ne comportent pas d’incidence sur la détermination de l’indemnité prévue à l’article 2091 C.c.Q. sous réserves des autres recours du demandeur.

On est souvent porté à croire qu’un employé est congédié uniquement lorsque celui-ci est avisé par ses supérieurs que ses services ne sont plus requis et qu’il doit en conséquence quitter son emploi.

Le congédiement peut se présenter sous des formes beaucoup plus subtiles et variées. »

[117]       Pendant la durée du délai de congé, le contrat se poursuit entre les parties avec les obligations qui s’y rattachent pour chacune d’elles.[44]

[118]       Par contre, celui qui décide d’interrompre le contrat peut verser à l’autre une indemnité qui tient lieu de ce délai-congé.[45]

[119]       La défenderesse ayant résilié le contrat à durée indéterminée de la demanderesse sans un motif sérieux, elle devait lui donner un délai de congé suffisant ou encore une indemnité en tenant lieu. Cette indemnité doit donc remplacer les avantages qu’aurait reçus la demanderesse si elle avait continué de travailler pendant la période appropriée.

[120]       Les cinq facteurs de base pour déterminer la durée du délai de congé raisonnable ont été avancés dans l’arrêt Columbia Builders Suppliers Co c. Bartlett[46] :

« Dans cette nouvelle perspective, je ne crois pas qu’il soit hors d’ordre pour les tribunaux, ayant à décider de cas « de ceux qui occupent un rang dans la hiérarchie des employés » de considérer les circonstances de l’engagement, la nature et l’importance du travail, le fait que l’employé a quitté un emploi certain et rémunérateur, l’intention des parties, la difficulté pour l’une et l’autre des parties de trouver soit un remplaçant satisfaisant, soit une autre position d’égale importance et, au regard de ces considérations, de fixer pour l’avis de congé un délai raisonnable. »

[121]       À ces facteurs, nous devons en ajouter deux autres d’importance majeure, soit le nombre d’années de services de l’employé et son âge.[47]

[122]       En résumé, à moins de circonstances exceptionnelles, les facteurs les plus importants demeurent les suivants :

·        l’importance et la nature de l’emploi;

·        le nombre d’années de services;

·        l’âge de l’employé;

·        les circonstances de l’engagement;

·        le fait d’avoir quitté un emploi certain et rémunérateur.

[123]       L’ancienneté et l’importance du poste sont de loin les facteurs les plus notables.[48]  Il y a ainsi une corrélation directe entre l’importance du poste occupé et la durée du délai de congé.

[124]       L’indemnité tenant lieu de délai de congé octroyé se calcule sur la base de la rémunération que l’employé aurait obtenue durant la période fixée par le Tribunal.

[125]       En ce qui a trait à la durée comme telle de ce délai-congé, la jurisprudence québécoise des dernières années s’est beaucoup développée :

« La jurisprudence québécoise des dernières années, influencée notamment par celle des autres provinces, a très sensiblement augmenté ses exigences quant à la durée du délai-congé requis de l’employeur pour mettre fin unilatéralement à l’emploi des salariés, plus particulièrement de ceux qui sont âgés et qui comptent de longs états de service et de ceux qui occupent des fonctions de niveau professionnel ou assument des responsabilités de direction. Au facteur mentionné à l’article 2091, alinéa 2, C.c.Q. s’ajoutent l’âge du salarié, la difficulté relative pour lui de trouver un emploi comparable et l’ensemble de toutes les circonstances pertinentes qui ont pu entourer la conclusion du contrat de travail, la poursuite de relations d’emploi et sa rupture. »[49]

[126]       Ce qui constitue un délai de congé raisonnable dans l’hypothèse d’un contrat à durée indéterminée est essentiellement une question de faits qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce :[50]

« L’autorité du précédent doit donc être jugée ici avec circonspection même si les nombreuses décisions en la matière par leur sagesse collective apportent des points de comparaison intéressants. »[51]

[127]       Les exemples sont nombreux, en voici quelques-uns :

·        Dix-huit (18) mois pour un employé âgé de 46 ans qui comptait 29 ans de service;[52]

·        Vingt-quatre (24) mois pour un employé âgé de 59 ans qui comptait 25 ans de service;[53]

·        Dix-huit (18) mois pour un vice-président à la fin de la quarantaine comptant 21 ans de service;[54]

[128]       Au 25 septembre 2004, le bordereau de paie de madame Bolduc indique un revenu annuel de 53 173,59 $ plus avantages sociaux. Toutefois, le revenu de base est de 50 950,78 $ et doit être retenu aux fins du calcul. Les éléments pris en considération dans le cadre du présent dossier dans l’établissement de la durée du délai de congé sont les suivants :

·        32 années de services;

·        53 ans d’âge;

·        un poste cadre sous la supervision directe du directeur qui comporte des responsabilités importantes;

·        la difficulté de retrouver un emploi compte tenu de l’âge, du milieu et de la difficulté d’emploi dans le contexte d’une situation de conflit;

·        le dossier exemplaire d’emploi;

·        l’intention de prendre une retraite à l’âge de 55 ans.

[129]       En l’espèce, le Tribunal accorde un délai-congé de quatorze (14) mois.

[130]       Généralement, le point de départ du délai de congé aux fins de sa computation est la date à partir de laquelle l’employé est avisé formellement et sans équivoque qu’il perdra ultérieurement, à une date précise, son emploi.

[131]       La computation du calcul du délai congé débutera le 28 septembre 2004 pour une période de quatorze (14) mois correspondant à une somme de 59 442,58 $. Les prestations d’assurance invalidité reçues ne seront pas déduites des sommes à être versées par l’employeur. Conclure autrement permettrait à l’employeur d’invoquer sa propre turpitude puisqu’il pourrait ainsi changer unilatéralement les conditions de travail de l’employé et le dévaloriser jusqu’au point où il devienne inapte à travailler et ne plus avoir à lui donner un délai-congé.[55]

4.         L’indemnité de départ

[132]       L’indemnité de départ réclamée par la demanderesse fait double emploi avec le délai-congé accordé. Elle ne sera par conséquent pas accordée.

[133]       On réclame 2 500 $ par année de services. On allègue qu’il s’agit d’un principe contractuel et que certains syndiqués l’ont reçu. Cette demande est rejetée.

5.         Les dommages moraux

[134]       L’indemnité pour tenir lieu de préavis ne remplace pas tous les dommages en cas de congédiement.[56] L’objectif essentiel du préavis demeure l’octroi à l’employé d’une compensation monétaire adéquate pour la période de temps qui lui permettra en principe de se replacer sur le marché du travail.

[135]       Dans le cas d’un contrat d’emploi à durée indéterminée, la résiliation unilatérale de celui-ci par l’employeur n’est pas en soi une faute civile, même si cet acte cause un préjudice certain à l’employé.[57]

[136]       Le congédiement provoque toujours un choc émotif et des traumatismes[58] :

« Ceci dit, tout congédiement, même celui réalisé dans les meilleures conditions, provoque chez celui qui en est éprouvé un véritable effet traumatisant souvent marqué par l’inquiétude, l’anxiété et le stress. Ce préjudice moral dérive de la cessation d’emploi elle-même. Il ne sera pas indemnisé comme tel parce qu’il découle nécessairement de l’exercice d’un droit. Au surplus, dans les faits, ce dommage et, tout au moins partiellement, indemnisé par l’avis-congé puisque sa durée est fonction d’une multitude de facteurs, dont l’ancienneté chez l’employeur et le temps nécessaire à retrouver une situation comparable.

Toutefois, l’exercice du droit de congédier peut s’accompagner d’un comportement vexatoire, malicieux, empreint de mauvaise foi ou simplement d’une conduite abusive. Cet abus constitue alors une faute de l’employeur et sa commission donnera évidemment ouverture à réparation pour l’employé qui en est victime. »

[137]       Ce raisonnement a été repris dans l’arrêt Standard Broadcasting Corporation c. Stewart[59] :

« Le droit de congédier normalement exercé entraîne toujours un certain préjudice pour l’employé, mais il faut prendre garde que la compensation pour abus du droit ne fasse pas double emploi avec l’indemnité de délai-congé et ce, d’autant plus que dans l’évaluation de ce que constitue un délai-congé raisonnable, les tribunaux tiennent compte de la façon dont la résiliation du contrat s’est opérée et du comportement de l’employeur. »

[138]       Lorsqu’une indemnité pour dommages moraux (abus de droit) est accordée, il doit être précisé qu’elle résulte d’un manquement spécifique et distinct de l’employeur. On doit démontrer que le préjudice moral ne découle pas simplement de la cessation d’emploi elle-même, mais de la façon dont elle s’est effectuée. La seule absence de préavis suffisant n’emporte pas automatiquement l’octroi des dommages moraux. Ils peuvent être accordés en plus du délai-congé si le préjudice subi était prévisible ou s’il résulte d’une faute intentionnelle ou d’une faute lourde de l’employeur (art. 1613 C.c.Q.)

[139]       Il y a deux types de dommages moraux :

1.      l’atteinte à l’honneur et à la réputation

2.      le préjudice physique et moral résultant de l’abus de droit lui-même

[140]       Pour qu’il y ait dommages, il faut prouver trois choses :

·        la faute

·        les dommages

·        le lien de causalité

[141]       Dans l’appréciation de la faute commise par la défenderesse, il faut tenir compte de l’effet produit sur la demanderesse.

[142]       Les dommages moraux seront entre autres permis en cas d’humiliation, anxiété, traumatisme et autres troubles psychologiques en présence d’une conduite déraisonnable de l’employeur.

[143]       Dans ce cas, on doit démontrer que l’employeur, lors de l’exercice de son droit de résiliation, a commis une faute additionnelle spécifique.

[144]       En l’espèce, la demanderesse réclame pour le stress, la douleur, l’humiliation, la frustration et les traumatismes psychologiques qu’elle a ressentis pendant et après le congédiement.

[145]       Le congédiement est survenu de façon inattendue pour la demanderesse, sans aucun avertissement préalable et dans un contexte très particulier. Les propos tenus par la représentante de l’employeur en regard de l’éventuelle plainte de harcèlement, l’attitude subséquente répétée lors de la deuxième réunion et le contexte général des rencontres constituent une faute commise par l’employeur qui se doit d’être indemnisée. Le délai-congé ne règle pas tout. Les dommages étaient prévisibles.

[146]       La demanderesse a été victime d’une situation difficile pendant plusieurs mois. Lors de la rencontre, le but évident était de la pousser à démissionner en espérant ainsi d’avoir à éviter de la compenser.

[147]       Le docteur Rochette, dans son expertise, explique que plus la réaction de traumatisme est longue, plus les risques de séquelles sont importants. Or, le 28 septembre 2004, madame Bolduc est demeurée trente minutes sans bouger, dans un état de choc à la suite de l’annonce de madame Lamontagne. Pour le docteur Rochette, il s’agit d’un délai assez long.

[148]       Madame Bolduc soutient avoir été congédiée de façon cavalière. L’effet a été dévastateur pour sa famille et pour elle-même.

[149]       Elle nous dit qu’elle pleurait beaucoup, qu’elle était en état de choc, qu’elle n’était capable de voir personne, qu’elle avait coupé des liens avec des gens, qu’elle trouvait sa situation humiliante, qu’elle avait honte, qu’elle ne pouvait concevoir qu’on lui offre de démissionner sinon on l’accusait de harcèlement. Dans son rapport, le docteur Rochette rapporte ce qui suit[60] :

« Madame Desgagné-Bolduc a été rencontrée par le docteur Hébert, médecin de la compagnie à Québec, vers le 14 octobre. Ce dernier identifie un problème clairement relié à la situation au travail, il dit que la solution réside dans une rencontre avec les autorités, madame Bolduc et les ressources humaines. Madame Desgagné-Bolduc qui était en absence maladie (…).  Chaque fois que madame Viel des ressources humaines l’appelait, elle paniquait.  Le docteur Guern lui a conseillé de consulter dans le cadre du programme d’aide aux employés : c’est ce qu’elle a fait.  Elle aurait eu une douzaine de rencontres avec une psychologue, madame Myriam Tremblay. Elle nous dit que cela l’a aidé, qu’avant cela, elle ne pouvait parler de sa situation. Au début de son traitement avec le docteur Guern, madame Desgagné-Bolduc a eu des médicaments pour dormir. Par la suite, étant donné qu’elle continuait à être symptomatique, elle avait des difficultés au niveau de l’humeur, au niveau de sa concentration, de son fonctionnement général et de son sommeil. Le docteur Guern a commencé un traitement avec un antidépresseur, du Celexa, qu’elle prend actuellement à raison de 40 mg par jour.

[150]       Au moment de l’expertise du docteur Rochette, elle affirme que son sommeil s’est amélioré depuis une quinzaine de jours :

« Auparavant, elle se couchait vers 22 heures, commençait à s’éveiller vers 3 heures et ne se rendormait pas avant 6 heures du matin. Depuis quelques jours, au moment de sa rencontre avec le docteur Rochette, elle dort de 22 heures jusque vers 7 heures. Elle ressent moins le stress, le goût de pleurer a disparu. Pendant les trois ou quatre mois suivant son congédiement, elle pleurait très souvent, surtout quand elle parlait de ses difficultés au travail. Il y avait une diminution importante de l’appétit et une perte de poids en a découlé. Sa concentration s’est depuis améliorée. Elle pense encore beaucoup au travail, mais auparavant, elle paniquait à l’idée d’entrer au travail, à l’idée d’avoir à se défendre. Maintenant, elle réalise plus ce qu’elle a vécu au travail, ce qu’elle a eu à subir de la part de son directeur et de la représentante syndicale. Elle continue en nous disant qu’elle n’avait jamais eu de problème avec la directrice précédente.

Actuellement, madame Bolduc est capable de certaines activités. Elle nous dit qu’elle fait un peu de lecture et qu’elle fait du ménage. Au début, elle tournait en rond, « se promenait beaucoup ». Elle n’a pas vraiment le goût de lire, elle nous dit qu’elle lit dans le vide, que cela ne reste pas. Elle feuillette plutôt le journal. Lorsqu’elle regarde la télévision, elle est souvent dans la lune.

Madame Bolduc nous parle de sa difficulté à sortir de la maison. Ce n’est que depuis un mois et demi qu’elle a recommencé à aller prendre des marches à l’extérieur. Elle nous dit qu’elle ne voulait voir personne, qu’elle avait tendance à s’isoler, qu’elle avait peur d’être jugée. Elle trouve toujours impensable et inacceptable qu’après 32 ans de service, on lui ait fait une offre semblable. Maintenant, elle a plus de facilité à en parler. Il semble assez clair que d’avoir consulté un conseiller juridique l’a aidée, l’a réassurée et lui a permis de réaliser plus clairement sa situation.

Au niveau du diagnostic, ce qui pouvait être considéré comme un trouble d’adaptation est devenu un trouble dépressif majeur. Il a été traité avec un antidépresseur. »

[151]       Il retient un diagnostic de trouble dépressif majeur, d’intensité modérée, déclenché par les comportements de son employeur.

[152]       Il conclut en ajoutant que :

« À partir de la revue des dossiers de madame Desgagné-Bolduc et de l’histoire qu’elle nous a rapportée, nous arrivons à la conclusion que madame Desgagné-Bolduc a présenté une période d’incapacité totale temporaire à partir du 28 septembre 2004 jusqu’à maintenant. Cette incapacité persiste actuellement en ce sens que du point de vue psychiatrique, elle est incapable actuellement de retourner au travail qu’elle faisait auparavant avec les mêmes personnes. Madame Desgagné-Bolduc a pendant un certain temps envisagé la possibilité qu’elle pouvait effectuer le travail qu’elle faisait auparavant dans un autre magasin avec d’autres supérieurs et d’autres employés. Elle a réalisé que ce serait plus difficile qu’elle ne le pensait et elle a perdu toute confiance envers un employeur qui, après plus de trente ans de services, a eu une attitude et un comportement si inadéquats à son endroit. Étant donné l’évolution du conflit, nous sommes d’accord avec madame Desgagné-Bolduc qu’il serait difficile pour elle de travailler à nouveau pour son employeur, même si c’était un autre emploi. 

Pour ce qui est de l’existence d’un DAP permanent chez madame Desgagné-Bolduc à la suite de l’attitude et du comportement de son employeur entourant son licenciement, nous croyons qu’il y a présence de séquelles. Madame Desgagné-Bolduc a vécu des bouleversements émotionnels importants depuis la fin de septembre 2004. La rencontre avec le directeur des opérations et madame Viel l’a passablement perturbée.»[61]

[153]       Suivant la rencontre du 28 septembre 2004 :

« Il s’en est suivi quelques jours d’insomnie, de céphalées et d’incapacités de fonctionnement ce qui l’a même amenée à consulter à l’urgence de l’hôpital de Chicoutimi. Par la suite, les symptômes ont été suffisants pour justifier un suivi dans le cadre du programme d’aide aux employés, mais également le docteur Guern commençait une médication antidépressive et dès le mois de septembre, madame Desgagné-Bolduc prenait Celexa, 40 mg par jour, médication que le docteur Marcel Bouchard, psychiatre, à la fin de mars suggérait d’augmenter encore plus. Il est donc assez clair que madame Desgagné-Bolduc a été très affectée par la rencontre du 28 septembre et ses suites.  Ce n’est que depuis une quinzaine de jours avant notre rencontre avec elle qu’elle a commencé à ressentir une certaine amélioration. En psychiatrie, plus les symptômes durent longtemps, plus il y a risque de chronicisation et donc, un risque de la présence d’un déficit anatomophysiologique permanent. Dans le cas de madame Desgagné-Bolduc, son DAP se situe dans le groupe des névroses. Actuellement on pourrait le situer au niveau du groupe modéré, c’est-à-dire d’environ 15%. On peut penser qu’éventuellement, il pourrait y avoir une diminution des symptômes et qu’elle conserve un DAP d’environ 5%. C’est l’évolution qui nous permettra de préciser cette éventualité. »

[154]       Il fixe son DAP dans le groupe des névroses au niveau du groupe modéré, c’est-à-dire environ 15%. Il ajoute qu’on peut penser qu’éventuellement, il pourrait y avoir une diminution des symptômes et qu’elle puisse conserver un DAP d’environ 5%. Il est toutefois impossible de prévoir avec exactitude ce qui pourra se passer dans l’avenir.

[155]       La façon dont la défenderesse a traité la demanderesse lors du congédiement proprement dit est à l’origine des problèmes de santé de la demanderesse. La défenderesse est la cause et l’auteur des dommages que la demanderesse a subis. Ce comportement a eu des répercussions sur la santé psychologique. Les douleurs, souffrance, inconvénients associés à l’humiliation qui lui ont été infligés pendant de nombreux mois sont réels. Le préjudice est d’autant plus important que l’acte fautif a également eu des répercussions sur le mari et la fille de la demanderesse qui, inévitablement, subissent le contrecoup du processus de dévalorisation. Dans les circonstances, la somme de 20 000 $ semble être une juste compensation.

Les dommages exemplaires

[156]       Les dommages exemplaires, également appelés dommages-intérêts punitifs, sont l’exception à la règle générale voulant que les dommages et intérêts soient destinés à indemniser le demandeur. Ces dommages et intérêts visent à punir le défendeur[62] :

« Le moment où il y a rupture de la relation entre l’employeur et l’employé et celle où l‘employé est le plus vulnérable et a donc le plus besoin de protection.  (…) le droit devrait encourager les comportements qui réduisent au minimum le préjudice et les bouleversements (tant économiques et personnels) qui résultent d’un congédiement. (…)  Cependant, lorsque la cessation d’emploi s’accompagne d’actes de mauvaise foi dans la façon dont le renvoi est effectué, les résultats peuvent être particulièrement dévastateurs. À mon avis, pour que les employés puissent bénéficier d’une protection adéquate, les employeurs devraient assumer une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans le mode de congédiement de sorte que tout manquement à cette obligation serait compensé par une prolongation de la période de préavis. (…)  Il n’est pas possible de définir exactement l’obligation de bonne foi et de traitement équitable. Cependant, je crois tout au moins que dans le cadre d’un congédiement, les employeurs doivent être francs, raisonnables et honnêtes avec leurs employés et éviter de se comporter de façon inéquitable ou de faire preuve de mauvaise foi en étant par exemple menteur, trompeur ou trop implacable. »

[157]       L’article 2087 oblige l’employeur à prendre les mesures appropriées en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié dans son milieu de travail. Nul doute que cette obligation qui incombe à l’employeur vise à protéger le salarié contre les atteintes provenant de ses cosalariés, mais contre celles également qui découlent de son propre comportement.

[158]       Ces dommages doivent être expressément prévus par la loi. L’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne[63] prévoit à cet effet que celui qui est l’auteur d’une atteinte illicite et intentionnelle à une liberté ou à un droit reconnus par la Charte peut être condamné à des dommages punitifs.

[159]       Le droit à l’intégrité de la personne est garanti à l‘article 1 de la Charte :

« Le sens courant du mot intégrité laisse entendre que l’atteinte à ce droit doit laisser des marques, des séquelles qui, sans nécessairement être physiques ou permanentes, dépassent un certain seuil. L’atteinte doit affecter de façon plus que passagère l’équilibre physique, psychologique ou émotif de la victime.

Le second alinéa de l’article 49 de la Charte prévoit qu’en cas d’atteinte illicite et intentionnelle à un droit reconnu par la Charte, un Tribunal peut condamner son auteur à des dommages exemplaires. Il y a une atteinte illicite à un droit protégé par la Charte lorsque la violation de ce droit résulte d’un comportement fautif. Un comportement sera qualifié de fautif si son auteur transgresse une norme de conduite jugée raisonnable dans les circonstances selon le droit commun ou comme c’est le cas pour certains droits protégés, une norme dictée par la Charte elle-même. Pour qu’une atteinte illicite soit qualifiée d’intentionnelle, il faut que le résultat du comportement fautif soit voulu. Il y a donc atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’article 49 lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il s’agit en toute connaissance des conséquences immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables que cette conduite engendrera.

Ce critère est moins strict que l’intention particulière mais dépasse la simple négligence. »[64]

[160]       Les dommages exemplaires ou punitifs visent à assurer une fonction préventive. On veut éviter que l’employeur pose un tel acte de nouveau. Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier.[65]

[161]       Dans cette perspective, afin d’interpréter l’expression « atteinte illicite et intentionnelle », il importe de ne pas confondre le fait de vouloir commettre un acte fautif et celui de vouloir les conséquences de cet acte. C’est l’atteinte illicite et non la faute qui doit être intentionnelle.

[162]       L’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas à elle seule ce critère.

[163]       Les dommages punitifs sont en quelque sorte une pénalité civile qui est imposée à un comportement inacceptable pour en empêcher la répétition par l’auteur de la faute ou d’autres personnes.

[164]       En l’espèce, malgré le comportement de l’employeur, il n’y a pas de preuve suffisante pour en venir à la conclusion que l’employeur a réellement souhaité que son attitude ait un tel effet sur madame Bolduc. La demande de dommages exemplaires est rejetée.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[165]       ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance;

[166]       CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 79 442,58 $ plus les avantages sociaux, avec intérêts à compter de la mise en demeure, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q.;

[167]       CONDAMNE la défenderesse aux entiers dépens, incluant tous les frais d’expertise, tant pour la préparation que pour l’audition de la cause.

 

 

__________________________________

          CATHERINE LA ROSA, J.C.S.

 

Aubin, Girard, Côté, Avocats

Me Valérie Lajoie

Procureurs de la demanderesse

 

Gauthier Bédard s.e.n.c.r.l.

Me Frédéric Dubé

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

6, 7 et 8 février 2007

 

 



[1] Pièce P-1

[2] Pièce P-2 - Définitions et fonctions ainsi que Guide de fonction émanant de la défenderesse

[3] Pièce D-1

[4] Pièce P-8

[5] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 74

[6] Interrogatoire hors Cour Vicky Lamontagne, pages 11 et 12

[7] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 77

[8] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 78

[9] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 80

[10] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 80

[11] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 75

[12] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 79

[13] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 80

[14] Interrogatoire hors Cour Vicky Lamontagne, page 21

[15] Interrogatoire hors Cour Anna Bolduc, page 79

[16] Page 13 du rapport d’expertise du docteur Denis Rochette

[17] L.A.T.M.P.L.R.Q., c. a3.001

[18] Idem note 17, article 1

[19] Idem note 17, article 2

[20] Chaput c. S.T.C.U.M., 1992 R.J.Q. 1774 (C.A.)

[21] Welch c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, 200-09-000788-932, 21 janvier 1998

[22] Hemens c. Sigvaris et al, 2004, R.J.Q. 512 (C.S.)

[23] Welch c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, note 21 précitée, page 15

[24] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, Cowansville, Ed. Yvon Blais, 2003, page 125, cité dans Hemens c. Sigvaris et al, note 22 précitée

[25] Farber c. Compagnie Trust Royal, 1997 1 R.C.S. 846

[26] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, pages 118-119

[27] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, pages 118-119

[28] Farber c. Compagnie Trust Royal, note 25 précitée

[29] Corriveau c. Sedgwick Ltd, C.S. Montréal D.T.E. 2000 T-1059, confirmé en appel : C.A. Montréal D.T.E. 2003 T-232

[30] Acoca c. Publications Transcontinentales inc., C.S. Montréal, D.T.E. 2000 T-1060

[31] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, page 96

[32] Wallace c. United Grain Growers Ltd, [1997] 3 R.C.S. 701

[33] Côté c. Saiano, 1998 R.J.Q. 1965 (C.A.)

[34] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, page 97

[35] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, page 100

[36] Béchard, Donald, Que vaut l’avis de reconnaître la véracité ou l’exactitude d’une pièce selon l’art. 403 C.p.c. ?, Congrès du Barreau du Québec, 2000, pages 802 et suivantes.

[37] Réponse négative : Frenette c. Desnosiers, J.E. 98-1557 (C.S.);  Melfi c. Assurance vie Desjardins Laurentienne inc., J.E. 99-555 (C.S.)

    Réponse positive : Ferme Rlosterhos inc. c. Ferme J.P.R.A. inc. [1998] R.D.I. 794 (C.S.)

[38] Raymond Chabot Martin Paré c. Corp. Drovelle Ltée, J.E. 96-2117 (C.S.)

[39] Malinoff c. Harrison [1972] R.P. 275; Commission de la construction du Québec c. Angers, D.T.E. 95T-698 (C.Q.)

[40] Article 1607 C.c.Q.

[41] Québec (province de) ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice, le Code civil du Québec, tome 2, Québec, Publications du Québec, 1993, pages 13 à 15

[42] Hemens c. Sigvaris et al, 2004, note 22 précitée

[43] D’Amours c. Banque Nationale du Canada (C.S.) Québec D.T.E. 98 T-1158

[44] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, page 125

[45] Article 2092 C.c.Q.

[46] Columbia Builders Suppliers Co c. Bartlett, 1967 B.R. 111

[47] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, 1994 R.J.Q. 1751 (C.A.)

[48] Dupuis c. Centre hospitalier George-Frédéric, C.A. Montréal D.T.E. 90 T-868

[49] Robert P. GAGNON, Le Droit du travail au Québec, 5e édition, note 24, page 126 et Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[50] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[51] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[52] Sauvé c. Banque Laurentienne du Canada, [1999] R.J.Q. 79

[53] Wallace c. United Grain Growers Ltd, note 32 précitée

[54] Hippodrome Blue Bonnets inc. c. Joli-Cœur, D.T.E. 95T-185 (C.A.)

[55] Drolet c. Charron [2003] J.Q. 13510 (C.S.)

[56] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[57] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[58] Société hôtelière Canadien Pacifique c. Hoecqner, C.A. Montréal D.T.E. 88 T-548

[59] Standard Boardcasting Corporation c. Stewart, note 47 précitée

[60] Expertise du docteur Denis Rochette, page 7

[61] Expertise du docteur Denis Rochette, page 13

[62] Wallace c. United Grain Growers Ltd, note 32 précitée

[63] L.R.Q., c. C-12

[64] Québec (Curateur public) c. Syndicat National des employés de l’hôpital St-Ferdinand [1996] 3 R.C.S. 24

[65] Article 1621 C.c.Q.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.