Décision

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Gabarit CFP

Québec (Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation) et Martel

2012 QCCFP 50

 

          COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N°:

1300724

 

DATE :

14 décembre 2012

_______________________________________________________________

 

COMMISSAIRES :

Mme Christiane Barbe, présidente

Me Denise Cardinal, commissaire

_______________________________________________________________

 

 

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION

 

REQUÉRANT-intimé

 

Et

 

ÉVELYNE MARTEL

 

INTIMÉE-appelante

 

_______________________________________________________________

 

                                                            DÉCISION

REQUÊTE EN RÉVISION POUR CAUSE

                  (Article 123, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1)

_______________________________________________________________

 

LA REQUÊTE

[1]           Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (ci-après appelé le « MAPAQ ») demande à la Commission de réviser la décision du commissaire Robert Hardy[1] qui accueille l’appel de Mme Évelyne Martel. Mme Martel contestait la décision du ministère de refuser d’admettre sa candidature à un concours de promotion[2], pour des emplois de cadres, classe 3, à ce ministère et au sein d’organismes qui relèvent de celui-ci.

[2]           Le MAPAQ justifiait sa décision par le fait que Mme Martel ne possédait pas les 2 années d’expérience exigées dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Il s’agit d’une condition minimale d’admission à la classe d’emplois de cadres, classe 3, prévue à la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires[3] (ci-après appelée la « Directive »).

[3]           Mme Martel réclamait que lui soit reconnu un total de 10 années et 11 mois d’expérience dans l’exercice d’activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 (paragraphe 60 de la décision). Elle partage ainsi ces années : 6 années et 4 mois pour de l’expérience à l’extérieur de la fonction publique, à titre de propriétaire d’un centre équestre, et 4 années et 7 mois pour l’exécution de divers mandats qu’elle avait accomplis à la Régie des marchés agricoles et alimentaires (ci-après appelée la « Régie »), essentiellement au cours de la période de 1991 à 1996. Elle occupait alors un emploi de niveau professionnel, comme conseillère économique, et elle touchait une prime de complexité supérieure (paragraphes 64 à 68 de la décision).

[4]           Parmi les années d’expérience qu’elle réclame, le commissaire Hardy décide que le MAPAQ aurait dû lui reconnaître 2 années et 10 mois pour certains mandats qu’elle avait réalisés à la Régie (paragraphe 264 de la décision). En conséquence, il ordonne au MAPAQ de l’admettre au concours de promotion et d’inscrire son nom sur la liste de déclaration d’aptitudes constituée, si elle réussit la procédure d’évaluation.

[5]           Pour en arriver à cette conclusion, le commissaire Hardy élabore un nouveau test d’application de l’article 20 de la Directive qui définit les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 (paragraphe 246 de la décision). Cette nouvelle application introduit le concept qu’il désigne comme la situation atypique d’un fonctionnaire qui prétend que son cas est exceptionnel et qu’il a exercé les activités mais sans pouvoir le démontrer en joignant à son offre de service les documents formels qu’il a agi « à titre de […] ». Le commissaire Hardy apporte ensuite quelques précisions sur la preuve que devrait fournir le candidat pour démontrer cette situation, tout en spécifiant qu’[i]l n’est possible de dresser une liste des moyens, des documents ou d’autres formes de démonstration des faits qu’un candidat pourrait faire valoir. Il ajoute toutefois que l’évaluateur pourrait recourir aux critères du paragraphe 4° de l’article 20 pour établir l’équivalence des activités d’encadrement au niveau de la classe 5.

[6]           Au sujet du fardeau de la preuve qui incombe à un candidat en matière d’admission à un concours, le commissaire Hardy procède de plus à un assouplissement de celui-ci en le situant quelque part entre la balance des probabilités et celle des possibilités (paragraphe 241 de la décision).

[7]           Au soutien de sa requête en révision pour cause, le MAPAQ soulève trois motifs de révision. Ces motifs sont ainsi intitulés :

1°  la Commission a commis une erreur manifeste de fait et de droit lorsqu’elle reconnaît 2 années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5;

2°  la Commission a commis une erreur de fait et de droit quant au fardeau de la preuve à appliquer et à son renversement;

3°  la Commission a commis une erreur manifeste de droit lorsqu’elle interprète l’article 20 de la Directive.

[8]           La Commission en révision résume l’argumentation exposée par les parties au regard de chacun de ces trois motifs de révision dans les sections respectives où elle procède à l’analyse de ces motifs. Auparavant, il convient de préciser les critères d’intervention que la Commission doit appliquer en matière de révision pour cause.

CRITÈRES D’INTERVENTION EN RÉVISION

[9]           Le recours en révision du MAPAQ est en application de l’article 123 de la Loi sur la fonction publique[4] (ci-après appelée la « Loi ») qui se lit comme suit :

« 123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.

La Commission peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue. »

[10]        Cette disposition ne précise pas les cas qui donnent ouverture à ce recours. Toutefois, la Commission s’est déjà prononcée[5] sur ces causes qui sont les mêmes que celles où le législateur a apporté des précisions à cet égard, pour ce même type de recours[6]. Ces causes sont les suivantes :

1.    s’il est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2.    lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3.    lorsqu’un vice de fond et de procédure est de nature à invalider la décision.

[11]        Les trois motifs de révision soulevés par le MAPAQ relèvent de la troisième cause qui est le vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.

[12]        Les tribunaux supérieurs se sont penchés à plusieurs reprises sur les paramètres visant à circonscrire le pouvoir de révision en raison d’un vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision. Ainsi, ils ont clairement établi que ce pouvoir n’équivaut pas à un droit d’appel et qu’il ne saurait être une invitation à substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle du premier décideur ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[7].

[13]        L’intervention d’un tribunal en révision est subordonnée à la démonstration d’une erreur grave, manifeste et déterminante dans la première décision[8]. Plus récemment, la Cour supérieure indiquait que la Commission des lésions professionnelles avait correctement posé les paramètres de son pouvoir de révision en exprimant qu’il y a erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’elle s’appuie sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[9].

[14]        En somme, l’erreur doit être davantage qu’une simple erreur de droit ou d’interprétation. Le vice de fond doit rendre la décision, non seulement mal fondée, mais illégale[10]. L’erreur identifiée doit être substantielle au point de rendre invalide la décision sous examen[11].

[15]        C’est en appliquant ces critères que la Commission en révision examine les motifs de révision soulevés par le MAPAQ.

[16]        L’ordre dans lequel ces motifs seront traités diffère de celui de leur présentation puisqu’il apparaît à la Commission que les deux premiers motifs soulevés découlent en quelque sorte du dernier. C’est pourquoi la Commission l’examine en premier.

1.            Erreur manifeste de droit dans l’interprétation de l’article 20 de la Directive

[17]        Il est utile à la compréhension de l’argumentation soumise par les parties au regard de cette disposition de la reproduire ici :

« 20.     Les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 comprennent l’une ou l’autre des activités suivantes :

1º   les activités exercées à titre de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;

2º   les activités effectuées à titre de cadre juridique;

3º   les activités effectuées à titre provisoire et à titre de remplacement temporaire dans un emploi de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;

ou

4º   les activités exercées à l'extérieur de la fonction publique qui doivent être évaluées en se référant aux critères suivants :

L’emplacement hiérarchique de l’emploi, les compétences requises, l’ampleur du budget géré, l’autonomie et le pouvoir décisionnel, l’impact des résultats produits, le niveau et le nombre de personnes supervisées. »

1.1       Argumentation du MAPAQ

[18]        Le MAPAQ est d’avis que le commissaire Hardy aurait commis une erreur en interprétant cette disposition lorsqu’il fait ressortir l’existence d’une forme de cas atypique, soit celle du fonctionnaire qui a exercé des activités d’encadrement équivalentes à celles de la classe 5, mais sans avoir eu l’occasion de le faire selon le titre approprié. L’article 20 de la Directive vise uniquement deux situations : les activités d’encadrement exercées au sein de la fonction publique en vertu d’une certaine titularisation et celles à l’extérieur de la fonction publique selon des critères énoncés dans cette disposition.

[19]        Pour élaborer cette nouvelle application, le commissaire Hardy s’est appuyé sur la décision Letarte[12]. Or, selon le MAPAQ, cette décision se distingue nettement de la présente affaire et il en fait ressortir les éléments suivants : l’existence d’un emploi de cadre dûment évalué, une preuve de la nature des tâches exercées et de leur proportion, de même que leurs différences avec les tâches exercées par M. Letarte comme professionnel de niveau de complexité supérieure.

[20]        De plus, le commissaire Hardy appuie sa nouvelle application de l’article 20 par un avancement de l’état du droit qu’il suggère avec les décisions Perreault[13], Courteau[14] et Simard et al.[15]. Tout en reconnaissant que dans ces deux premières affaires, il n’y avait pas de désignation formelle, le MAPAQ soutient que ces cas se distinguent clairement de celui en l’espèce, en insistant sur le fait que ces décisions constituent des acquiescements aux demandes, sans débat et sans preuve contradictoire. Pour l’affaire Simard et al., le MAPAQ est d’avis qu’il faut plutôt appliquer les principes dégagés dans la seconde décision[16] rendue par la Commission en révision dans cette affaire. Or, la Commission a clairement établi que les activités d’encadrement doivent être exercées dans un emploi de cadre, à titre provisoire ou à titre de remplacement temporaire, selon une désignation à cet effet, dans le respect des compétences confiées au sous-ministre ou au dirigeant d’organisme.

1.2       Argumentation de Mme Martel

[21]        Mme Martel soutient qu’il est faux de prétendre qu’aucune preuve ne démontre la nature de ses tâches, ni la proportion de celles exercées dans des activités d’encadrement par rapport à celles où elle agissait comme professionnelle de niveau de complexité supérieure. D’après elle, cette proportion est clairement indiquée dans les annexes de son offre de service (I-4).

[22]        Au sujet du niveau de ses tâches, elle s’appuie sur les rapports annuels de la Régie (A-1 et A-2) pour démontrer l’emplacement hiérarchique de son poste qui expliquerait que ses mandats spéciaux sont au moins du niveau d’un cadre, classe 5.

[23]        Enfin, plus généralement, elle s’en remet à son argumentation au regard du troisième motif de révision analysé par la Commission.

1.3       Analyse

[24]        Avant d’examiner l’interprétation qui doit être faite de l’article 20 de la Directive pour déterminer si celle du commissaire Hardy est manifestement erronée, comme le prétend le MAPAQ, la Commission en révision croit utile de faire quelques remarques préliminaires pour situer la nature et la portée de cette disposition.

[25]        Tout d’abord, l’article 20, reproduit au paragraphe 17 de la présente décision, se trouve dans une section de la Directive qui s’intitule Définitions des activités d’encadrement aux fins d’admissibilité. Il définit ce que comportent les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Cette notion fait partie des conditions minimales d’admission à la classe d’emplois de cadres, cadre 3, prévues à l’article 15 de la Directive. Étant donné que Mme Martel s’est inscrite à un concours de promotion pour cette classe d’emplois, ces conditions minimales d’admission s’appliquent. Elles se lisent comme suit :

« 15.     Les conditions minimales d'admission à la classe 3 sont :

1º   un diplôme universitaire de 1er cycle ou une attestation d’études pertinentes dont l’équivalence est reconnue par l’autorité compétente;

2º   9 années d’expérience dans l’exercice d'activités de niveau professionnel ou de niveau d'encadrement, comprenant 2 années d’expérience dans des activités d'encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. »

[Nous soulignons]

[26]        Ainsi, la condition minimale d’admission de détenir 2 années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 pour cette classe d’emplois doit nécessairement se lire avec la définition que fait l’article 20 de la Directive de cette exigence.

[27]        Au sujet de l’importance de respecter les paramètres qui sont fixés à cet article pour cette condition minimale, il importe d’indiquer que c’est le président du Conseil du trésor qui est habilité à déterminer les conditions d’admission à un concours, conformément à l’article 43 et au paragraphe 2° de l’article 99 de la Loi.

[28]        En application de son pouvoir, il a fixé dans la Directive pour les emplois de cadres une gradation des conditions minimales d’admission à mesure de la progression dans l’échelle hiérarchique. Ainsi, pour les 10 classes d’emplois de cadres, l’obligation d’avoir exercé des activités d’encadrement comme condition minimale d’admission pour pouvoir y accéder apparaît uniquement à partir de la classe 4. Pour les classes de 3 à 1, on ajoute que les activités d’encadrement doivent être d’un niveau particulier, soit celui équivalent à la classe 5. Ainsi, il s’agit d’une exigence spécifique aux paliers supérieurs des emplois de cadres.

[29]        Par ailleurs, la Commission a déjà exprimé[17] au regard de l’importance des définitions introduites dans la Directive en 2002, à l’occasion d’une réforme du cadre normatif des emplois de cadre[18], qu’elles s’inscrivent vraisemblablement dans une volonté d’une compréhension commune de ces expressions et d’une application uniforme de celles-ci. 

[30]        Au sujet maintenant de l’interprétation de cette disposition, le commissaire Hardy résume correctement dans la première partie de son analyse le contenu des dispositions de la section de la Directive sur les définitions des activités d’encadrement (paragraphes 183 à 191). Il indique plus particulièrement pour l’article 20 que les trois premiers paragraphes de cette disposition réfèrent à des activités d’encadrement dans la fonction publique par référence à un secteur (cadre juridique) ou à un niveau d’encadrement (classes 5 à 1), occupé de façon régulière ou à titre provisoire ou à titre de remplacement.

[31]        Cependant, le commissaire Hardy enchaîne ensuite son analyse sur la base qu’il s’agit d’une approche tout[e] théorique [] [m]ais dans la pratique, c’est parfois différent (paragraphes 191 et 192).

[32]        Pourtant, la Commission a eu l’occasion, encore tout récemment, d’appliquer cette disposition à des situations concrètes de candidats qui avaient soumis leur candidature à des concours pour des emplois de cadres, classe 3[19]. Elle a considéré l’application de l’article 20 de la Directive au regard des prétentions des candidats qui soutenaient avoir exercé des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, sans avoir obtenu une titularisation selon les prescriptions de cette disposition. Ces candidats revendiquaient également l’application, à leur expérience professionnelle dans la fonction publique, des critères du paragraphe 4° de cette disposition réservés à l’expérience acquise à l’extérieur de la fonction publique.

[33]        Dans chacun de ces cas, la Commission s’en est tenu au rôle qui lui appartient en matière d’appel soumis en application de l’article 35 de la Loi. Ce rôle, que les tribunaux supérieurs ont qualifié de pointu[20], consiste à vérifier si une illégalité ou une irrégularité a été commise dans la procédure d’admission ou d’évaluation des candidats. Ainsi, la Commission a considéré que l’article 20 s’applique à deux situations clairement circonscrites comme le rappelle le MAPAQ dans son argumentation et qu’il ne lui était pas permis d’en étendre l’application. Ces deux situations sont essentiellement : l’expérience dans des activités d’encadrement dans la fonction publique en vertu d’une titularisation émise conformément au cadre normatif et celle acquise à l’extérieur de la fonction publique évaluée selon les critères prévus à cette disposition. C’est pourquoi la Commission a rejeté leur appel.

[34]        Partant de son constat que l’article 20 revêt un caractère théorique, le commissaire Hardy procède ensuite à l’élaboration d’un test pour l’application de cette disposition (paragraphe 246). Par ce test, le commissaire Hardy introduit une nouvelle situation à celles déjà inscrites à l’article 20. Il désigne cette nouvelle application comme la situation atypique d’un fonctionnaire qui prétend que son cas est exceptionnel et qu’il a exercé les activités [d’encadrement] mais sans pouvoir le démontrer en joignant à son offre de service les documents formels indiquant qu’il a agi « à titre de… ». Il ajoute également que la démonstration du niveau équivalent des activités à celui de la classe 5 pourra se faire par diverses formes et qu’il est possible, au besoin, d’apprécier les faits selon les critères prévus au paragraphe 4° de l’article 20 qui s’appliquent à l’expérience acquise à l’extérieur de la fonction publique (paragraphe 246).

[35]        Par la suite, le commissaire Hardy applique ce nouveau test au cas de Mme Martel ce qui l’amène à lui reconnaître 2 années et 10 mois dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 qui ont été exercées dans la fonction publique (paragraphes 247 à 255).

[36]        La Commission en révision constate que la nouvelle application de l’article 20 développée par le commissaire Hardy emprunte des éléments qui caractérisent chacune des deux situations déjà prévues à cette disposition et qu’il en ajoute d’autres. Ainsi, elle s’applique à l’expérience acquise dans la fonction publique, comme dans la première situation, mais sans la nécessité d’une titularisation comme l’exige les trois premiers paragraphes de l’article 20, en prouvant que le cas est exceptionnel. De plus, cette nouvelle situation permet d’établir le niveau des activités d’encadrement à celui de la classe 5 en utilisant les critères énoncés au paragraphe 4º de l’article 20 qui sont réservés à la seconde situation pour l’expérience acquise à l’extérieur de la fonction publique.

[37]        Il apparaît évident à la Commission en révision que ce faisant le commissaire Hardy modifie la définition des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 prévue à l’article 20 de la Directive. Or, cette définition constitue un élément intrinsèque à la condition minimale d’admission relative à l’exercice d’activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 pour accéder à des emplois de cadres, classes 1 à 3. De plus, tel que démontré précédemment, la détermination des conditions minimales d’admission à une classe d’emplois appartient au président du Conseil du trésor. La Commission ne peut profiter de l’exercice de sa fonction juridictionnelle, dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 35 de la Loi, pour élaborer de nouvelles conditions minimales d’admission à une classe d’emplois. Le commissaire Hardy a ainsi fait une grave erreur de droit qui a eu un effet déterminant sur le litige puisqu’il a ensuite appliqué la nouvelle condition d’admission au cas de Mme Martel.

[38]        Le commissaire Hardy tente bien de justifier son nouveau test d’application de l’article 20 par une décision de 2004 de la Commission, l’affaire Letarte[21], à laquelle il attache beaucoup d’importance (paragraphes 192 à 200 et 204 à 212). Le MAPAQ soulève avec justesse que les faits prouvés dans cette affaire diffèrent nettement de ceux démontrés par Mme Martel. Par ailleurs, la Commission, dans le cadre d’une décision où elle agissait en révision[22], a déjà elle-même souligné le caractère particulier des éléments prouvés et retenus par la Commission dans cette affaire.

[39]        Mais au-delà des distinctions qu’il est approprié de faire entre l’affaire Letarte et les faits démontrés par Mme Martel, il y a davantage. Malgré les efforts déployés par le commissaire Hardy pour s’appuyer sur cette affaire, qui devient en quelque sorte la pierre angulaire de son nouveau test d’application de l’article 20 de la Directive, un fait demeure toujours présent. La Commission ne peut se servir de sa décision ou d’une précédente décision pour s’autoriser à déterminer des conditions minimales d’admission à une classe d’emplois.

[40]        Le commissaire Hardy s’appuie en outre sur trois autres affaires qui démontreraient à son avis l’avancement de l’état du droit survenu avec les décisions Perreault et Courteau, de même que Simard et al. [23]. Il réfère plus particulièrement à ces décisions au regard de la présence d’un cas exceptionnel pour l’application de son nouveau test.

[41]        À l’instar de l’argument soulevé par le MAPAQ, la Commission en révision ne peut constater avec ces décisions un quelconque avancement de l’état du droit. En effet, la décision Simard et al. citée par le commissaire Hardy a été annulée par la Commission en révision[24]. Par ailleurs, les deux autres décisions sont des acquiescements aux demandes, ce qui permet de les distinguer nettement de la présente affaire puisqu’il n’y a pas eu de débat ou de preuve contradictoire. La Commission ajoute qu’il y avait la présence d’un élément particulier dans ces deux cas qui sera traité à l’occasion de l’examen du troisième motif de révision.

[42]        En conclusion sur le premier motif de révision portant sur l’erreur de droit du commissaire Hardy dans l’interprétation de l’article 20 de la Directive, la Commission en révision est d’avis que le commissaire n’était pas autorisé à ajouter une nouvelle situation à celles déjà clairement exprimées dans cette disposition. Il a de la sorte modifié les conditions minimales d’admission à la classe d’emplois de cadres, classe 3. Il s’agit d’une erreur évidente de droit ayant eu un effet déterminant sur le litige puisqu’il a appliqué cette situation au cas de Mme Martel.

[43]        Bien que cette conclusion serait à elle seule suffisante pour disposer de la requête en révision, la Commission en révision croit nécessaire d’examiner les deux autres motifs de révision. Le second motif porte sur le fardeau de la preuve établi par le commissaire Hardy en matière d’appel portant sur l’admissibilité des candidats à un concours de promotion.

2.            Erreur manifeste de fait et de droit quant au fardeau de LA preuve à appliquer et à son renversement

2.1       Argumentation du MAPAQ

[44]        Le MAPAQ soulève tout d’abord que l’assouplissement du fardeau de la preuve formulé par le commissaire Hardy, qu’il situe quelque part entre la balance des probabilités et celle des possibilités, s’avère imprécis et arbitraire (paragraphe 241). De plus, il s’écarte de la jurisprudence de la Commission[25] qui établit, qu’en matière d’appels concernant les concours de promotion, le fardeau de la preuve repose sur les appelants.

[45]        Comme le commissaire Hardy prévoit que cet allègement ne s’applique qu’aux appels portant sur la procédure d’admission, et non à ceux sur la procédure d’évaluation, le MAPAQ soutient que la même rigueur et la même objectivité s’imposent à chacune des étapes d’un concours.

[46]        Le MAPAQ est aussi d’avis que le commissaire Hardy accorde trop d’importance à la Politique concernant la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique[26] (ci-après appelée la « Politique ») qui ne constitue ni une loi ni un règlement. La notion de doute présente dans cette politique pour la vérification de l’admissibilité à un concours conduirait le commissaire Hardy à renverser le fardeau de la preuve. À cet égard, le MAPAQ réfère à un passage de la décision où le commissaire énonce que, selon les mentions contenues dans l’offre de service (I-4) de Mme Martel, l’évaluateur aurait dû requérir des éclaircissements de sa part (paragraphe 253).

[47]        Enfin, le MAPAQ ne partage pas la lecture que fait le commissaire Hardy de l’affaire Letarte lorsqu’il exprime que la notion de « possibilité », plutôt que celle de « probabilité » est également présente dans cette décision (paragraphe 240).

2.2       Argumentation de Mme Martel

[48]        Mme Martel insiste sur le fait que le fardeau de la preuve visé à ce motif de révision concerne uniquement la procédure d’admissibilité à un concours.

[49]        Selon elle, il appartenait au commissaire Hardy d’interpréter les dispositions de la Directive et il a réalisé cet exercice conformément aux orientations gouvernementales.

2.3       Analyse

[50]        Le commissaire Hardy traite assez succinctement de cette importante question, avant de conclure à un assouplissement du fardeau de la preuve des appelants, pour les appels déposés à la Commission en matière d’admissibilité à un concours de promotion, conformément à l’article 35 de la Loi (paragraphes 234 à 243).

[51]        D’entrée de jeu, le commissaire Hardy reconnaît que devant les tribunaux, en matière civile, le fardeau de la preuve est basé sur la balance des probabilités et non des possibilités (paragraphe 234).

[52]        Le raisonnement qu’il tient par la suite pour situer le fardeau de la preuve des appelants quelque part entre la balance des probabilités et celle des possibilités repose fondamentalement sur l’article 7 de la Politique (paragraphes 237 et 241). Cette disposition précise que la vérification de l’admissibilité consiste à s’assurer qu’une personne satisfait aux conditions d’admission à un concours. On ajoute également que, [s]i, après les vérifications appropriées, il subsiste un doute raisonnable quant à l’admissibilité d’une personne, cette dernière devrait être admise au concours.

[53]        Cette politique énonce par ailleurs, à l’article 1, que son objet est de définir les orientations gouvernementales relatives à la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique.

[54]        La Commission en révision est d’avis que le commissaire Hardy confond un instrument énonçant de grands principes à l’endroit des autorités pour la tenue de concours avec les principes et les règles applicables à la Commission dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle.

[55]        Bien que la matière porte sur le même objet, soit l’admissibilité à un concours de promotion, elle met en œuvre deux types d’intervention fort différents. Les orientations gouvernementales pour la tenue de concours ne peuvent dicter les règles applicables à la fonction juridictionnelle de la Commission lorsqu’elle doit décider, au regard de la preuve administrée, si une procédure d’admissibilité à un concours est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.

[56]        Le commissaire Hardy reconnaît que la règle du fardeau de la preuve en matière civile devant les tribunaux repose sur la balance des probabilités. La Politique ne peut à elle seule avoir produit un changement dans ce domaine qui échappe à son champ d’application. D’ailleurs, la Politique existe depuis environ une quinzaine d’années et elle n’a pas donné lieu jusqu’à maintenant à une remise en question du fardeau de la preuve pour les appels portant sur l’admissibilité à un concours. Les critères d’intervention propres à chacun sont demeurés les mêmes et respectueux de leur rôle.

[57]        Par ailleurs, la Commission en révision ne croit pas qu’il soit possible de soutenir que la décision Letarte apporte une nuance en matière d’appréciation de la preuve, pour retenir la notion de possibilité, plutôt que celle de probabilité (paragraphe 240). Au contraire, la Commission exprime dans cette affaire que la preuve démontre, sans équivoque, que M. Letarte occupait effectivement les fonctions de chef[27]. Le mot possibilité[28] est effectivement utilisé par la Commission, mais dans un contexte tout à fait différent de celui du fardeau de la preuve.

[58]        De plus, l’allègement du fardeau de la preuve en matière d’admissibilité à un concours proposé par le commissaire Hardy se veut une approche plus logique, puisque ce serait la procédure d’évaluation qui serait plus concluante en matière de concours. Ainsi, cette première étape plus souple permettrait de ne pas passer à côté de bonnes candidatures (paragraphe 243). La Commission en révision ne peut adhérer à ces motifs pour alléger le fardeau de la preuve des appelants en matière d’admissibilité à un concours, par rapport à ceux qui contestent la procédure d’évaluation.

[59]        Le respect des conditions d’admission à un concours constitue une étape tout aussi déterminante, bien que préalable, à la réussite de la procédure d’évaluation d’un concours. De plus, accepter une preuve d’un niveau inférieur pour l’admission à un concours pourrait conduire à l’inscription sans droit de candidats sur une liste de déclaration d’aptitudes dans la mesure où la procédure d’évaluation serait réussie.

[60]        En résumé sur ce second motif de révision, l’assouplissement du fardeau de la preuve suggéré par le commissaire Hardy en matière d’admission à un concours repose sur la Politique. Celle-ci constitue une prémisse inappropriée pour appuyer des modifications aux règles relatives à l’exercice de la fonction juridictionnelle de la Commission. De plus, cette proposition crée une injustice par rapport à la preuve requise à l’égard de la procédure d’évaluation d’un concours, alors que toutes les étapes d’un concours ont la même importance. Enfin, l’application de ce nouveau fardeau de la preuve que le commissaire situe quelque part entre la balance des probabilités et celle des possibilités risque également d’être une autre source d’injustice en raison de son caractère flou et imprécis (paragraphe 241). En conséquence, la Commission en révision est d’avis que cet assouplissement du fardeau de la preuve constitue une erreur grave et manifeste.

[61]        Il y a lieu de croire que le commissaire Hardy applique cet assouplissement à la preuve administrée par Mme Martel, lorsqu’il lui reconnaît 2 années et 10 mois dans l’exercice d’activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Ainsi, son erreur a eu un effet déterminant sur le litige.

[62]        Cela étant dit, la Commission en révision croit tout de même utile d’examiner le troisième motif de révision qui porte sur la preuve administrée par Mme Martel au regard du niveau des activités d’encadrement qui serait équivalent à celui de la classe 5. Cette preuve, selon le MAPAQ, ne permettrait pas de supporter la conclusion du commissaire Hardy, selon le fardeau de la balance des probabilités, qui est normalement appliqué par la Commission.

3.         Erreur manifeste de fait et de droit en reconnaissant 2 années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5

3.1         Argumentation du MAPAQ

[63]        Le MAPAQ allègue que la preuve administrée par Mme Martel pour démontrer qu’elle a exercé des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 est essentiellement constituée de l’annexe D de son offre de service (I-4), de son témoignage, de deux lettres (A-17 et A-18) de ses supérieurs de l’époque et de leur témoignage. À son avis, cette preuve ne permet pas de conclure, selon la balance des probabilités, à la reconnaissance de 2 années d’expérience de niveau équivalent à celui de la classe 5. Il fait ensuite ressortir les faiblesses qu’il constate dans cette preuve.

[64]        Le MAPAQ insiste plus particulièrement sur les témoignages des supérieurs de Mme Martel qui ne possèderaient pas les compétences nécessaires pour se prononcer sur la détermination du niveau des emplois. Le commissaire Hardy aurait commis une erreur manifeste de fait et de droit, en présumant qu’en raison de leur statut, ils puissent en connaître suffisamment sur le sujet (paragraphe 262).

[65]        Une autre erreur soulevée par le MAPAQ au chapitre de ces témoignages provient du fait que le commissaire Hardy les considère comme étant de la même mouture que le rapport produit par un spécialiste en ressources humaines dans l’affaire Perreault (paragraphe 261).

[66]        Le MAPAQ rappelle en outre la jurisprudence de la Commission dans laquelle elle affirme qu’il ne lui appartient pas de se prononcer, dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 35 de la Loi, sur la conformité du classement d’un emploi[29] et que la responsabilité de procéder à la classification des emplois relève des directions de ressources humaines[30].

[67]        Mme Martel devait démonter selon une preuve prépondérante que ses tâches différaient de celles de la classe d’emplois qu’elle occupait et qu’elles correspondaient à des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5[31]. Or, la preuve qu’elle a administrée ne permet pas d’en arriver à cette conclusion.

[68]        Au sujet des circonstances exceptionnelles retenues par le commissaire Hardy pour justifier l’absence de titularisation provisoire dans un emploi de cadre de Mme Martel, le MAPAQ est d’avis qu’elles reposent sur des associations, des suppositions ou des hypothèses (paragraphe 257).

[69]        En raison de l’ensemble de ces éléments, le commissaire Hardy aurait commis une erreur manifeste de fait et de droit en reconnaissant à Mme Martel 2 années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.

3.2       Argumentation de Mme Martel

[70]        Au sujet de la compétence de ses supérieurs de l’époque de se prononcer sur la détermination du niveau d’un emploi de cadre, Mme Martel exprime qu’ils possèdent l’expertise nécessaire, aussi bien que les personnes œuvrant dans les directions de ressources humaines, puisqu’ils ont supervisé son travail. Elle cite par ailleurs les articles 37 à 39 de la Loi ainsi que l’article 27 de la Directive qui confient aux sous-ministres et aux dirigeants d’organismes la responsabilité d’évaluer les emplois d’encadrement.

[71]        Mme Martel revient ensuite sur l’importance des mandats qui lui ont été confiés de 1991 à 1999 en se référant à son offre de service (I-4). Elle insiste de plus sur l’état des effectifs présents à la Régie au cours de cette période.

[72]        Le commissaire Hardy a retenu de la preuve les éléments suivants pour expliquer l’absence de titularisation provisoire de Mme Martel dans un emploi de cadre. Les mandats qu’elle a exécutés étaient normalement confiés à des cadres et la Régie ne disposait pas à cette époque d’emploi de cadre en mesure de les réaliser. Mme Martel est d’avis que des circonstances exceptionnelles ont ainsi été démontrées. Elle ajoute par ailleurs que la Commission possède une connaissance d’office des restrictions budgétaires présentes dans la fonction publique depuis le début des années 1980.

[73]        En s’appuyant sur une décision de la Commission en révision dans l’affaire Bérubé[32], Mme Martel indique qu’il appartenait au commissaire Hardy d’apprécier les faits puisqu’il a entendu toute la preuve.

[74]        Enfin, Mme Martel termine son argumentation en se référant à une décision[33] de 1999 de la Commission dans laquelle elle avait conclu que deux mandats que Mme Martel avait exécutés constituaient des activités d’encadrement. Ces deux mandats sont les suivants : Secrétariat et coordination des révisions périodiques des plans conjoints et Présidente des filières « pommes de terre » et « fruits et légumes transformés ». Le second mandat fait partie des expériences d’encadrement qu’elle réclame dans la présente affaire pour une durée d’une année et 6 mois (paragraphe 60). Selon les prétentions qu’elle avait soutenues devant le commissaire Hardy, le seul aspect qui lui restait à déterminer était le niveau d’encadrement de ces activités.

[75]        La Commission en révision note que le commissaire Hardy ne traite pas de cette question; il ne fait pas référence non plus à cette précédente décision qui avait pourtant fait l’objet de commentaires de la part des deux parties dans leur argumentation. Puisque cet aspect ne fait pas partie des motifs de révision soulevés par le MAPAQ, la Commission en révision ne croit pas utile d’analyser cet aspect.

3.3       Analyse

[76]        Avant de procéder à l’analyse de ce motif de révision, la Commission en révision souligne qu’elle a écouté les enregistrements de l’audience pertinents à celui-ci puisque ce motif porte sur la preuve administrée. Le but de cet exercice n’était pas de procéder à une nouvelle appréciation des faits, mais de s’assurer du respect des critères d’intervention en révision.

[77]        L’argumentation soumise par le MAPAQ sur ce motif de révision porte sur plusieurs aspects. Concernant l’absence de titularisation temporaire de Mme Martel dans un emploi de cadre dans la fonction publique, contrairement aux exigences de l’article 20 de la Directive, les éléments de preuve retenus par le commissaire Hardy à cet égard, dont plus particulièrement la preuve des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier cette absence, découlent de son erreur manifeste de droit lorsqu’il ajoute une nouvelle situation aux conditions minimales prévues à cette disposition, comme la Commission en révision le démontre dans l’analyse du premier motif de révision. Ainsi, il n’était pas opportun que le commissaire Hardy retienne ces motifs pour démontrer un cas exceptionnel qui est relié à son nouveau test d’application de l’article 20 du fonctionnaire atypique qui exerce des activités d’encadrement sans pouvoir le démontrer avec des documents formels.

[78]        C’est pourquoi la Commission en révision croit que l’aspect qu’il est plutôt utile qu’elle analyse, et sur lequel le MAPAQ insiste davantage, réside dans la preuve administrée par Mme Martel au regard du niveau de ses activités d’encadrement.

[79]        À ce sujet, la responsable du concours a tout d’abord expliqué que l’évaluation des emplois de cadres s’effectue selon un système de pointage établi selon une méthode qui doit être approuvée par le Conseil du trésor (articles 4 et 25, par. 3° de la Directive). La méthode retenue est celle appelée Hay (paragraphe 29). Cette méthode est appliquée par un comité qui effectue ensuite une recommandation au sous-ministre ou au dirigeant d’organisme.

[80]        Mme Martel souligne dans son argumentation qu’il appartient aux dirigeants d’évaluer les emplois, en se référant au paragraphe 1º de l’article 27 de la Directive. Elle soulève cet aspect puisque l’un de ses supérieurs de l’époque (M. Prégent), qui a affirmé que ses tâches étaient au moins d’un niveau équivalent à celui de la classe 4, était alors président de la Régie.

[81]        Mme Martel omet cependant de signaler que cette même disposition prévoit que l’évaluation des emplois de cadres par un dirigeant d’organisme doit se faire conformément à la méthode d’évaluation des emplois d’encadrement approuvée par le Conseil du trésor.

[82]        Or, les témoignages de cet ancien président de la Régie, de même que celui de l’ancien vice-président, se bornent tout simplement à situer les tâches de Mme Martel au niveau de la classe 4, sans l’application d’une méthode quelconque d’évaluation des emplois de cadres, et en insistant simplement sur l’importance de certaines de ses tâches (paragraphes 79 à 86). Les lettres (A-18 et A-19) produites pour appuyer leur témoignage n’apportent aucun élément supplémentaire. Elles ne sont que l’expression d’une conclusion sans procéder à une démonstration (elles sont reproduites aux paragraphes 76 et 77).

[83]        Pour la Commission en révision, à l’évidence, il n’est pas possible de considérer que Mme Martel a ainsi fait une preuve du niveau d’encadrement de ses tâches. Non seulement la méthode dictée par le cadre normatif n’a pas été appliquée, mais les témoins n’ont appliqué aucune méthode d’évaluation. Il y a lieu de considérer qu’il y a une absence de preuve.

[84]        Le commissaire Hardy accepte les affirmations de ces deux témoins sur la base de la présomption, qu’à titre de dirigeants d’organisme, ils en connaissent suffisamment sur le sujet (paragraphe 262). Il s’agit uniquement d’une supposition, basée sur une fausse prémisse voulant que tous les membres et les dirigeants d’organismes soient aptes à évaluer les emplois. De plus, le commissaire Hardy écarte le cadre normatif en matière d’évaluation des emplois de cadres.

[85]        Par ailleurs, dans son analyse de ces témoignages, le commissaire Hardy considère que les affirmations de ces deux témoins sont de la même mouture que celles du spécialiste en ressources humaines qui a analysé le dossier dans l’affaire Perreault (paragraphe 261).

[86]        Pourtant, le commissaire Hardy note lui-même qu’il s’agit d’un spécialiste. De plus, il observe que ce dernier possède 26 ans d’expérience en matière d’évaluation d’emplois (paragraphe 222). La Commission en révision ne voit pas comment il est possible de procéder à l’association que fait le commissaire Hardy.

[87]        Il y a de plus un autre élément d’importance au sujet de ce spécialiste. Il a procédé à l’évaluation de l’emploi visé à cette affaire en utilisant la méthode Hay, tel qu’il ressort de l’extrait de la décision que le commissaire Hardy reproduit (paragraphe 219). Ainsi, il utilise la méthode dictée par le cadre normatif pour procéder à son analyse[34].

[88]        En conclusion à l’égard de ce troisième motif de révision, la Commission en révision est d’avis que la conclusion du commissaire Hardy voulant que Mme Martel ait démontré que les activités d’encadrement qu’elle réclame soient du niveau de la classe 5 ne repose sur aucune preuve.

[89]        La Commission en révision conclut que la décision du commissaire Hardy doit donc être révisée compte tenu de la présence de trois erreurs manifestes de fait et de droit qui nécessitent son intervention.

[90]        PAR CES MOTIFS, La Commission en révision :

·        ACCUEILLE la requête en révision;

·        RÉVISE la décision rendue par le commissaire Hardy le 15 mars 2012 dans le dossier numéro 1300724

·        REJETTE l’appel de Mme Évelyne Martel;

·        ANNULE les ordonnances rendues le 15 mars 2012.

                                                                                 Original signé par :

 

_____________________________

Me Denise Cardinal,

Commissaire

_____________________________

Mme Christiane Barbe,

Présidente

 

 

Me Sandra Landry

Procureure pour le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Requérant-intimé

 

Évelyne Martel, non représentée

Intimée-appelante

 

 

Requête prise en délibéré : 15 juin 2012

 

 

 

 

 

 



[1]     Martel c. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, [2012] 29 no 1 R.D.C.F.P. 83.

[2]     Concours n° : 633D-0803039.

[3]     C.T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications, art. 15.

[4]     L.R.Q., c. F-3.1.1.

[5]     Casandroiu c. Ministère du Revenu, [2004] 21 no 1 R.D.C.F.P., p. 222-223; Ministère des Transports c. Bérubé, [2011] 28 no 1 R.D.C.F.P. 149, par. 17; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., [2011] 28 no 2 R.D.C.F.P. 28, p. 505, par. 25-26.

[6]     Loi sur la justice administrative, L.R.Q., c. J-3, art. 154; Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, art. 429.56.

[7]     Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 136; Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] R.J.Q. 2411, par. 22.

[8]     Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, id., par. 51.

[9]     Rona inc. c. Commission des lésions professionnelles 2012 QCCS 3949, par. 94.

[10]    M.L. c. Le Procureur général du Québec et le Tribunal administratif du Québec, 2007 QCCA 1143, par. 22.

[11]    Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301) c. Commission des relations de travail 2012 QCCS 4082, par. 48.

[12]    Letarte c. Ministère des Transports, [2004] 21 n° 3 R.D.C.F.P., 559.

[13]    Perreault c. Revenu Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P., 549.

[14]    Courteau c. Revenu Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P., 555.

[15]    Simard et al. c. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, [2011] 28 no 1 R.D.C.F.P. 211.

[16]    Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 5.

[17]    DuChemin c. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, [2011] 28 no 2 R.D.C.F.P. 477, par. 48.

[18]    La Directive a remplacé les deux directives suivantes : Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres supérieurs et de leurs titulaires (630) (C.T. 174950 du 25 septembre 1990 et ses modifications); Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres intermédiaires et de leurs titulaires (630) (C.T. 179775 du 25 mars 1992 et ses modifications).

[19]    Chartré c. Ministère de la Justice, [2010] 27 no 2 R.D.C.F.P. 313; DuChemin c. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, précitée, note 17; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 5.

[20]    Barcelo c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité de travail), 1997 CanLII 10709 (QCCA).

[21]    Letarte c. Ministère des Transports, [2004] 21 no 3 R.D.C.F.P. 559.

[22]    Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 5, par. 131.

[23]    Perreault c. Revenu Québec, précitée, note 13; Courteau c. Revenu Québec, précitée, note 14; Simard et al. c. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, précitée, note 15.

[24]    Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 5.

[25]    Sylvestre c. Régie de l’assurance maladie du Québec, [2004] 21 no 1 R.D.C.F.P. 27; Polisois c. Ministère de l’Énergie et des Ressources, [1990] 7 no 2 R.D.C.F.P. 261; Brunelle c. Centre de services partagés du Québec, [2012] 29 no 1 R.D.C.F.P. 171.

[26]    C.T. 192499 du 6 octobre 1998.

[27]    Précitée, note 21, p. 9.

[28]    Id., p. 10.

[29]    Roy c. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, [2006] 23 n°1 R.D.C.F.P. 81.

[30]    Soulières c. Société de l’assurance automobile du Québec, [2011] 28 no 1 R.D.C.F.P. 25, par. 34.

[31]    Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 5.

[32]    Ministère des Transports c. Bérubé, [2011] 28 no 1 R.D.C.F.P. 149.

[33]    Martel c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, [1999] 16 no 3 R.D.C.F.P. 505.

[34]    Ce spécialiste en évaluation d’emplois a également appliqué cette méthode dans l’affaire Courteau.

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