Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et Directeur des poursuites criminelles et pénales |
2012 QCCFP 13 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N°: |
1300899 |
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DATE : |
1er mars 2012 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Christiane Cantin |
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ASSOCIATION DES PROCUREURS AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES
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Appelante
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Et
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 16, Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, L.R.Q., c. R-8.1.2) |
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[1] Le 12 mai 2011, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après appelée l’« Association ») fait parvenir au Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après appelé le « Directeur »), Me Louis Dionne, un avis de mésentente (A-1).
[2] Cet avis conteste la décision du Directeur, de refuser le paiement des heures supplémentaires excédant 40 heures pour chaque semaine durant laquelle Mes François Doyon Gascon, Nicolas Bigué, Weronika Granosik et Lyly-Anne Ratelle, procureurs affectés au Bureau des poursuites criminelles et pénales d’Amos, ont dû accompagner la Cour itinérante.
[3] L’avis de mésentente s’appuie sur l’article 55 de la Loi sur les normes du travail (ci-après appelée la « LNT »)[1] et prétend au droit pour les procureurs visés, d’être rémunérés pour les heures supplémentaires payables selon leur taux de traitement, tel que déterminé par l’article 7-1.02 de l’Entente, majoré de 50 %.
[4] Les conclusions recherchées sont d’ordonner au Directeur le paiement des sommes réclamées par chacun des procureurs selon la liste suivante :
« - Pour Me François Doyon Gascon, la somme correspondante à 312 heures et 40 minutes, calculée selon son taux horaire de traitement annuel déterminé par l’article 7-1.02 de l’Entente majoré de 50 %, le tout portant intérêt au taux légal.
- Pour Me Nicolas Bigué, la somme correspondante à 462 heures et 5 minutes, calculée selon son taux horaire de traitement annuel déterminé par l’article 7-1.02 de l’Entente majoré de 50 %, le tout portant intérêt au taux légal.
- Pour Me Weronika Granosik, la somme correspondante à 92 heures, calculée selon son taux horaire de traitement annuel déterminé par l’article 7-1.02 de l’Entente majoré de 50 %, le tout portant intérêt au taux légal.
- Pour Me Lyly-Anne Ratelle, la somme correspondante à 190 heures, calculée selon son taux horaire de traitement annuel déterminé par l’article 7-1.02 de l’Entente majoré de 50 %, le tout portant intérêt au taux légal. »
[5] L’Association soulève un moyen préliminaire ayant pour but de contester la compétence de la Commission de disposer de l’avis de mésentente portant sur le paiement des heures supplémentaires énumérées dans les documents déposés sous A-2, en liasse.
[6] Les parties s’entendent pour limiter l’objet de l’audience de la Commission au moyen préliminaire visant sa compétence.
[7] Elles conviennent également que le cas de Me François Doyon Gascon serve de point de référence pour les quatre procureurs visés à l’avis de mésentente.
[8] Il est admis qu’à compter du 22 février 2011, en après-midi, le Directeur accepte de payer les heures supplémentaires accomplies par ces procureurs, au-delà de 40 heures semaine, pour leur prestation de travail visant la Cour itinérante. Quant aux heures supplémentaires antérieures à cette date, le Directeur admet que des heures sont réclamées tel qu’en fait foi A-2, sans toutefois admettre le contenu des demandes de paiement.
[9] L’Association fait une rétrospective des événements à l’origine du moyen préliminaire. Ainsi, le 4 avril 2011, elle dépose une plainte pécuniaire à la Commission des normes du travail (ci-après appelée la « CNT ») ayant pour but de faire payer les heures supplémentaires réclamées par quatre de ses membres (A-3).
[10] À la suite de cette plainte, le directeur du Bureau régional de Montréal de la CNT, M. Daniel Bertrand écrit à Me François Doyon Gascon agissant au nom de l’Association. Il lui fait part qu’un avis de mésentente concernant la demande de paiement des heures supplémentaires devrait être déposé auprès de la Commission afin de vérifier, si elle a compétence. À défaut, la CNT traitera la plainte déposée.
[11] L’Association précise qu’elle s’adresse à la Commission en application de l’article 102 de la LNT qui prévoit qu’une personne qui porte plainte pour atteinte à un droit conféré par la LNT doit démontrer qu’elle a épuisé ses recours.
[12] C’est dans ce contexte et sur invitation de la CNT, qu’elle dépose son avis de mésentente tout en contestant, comme elle le dit elle-même de façon « très particulière », la compétence de la Commission pour trancher la question des heures supplémentaires qui fait l’objet de l’avis de mésentente.
[13] L’Association dépose l’Entente relative aux conditions de travail des substituts du procureur général entre le ministère de la Justice et l’Association des substituts du procureur général du Québec 2004-2007 (A-0) (ci-après appelée l’« Entente »). Elle allègue que l’Entente est muette sur le paiement des heures supplémentaires et que la seule disposition de l’Entente sur laquelle repose le différend se lit comme suit :
« 7-1.02 Le taux horaire du traitement d’un substitut s’obtient en divisant son traitement par 1826,3. »
[14] L’Association soumet que l’Entente équivaut à une convention collective. Il s’agit d’un contrat collectif qui correspond à toutes les caractéristiques d’une convention collective.
[15] Elle plaide que depuis l’affaire Parry Sound[2], décidée par la Cour suprême en 2003, toute disposition d’ordre public d’une loi qui intéresse l’emploi est censée faire partie d’une convention collective. Elle cite aussi l’affaire Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)[3], autre décision de la Cour suprême qui apporte certaines distinctions en regard des enseignements découlant de Parry Sound. Ainsi, l’Association réfère à la théorie élaborée par le juge LeBel dans SFPQ concernant la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail pour déterminer quel est le tribunal compétent pour trancher le litige. Elle cite le paragraphe 39 du jugement :
« [39] Selon moi, ce n’est pas tant sous l’angle de l’intégration implicite des dispositions de la L.n.t. aux conventions collectives que sous celui de l’effet de la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail sur le contenu et la mise en œuvre des conventions collectives que doit être abordée, en l’espèce, la question du caractère d’ordre public de la L.n.t. Seul un examen de la convention telle que la modifie cet ordre public permettra de déterminer qui, de l’arbitre de grief ou de la C.R.T., a compétence pour statuer sur la contestation engagée par les salariés et leur syndicat contre leur envoi. »
[16] Elle ajoute, en se référant cette fois à la dissidence de la juge Deschamps dans SFPQ, que l’examen de l’intention du législateur est nécessaire pour déterminer si des dispositions d’ordre public font partie de la convention collective à examiner. Elle donne l’exemple de la disposition concernant le harcèlement psychologique, l’article 81.20 de la LNT, pour illustrer un cas d’application de l’intention du législateur d’intégrer une norme d’ordre public dans son cadre normatif. Il faut que cela soit expressément prévu. Ici, le cadre normatif applicable n’intègre pas l’article 55 de la LNT.
[17] Par ailleurs, elle soutient que pour que l’arbitre de grief, en l’occurrence, la Commission, ait compétence, il doit exister un recours équivalent à celui accordé par la LNT. Or dans le cas qui nous occupe, il n’y a aucun recours équivalent, il n’existe donc pas de remède approprié et de protection adéquate en regard de la norme d’ordre public, c’est pourquoi l’Association conclut que la Commission n’a pas compétence.
[18] Elle ajoute que selon la jurisprudence de la Cour suprême, lorsqu’une convention collective contient une norme inférieure à la loi, cette norme devient nulle et on lui substitue une norme supérieure, soit celle équivalente à la disposition d’ordre public en matière d’emploi. Dans le cas sous espèce, puisque la convention est muette en ce qui concerne les heures supplémentaires, on ne peut appliquer la théorie de la hiérarchie des lois puisqu’on n’a rien à lui substituer, la norme n’existant pas.
[19] L’Association plaide également l’application de la règle de l’épuisement des recours découlant de l’article 102 de la LNT. Elle s’appuie sur deux décisions de la Cour d’appel Commission des normes du travail[4] et Campeau[5] pour énoncer les trois conditions qui s’appliquent pour mettre en œuvre cette règle. Ainsi, il faut qu’une convention collective soit en vigueur au moment où le préavis est donné; que cette convention contienne les dispositions équivalentes à celles prévues à la norme d’ordre public et qu’elle contienne également un mécanisme approprié et efficace pour faire valoir et adjuger de la violation du droit conféré par ces dispositions. En l’espèce, puisque le cadre normatif, dont l’Entente, ne rencontre pas les exigences de ce test, la théorie de l’épuisement des recours ne peut non plus s’appliquer.
[20] Elle soumet que puisque la réponse est négative quant aux conditions d’application de la règle de l’épuisement des recours, le deuxième alinéa de l’article 102 de la LNT ne s’applique pas. En conséquence, l’Association n’a pas besoin d’épuiser ses recours puisque la convention ne prévoit aucun remède, ce qui correspond à la position constante de la Cour d’appel telle qu’exprimée dans l’affaire Syndicat des métallos[6].
[21] Elle réfère ensuite à l’article 7-1.02 de l’Entente qui prévoit le taux de traitement, mais qui ne définit pas la semaine de travail ni le nombre d’heures requis quotidiennement, et ce, contrairement aux conditions de travail déterminées pour l’ensemble de la fonction publique. En somme, l’Entente est muette quant au traitement des heures supplémentaires et le taux précisé n’est qu’en fonction des congés et des vacances. Devant ce silence, on ne peut lui substituer une norme supérieure.
[22] Selon l’Association, la Commission puise sa compétence dans la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales[7], laquelle lui accorde le pouvoir de décider en matière de mésentente découlant de l’Entente convenue entre les parties. La Commission agit comme si elle est l’arbitre de grief à la différence que lorsqu’elle interprète l’Entente, le législateur ne lui a pas confié les mêmes pouvoirs que ceux que l’on retrouve à l’article 100.12 du Code du travail[8]. Ainsi, elle n’a pas le pouvoir d’interpréter et d’appliquer toute autre loi ou règlement dans la mesure nécessaire pour décider d’un grief. Les pouvoirs de la Commission sont encadrés de façon très limitée et elle ne peut prétendre à appliquer l’article 55 de la LNT.
[23] Dans ces circonstances, l’Association doit s’adresser à la CNT et la Commission n’a pas compétence pour disposer de l’avis de mésentente. Il aurait fallu que l’Entente prévoie spécifiquement des mesures permettant de traiter les heures supplémentaires.
[24] Elle conclut que la Commission devrait refuser d’entendre l’avis de mésentente puisqu’il n’y a aucune disposition habilitante pour qu’elle accorde la majoration de 50 % prévue à l’article 55 de la LNT. C’est la CNT qui est compétente pour trancher la question des heures supplémentaires.
[25] Le Directeur soutient que la question qui doit préoccuper la Commission est celle de savoir si elle dispose du pouvoir de statuer sur la réclamation des heures supplémentaires visées à l’avis de mésentente et ainsi appliquer l’article 55 de la LNT, lequel prévoit la majoration de 50 % payable au-delà de la semaine normale de 40 heures de travail.
[26] Il plaide que l’article 55 de la LNT qui est une norme d’ordre public n’est pas incompatible avec les conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales établies dans l’Entente puisque les heures supplémentaires sont une forme de rémunération qui est la contrepartie de la prestation de travail qu’ils ont accomplie.
[27] La notion d’heures supplémentaires est donc incluse dans la rémunération qui est une matière prévue au chapitre 7 de l’Entente. Pour le Directeur, il est clair que la Commission a compétence pour trancher le litige.
[28] Le Directeur retient de l’argumentation de l’Association, qu’en l’absence d’une disposition précise dans la convention collective correspondant aux prescriptions d’une norme d’ordre public en matière d’emploi tel l’article 55 de la LNT, l’arbitre de grief ne serait pas compétent et l’Association devrait donc s’adresser aux tribunaux de droit commun. Il qualifie cette position d’inconciliable avec la jurisprudence constante de la Cour suprême. En effet, cette dernière a reconnu la primauté des tribunaux spécialisés pour toute question relevant même implicitement des conditions de travail.
[29] Il procède à l’analyse des normes applicables en matière de conditions de travail qui se retrouvent aux articles 1, 52, 55 et 102 de la LNT.
[30] Il soutient que l’article 1 de la LNT, au paragraphe 9°, définit la notion de salaire qui comprend la rémunération en monnaie courante et les avantages ayant une valeur pécuniaire due pour le travail ou les services d’un salarié. L’article 52 de cette loi prévoit qu’aux fins de calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures et l’article 55 stipule que tout travail exécuté en plus de la semaine normale de travail entraîne une majoration de 50 % du salaire horaire habituel que touche le salarié. Enfin, l’article 102 prévoit que tout salarié qui croit avoir été victime d’une atteinte à un droit conféré par la LNT s’adresse à la CNT par voie de plainte écrite et doit démontrer qu’il a épuisé les recours découlant de la convention dont il se plaint.
[31] Le Directeur réfère ensuite aux articles 9-1.01, 9-1.04, 9-2.01 et 9-2.02 de l’Entente pour souligner que l’intention des parties était clairement de donner compétence à la Commission pour régler un litige en découlant. De plus, l’article 16 de la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales donne également compétence à la Commission pour l’interprétation et l’application de l’Entente :
L’Entente
« 9-1.01 Les parties souhaitent régler les litiges dans les plus brefs délais.
Le présent chapitre établit des paramètres de fonctionnement axés sur la bonne foi et la transparence afin de solutionner les mésententes relatives à l’interprétation ou à l’application de la présente entente. Il vise également à circonscrire le litige, à inciter chaque partie à exposer sa position ainsi qu’à accélérer le processus de règlement des litiges.
[…]
9-1.04 Si un substitut ou l’Association se croit lésé relativement à l’interprétation, l’application ou une prétendue violation de l’entente, l’Association transmet au sous-ministre un avis de mésentente par écrit dans les trente (30) jours suivant l’événement qui y a donné lieu, en faisant un exposé sommaire des faits de façon à identifier le problème et à préciser le droit recherché.
L’Association transmet aussi une copie de cet avis à la Commission de la fonction publique.
[…]
9-2.01 L’avis de mésentente est entendu, conformément à la Loi sur les substituts du procureur général, devant la Commission de la fonction publique qui en dispose selon ses règles de procédures habituelles.
9-2.02 La décision de la Commission de la fonction publique agissant dans la compétence qui lui est conférée doit être motivée; elle est finale et sans appel, lie les parties et doit être exécutée dans le plus bref délai possible. »
Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales
« 16. Toute mésentente relative à l'interprétation ou à l'application d'une entente doit être soumise par l'employeur ou l'association à la Commission de la fonction publique conformément aux dispositions de l'entente.
Les articles 116 à 119 et l'article 123 de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) s'appliquent aux demandes soumises à la Commission en vertu du présent article.
En matière disciplinaire, la Commission peut confirmer, modifier ou annuler la décision de l'employeur et, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. »
[32] Il fait également référence au chapitre 7 de l’Entente traitant de la rémunération pour souligner qu’en vertu des articles 7-1.01 à 7-1.03 on prescrit la rémunération des procureurs et on décrit le traitement, le taux horaire du traitement et l’échelle de traitement à l’annexe 1 de l’Entente :
« 7-1.01 Aux fins de la présente entente, par traitement, on entend le traitement annuel du substitut à l’exclusion de toute prime, allocation, somme forfaitaire ou rémunération additionnelle.
7-1.02 Le taux horaire du traitement d’un substitut s’obtient en divisant son traitement par 1826,3.
7-1.03 Pour la durée de la présente entente, le substitut est rémunéré suivant l’échelle de traitement prévue par l’annexe I. »
Annexe I
ÉCHELLE DE TRAITEMENT
915 - SUBSTITUT DU PROCUREUR GÉNÉRAL
Année d’expérience |
Échelon |
Traitement du 2001-04-01 au 2001-12-31 |
Traitement du 2002-01-01 au 2002-03-31 |
Échelon |
Traitement du 2002-04-01 au 2003-03-31 |
Traitement au 2003-04-01 |
Aucune |
1 |
35 671 |
36 563 |
1 |
40 000 |
40 800 |
|
2 |
36 534 |
37 448 |
|
|
|
6 mois |
3 |
37 418 |
38 353 |
2 |
41 684 |
42 518 |
|
4 |
38 323 |
39 281 |
|
|
|
1 an |
5 |
39 252 |
40 232 |
3 |
43 439 |
44 308 |
|
6 |
40 202 |
41 207 |
|
|
|
1 an 6 mois |
7 |
41 175 |
42 204 |
4 |
45 268 |
46 174 |
|
8 |
42 171 |
43 226 |
|
|
|
2 ans |
9 |
43 192 |
44 272 |
5 |
47 174 |
48 118 |
|
10 |
44 238 |
45 344 |
|
|
|
2 ans 6 mois |
11 |
45 308 |
46 441 |
6 |
49 160 |
50 144 |
|
12 |
46 405 |
47 565 |
|
|
|
3 ans |
13 |
47 529 |
48 717 |
7 |
51 230 |
52 255 |
|
14 |
48 679 |
49 897 |
|
|
|
3 ans 6 mois |
15 |
49 857 |
51 104 |
8 |
53 387 |
54 455 |
|
16 |
51 064 |
52 341 |
|
|
|
4 ans |
17 |
52 300 |
53 607 |
9 |
55 635 |
56 748 |
|
18 |
53 567 |
54 906 |
|
|
|
4 ans 6 mois |
19 |
54 863 |
56 234 |
10 |
57 977 |
59 137 |
|
20 |
56 191 |
57 596 |
|
|
|
5 ans |
21 |
57 552 |
58 991 |
11 |
60 419 |
61 627 |
|
22 |
58 691 |
60 159 |
|
|
|
6 ans |
23 |
59 853 |
61 349 |
12 |
62 962 |
64 222 |
|
24 |
61 039 |
62 565 |
|
|
|
7 ans |
25 |
62 247 |
63 803 |
13 |
65 613 |
66 926 |
|
26 |
63 480 |
65 067 |
|
|
|
8 ans |
27 |
64 737 |
66 355 |
14 |
68 376 |
69 743 |
|
28 |
66 020 |
67 671 |
|
|
|
9 ans |
29 |
67 326 |
69 009 |
15 |
71 255 |
72 680 |
|
30 |
68 660 |
70 376 |
|
|
|
10 ans |
31 |
70 020 |
71 770 |
16 |
74 255 |
75 740 |
|
32 |
71 090 |
72 867 |
|
|
|
11 ans |
33 |
72 177 |
73 982 |
17 |
77 381 |
78 929 |
|
34 |
73 281 |
75 112 |
|
|
|
12 ans |
35 |
74 402 |
76 263 |
18 |
80 639 |
82 252 |
|
36 |
75 539 |
77 427 |
|
|
|
13 ans |
37 |
76 694 |
78 611 |
19 |
84 035 |
85 715 |
|
38 |
77 866 |
79 812 |
|
|
|
14 ans |
39 |
79 057 |
81 034 |
20 |
87 573 |
89 324 |
|
40 |
80 266 |
82 272 |
|
|
|
15 ans |
41 |
81 492 |
83 529 |
21 |
91 260 |
93 085 |
[33] Le Directeur ajoute qu’un simple calcul permet de connaître le nombre d’heures qui correspond à une semaine normale de travail pour les procureurs. Ainsi, en prenant le chiffre de 1 826.3 que l’on retrouve à l’article 7-1.02 de l’Entente, divisé par le nombre de périodes de paye par année, soit 26.09, on obtient : 70, lequel doit être divisé par deux pour correspondre à une semaine, ce qui donne 35, soit 35 heures semaine.
[34] Il plaide que puisque les heures supplémentaires font partie de ce traitement ou de cette rémunération, l’avis de mésentente, référant d’ailleurs à l’article 7-1.02 de l’Entente, est visé par la compétence de la Commission.
[35] Il réfère à la doctrine[9] et à la jurisprudence[10] pour établir que le mot rémunération doit être interprété dans son sens large.
[36]
Par ailleurs, il mentionne que la compétence de la Commission repose sur
l’article 119 de la Loi sur la fonction publique (ci-après appelée la
« Loi »). Il cite l’affaire Jalbert[11]
pour énoncer que la Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de
sa juridiction et que la loi est un régime complet de règlement de litiges en
matière de relations de travail pour les fonctionnaires tant syndiqués que non
syndiqués. L’article 119 de la Loi équivaut à l’article
[37] Le Directeur analyse ensuite plusieurs décisions de la Cour suprême en matière d’interprétation de conventions collectives pour confirmer la compétence des tribunaux spécialisés. Il conclut à l’importance de réaffirmer la retenue des tribunaux judiciaires à l’égard de la compétence exclusive des tribunaux administratifs spécialisés en matière de droit du travail[13].
[38] En ce qui concerne la compétence de l’arbitre de grief, le Directeur s’appuie sur l’affaire Weber[14]. Le test posé dans cette affaire consiste à s’interroger dans chaque cas, si le litige, dans son essence, relève de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective. Si la réponse est positive, il s’agit d’une compétence exclusive réservée à un arbitre de grief. Si on applique ce test au cas sous espèce, l’essence du litige est une réclamation de salaire, soit la rémunération pour prestation de travail d’heures supplémentaires. Il s’agit donc d’une condition de travail, en conséquence, la Commission est compétente pour en traiter.
[39] Le Directeur ajoute en citant l’affaire Parry Sound, que la Cour suprême a décidé que l’arbitre de grief devait aller au-delà de la convention collective pour déterminer les limites du pouvoir de gestion de l’employeur et que ce droit est subordonné non seulement aux dispositions de la convention, mais aussi aux dispositions législatives qui s’appliquent en matière d’emploi et aux droits en général conférés à l’employé par la loi. Au surplus, les lois sur l’emploi fixent plutôt un minimum auquel l’employeur et le syndicat ne peuvent se soustraire par contrat. Il applique cette décision au cas sous espèce et conclut que la Commission est compétente pour appliquer l’article 55 de la LNT pour une question de rémunération, droit réclamé par l’Association.
[40] Il réfère également à l’affaire Garon[15] de la Cour suprême pour énoncer que lorsqu’une règle est incompatible avec le régime collectif des relations de travail, cette règle ne peut être incorporée dans la convention collective et doit en être exclue. Le Directeur constate qu’il ne s’agit pas du cas des heures supplémentaires qui sont incluses dans la rémunération. L’Entente ne prévoit donc pas de disposition incompatible avec le régime collectif des relations de travail.
[41] Le Directeur fait ensuite le lien avec la théorie exposée par le juge LeBel dans SFPQ[16] concernant la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail. Il explique que pour appliquer cette théorie, cela prend nécessairement une disposition conventionnelle incompatible avec une disposition d’ordre public.
[42] Dans le cas sous espèce, l’Entente ne prévoit pas de disposition incompatible. Il s’agit plutôt de déterminer si l’essence du litige est rattachée explicitement ou implicitement à l’Entente. Ainsi, il revient à l’arbitre de grief de déterminer, à la lumière des modifications apportées à la convention par l’effet des dispositions d’ordre public imposées par la loi, si cette convention lui permet, le cas échéant, d’accorder au salarié une mesure de réparation équivalente à celle qu’offre la norme d’ordre public. Il s’agit donc d’examiner, cas par cas, pour déterminer dans chaque situation, si l’arbitre de grief est compétent pour trancher un litige relevant des conditions de travail.
[43] Il ajoute qu’à la lumière des enseignements de la Cour suprême et puisque l’Entente ne prévoit pas de disposition incompatible avec l’article 55 de la LNT, la Commission est compétente pour examiner l’avis de mésentente. Il faut par ailleurs présumer que les parties à l’Entente n’ont pas voulu déroger à la norme d’ordre public contenue à l’article 55 de la LNT.
[44] Le litige soumis à la Commission relève dans son essence de l’Entente puisqu’il s’agit de déterminer l’inexécution d’une condition de travail, soit la rémunération d’heures supplémentaires. Cette notion de rémunération est prévue au chapitre 7 de l’Entente et l’article 7-1.02 prévoit le taux de traitement horaire auquel l’Association fait aussi référence dans son avis de mésentente. Les heures supplémentaires sont d’ailleurs un accessoire du salaire. Si l’on applique un autre raisonnement et que l’on décline la compétence de la Commission, cela signifie qu’il y a un chevauchement des instances. Ainsi, une réclamation de salaire inférieure à 40 heures semaine, serait de la compétence de la Commission et une réclamation visant des heures effectuées après 40 heures semaine, serait de la compétence de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure. Les parties n’ont certes pas voulu ce dédoublement des instances.
[45] Par ailleurs, si on prétend que la Cour du Québec ou la Cour supérieure a compétence pour examiner la réclamation des heures supplémentaires, ces tribunaux devront également se référer à l’Entente pour trancher le litige. Alors, comment peut-on prétendre que cette réclamation n’est pas rattachée à une condition de travail découlant de l’Entente ? L’intention des parties pour confier à la Commission tout litige découlant de l’Entente est claire et conforme au principe de la retenue judiciaire appliqué par les tribunaux de droit commun à l’égard des tribunaux spécialisés. Le Directeur soumet que si la Commission décline sa compétence cela irait clairement à l’encontre des enseignements de la Cour suprême prônant l’intérêt de la justice.
[46] Il conclut que la Commission est compétente pour appliquer une condition de travail qui relève dans son essence de l’Entente. Cette dernière n’est pas muette, au contraire, elle prévoit tout un chapitre touchant la rémunération dont le taux horaire. Si la Commission décide qu’elle n’a pas compétence, cela fait fi de ce qui est prévu à l’Entente. La Commission peut appliquer l’article 55 de la LNT, soit la norme d’ordre public. Il termine en se référant à une décision récente de la Cour supérieure[17] qui applique la théorie de la Cour suprême visant la hiérarchie des sources du droit. Dans cette affaire, même en l’absence d’une disposition dans la convention collective, l’arbitre de grief a appliqué une norme d’ordre public et a exercé sa compétence.
[47] La Commission doit décider si elle a compétence pour trancher l’avis de mésentente qui lui a été transmis conformément à l’article 16 de Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et au chapitre 9 de l’Entente.
[48] L’avis de mésentente a pour objet le paiement des heures supplémentaires effectuées par les quatre procureurs dans le cadre de leurs activités auprès de la Cour itinérante.
[49] Il a été admis que le Directeur reconnaît qu’il doit payer les heures supplémentaires effectuées par ces procureurs pour les mêmes activités à partir du 22 février 2011 en après-midi. Le nombre d’heures revendiqué dans le présent avis de mésentente n’est cependant pas admis.
[50] À l’appui de leur position respective, l’Association et le Directeur soumettent globalement les mêmes décisions de la Cour suprême, sauf que l’une plaide l’absence de compétence de la Commission, et l’autre plaide sa compétence.
[51] Cette question de compétence nécessite l’examen de trois éléments. Il faut considérer le droit revendiqué, le cadre normatif impliqué et la jurisprudence pour ensuite les appliquer au cas sous espèce.
[52] Le droit revendiqué concerne le paiement des heures supplémentaires accomplies par quatre procureurs dont les conditions de travail font l’objet de l’Entente, laquelle équivaut à une convention collective selon les admissions faites lors de l’audience.
[53] L’Entente ne contient pas de disposition spécifique visant le paiement des heures supplémentaires. Cependant, le chapitre 7 de l’Entente traite de la rémunération et l’article 7-1.02 indique le taux horaire du traitement payable aux procureurs. L’avis de mésentente (A-1) réfère d’ailleurs à cet article de l’Entente et à l’article 9-1.04, pour réclamer les heures supplémentaires impayées et soumettre le litige à la Commission.
[54] La Commission adhère à l’argumentation soumise par le Directeur concernant la rémunération. C’est une notion qui doit être interprétée largement. La doctrine et la jurisprudence sont claires à ce sujet[18].
[55] En l’espèce, la Commission est d’avis qu’il ne fait pas de doute que les heures supplémentaires réclamées (A-1 et A-2, en liasse) sont en contrepartie d’une prestation de travail accomplie par les quatre procureurs en regard de leurs activités auprès de la Cour itinérante. Malgré le fait que le nombre d’heures réclamées n’est pas admis par le Directeur, il demeure que les heures supplémentaires sont incluses, sans toutefois en valider le nombre, dans la notion de salaire ou rémunération.
[56] Cela dit, il faut ensuite se demander si le fait de ne pas prévoir expressément le paiement de ces heures supplémentaires dans la convention ou l’Entente, fait en sorte que la Commission doive décliner sa compétence pour décider de l’avis de mésentente.
[57] Voyons quelles sont les dispositions législatives qui sont invoquées à l’appui des deux thèses impliquant la compétence de la Commission. D’une part, l’article 16 de la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales édicte que toute mésentente relative à l’interprétation ou à l’application de l’Entente doit être soumise à la Commission et, dans ce cas, les articles 116 à 119 et 123 de la Loi s’appliquent. D’autre part, les articles 52, 55 et 102 de la LNT qui sont d’ordre public selon l’article 93 de cette loi, prévoient le paiement avec une majoration de 50 % du salaire horaire habituel des heures supplémentaires accomplies après 40 heures semaine et le fait que l’employé qui se plaint du non-respect d’un droit conféré par la LNT doit d’abord épuiser ses recours. Ces articles s’énoncent comme suit :
Loi sur la fonction publique :
« 116. La Commission adopte un règlement:
1° pour fixer le nombre de membres requis pour entendre un recours et en décider;
2° pour déterminer les règles de preuve et de procédure;
3° pour pourvoir à sa régie interne.
La Commission publie un projet de règlement à la Gazette officielle du Québec avec un avis indiquant qu'il pourra être adopté avec ou sans modification, à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de cette publication.
Un règlement de la Commission entre en vigueur le quinzième jour qui suit celui de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est fixée.
[…]
119. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut notamment rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider toute question de fait ou de droit.
[…]
123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.
La Commission peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue. »
Loi sur les normes du travail :
« 52. Aux fins du calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures, sauf dans les cas où elle est fixée par règlement du gouvernement.
[…]
55. Tout travail exécuté en plus des heures de la semaine normale de travail entraîne une majoration de 50% du salaire horaire habituel que touche le salarié à l'exclusion des primes établies sur une base horaire.
Malgré le premier alinéa, l'employeur peut, à la demande du salarié ou dans les cas prévus par une convention collective ou un décret, remplacer le paiement des heures supplémentaires par un congé payé d'une durée équivalente aux heures supplémentaires effectuées, majorée de 50 %.
93. Sous réserve d'une dérogation permise par la présente loi, les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d'ordre public.
Une disposition d'une convention ou d'un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de nullité absolue.
[…]
102. Sous réserve des articles 123 et 123.1, un salarié qui croit avoir été victime d'une atteinte à un droit conféré par la présente loi ou un règlement peut adresser, par écrit, une plainte à la Commission. Une telle plainte peut aussi être adressée, pour le compte d'un salarié qui y consent par écrit, par un organisme sans but lucratif de défense des droits des salariés.
Si un salarié est assujetti à une convention collective ou à un décret, le plaignant doit alors démontrer à la Commission qu'il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret, sauf lorsque la plainte porte sur une condition de travail interdite par l'article 87.1; dans ce dernier cas, le plaignant doit plutôt démontrer à la Commission qu'il n'a pas utilisé ces recours ou que, les ayant utilisés, il s'en est désisté avant qu'une décision finale n'ait été rendue. »
[58] D'abord, la Commission souligne que l’article 119 de la Loi qui spécifie les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence a reçu une interprétation large de la part des tribunaux[19].
[59] La Commission souligne que dans l’affaire Jalbert, un principe important est rappelé voulant que le législateur a instauré dans la Loi sur la fonction publique un régime complet de règlement des litiges en matière de relations de travail pour les fonctionnaires tant syndiqués que non syndiqués[20]. Il ressort donc de sa loi habilitante, que la Commission dispose des pouvoirs nécessaires pour se prononcer sur un litige de relations de travail.
[60] Or qu’en est-il en l’espèce ? Le paiement des heures supplémentaires est-il de la nature d’un conflit de relations de travail et est-ce une condition de travail qui découle de l’Entente ?
[61] La doctrine nous enseigne[21] qu’une condition de travail comprend tout ce qui a trait à l’emploi, tant sur le plan individuel que collectif, dont les droits et obligations du salarié et de l’employeur. La Commission adhère à l’interprétation large du mot « salaire ou rémunération » qui inclut les heures supplémentaires. Il ressort clairement que l’élément salaire fait partie d’une condition de travail négociée dans une convention collective.
[62] Il faut également examiner comment les tribunaux ont appliqué ces principes. L’affaire Weber décidée par la Cour suprême applique le critère suivant pour déterminer si l’arbitre de grief est compétent. Ainsi, il faut que le litige, dans son essence, relève de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution d’une convention collective[22].
[63] Puisqu’il ressort clairement des autorités citées et de la preuve prépondérante que le paiement des heures supplémentaires fait partie de la rémunération, la Commission est d’avis que la nature du litige relative au paiement de ces heures relève dans son essence de l’Entente, même si elle n’a pas prévu expressément ce paiement. Il suffit de trouver un rattachement, or ce rattachement est la rémunération.
[64] La Commission s’appuie sur une décision de la Cour d’appel, l’affaire du Syndicat des Métallos[23] qui résume bien au paragraphe 50, le principe de rattachement à une convention collective sur laquelle repose la compétence de la Commission pour traiter l’avis de mésentente :
« [50] Dans l’affaire Bisaillon c. Université Concordia[…], le juge LeBel rappelle l’approche libérale de la Cour suprême concernant la compétence matérielle de l’arbitre de grief :
[33] Notre Cour a eu, à plusieurs reprises,
l’occasion de se pencher sur la compétence matérielle de l’arbitre de grief et
a clairement adopté une position libérale, favorable à la reconnaissance à
l’arbitre de grief d’une compétence exclusive étendue sur les questions
relatives aux conditions de travail, pour autant que celles-ci puissent se
rattacher expressément ou implicitement à la convention collective : Regina
Police; Nouveau Brunswick c. O’Leary,
[Nous soulignons]
[65] Par ailleurs, la preuve révèle que l’Entente traite au chapitre 7 de la rémunération. De plus, le calcul exposé par le Directeur, lequel en se basant sur les chiffres de l’article 7-1.02, révèle le taux horaire du traitement des procureurs et permet d’établir leur semaine de travail à 35 heures.
[66] Les articles 52 et 55 de la LNT qui sont d’ordre public doivent être pris en compte par l’arbitre de grief qui décide d’un litige relié aux conditions de travail telle la rémunération. La Commission suit à cet égard l’enseignement de la Cour suprême dans l’affaire SFPQ, dans laquelle le juge LeBel, parlant au nom de la majorité, a exposé la théorie de la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail. Cette théorie prévoit la nullité absolue d’une clause incompatible avec la norme d’ordre public et elle cite l’extrait suivant pour expliquer son raisonnement :
« [44] Comme le souligne à juste titre la professeure Guylaine Vallée, "[i]l revient aux parties des rapports collectifs de faire prévaloir la hiérarchie des sources dans le cadre de la convention collective ou lors de la procédure de grief. L’articulation entre des règles issues de ces sources en milieu syndiqué doit se faire au sein des instances des rapports collectifs du travail et non en dehors d’elles" ("Les lois de l’emploi et la convention collective", dans D. Roux et A.-M. Laflamme, dir., Rapports hiérarchiques ou anarchiques des règles en droit du travail : Chartes, normes d’ordre public, convention collective, contrat de travail, etc. : Actes du colloque tenu à l’Université Laval/8 novembre 2007 (2008), 81, p. 88). Conformément à ces principes, il revient à l’arbitre de grief désigné par les parties, une fois saisi du grief contre le congédiement, de déterminer, à la lumière des modifications apportées à la convention par l’effet d’ordre public imposé par la L.n.t., si cette convention lui permet, le cas échéant, d’accorder au salarié congédié une mesure de réparation équivalente à celle qu’offre l’art. 124 L.n.t. Une conclusion négative à cette question entraînerait le constat de son absence de compétence et son dessaisissement en faveur de la C.R.T. »
[67] En l’espèce l’Entente prévoit des dispositions relatives à la rémunération dont le taux de traitement, mais n’en prévoit pas pour déterminer les modalités de paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de 40 heures semaine. L’arbitre de grief, ici la Commission, doit appliquer les articles 52 et 55 de la LNT pour accorder le remède adéquat équivalant à la norme d’ordre public.
[68] C’est d’ailleurs de cette façon que les tribunaux du Québec[24] ont récemment appliqué les enseignements de la Cour suprême découlant des affaires Weber et SFPQ.
[69] Ainsi, même devant une convention collective silencieuse ou incomplète, les tribunaux[25] n’ont pas remis en question la compétence de l’arbitre de grief lorsque le litige est relié dans son essence à l’application d’un contrat de travail ou d’une convention collective. Dans ce cas, l’arbitre de grief a le pouvoir d’interpréter la convention collective et d’appliquer les dispositions des autres lois comme la LNT puisqu’il ne peut accorder une indemnité inférieure à celle prévue à la norme d’ordre public.
[70] Nous sommes devant un cas où une partie de la rémunération, soit celle concernant les heures supplémentaires, n’a pas été prévue dans l’Entente liant les parties. Il n’est pas permis, lorsque la LNT s’applique, de priver un salarié d’une condition de travail d’ordre public tel le paiement en contrepartie d’une prestation de travail pour des heures accomplies au-delà de 40 heures semaine. À l’évidence, le débat lié à l’avis de mésentente de l’Association est relié dans son essence à l’application, à l’interprétation de l’Entente. Il y a un donc un rattachement à cette dernière puisqu’il s’agit de trancher une question de rémunération, laquelle doit être prise dans son sens large.
[71] La Commission doit donc appliquer la norme d’ordre public prévue aux articles 52 et 55 de la LNT. Elle a le devoir d’appliquer le remède adéquat qui est celui prévu à la LNT. Agir autrement ferait en sorte de se considérer compétente seulement pour traiter des mésententes liées aux prestations de travail inférieures à 40 heures semaine et non compétente sur celles accomplies au-delà de 40 heures semaine. Un tel dédoublement n’est certes pas une saine administration de la justice et à l’instar de lord juge Denning[26], la Commission exprime : « Il n’y a pas un droit pour les arbitres de griefs et un droit pour les tribunaux, il y a un droit pour tous ». Ici, le droit pour tous est celui qui vient d’être exposé. Au surplus, ce raisonnement rejoint l’intention des parties, la lettre de l’Entente et le cadre normatif qui s’applique voulant que les parties souhaitent régler les litiges dans les plus brefs délais et en confier la responsabilité à la Commission.
[72] Dans le cas qui nous occupe, la Commission décide, selon la prépondérance de la preuve et eu égard aux enseignements de la doctrine citée et de la jurisprudence invoquée, que l’avis de mésentente visant le paiement des heures supplémentaires accomplies par les procureurs dans le cadre de leur prestation de travail auprès de la Cour itinérante est de sa compétence.
[73] POUR CES MOTIFS, la Commission :
· Rejette le moyen préliminaire de l’Association;
· Déclare que la Commission est compétente pour trancher l’avis de mésentente.
Original signé par : |
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_____________________________ Me Christiane Cantin, Commissaire |
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Me Robert Dury |
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Procureur pour l’appelante |
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Me Claudia Dao |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Québec |
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Date de l’audience : |
16 novembre 2011 |
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[1] L.R.Q., c. N-1.1.
[2] Conseil
d’administration des services sociaux du district de Parry Sound c. Syndicat
des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario, section locale
324 et Commission ontarienne des droits de la personne,
[3] Syndicat
de la fonction publique du Québec c. Procureur général du Québec et
Commission des normes du travail et Confédération des syndicats nationaux ET
entre : Syndicat de la fonction publique du Québec c. Procureur
général du Québec et Confédération des syndicats nationaux,
[4] Commission
des normes du travail c. Domtar Inc. (C.A.),
[5] Commission
des normes du travail c. Campeau Corp. (C.A.),
[6] Syndicat
des métallos, section locale 2843 (Métallurgistes unis d’Amérique, section
locale 2843) c. 353491 Canada inc.,
[7] L.R.Q., c. R-8.1.2. Le titre du chapitre R-8.1.2 ayant été remplacé par le suivant : « Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective », on retrouve maintenant ce chapitre sous le numéro P-27.1.
[8] L.R.Q., c. C-27.
[9] DION, Gérard. Dictionnaire canadien des relations de travail, 2e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 1986, p. 406-409.
[10] P.
GAGNON, Robert.
[11] Jalbert
c. Sûreté du Québec, (C.A.F.P.)
[12] L.R.Q., c. C-25.
[13] St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd. c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, J.C.S.C., 12 juin 1986.
[14] Murray Weber c. Ontario Hydro,
[15] Isidore Garon ltée c. Syndicat du bois ouvré de la région de Québec inc. (C.S.D.) et Jean-Pierre Tremblay, ès qualité d’arbitre de grief ET entre : Filion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc. (C.S.D.), [2006] R.C.S. 27.
[16] Précitée, note 3.
[17] Ambulance
522 inc. c. Fédération des paramédics et des employés des services
préhospitaliers du Québec et Me Léonce-C. Roy,
[18] ROBERT,
Paul. Le Petit Robert nouvelle édition, 2011, p. 2186-2187; précitées,
notes 9 et 10; Leduc c. Habitatec inc. et Pierre Cloutier
et Concept Idécom inc.,
[19] Jalbert c. Sûreté du Québec, note 11; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission de la fonction publique, 1993 R.J.Q., p. 2876; Halpenny c. Procureur général du Québec, J.E., 92-892 (C.S.).
[20] Précitée, note 19, p. 4.
[21] MORIN, Fernand, et autres. Le droit de l’emploi au Québec, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p. 1161-1162.
[22] Précitée, note 14, paragr. 52.
[23] Précitée, note 6.
[24] Dessercom
c. Plante,
[25] Précitées, note 23.
[26] Précitée, note 14, paragr. 56.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.