Décision

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Iredale c. Stroll

2008 QCCS 2702

JL3280

 

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 MONTREAL

 

N° :

500-17-037962-076

 

 

DATE :

 30 JUIN 2008

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

JIM IREDALE

HOLLY FRIENSEN

DANIEL PERREAULT

DIANE POIRIER

WAYNE HEUFF

MICHAEL FULLER

TIIU FULLER

GAÉTAN BÉLISLE

ANDRÉ LAURENT

RON SIMON

MARK SHABINSKY

LYNN SHABINSKY

SIMON-PIERRE RIVEST

GINETTE GRENIER

ANDRÉ LAFORCE

HÉLÈNE RABY

MARC G. FORTIER

PAUL CARMEL

MARY CATHERINE CARMEL

DAVID GREENBERG

ROCHELLE GREENBERG

PIERRE P. CÔTÉ

WARREN SIMPSON

JEAN CÔTÉ

ANDRÉE DE KERTANGUAY

            Demandeurs

 

c.

LAWRENCE STROLL

COURSES AUTOMOBILES MONT-TREMBLANT

CIRCUIT MONT-TREMBLANT INC.

ÉVÉNEMENTS 2002-CIRCUIT MONT-TREMBLANT INC.

CIRCUIT MONT-TREMBLANT, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

agissant par sa commanditée, GESTION CIRCUIT MONT-TREMBLANT INC.

            Défendeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

VILLE DE MONT-TREMBLANT

            Mis en cause

______________________________________________________________________

RECTIFICATION DU JUGEMENT

RENDU LE 23 JUIN 2008

______________________________________________________________________

 

[1]                Les demandeurs intentent un recours en injonction interlocutoire et permanente contre les défendeurs. Par leur requête amendée du 27 août 2007, ils prient la Cour d’enjoindre aux défendeurs de restreindre le bruit provenant des activités de course automobile du circuit Mont-Tremblant (ci-après le  « circuit »), pour le rendre conforme à la Note d’instructions 98-01 du ministère de l’Environnement du Québec. Ils demandent aussi au Tribunal de déclarer que les travaux de modification de la piste exécutés en 2000-2001 l’ont été en contravention de la Loi sur la qualité de l’environnement[1] et du Règlement d’urbanisme de la Ville de Mont-Tremblant. Le cas échéant, ils demandent la démolition des travaux illégaux ou la cessation des activités jusqu’à ce que les défendeurs se soient conformés à la loi.

[2]                Les demandeurs cherchent aussi à obtenir une ordonnance de sauvegarde restreignant le bruit émanant du circuit pour la saison 2008. La requête introductive d’instance et la demande d’ordonnance de sauvegarde visent aussi à limiter l’usage que ferait le défendeur Lawrence Stroll (ci-après « Stroll » [2]) d’un hélicoptère entre sa résidence du lac Tremblant et le circuit.

[3]                Au soutien de leur procédure en injonction, les demandeurs cherchent à introduire l’intégralité de la preuve déposée dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 700-17-002884-053 du district de Terrebonne, opposant Ville de Mont-Tremblant c. Circuit Mont-Tremblant inc. et al (ci-après le « Dossier du district de Terrebonne »). Ce litige fut réglé avant audition. La transaction intervenue a donné lieu à l’actuel règlement 2006-53-2, régissant les activités du circuit. Il est utile de savoir que la transaction et le règlement sont par ailleurs attaqués, essentiellement par les mêmes demandeurs, dans un recours parallèle (500-17-035519-076), par lequel ils demandent la nullité de la transaction et du règlement de la Ville de Mont-Tremblant.

[4]                Depuis le 26 février 2008, le soussigné est désigné responsable de la gestion particulière des deux instances.

[5]                Par requête en radiation d’allégations et rejet de pièces (art. 168 al. 2 C.p.c.) ainsi que par dénonciation de moyens préliminaires, les défendeurs requièrent la radiation de plusieurs allégations de la requête introductive d’instance dont notamment les paragraphes 6, 7, 8, 9B., 9C., 9D., 9F., 10, 11, 12, 15, 23, 26, 28, 32, 33, 42, 43, 44, 46, 48, 49, 61, 81, 120, 124 et leur équivalent dans l’affidavit circonstancié du demandeur Jim Iredale (ci-après « Iredale »). La dénonciation de moyens préliminaires est calquée sur la requête en radiation et vise le même objectif

[6]                Pour l’essentiel, la demande de radiation a pour cible les paragraphes qui réfèrent à la preuve documentaire du Dossier du district de Terrebonne, constituée entre autres :

6.1             de rapports de police relatant des plaintes de citoyens au sujet du bruit;

6.2             d’affidavits des demandeurs et de résidents des environs du circuit;

6.3             de résolutions de la Ville de Mont-Tremblant; et

6.4             de rapports de lecture du niveau de bruit généré par le circuit.

[7]                De plus, les défendeurs demandent la radiation des paragraphes 36, 37 et 38 de la requête introductive d’instance qu’ils considèrent comme superflus et non pertinents aux fins du présent litige.

[8]                Puis, les défendeurs demandent le rejet du dossier des pièces suivantes :

8.1              la totalité des affidavits détaillés déposés par la Ville de Mont-Tremblant dans le Dossier du district de Terrebonne no 700-17-002884-053, P-1;

8.2              certaines des pièces produites par la Ville de Mont-Tremblant au soutien de sa demande dans ce même dossier, P-2, dont plus particulièrement les sous-pièces P-10, P-18A, P-23, P-23A, P-26 (rapport d’expertise) et les sous-pièces P-13, P-18 et P-24 (plaintes écrites des résidents);

8.3              la totalité des expertises déposées par la Ville de Mont-Tremblant dans ledit dossier, P-4, et l’expertise du professeur Patrice Seers, P-13;

8.4              la transcription des interrogatoires émanant dudit dossier, P-6;

8.5              les extraits de sites Internet et les articles de journaux P-7, P-8, P-10, P-14, P-15, P-16, P-17, P-18, P-19, P-20, P-22 et P-23;

8.6              la décision no 500-09-065528-018 rendue dans le cadre d’une autre instance, P-9;

8.7              les lettres de mise en demeure datées respectivement du 23 avril 2007 et du 1er mai 2007, P-11.

[9]                Pour l’heure, les demandeurs soutiennent qu’il serait déraisonnable d’exiger la présence de tous les témoins habiles à témoigner et produire l’ensemble de la preuve documentaire déjà déposée dans le Dossier du district de Terrebonne. C’est en prenant appui sur le deuxième alinéa de l’article 2870 du Code civil du Québec (C.c.Q.) que les demandeurs sollicitent l’autorisation du Tribunal de produire l’intégralité du Dossier du district de Terrebonne au soutien de leur demande d’injonction interlocutoire et permanente dans la présente instance.

LES PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES

[10]            Dans toute cause contestée, la règle générale veut que les témoins soient entendus à l’audience, la partie adverse présente ou dûment appelée[3].

[11]            Sauf lorsqu’il est autrement prescrit, la preuve testimoniale est présentée oralement à l’audience[4].

[12]            Parmi les exceptions à la règle générale, le législateur a prévu qu’en matière d’injonction interlocutoire la preuve peut ou doit être constituée d’affidavits suffisamment circonstanciés. L’article 754.1 du Code de procédure civile (C.p.c.) le prévoit expressément.

[13]            L’affidavit circonstancié produit pour établir les faits nécessaires au soutien de la demande en injonction interlocutoire doit répondre à tous les critères et règles de preuve qui s’appliquent à un témoignage oral[5]. Le déposant peut y annexer des documents et y référer, mais uniquement dans la même mesure qu’il pourrait le faire s’il était présent devant le Tribunal[6].

[14]            Le déposant doit relater des faits dont il a eu personnellement connaissance[7].

[15]            La déposition faite dans un autre dossier par un témoin ne témoignant pas dans l’instance principale constitue du ouï-dire[8] . Cette preuve est en principe irrecevable.

[16]            Toutefois, le législateur a prévu certaines dérogations à la prohibition du ouï-dire. Elles sont prévues aux articles 2870 à 2873 C.c.Q. C’est l’article 2870 C.c.Q. qui est en cause. Exceptionnellement, les cas décrits à ces articles dénotent l’intention du législateur d’apporter un certain assouplissement aux règles prohibitives du ouï-dire. L’une de ces exceptions, en l’occurrence celle de l’article 2870 C.c.Q. prévoit :

«    []

 2870.  La déclaration faite par une personne qui ne comparaît pas comme témoin, sur des faits au sujet desquels elle aurait pu légalement déposer, peut être admise à titre de témoignage, pourvu que, sur demande et après qu'avis en ait été donné à la partie adverse, le tribunal l'autorise.

 

Celui-ci doit cependant s'assurer qu'il est impossible d'obtenir la comparution du déclarant comme témoin, ou déraisonnable de l'exiger, et que les circonstances entourant la déclaration donnent à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s'y fier.

[] »

(Notre emphase)

[17]            Nul doute que l’application de l’article 2870 C.c.Q. relève d’abord et avant tout de la discrétion judiciaire du Tribunal.

[18]            Au sujet de l’exercice de la discrétion judiciaire, il est éclairant de se référer au dictum du juge Chamberland de la Cour d’appel dans l’arrêt Promutuel Drummond c. Gestions Centre du Québec inc.[9], lequel s’énonce ainsi :

 

 

«    []

Par ailleurs, je conçois tout aussi aisément des cas où le juge du procès, ultime responsable de la bonne marche du débat contradictoire qui se déroule devant lui, estimera préférable de ne pas admettre à titre de témoignage la déclaration antérieure d'une personne qui comparaît comme témoin, même si cette déclaration présente toutes les garanties de fiabilité requises.   Par exemple, si la crédibilité des témoins est au cœur du débat qui oppose les parties; ou encore, si les événements à l'origine du litige sont très récents; ou enfin, si le dossier judiciaire est déjà suffisamment volumineux sans qu'il soit nécessaire, ni utile d'y ajouter d'autres documents.

[] »

(Notre emphase)

[19]            Quoi qu’il en soit, l’autorisation judiciaire recherchée en vertu de l’article 2870 C.c.Q. est assujettie à la cohabitation de deux conditions, soit :

19.1        qu’il est impossible d’obtenir la comparution du déclarant comme témoin ou qu’il est alternativement déraisonnable de l’exiger; et

19.2        que les circonstances entourant la déclaration donnent à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier.

[20]            Ici, il n’y a pas consentement à la production intégrale du Dossier du district de Terrebonne (art. 2869 C.c.Q.). C’est l’aspect déraisonnable d’exiger la présence de tous les témoins qui est invoqué par les demandeurs (art. 2870 al. 2 C.c.Q.). Ceux-ci considèrent qu’il serait contraire au bon sens et démesuré d’exiger dans la présente instance la présence de tous les affiants ou tous les résidents qui ont porté plainte ou tous les experts qui ont déposé un rapport dans le Dossier du district de Terrebonne.

[21]            L’article 2870 C.c.Q. ouvre la porte à deux cas alternatifs où l’exception au ouï-dire peut trouver application. Il s’agit là de l’encadrement choisi par le législateur à l’exercice de la discrétion judiciaire.

[22]            Le premier cas est celui de l’impossibilité d’obtenir la comparution du déclarant comme témoin. C’est le cas d’une impossibilité absolue, dont par exemple le décès, la maladie ou l’impossibilité juridique. Ce n’est pas cette situation qu’invoquent les demandeurs.

[23]            Traitant du second cas, soit celui où il est déraisonnable d’exiger la comparution du déclarant, l’exception sur laquelle prennent appui les demandeurs, la Cour d’appel dans l’arrêt Itenberg c. Les Breuvages Cott inc. et al[10] enseigne les principes suivants :

«    []

      [14] Le second est celui où la chose apparaîtrait déraisonnable.  C'est l'hypothèse où l'éloignement du déclarant, la difficulté de le rejoindre, les coûts élevés de l'entreprise rendent l'aventure déraisonnable (Canadian American Financial Co. c. Lam, [1995] R.J.Q. 233 (C.S.); Protection de la jeunesse - 770, [1995] R.J.Q. 1583 (C.Q.); Pierre c. Bélair Co. d'assurances, J.E. 97-274 (C.S.); Higgins c. C.U.M., [1998] R.J.Q. 1886 (C.S.); Bergeron c. 3092-8543 Québec inc., J.E. 98-1912 (C.Q.).

[15] Je dois préciser cependant que le seul éloignement du déclarant ne me paraît pas être en soi et en l'absence d'une preuve à l'effet contraire, une raison pour automatiquement permettre l'application de l'article 2870 C.c.Q.  Il convient, en effet, de tenir compte de l'ensemble des circonstances, par exemple, des frais à encourir.  Faire venir le déclarant d'un pays même éloigné lorsque l'enjeu du litige est de plusieurs millions de dollars ne me paraît pas, à première vue, être déraisonnable.

 [16] Ici, la preuve est mince.  Toutefois, on peut retenir le fait que le déclarant est en Russie et que la somme en litige est relativement modeste.

      []

      [20] Je suis donc d'avis, comme le premier juge et la jurisprudence des tribunaux d'instance (Droit de la famille - 2146, J.E. 95-504 (C.S.); Frenette c. Desrosiers, J.E. 98-1557 (C.S.); Melfi c. Assurance-vie Desjardins-Laurentienne inc., J.E. 99-555 (C.S.), que l'opinion de l'expert n'est pas couverte par l'exception de l'article 2870 C.c.Q.  Admettre la solution inverse serait auréoler une simple opinion d'une présomption de fiabilité sans la soumettre au processus contradictoire.

[»

(Notre emphase)

[24]            Maintenant, au plan de la demande de radiation de certaines allégations pour absence de pertinence ou caractère superflu (art. 168 al. 2 C.p.c.), le Tribunal appliquera les principes suivants :

24.1        l’allégation doit, a priori, se rapporter aux questions centrales que soulève le litige[11];

24.2        la pertinence s’évalue en fonction des conclusions recherchées[12];

24.3        toute preuve qui serait de nature à déplacer le débat et à ouvrir la porte à des querelles qui n’avanceraient pas la solution du problème sera refusée[13];

24.4        l’allégation dont la preuve est proposée est utile, appropriée, susceptible de faire progresser le débat et repose sur un objectif acceptable que la partie cherche à atteindre dans l’élaboration de la théorie de sa cause[14];

24.5        malgré le fait qu’il s’agisse d’une gestion particulière, le Tribunal doit conserver une approche relativement généreuse afin de ne pas porter atteinte aux droits des parties au fond[15].

ANALYSE ET DISCUSSION

A)        L’importation globale du Dossier du district de Terrebonne dans la présente instance

[25]            Tout d’abord, de façon générale, le Tribunal est d’avis que l’article 2870 C.c.Q. ne comporte pas comme finalité celle de permettre une introduction massive de preuve documentaire ou testimoniale (affidavits) ou autre, provenant d’une autre instance.

[26]            La discrétion judiciaire qui découle de l’article 2870 C.c.Q. doit être exercée avec parcimonie et de façon exceptionnelle puisqu’elle déroge aux règles habituelles de la preuve.

[27]            Dans notre contexte, l’ensemble du Dossier du district de Terrebonne s’avère être du ouï-dire dont la preuve est irrecevable, sauf pour ce qui pourrait constituer un aveu extrajudiciaire.

[28]            Par surcroît, l’ensemble de la preuve déposée dans le Dossier du district de Terrebonne ne fut jamais l’objet d’un débat contradictoire ni n’a abouti à un jugement. Donc, cette preuve n’a jamais fait l’objet d’une appréciation judiciaire à l’issue d’une audition au fond. La raison en est fort simple : la cause a été réglée hors de cour.

[29]            Le Tribunal, dans l’exercice de sa discrétion judiciaire, considère qu’il serait contraire au bon sens et démesuré, donc déraisonnable, de permettre l’importation globale du Dossier du district de Terrebonne sans distinction. Un « cherry picking » s’impose et en conséquence, une analyse singulière de chaque élément de preuve s’avère nécessaire.

[30]            Mais attention, ce qui est vrai pour l’un l’est pour l’autre. Le refus du Tribunal de recevoir globalement la preuve qui émane du Dossier du district de Terrebonne vaut également pour toutes les pièces qui ont été produites en défense dans cet autre dossier.

B)        Examen particulier des pièces dont on demande le rejet

            a)         Les procédures judiciaires du Dossier du district de Terrebonne

[31]            Ces procédures (P-1) sont des documents publics. Leur production ne fait pas preuve de leur contenu, mais peut servir strictement à établir le fait juridique que des procédures ont été intentées en 2005 par la Ville de Mont-Tremblant contre les défenderesses. Dans cette mesure, la production de la pièce P-1 sera autorisée en partie, pourvu qu’elle se limite aux procédures judiciaires. Par contre, les affidavits seront exclus et retirés du dossier, sauf ceux des demandeurs.

b)         La preuve documentaire provenant du Dossier du district de Terrebonne

[32]            Cette preuve est constituée essentiellement par la pièce P-2[16] qui comporte elle-même des sous-pièces qui sont celles qui furent déposées dans le Dossier du district de Terrebonne. Les sous-pièces P-1 à P-9A de même que les sous-pièces P-11, P-12, P-14, P-15, P-16, P-17, P-19, P-20, P-21, P-22, P-25, P-27, P-29, P-30, P-31 et P-32 seront autorisées, mais devront faire l’objet d’une nouvelle identification dans la présente instance.

Ø      Les Expertises

[33]            Il fut établi précédemment que l’exception de l’article 2870 C.c.Q. ne couvre pas la production d’expertises. Par conséquent, les rapports d’expertise déposés dans le Dossier du district de Terrebonne sont inadmissibles en preuve dans la présente instance, sans le respect des autres formalités prévues au Code de procédure civile. Ce qui veut dire que ces experts pourront témoigner à l’audience, si les règles du Code de procédure civile sont autrement respectées. Par conséquent, les sous-pièces P-10, P-18A, P-23, P-23A, P-26 et P-28 de la pièce D-2 seront soustraites du dossier de la présente instance.

[34]            Le principe relatif aux expertises doit également être appliqué aux pièces P-4 et P-5, avec la même réserve. Ces pièces seront conséquemment retirées du dossier.

Ø      Les pièces produites en défense dans le Dossier du district de Terrebonne

[35]            Le Tribunal est d’avis que l’ensemble des sous-pièces D-1 à D-45 de la pièce P-3 doit être soustrait du dossier. Si les défendeurs dans la présente instance souhaitent en faire le dépôt, ils feront leur propre choix. Ce qui n’empêche pas les demandeurs de produire autrement certains de ces documents, s’ils sont pertinents ou utiles à faire progresser le litige. Autrement, l’importation massive de ces documents ne sera pas autorisée.

Ø      La transcription des interrogatoires

[36]            Ces transcriptions d’interrogatoires hors cour émanant du Dossier du district de Terrebonne et répertoriés sous la pièce P-6 constituent sans équivoque une preuve par ouï-dire. Sans explication relative à l’impossibilité pratique pour chacun de ces témoins de témoigner viva voce dans la présente instance, le Tribunal considère déraisonnable de permettre la production massive des interrogatoires. Ici, la question de crédibilité risque d’être un facteur important. C’est la règle générale qui doit primer. Par conséquent, la pièce P-6 sera donc considérée inadmissible en preuve, sauf comme déclaration antérieure aux fins de contredire un témoin à l’audience ou si elles contiennent un aveu extrajudiciaire, lequel devra être clairement identifié et allégué dans la procédure introductive d’instance.

Ø      Les plaintes écrites des résidents

[37]            En raison de diverses activités pendant les années 2003, 2004 et 2005, certains citoyens ont formulé des plaintes relatives à un bruit excessif émanant de l’utilisation du circuit. Les demandeurs ont glané ces plaintes écrites qui souvent ont été recueillies par le service de police.

[38]            Pour chacune des années précitées, les demandeurs souhaitent déposer les pièces P-13, P-18 et P-24.

[39]            Encore une fois, il s’agit d’une preuve par ouï-dire pour laquelle les demandeurs cherchent l’autorisation de la Cour sous l’égide de l’article 2870 C.c.Q. Faut-il le répéter, l’autorisation de la Cour doit être donnée de façon exceptionnelle lorsque les circonstances particulières et la proportionnalité militent en faveur de l’exception. Ici, aucune démonstration n’a été faite de l’empêchement d’assigner les citoyens en question. Aussi, faut-il s’interroger sur la pertinence de remonter aussi loin dans le temps. Ne serait-il pas suffisant de faire la preuve qu’en 2004, par exemple, le service de police a recueilli 250 plaintes des résidents des environs du circuit? Bref, cette preuve ne sera pas autorisée. Les sous-pièces P-13, P-18 et P-24 de la pièce P-2 seront donc, en conséquence, soustraites du dossier.

Ø      Les résolutions de la Ville de Mont-Tremblant

[40]            Ce sont des documents publics. Il appartiendra aux demandeurs de démontrer en quoi elles sont utiles à faire progresser le litige. À ce stade, il serait prématuré de les soustraire du dossier. Leur production, soit les sous-pièces P-14 et P-20 de la pièce P-2 sera autorisée. Ces pièces devront aussi faire l’objet d’une renumérotation. Il en va de même des rapports de lecture du niveau de bruit généré par le circuit dont la production sera autorisée.

Ø      Les jugements allégués par les demandeurs

[41]            Tout d’abord, la pièce P-1 comporte le jugement rendu le 28 juin 2006, puis rectifié le 26 juillet 2006 par le juge Fournier. Nul doute que ce jugement s’avère pertinent lorsqu’expliqué dans son contexte. Il ne sera pas contesté que ce jugement ne lie pas le juge soussigné. Toutefois, il s’agit d’une jurisprudence qui pourra être analysée et citée en l’instance comme toute autre jurisprudence. Le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de retirer ce jugement de la pièce P-1.

[42]            Il en va autrement du jugement de la Cour supérieure dans le dossier American Lemans Series L.L.C. c. Stroll[17] daté du 8 novembre 2001. Le Tribunal est d’avis que ce jugement n’est d’aucune utilité à faire progresser le présent litige. Cette pièce P-9 risque fort bien d’ouvrir un débat stérile et de donner lieu à des querelles qui n’avanceraient pas la solution du problème. La pièce P-9 sera donc soustraite du dossier.

Ø      Les publications Internet et les articles de journaux

[43]            Ces éléments de preuve ne permettent pas d’établir les faits générateurs du droit réclamé, ni ne peuvent avoir quelque influence que ce soit sur le résultat du litige. Le Tribunal est d’avis que ces documents ne sont d’aucune aide à faire progresser le débat. Conséquemment, les pièces P-8, P-10, P-14, P-15, P-16, P-17, P-18, P-19, P-20, P-21, P-22 et P-23 seront soustraites du dossier et déclarées inadmissibles en preuve.

 

Ø      Les mises en demeure (P-11)

[44]            Ces lettres rejoignent le critère d’apparence de pertinence et seront, à ce stade, autorisées. La pièce P-11 est donc admissible en preuve.

C)        La demande de radiation de certains paragraphes de la déclaration pour cause d’impertinence ou en raison de leur caractère superflu (art. 168 al. 2 C.p.c.)

[45]            Les défendeurs demandent la radiation de plusieurs paragraphes de la requête introductive d’instance amendée dont notamment :

45.1        6, 7, 8, 9B., 9C., 9D., 9F., 10, 11, 12, 15, 23, 26, 28, 32, 33, 42, 43, 44, 46, 48, 49, 61, 81, 120 et 124 qui sont essentiellement les paragraphes par lesquels les demandeurs déposent en majeure partie le Dossier du district de Terrebonne à savoir des affidavits, transcriptions d’interrogatoires, ordonnance ou jugement provenant d’une autre instance;

45.2        les paragraphes 36, 37 et 38 quant à leur absence de pertinence et leur caractère superflu;

45.3        la radiation des paragraphes équivalents de l’affidavit du demandeur Iredale.

[46]            Le Tribunal est d’avis que les paragraphes de la requête introductive d’instance amendée doivent faire le sujet de la même soustraction ou inclusion selon que la preuve documentaire à laquelle il y est fait référence est admise ou non au terme du présent jugement. Aussi, faut-il comprendre que la soustraction de la preuve documentaire et testimoniale illégale ne rend pas une allégation impertinente pour autant. Un examen singulier s’impose.

[47]            En conséquence, le paragraphe 6 de la déclaration sera radié en partie pour en soustraire l’extrait suivant : « ainsi que tous les affidavits produits à son soutien ». Le reste du paragraphe demeurant intact.

[48]            Les paragraphes 7, 8, 9B., 9D., 10 et 12 seront radiés. Toutefois, le Tribunal est d’avis que les paragraphes 9F., 11, 15 et 23 demeurent pertinents et seront conservés à la procédure introductive d’instance.

[49]            Le paragraphe 26 sera radié partiellement à partir du mot « depuis » jusqu’à la fin du paragraphe.

[50]            Les paragraphes 28, 29, 32 et 33 seront radiés.

[51]            Le paragraphe 42 sera radié en partie pour en extraire toute référence aux interrogatoires hors cour. Il demeurera intégral jusqu’aux mots « événements spéciaux » inclusivement. Il en sera de même pour le paragraphe 43 qui demeurera complet jusqu’aux mots « munies de silencieux » et soustrait de toute référence à l’interrogatoire de Vincent Loughran (ci-après « Loughran »).

[52]            Les paragraphes 44, 46 et 48 seront radiés.

[53]            Le paragraphe 49 demeurera intact, à l’exclusion de la référence à l’interrogatoire de Loughran, laquelle sera soustraite.

[54]            Le paragraphe 61 sera radié.

[55]            Les paragraphes 81 et 124 seront maintenus pour ce qui est de l’admission extrajudiciaire, s’il en est une. Cependant, la référence à l’interrogatoire de Loughran sera soustraite pour chacun des paragraphes.

[56]            Finalement, le Tribunal est d’avis que les paragraphes 36, 37 et 38 sont effectivement superflus et qu’ils reposent sur un objectif inacceptable. Ces allégations ne seront d’aucune utilité dans l’élaboration de la théorie de la cause des demandeurs. Ils seront radiés.

[57]            Sans faire l’exercice particulier, il va de soi que chaque paragraphe correspondant de l’affidavit circonstancié du demandeur Iredale doit être radié ou modifié en fonction du présent jugement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[58]            ACCUEILLE en partie la requête en radiation d’allégations et rejet de pièces;

[59]            RADIE les paragraphes 7, 8, 9B., 9D., 10, 12, 28, 29, 32, 33, 36, 37, 38, 44, 46, 48 et 61 et leurs paragraphes correspondants de l’affidavit du demandeur Jim Iredale;

[60]            RADIE partiellement les paragraphes 6, 26, 42, 49, 81 et 124 en conformité des motifs du présent jugement (paragr. 46, 48, 50, 52 et 54);

[61]            DÉCLARE inadmissible en preuve la pièce P-1, sauf pour ce qui est de la requête introductive d’instance, la contestation, la réponse et le jugement du 28 juin 2006 et rectifié le 26 juillet 2006;

[62]            DÉCLARE inadmissibles en preuve les sous-pièces P-10, P-13, P-18, P-18A, P-23, P-23A, P-24, P-26 et P-28 de la pièce P-2, sous réserve;

[63]            DÉCLARE les pièces P-4, P-5 et P-6 inadmissibles en preuve, sous réserve;

[64]            DÉCLARE inadmissibles en preuve les sous-pièces D-1 à D-45 de la pièce P-3, sous réserve;

[65]            DÉCLARE inadmissibles en preuve les pièces P-7, P-8, P-10, P-14, P-15, P-16, P-17, P-18, P-19, P-20, P-21, P-22 et P-23;

[66]            LE TOUT frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

_______________________________

JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

 

 

Me Marie-France Tozzi

Me Jacques Jeansonne

Deslauriers Jeansonne

Avocats des demandeurs

 

Me Luc Gratton

Miller Thomson Pouliot

Avocats de Ville de Mont-Tremblant

 

Me Alain Chevrier

Dunton Rainville

Avocats des défenderesses Courses automobiles Mont-Tremblant inc.,

Événements 2002-Circuit Mont-Tremblant inc.

et Circuit Mont-Tremblant

 

Me Louis P. Bélanger

Stikeman Elliott

Avocats des défendeurs Lawrence Stroll,

Courses Automobiles Mont-Tremblant inc.

et Circuit Mont-Tremblant

 

 

 

Dates d’audience :

15 et 16 mai  2008

Date de prise en délibéré :

16 mai 2008

 



[1]     L.R.Q., c. Q-2.

[2]     L'utilisation des noms de famille dans le jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucune discourtoisie à l’égard des personnes concernées.

[3]     Art. 294 C.p.c.

[4]     Innu-Science Canada inc. c. Laboratoire Choisy ltée, [2000] R.J.Q. 342 (C.A.).

[5]     Id., paragr. 20.

[6]     Id., paragr. 20. Voir aussi Trottier c. Viandes Pierre Trottier (1985) inc., [1988] R.D.J. 192 , 193 (C.A.) et Brasserie O’Keefe ltée c. Lauzon, [1989] R.J.Q. 895 (C.S.).

[7]     Art. 295 C.p.c. et art. 2843 C.c.Q.

[8]     George Edward Fritz Foundation c. Carthright, J.E. 2004-490 (C.A.).

[9]     [2002] R.R.A. 695 (C.A.), paragr. 48.

[10]    J.E. 2000-1104 (C.A.).

[11]    Commercial Union Assurance Co. of Canada c. Nacan Products Ltd, [1991] R.D.J. 399 (C.A.).

[12]    Croteau c. Perreault, Mathieu Cie, [1990] R.D.J. 217 , 219 (C.A.).

[13]    J.E. Verreault & Fils ltée c. N.G.M. Construction ltée, J.E. 1991-1618 (C.A.), p. 2 à 4.

[14]    Westinghouse Canada inc. c. Arkwright Boston Manufacturers Mutual Insurance Co., [1993] R.J.Q. 2735 , 2741 (C.A.).

[15]    Peter M. Blaikie c. Commission des Valeurs mobilières du Québec, [1990] R.D.J. 473 , 477 (C.A.).

[16]    Le Tribunal s’est fié au cahier des pièces des demandeurs, à sa table des matières du Volume I.

[17]    B.E. 2002BE-66 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.