Boutin et Québec (Ministère des Ressources naturelles et de la Faune) |
2013 QCCFP 2 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER No : |
1300996 |
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DATE : |
22 février 2013 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Me Robert Hardy |
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MARLÈNE BOUTIN
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Appelante
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Et
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MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1) |
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[1] Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (ci-après le « MRNF ») a refusé la candidature de Mme Marlène Boutin au stade de l'admission à un concours[1] d'avancement à la classe principale de son corps d'emplois de technicienne en foresterie et en gestion du territoire.
[2] Parmi les conditions d’admission pour l’avancement de classe énumérées dans l’avis de concours (I-1), celle qui, selon le MRNF, n’est pas remplie par Mme Boutin, est d’avoir :
« […] au moins 10 années d’expérience reconnue par l’autorité compétente et additionnelle à celle exigée aux conditions minimales dans l’exercice d’attributions de la classe de technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire, à ce titre ou à un titre équivalent. »
[3] Pour sa part, Mme Boutin estime que le comité d’évaluation qui a procédé à l’analyse de sa candidature aurait dû constater qu’elle avait bien toute l’expérience requise. Subsidiairement, elle soutient que le comité n’a pas correctement analysé son offre de service, et ce, notamment en négligeant de requérir les renseignements additionnels qui lui auraient permis d’apprécier convenablement sa candidature.
[4] Mme Boutin est entrée au service de la fonction publique en 1986, comme agente de secrétariat pour le compte du ministère des Transports. Deux ans plus tard, elle est devenue agente de bureau au même ministère, pour être mutée, fin 1992, au ministère de l’Énergie et des Ressources[2], à Jonquière, où elle a travaillé d’abord au niveau des transactions foncières.
[5] En 1995, et jusqu’en 2010, tout en demeurant agente de bureau, ses tâches ont été modifiées par l’ajout de nouvelles responsabilités, au niveau entre autres de la gestion des occupations sans droits de terres publiques.
[6] Mme Boutin raconte aussi qu’en 2008 elle a fait un grief en raison de tâches non conformes, grief pour lequel aucune décision n’a encore été rendue, qu’en 2009 elle a eu des discussions avec son gestionnaire qui ont mené, à défaut de lui accorder à ce moment-là un niveau de technicien, à ce qu’on lui attribue une prime de 5 %.
[7] Dans un formulaire de « Demande de paiement d’un gain additionnel » (A-1), daté du 14 juillet 2009 et dûment autorisé par la directrice régionale du ministère, il est indiqué, en terme de modification au classement, « Classement actuel Titre : agent de bureau » et « Classement correspondant à la modification Titre : Technicien en aménagement du territoire ». La justification de la majoration de traitement de 5 % pour la période couverte par la modification précise : « Surcroît de travail pour la mise à jour du registre du domaine de l’État, de la rénovation cadastrale et répondre à l’objectif du plan d’affaires fixé au 31 mars 2011. »
[8] Entre-temps, le 7 septembre 2010, Mme Boutin a finalement obtenu un poste de technicien à la suite d’une promotion, alors que son nom apparaissait sur une liste de déclaration d’aptitudes pour un tel emploi.
[9] À la section 7 de son offre de service (A-4) où elle devait inscrire ses expériences de travail, Mme Boutin a notamment indiqué, dans trois espaces distincts, les renseignements suivants relatifs à son emploi au MRNF :
- De décembre 1992 à mars 1995 : agente de bureau, avec la mention « Voir Annexe I »;
- D’avril 1995 à juin 2010[3] : agente de bureau, avec la mention « Voir Annexe II »; et enfin
- De septembre 2010 jusqu’à la date de la soumission de son offre de service : « Tech. en gestion du terr. public[4] », avec la mention « Voir Annexe III ».
[10] L’annexe I comporte cinq pages et présente la description de l’emploi correspondant, selon Mme Boutin, aux tâches qu’elle effectuait de 1992 à 1995.
[11] L’annexe II, de six pages, comprend l’équivalent, mais pour les années 1995 à 2010.
[12] Enfin, l’annexe III présente sur trois pages la description de son emploi de technicienne en gestion du territoire public qui serait sienne depuis 2010.
[13] Par ailleurs, à la section 9, dite « Commentaires », de son offre de service, Mme Boutin a écrit ce qui suit :
« Mes différentes formations de même que mon expérience de travail acquise à ce jour au sein du ministère des Ressources naturelles et de la Faune me qualifient pour occuper un poste de technicien en gestion du territoire public en tant que spécialiste. J’ai à effectuer des tâches spécifiques dans mon quotidien qui sont connues par peu d’employés ce qui en fait une spécialisation. À titre d’exemple, l’enregistrement des droits au Registre du domaine de l’État, la rénovation cadastrale et des connaissances au niveau de l’historique de la gestion du territoire public. Vous remarquerez à la lecture de mon offre de service que mon expérience comme technicienne totalise quatre (4) années de service. Toutefois, mon expérience en tant qu’agente de bureau regroupe sensiblement les mêmes tâches effectuées tout au long de la période d’avril 1995 à juin 2009. J’agis également comme personne-ressource auprès des employés de mon secteur et du personnel des MRC concernant la gestion des transactions foncières. […] »
[14] Le formulaire intitulé « Personnes ressources et composition du comité d’évaluation dans le cadre d’un concours » (I-2) indique que le comité se composait de trois membres, accompagnés de la responsable du concours, Mme Mylène D’Amours. Selon celle-ci, la seule personne appelée à témoigner pour le ministère, toutes sont comme elle des conseillères en gestion de ressources humaines. Elles ont des « clientèles » à la grandeur du MRNF, évaluent des descriptions d’emploi sur une base quotidienne, sont en contact avec des gens qui font le travail mais ne sont pas elles-mêmes des techniciennes en foresterie et en gestion du territoire.
[15] Mme D’Amours expose comment l’analyse de l’offre de service de Mme Boutin a été réalisée par le comité. À partir de la section 7, dont le contenu a été décrit précédemment, il a été reconnu deux ans et neuf mois d’expérience, soit le temps écoulé depuis sa promotion à technicienne en 2010 jusqu’au moment du concours.
[16] Les deux expériences comme agente de bureau, tant celle de 1992 à 1995 que celle de 1995 à 2010 ont été jugées non pertinentes, conclusion à laquelle le comité est arrivé après l’exercice suivant.
[17] Dans un premier temps, le comité a pris connaissance du reste de l’offre de service, dont la section 9 « Commentaires », ainsi que des annexes où il a été notamment constaté que l’en-tête des annexes I et II étaient intitulées « Description d’emploi Agente de bureau », information qui concordait avec le titre de fonction inscrit par Mme Boutin, à la section 7 « Expérience de travail », pour les périodes correspondantes.
[18] Dans un second temps, après avoir été informé de l’appel de Mme Boutin, le comité a procédé à une double vérification de son offre de service. On avait déjà remarqué que la facture des annexes I et II reprenait dans l’ensemble la disposition d’une description d’emploi comme celles qu’on retrouve dans la fonction publique. En allant consulter le dossier d’employée de Mme Boutin, on a trouvé la description de son emploi qui avait été réalisée, le 3 février 2005 (I-14), par Mme Isabelle Bourque, agente de bureau, classe nominale, agissant alors à titre de conseillère spécialisée. Le comité a alors décortiqué, point par point, le contenu de l’annexe II en faisant l’appariement avec, d’une part, la description d’emploi de 2005 et d’autre part, avec la directive décrivant les attributions de la classe d’emploi des agents de bureau (I-10).
[19] La Commission ne reprendra pas dans leur détail les rapprochements entre les divers documents analysés, bien que leur preuve ait occupé une très grande partie du témoignage de Mme D’Amours qui s’est attardée à justifier la position du comité pour chacune des tâches concernées. La Commission se contente d’en exposer quelques-uns pour situer à quel niveau les parties, Mme Boutin ayant fait la même chose, ont campé leurs positions, et ce, en un long préambule à la présentation de leurs arguments.
[20] Avant d’exposer des exemples, la Commission souligne qu’elle a comparé l’annexe II, la seule réellement en litige comme on le verra plus loin, avec la description d’emploi de 2005 pour y constater que les différences entre les deux étaient effectivement relativement minimes. C’est pourquoi les exemples qui suivent comparent plutôt des passages de l’annexe II à des extraits de la directive sur les agents de bureau.
[21] Ainsi, pour les attributions suivantes de la première colonne exposées par Mme Boutin dans son offre de service, le comité a fait le rapprochement avec les éléments de la directive indiqués dans la seconde :
Attributions décrites par Mme Boutin dans son annexe II |
Attributions de la directive de classification des agents de bureau |
Analyser et traiter les demandes de transferts de baux […]; |
L’agent de bureau collabore par ses travaux à la mise en application de règlements, de directives, de mesures administratives ou de procédures judiciaires […] |
Analyser et traiter les transactions foncières […]; |
Idem |
Assurer l’alimentation adéquate du système GDF afin d’en garantir l’intégrité et le fonctionnement optimal par la sélection, la validation et la saisie de toutes les données servant au traitement des dossiers de gestion foncière; |
Il recueille, enregistre des informations et rédige divers documents. (Note : Mme D’Amours ne peut pas dire de quel type d’informations il s’agissait en ce qui concerne le système GDF.) |
Établir des procédures appropriées […]; |
(Note : c’est la seule attribution reconnue par le comité comme étant de niveau technique, et estimée correspondre à 10 % de la tâche relative aux transactions foncières, l’une des tâches principales et habituelles de l’emploi à pourvoir.) |
Conseiller la clientèle sur les questions relatives à l’utilisation des terres publiques et à l’octroi de droits fonciers […]; |
Il examine la correspondance ou d’autres documents, échange des renseignements verbalement ou par correspondance avec le public […] |
Agir à titre de personne-ressource au niveau de la région pour la création de requêtes pour produire des listes de données sur l’occupation des terres publiques à l’aide du logiciel de recherche Impromptu […]; |
Il recueille, enregistre des informations et rédige divers documents; il examine la correspondance ou d’autres documents, échange des renseignements verbalement ou par correspondance avec le public […] |
Informer les occupants sans droits de leurs obligations et des possibilités qui s’offrent à eux et/ou prendre entente avec eux pour la signature d’une convention de libérer les lieux; |
Il communique aux intéressés les décisions rendues et les explique s’il y a lieu. |
Interlocuteur auprès de l’Arpenteur général au niveau de la rénovation cadastrale pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean : faire le suivi régional des mandats de rénovation cadastrale; recevoir et analyser l’information acheminée à la direction régionale […]; valider la conformité de cette information au plan de la tenure; transmettre les résultats au mandataire (arpenteur-géomètre) selon les délais prescrits; |
L’agent de bureau collabore par ses travaux à la mise en application de règlements, de directives, de mesures administratives ou de procédures judiciaires […] Il communique aux intéressés les décisions rendues et les explique s’il y a lieu. |
Tirage au sort. Agir à titre de coordonnatrice aux niveaux de la planification et de l’organisation des événements d’attribution d’emplacements de villégiature pour la région […] : |
(Note : cette attribution a été associée en partie à une tâche d’agent de secrétariat, soit organiser des réunions impliquant des convocations, des réservations de salles et la préparation du matériel et des documents nécessaires.) Pour une autre partie, elle a été associée à l’attribution générale de l’agent de bureau qui collabore par ses travaux à la mise en application de règlements, de directives et de mesures administratives |
Préparer et donner la formation aux employés de la région ou aux MRC, suite à la mise en place de nouveaux processus. |
Dans l’accomplissement de ses attributions, l’agent de bureau peut être appelé à initier au travail les nouveaux agents de bureau, à diriger du personnel de soutien, à collaborer à son entraînement, […] |
[22] Pour rendre justice au témoignage de Mme D’Amours, la Commission souligne que l’annexe II comportait l’exposé d’une cinquantaine d’attributions et pour nombre d’entre elles, la justification des rapprochements pouvait être plus évidente. Quant aux exemples retenus, ils l’ont été pour illustrer en même temps une partie des arguments de Mme Boutin résumés plus loin.
[23] Par ailleurs, parmi les différences que comportait la description d’emploi de 2005 de Mme Boutin, on pouvait noter en matière de suivi de la rénovation cadastrale, l’utilisation d’un logiciel nommé « SITAT » que Mme D’Amours ne connaissait pas.
[24] Poursuivant son témoignage, Mme D’Amours explique que la comparaison de l’annexe II avec la description d’emploi de 2005 de Mme Boutin a procuré tout de même au comité une information additionnelle importante, car cette description de 2005 comporte les pourcentages associés à chaque tâche. C’est ce qui a permis ainsi de constater que, considérant que la tâche relative aux transactions foncières représentait 10 % de l’ensemble de l’emploi et que l’attribution d’« établir des procédures » dans l’annexe II était une des six attributions de cette tâche, la valeur relative de l’attribution pouvait donc s’établir à 1/6 de 10 % de l’ensemble de l’emploi. En effet, selon Mme D’Amours, la façon de faire habituelle pour donner une valeur proportionnelle à une attribution est de partager approximativement le pourcentage global de la tâche selon le nombre de ses éléments.
[25] Maintenant, même en retenant la valeur de 10 % et non pas de 1/6 de 10 %, il a été possible d’établir que, d’avril 1995 à juillet 2009, on pouvait estimer que 370 jours ouvrables, ou un an et demi, devaient être reconnus de niveau technique. Ajouté aux deux ans et neuf mois déjà reconnus à Mme Boutin pour la période du temps écoulé depuis qu’elle est technicienne, le total était encore loin des dix ans d’expérience de niveau technique nécessaires pour pouvoir l’admettre au concours.
[26] La dernière étape de l’analyse de la candidature de Mme Boutin a consisté à faire pour l’annexe III de son offre de service le même exercice que celui réalisé pour l’annexe II. On a également trouvé dans son dossier personnel la description de son emploi de technicienne (I-15) qu’elle occupe depuis 2009 et on en a fait le parallèle avec l’annexe III. Cet exercice a été plus rapide à réaliser étant donné que tout corroborait.
[27] En complément de son témoignage, Mme D’Amours explique comment on arrive à déterminer un niveau d’emploi : on fait un appariement entre la description d’emploi et les contenus des directives de classification pour voir à quel niveau la description se situe et la majorité l’emporte. « C’est certain, dira-t-elle, qu’une description d’emploi ne peut pas nécessairement être à 100 % technique, comme elle ne peut pas être nécessairement à 100 % agent de bureau. On répond tous au téléphone à un moment ou à un autre », ajoute-t-elle pour illustrer son propos.
[28] À la demande de la procureure du MRNF, elle explique ce qu’elle entend par l’expression « à titre équivalent ». Selon elle, il faut que les emplois dont on parle soient de même niveau de mobilité et aient les mêmes conditions d’admission pour qu’ils soient équivalents. Par exemple, pour un emploi technique, il faut détenir un diplôme d’études collégiales (DEC). Cela est nécessaire pour permettre un mouvement de personnel horizontal.
[29] À partir de la Directive concernant l’attribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires (ci-après la « Directive sur les taux de traitement »)[5] (I-9), elle indique qu’en annexe de celle-ci se trouve la liste des classes d’emploi où il est précisé pour chacune son niveau de mobilité. Pour la classe des techniciens en foresterie et en gestion du territoire, le niveau de mobilité est fixé à 6, alors que pour la classe des agents de bureau il peut être de 3, 4 ou 5.
« Dans notre jargon, ajoute-t-elle, passer d’un niveau de mobilité inférieur pour aller au suivant, c’est inévitablement une promotion. »
[30] Appelée à préciser s’il faut d’autres conditions pour que ce soit considéré à titre équivalent, Mme D’Amours ajoute qu’il faut pouvoir faire un parallèle entre les tâches que la personne occupait versus les tâches de l’emploi concerné pour lesquelles, dans la fonction publique, on se réfère à la classification des emplois.
[31] En conclusion de son interrogatoire principal, Mme D’Amours réfère au guide d’admissibilité du concours (I-3) et indique la liste des expériences de travail que le comité d’évaluation avait déterminées a priori pertinentes pour le concours. On y retrouve celle de technicien de la faune et de technicien en foresterie, ainsi qu’une dizaine d’autres expériences de niveau technique reliées au domaine de la forêt, dont une identifiée comme « Suivi, contrôle et surveillance du territoire ».
[32] En contre-interrogatoire, Mme D’Amours confirme que l’analyse de l’offre de service de Mme Boutin, notamment de ses annexes, a été faite uniquement sur papier. Elle réitère que le comité considérait que c’était clair parce que les documents étaient rédigés selon un vocabulaire avec lequel ses membres étaient habituées de travailler sur le plan des descriptions d’emploi.
[33] Relativement aux deux logiciels, GDF et SITAT, qu’elles ne connaissaient pas, elle mentionne :
« On n’est pas allé vérifier quels étaient ces systèmes. Dans la fonction publique, il y a plusieurs systèmes et les tâches nous indiquaient qu’il s’agissait soit de saisie de données, soit d’extraction de données qui étaient à l’intérieur du système. On n’a pas cru bon de savoir à quoi le système pouvait servir. »
[34] Mme D’Amours admet que l’évaluation du comité n’a pas comporté une mise en parallèle de l’annexe II avec la Directive de classification des techniciens en foresterie et en gestion du territoire[6] (I-7).
« Mais avec les tâches de technicien, non, car on cherchait à corroborer que c’était bien des tâches d’agent de bureau, ce que Mme Boutin avait indiqué dans son annexe II. »
[35] La procureure de Mme Boutin réfère à quelques cas où, d’après elle, la description de tâches de technicien pourrait s’apparier avec des tâches énoncées dans l’annexe II. Elle relève notamment l’exemple suivant d’une attribution de la tâche actuelle (I-15) de Mme Boutin comme technicienne.
Attribution comme technicienne selon la description d’emploi préparée par le MRNF : Coordonner le suivi administratif des occupations sans droits et collaborer au traitement des plaintes, en analysant la problématique et rédigeant de projets de réponse et effectuer le lien avec la Direction des affaires juridiques. Même attribution mais décrite par Mme Boutin dans son annexe III : Agir à titre de personne-ressource pour le suivi administratif des dossiers d’occupations dans droits et collaborer au traitement des plaintes, en analysant la problématique et rédigeant des projets de réponse et effectuer le lien avec la Direction des affaires juridiques. |
Attributions énoncées dans l’annexe II : Dans le cadre des activités reliées au contrôle de l’occupation du territoire public, agir à titre de personne-ressource pour le suivi administratif des dossiers d’occupation sans droits : [suivent neuf attributions dont :] Procéder à l’ouverture et la préparation du dossier et valider les informations contenues au dossier; Assurer la mise à jour de la banque de données GDF pour le suivi des dossiers; […] Préparer et faire suivre un dossier auprès de la Direction des affaires juridiques et/ou du ministère de la Justice en produisant et signant les documents nécessaires; |
[36] À propos de cet exemple, Mme D’Amours fait le commentaire suivant :
« Il est possible que dans des descriptions de tâches de technicien, il y ait des tâches d’agent de bureau. Il n’y a rien de coupé au couteau et rien à 100 %. L’important dans la description d’emploi de technicien en foresterie et en gestion du territoire, c’est que la majorité des tâches soient de niveau technique. Cela n’exclut pas qu’il puisse y avoir des tâches d’agent de bureau. Cela dépend de ce que vous en faites. Entre analyser un dossier et en faire un suivi, s’assurer que toutes les pièces sont là, c’est différent que lorsqu’on est dans une analyse, cela prend des notions de droit. Quand on est dans un suivi, qu’on procède à une ouverture de dossier, à la cueillette d’informations, on est à informer des gens; cela ne prend pas une formation technique, c’est agent de bureau. »
[37] En rapport avec la tâche relative à l’organisation de rencontres pour le tirage au sort d’emplacements de villégiature que le comité a apparié avec des tâches d’agent de secrétariat, la procureure de Mme Boutin demande si le comité a vérifié quel genre de réunion il s’agissait. Mme D’Amours répond qu’on sait qu’il y a un tirage, mais qu’elle ne sait pas « s’il y a 25 personnes dans la salle ou s’il y en a deux. Je ne peux pas répondre. »
[38] La Commission retient comme autre exemple mis en preuve par la procureure de Mme Boutin, celui qui se rapporte à la formation que celle-ci aurait donnée, soit la dernière attribution comparée au tableau du paragraphe 21 de cette décision. Exposant davantage la démarche suivie par le comité dans l’analyse de cette attribution, Mme D’Amours explique que l’agent de bureau pouvait se voir confier d’autres tâches connexes et elle réfère de plus à un passage de la directive de classification portant sur cet emploi (I-10) où il est écrit que « l’agent de bureau peut être appelé à initier au travail les nouveaux agents de bureau ». D’où elle conclut que « quand on parle de préparer une formation aux employés en place, cela peut s’apparenter à qu’on initie au travail qu’on fait. » Elle confirme cependant que le comité n’a pas vérifié quel type d’employés Mme Boutin avait été appelée à former.
[39] Témoignant à son tour, Mme Boutin explique d’abord pourquoi elle a joint les annexes I, II et III à son offre de service : elle avait ainsi distingué les trois périodes qu’elle jugeait différentes de son emploi au MRNF depuis 1992. Ainsi, en 1995, il y a eu des changements significatifs dans son emploi d’agente de bureau par l’ajout des tâches relatives au traitement administratif des occupations sans droits, qui se sont mises à représenter, selon elle, une bonne partie de son travail journalier, alors qu’elle s’est retrouvée à faire moins de travaux relatifs aux transactions foncières. Selon elle, ces tâches étaient assumées jusque-là par Mme Marie Rochette, une technicienne à qui d’autres tâches auraient alors été confiées.
[40] Elle raconte une démarche effectuée en 2005 :
« On s’est assis avec nos gestionnaires, puis on s’est dit on va faire une description de tâches et l’envoyer aux ressources humaines pour la faire analyser. L’analyse ne nous a pas donné gain de cause. Moi, ils me reconnaissaient 35 % de tâches techniques. […] D’autres ont obtenu d’autres pourcentages. »
[41] Mme Boutin dépose, plus loin dans son témoignage, un formulaire intitulé « Détermination du niveau d’un emploi », daté du 3 février 2005 et portant le nom de Mme Isabelle Bourque pour la partie analyse de l’emploi et celui de M. Michel Guimont, pour la partie décision qui établit qu’il s’agit d’un emploi « Fonctionnaire, emploi de bureau ».
[42] La partie analyse décrit effectivement l’emploi dans le sens exposé par Mme Boutin :
« Emploi dont les attributions principales et habituelles correspondant à celles prévues à la Directive de classification numéro 200-10 concernant les agents de bureau, classe nominale.
Le titulaire de ce poste doit effectuer 35 % de ses tâches, associées à un niveau d’emploi technique. Toutes les tâches relatives au traitement administratif des occupations sans droits, sont reconnues à ce niveau. »
[43] Insatisfaites de la situation, Mme Boutin ajoute qu’en 2008 des personnes dont elle-même ont décidé de faire un grief de classement pour lequel, aucune décision n’a encore été rendue comme on l’a vu précédemment.
[44] La preuve de Mme Boutin consiste ensuite à énoncer depuis quand, selon elle, elle exécute telle et telle attribution de l’annexe II qu’elle considère que le comité aurait dû apparier avec des attributions de l’annexe III exposant ses tâches actuelles de technicienne.
[45] La Commission ne s’attardera pas ici non plus à détailler ces prétentions pour un motif qu’elle expose plus loin. Retenons pour l’instant que l’ensemble de cette partie du témoignage de Mme Boutin est à l’effet que dans bien des cas, depuis qu’elle est technicienne, elle a continué à faire ce qu’elle faisait avant.
[46] Cependant, pour situer sommairement l’emploi de Mme Boutin dans l’environnement régional du MRNF où elle l’exerce, on peut retenir ce qui suit :
- Son emploi est localisé à la direction régionale qui comporte quatre secteurs où sont affectés au moins un technicien pour chacun;
- En ce qui a trait aux occupations sans droits, le travail consiste notamment, sur dénonciation, pour le personnel du secteur, à aller vérifier ce qui en est sur le terrain, prendre des photos des bâtiments, afficher les avis de quitter;
- Elle, elle fait le lien entre les techniciens des unités de gestion et les avocats de la direction des affaires juridiques quant aux avis de quitter les lieux. « Pour le suivi, est-ce qu’on poursuit ou pas, avec les techniciens c’est moi qui décide, faut quelqu’un pour trancher », dit-elle, et le dossier, le cas échéant, est transmis aux avocats pour l’envoi des mises en demeure.
[47] Concernant l’attribution relative aux tirages d’emplacements de villégiature, Mme Boutin soutient que de 2000 à 2010, c’est elle qui a planifié et organisé les événements. Elle précise qu’il y avait habituellement une centaine de personnes qui y participaient, mais à une occasion il s’en est présenté jusqu’à 700. En bref, au-delà de la remise des coupons et du tirage au sort, l’opération consistait à encaisser des montants d’argent et à faire signer les baux que les gens pouvaient obtenir sur le champ. Selon Mme Boutin, des opérations de tirage au sort se tenaient partout au Québec et il était, à son bureau, de commune renommée qu’ailleurs c’était des techniciens qui étaient affectés à cette tâche.
[48] Puis, en 2010, l’opération de tirage au sort a été déléguée aux MRC et c’est elle qui a formé les techniciens de ces instances régionales. Elle mentionne aussi avoir fait partie de comités provinciaux et avoir eu à donner de la formation à des agents de bureaux et à des techniciens.
[49] Mme Boutin prétend aussi que plusieurs tâches qu’elle assume dans le domaine de la rénovation cadastrale lui ont été attribuées au début des années 2000, au moment où le technicien qui en avait la charge, M. Gérald Lavoie, est parti en congé de maladie et qu’elle les assumerait toujours depuis. Appelée en contre-interrogatoire à préciser cette question, Mme Boutin explique en plus que ces tâches lui avaient été déléguées par le professionnel responsable, qu’elle identifie, et inscrites dans sa description de tâches.
[50] En ce qui concerne le système SITAT, elle explique qu’il s’agit en gros d’un registre des droits accordés sur des terres publiques dont elle s’est occupé, après quelques mois de formation, depuis 1992 jusqu’en 2005, au moment où son utilisation a été suspendue, pour reprendre en 2009, sommairement pour remplir autrement les mêmes fonctions, sous la dénomination de Registre du domaine de l’État.
[51] En contre-interrogatoire, la procureure du MRNF, reprenant les points de comparaison entre l’annexe II (agent de bureau) et l’annexe III (technicien) déjà abordés, fait préciser par Mme Boutin en quoi consistait le suivi qu’elle apportait aux dossiers dont elle avait la charge. Celle-ci est aussi appelée à expliquer la nature des « analyses » qu’elle dit avoir assumée dans le cadre de certaines attributions.
[52] La procureure du MRNF expose d’abord que l’appel de Mme Boutin est interjeté en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique (ci-après la « Loi ») selon lequel la Commission est appelée à vérifier si la procédure utilisée pour son admission a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité.
[53] Elle signale que l’article 43 de la même loi prévoit qu’il y a des conditions d’admission à un concours et des conditions minimales. Référant au paragraphe b) de l’article 9 de la Directive de classification concernant les techniciens en foresterie et en gestion du territoire[7], elle indique que parmi les conditions minimales il est prévu, aux fins de l’avancement de classe à l’intérieur de ce corps d’emplois, qu’il faut notamment :
« b) avoir au moins 10 années d’expérience reconnue par l’autorité compétente et additionnelle à celle exigée à l’une ou l’autre des conditions prescrites aux articles 6 et 7 dans l’exercice d’attributions de la classe de technicien en foresterie et en gestion du territoire, à ce titre ou à un titre équivalent. »
[54] La procureure poursuit son énoncé du droit applicable en rappelant qu’en vertu de l’article 47 de la Loi, ne peuvent être admises à un concours que les personnes qui satisfont aux conditions d’admission et qu’il aurait été illégal pour le MRNF d’admettre la candidature de Mme Boutin puisque, selon la preuve, elle n’a pas la totalité des dix ans d’expérience additionnelle requise, mais plutôt deux ans et neuf mois.
[55] Enfin, il importe de se rappeler que, selon l’article 21 du Règlement sur la tenue de concours (ci-après le « Règlement »)[8], « l’admissibilité est vérifiée par l’examen de [la] formule d’inscription et des documents exigés et produits à son appui. »
[56] Se rapportant à l’offre de service de Mme Boutin et au témoignage de Mme D’Amours, la procureure mentionne que Mme Boutin avait bien indiqué, à la Section 7 « Expérience de travail », qu’elle avait occupé un emploi d’agente de bureau de 1992 à 2010 et que Mme D’Amours a constaté en prenant connaissance des annexes I et II que les descriptions d’emploi afférentes correspondaient effectivement à des descriptions d’agent de bureau, ce qui venait confirmer ce qui était inscrit dans le formulaire. Il importe ici, de souligner la procureure, que le vocabulaire utilisé dans les annexes était dans le langage habituel avec lequel les conseillères en gestion de ressources humaines sont habituées de travailler.
[57] De même, quand elles ont procédé à comparer l’annexe III avec la directive des techniciens, il s’est avéré évident qu’il s’agissait d’une description d’un emploi de niveau technicien, ce qui correspondait également à la période déclarée à la Section 7 de l’offre de service.
[58] La deuxième analyse, celle effectuée après que Mme Boutin eut interjeté son appel, l’a été point par point et un appariement a été constaté. Même que dans ce cas, le comité a pu, après avoir consulté le dossier d’employée de Mme Boutin, réaliser son exercice d’évaluation en se référant à la description de son emploi datant de 2005 et constater que celle-ci était quasi-identique au contenu de l’annexe II.
[59] Pour le comité, il n’y avait alors pas de doute que la très grande majorité des tâches énumérées à l’annexe II étaient de niveau d’agent de bureau et que celles de niveau technique étaient très minimes, évaluées à 1/6 de 10 % de l’emploi.
[60] Tenant compte de l’information révélée par la preuve qu’il avait été reconnu, en 2005, que 35 % de l’emploi d’agent de bureau alors occupé par Mme Boutin était de niveau technique, la procureure soutient que, pour la période de 2005 jusqu’à 2010, soit jusqu’au moment où de toute façon Mme Boutin est devenue technicienne, cette expérience de niveau technique, selon un calcul sur la base d’une année de 260 jours ouvrables, totaliserait seulement un an et demi additionnels. Ce serait toujours insuffisant pour atteindre les dix années d’expérience de niveau technique qui lui sont nécessaires.
[61] Au sujet de la prétention de Mme Boutin voulant qu’en 1995, il lui aurait été confié des tâches de Mme Rochette qui était technicienne, la procureure souligne qu’il n’a pas été mis en preuve le pourcentage de l’emploi, le cas échéant, que ces tâches pouvaient représenter. Elle soumet le même argument en ce qui a trait aux tâches dont elle aurait hérité de M. Lavoie, parti en congé de maladie au début des années 2000.
[62] Dans une tâche de technicien, comme l’a mentionné Mme D’Amours, il peut y avoir quelques tâches d’un autre niveau. Mais pour déterminer le niveau d’un emploi particulier, c’est la majorité qui l’emporte. Une tâche n’est pas pure à 100 %, de conclure sur ce point la procureure.
[63] Reprenant ensuite le témoignage de Mme D’Amours sur l’expression « à titre équivalent », la procureure rappelle que pour être équivalents deux emplois doivent être du même niveau de mobilité. Par exemple, pour être admissible à un emploi d’agent de bureau, il faut un diplôme d’études secondaires, alors que pour être technicien en foresterie et en gestion du territoire, il faut un DEC. Le niveau de mobilité est de 6 pour ce dernier emploi, alors qu’il n’est que de 3, 4 ou 5 pour l’agent de bureau. D’où il faut comprendre que les deux emplois ne sont pas à titre équivalent.
[64] De cette opinion, la procureure conclut que pour pouvoir faire un parallèle entre des tâches, celles-ci doivent être de niveau équivalent.
[65] La procureure rapporte quelques décisions de la Commission en appui à l’ensemble de sa plaidoirie.
[66] Dans la décision Houle[9], la procureure attire d’abord l’attention de la Commission sur des passages du récit de la preuve, aux paragraphes 16 à 18, où un témoin avait exprimé la même opinion que Mme D’Amours, ainsi que sur un autre passage, cette fois des motifs où il était mentionné, au paragraphe 77, que :
« De l’avis de la Commission, le niveau des emplois ne peut être l’objet d’une réévaluation à l’occasion d’un appel porté en vertu de l’article 35 de la Loi. »
Ce passage constitue en fait une reprise de l’affirmation similaire de la Commission dans la décision Roy[10] :
« Or, il n’appartient pas à la Commission, dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique, de se prononcer sur la conformité du classement déterminé pour un emploi. »
[67] De la décision Lefebvre[11], la procureure retient le passage des motifs où la Commission énonçait ce qui suit, en parlant d’une comparaison entre un emploi de technicien, agent d’aide socio-économique, et un emploi de soutien, agent de bureau :
« [51] […] Ces emplois ne sont pas de même niveau de mobilité selon la directive applicable, ainsi on ne peut donc parler d’équivalence. Convenir autrement constituerait la reconnaissance d’une promotion sans qu’aucun processus n’ait jamais été enclenché pour ce faire, ce qui n’est pas conforme aux normes applicables. La Commission juge que cette expérience d’agent de bureau a été adéquatement qualifiée par le MICC comme non pertinente. »
[68] Dans l’affaire Rivard et al.[12], la procureure renvoie globalement la Commission aux paragraphes 98 et suivants des motifs de cette décision où on laisse entendre que le niveau de mobilité différent entre certains emplois qu’on avait comparés était un facteur déterminant du rejet de deux des trois appels traités dans le cadre de cette affaire.
[69] À partir de la décision Gingras et al.[13], la procureure fait ressortir que l’analyse de tâches ne doit pas se contenter de reposer sur une recherche de similitudes qui apparaîtraient ici et là dans une description d’emploi, alors qu’il importe plutôt d’avoir une vue d’ensemble des tâches que le candidat a énoncé dans son offre de service. Elle cite en ce sens le paragraphe suivant :
« [127] Tout d’abord, le domaine d’activité dans lequel ces expériences ont été acquises se distingue fondamentalement de celui des AASÉ. En effet, la Commission ne peut se convaincre, en l’espèce, que l’on puisse ainsi procéder par dissociation, pour ne faire ressortir que les similitudes des tâches sans égard au domaine dans lequel elles ont été exercées. Raisonner autrement conduirait à admettre toutes les candidatures comportant ces ressemblances. »
[70] Enfin, la procureure du MRNF fait valoir qu’un comité d’évaluation n’a l’obligation de communiquer avec un candidat que s’il se pose des questions par rapport aux renseignements que renferme l’offre de service. Or, selon elle, la preuve a démontré que ce n’était pas le cas ici : le comité n’avait pas à communiquer avec Mme Boutin, car les périodes où elle avait été agente de bureau étaient claires et les descriptions d’emploi en annexes correspondant à ces périodes l’étaient également.
[71] Pour les obligations réciproques des parties dans un tel contexte, la procureure réfère la Commission au passage suivant de la décision Lemieux[14] :
« [29] De même, il convient de rappeler qu’il appartient à un candidat à un concours de préciser et de mettre en évidence les fonctions qu’il a exercées et qui sont de nature à permettre au comité d’évaluation de les apprécier à leur juste valeur en fonction des conditions d’admission au concours. […] »
[72] Selon la procureure, le comité devait fonder sa décision sur l’information dont il disposait, et ce, conformément aux normes applicables. Le comité a fait deux analyses de l’offre de service de Mme Boutin et de ses annexes et l’exercice a été fait par des personnes habilitées pour ce faire. Il n’y avait pas lieu d’aller chercher des informations additionnelles parce que le comité n’avait pas de doute et il a rempli les exigences de l’article 21 du Règlement qui prévoit notamment que l’admissibilité est vérifiée par l’examen de la formule d’inscription et des documents produits à son appui.
[73] Elle rappelle que la Commission n’est pas un organisme de révision et qu’elle n’intervient que si la décision qui a été prise a été déraisonnable, ce qui n’est pas le cas, selon elle, dans cette affaire. En conséquence, elle demande à la Commission de rejeter l’appel de Mme Boutin.
[74] Selon la procureure de Mme Boutin, l’irrégularité reprochée au comité d’évaluation est de ne pas avoir fait une analyse adéquate de la candidature de Mme Boutin, particulièrement au plan de sa prise en considération de l’expérience qu’elle aurait acquise de 1995 à 2010.
[75] La preuve a démontré que le comité avait reçu son offre de service qui indiquait bien qu’elle avait été agente de bureau, et ce, durant deux périodes qu’elle distinguait, ainsi que technicienne en foresterie et en gestion du territoire public pour une troisième période.
[76] Or, dans la section « Commentaires » de son offre de service, Mme Boutin précisait nommément ceci :
« […] Vous remarquerez à la lecture de mon offre de service que mon expérience comme technicienne totalise quatre (4) années de service. Toutefois, mon expérience en tant qu’agente de bureau regroupe sensiblement les mêmes tâches effectuées tout au long de la période d’avril 1995 à juin 2009. […] »
[77] Mme Boutin avait joint en annexes trois descriptions d’emploi correspondant aux trois périodes de travail qu’elle avait distinguées et pourtant le travail du comité d’évaluation, comme l’a dit Mme D’Amours, a consisté dans l’appariement, point par point, de l’annexe II avec seulement la directive de classification des agents de bureau.
[78] Et de raisonner la procureure, jamais le comité n’a fait l’exercice avec la directive des techniciens en foresterie et en gestion du territoire public, alors que c’est précisément la prétention de Mme Boutin qu’elle avait, comme agente de bureau, assumé des tâches de technicienne.
[79] Il est curieux, selon la procureure, que le comité soit arrivé à la conclusion que l’annexe II correspond entièrement à une description d’agent de bureau, et ce, sans l’avoir comparé à l’annexe III, la description de l’emploi de Mme Boutin, mais cette fois comme technicienne.
[80] Le travail du comité s’est limité à faire une comparaison sur papier, constate-t-elle.
[81] La preuve a démontré qu’aucune des membres du comité n’était au fait du travail concrètement effectué par Mme Boutin; chacune était conseillère en gestion de ressources humaines et aucune n’avait de formation de technicienne. Dans les annexes II et III, il est question notamment de deux logiciels, SITAT et GDF, et Mme D’Amours n’était pas en mesure de dire de quoi il s’agissait. Et pourtant, malgré cela, on n’a fait qu’une analyse sur papier.
[82] Toujours selon la procureure, le comité a minimisé en grande partie les tâches de l’annexe II en effectuant son appariement avec la directive de classification des agents de bureau et elle en donne alors des exemples. La Commission ne croit pas utile de les citer et renvoie plutôt les parties à l’exposé de certains des passages comparés au paragraphe 21 de cette décision qui en illustre quelques-uns.
[83] De ces exemples, la procureure tire un certain nombre d’arguments. Elle insiste particulièrement sur l’utilisation fréquente du terme « analyse » dans l’annexe II, lequel n’apparaît pas ou très peu dans les passages de la directive des agents de bureau auxquels Mme D’Amours dit que le comité s’est référé en effectuant son appariement : « analyser », c’est plus que « collaborer », soutient la procureure. Et encore, l’organisation des tirages au sort dans le cadre de rencontres réunissant parfois jusqu’à 700 personnes, c’est plus que réaliser des opérations, de niveau du secrétariat, facilitant le déroulement d’activités courantes. Enfin, « préparer et donner de la formation », dans le contexte expliqué par Mme Boutin, représenterait là aussi davantage, selon la procureure, que des tâches connexes d’agent de bureau; dans ce cas-là, le comité ne s’est pas posé la question de savoir à qui la formation était destinée, alors que la preuve a démontré qu’elle visait des techniciens des MRC à qui le dossier de la villégiature avait été délégué.
[84] Si le comité, de soutenir la procureure, avait adéquatement évalué la teneur ou le niveau des tâches accomplies par Mme Boutin, il aurait dû faire sa comparaison avec la directive de classification des techniciens en foresterie et en gestion du territoire public pour constater qu’il y avait certaines tâches qui s’y retrouvaient.
[85] Et la procureure d’exposer sa thèse comme suit :
« Notre prétention n’est pas que toutes les tâches de l’annexe II se retrouvent dans la directive de classification des techniciens en foresterie et en gestion du territoire public. Mais que certaines d’entre elles s’y retrouvent et forment l’essence même du travail accompli par Mme Boutin depuis 1995. Les descriptions d’emploi ne sont pas hermétiques. […]
La compétence de la Commission n’est pas de refaire l’évaluation des tâches accomplies par Mme Boutin, mais de déterminer si le comité a fait une erreur en n’effectuant pas certaines vérifications. »
[86] La procureure poursuit son raisonnement ainsi : Mme Boutin a fourni en annexe II sa description d’emploi d’agente de bureau et, en annexe III, sa description d’emploi comme technicienne, en disant dans ses commentaires que ce qu’elle avait fait comme agente de bureau était sensiblement la même chose qu’elle avait continué de faire comme technicienne. Bien que la procureure soit d’accord pour dire qu’il fallait vérifier l’annexe II avec la directive de classification des agents de bureau, elle estime cependant que dans la mesure des précisions de Mme Boutin dans ses commentaires, il aurait fallu que le comité vérifie également si un appariement pouvait être fait avec l’autre directive de classification sur les techniciens en foresterie et en gestion du territoire public. La procureure donne certains exemples d’appariement qui auraient pu être relevés en ce sens, tout en admettant qu’elle n’est pas elle-même membre de comité.
[87] En commentant certains aspects de la plaidoirie de sa collègue qui estimait que la proportion des tâches de Mme Rochette et de M. Lavoie dont Mme Boutin dit avoir héritée n’avait pas été démontrée, la procureure de Mme Boutin soutient quant à elle que la seule preuve disponible est celle justement de Mme Boutin. Dans toute cette preuve, celle-ci est la seule à connaître concrètement ce qu’elle faisait.
[88] Enfin, relativement à la description d’emploi réalisée en 2005 et qui indique que cet emploi comportait 35 % de contenu de niveau technique, cela ne démontre peut-être pas ce qui est advenu par la suite, mais cela indique bien qu’à un certain moment certaines tâches étaient de niveau technique.
[89] Au plan de la jurisprudence, la procureure de Mme Boutin réfère la Commission aux deux extraits suivants de l’affaire Delorme et al.[15] qui indiquent qu’un comité d’évaluation doit retenir l’expérience d’un candidat acquise dans un autre niveau de classification que le sien, et ce, en proportion du temps consacré à cette expérience :
« Il n’est pas nécessaire qu’un candidat ait un classement du niveau d’un technicien pour que son expérience puisse le rendre admissible. Il faut vérifier l’expérience effectivement acquise par le candidat, indépendamment de son classement, et reconnaître celle qui a rapport aux attributions du corps d’emploi. Si l’expérience jugée pertinente a été acquise par l’exercice d’attributions principales et habituelles du candidat, elle doit être reconnue à 100%. Si l’expérience jugée pertinente a été acquise par l’exercice d’attributions autres que les attributions principales et habituelles du candidat, elle doit être reconnue en proportion.
[…]
En l’espèce, la preuve a révélé que le comité d’évaluation a écarté l’expérience de préposée aux renseignements à la C.S.S.T. de l’appelante parce que, entre autres, les conditions d’admission à ce corps d’emploi n’exigeaient pas de détenir de D.E.C. Le comité devait plutôt évaluer la pertinence de cette expérience, c’est-à-dire si elle avait rapport aux attributions du corps d’emploi, indépendamment du classement de l’appelante et en tenant compte des informations que celle-ci avait elle-même données dans son offre de service »
[90] De la même affaire, elle retient également le passage indiquant que le comité d’évaluation a parfois l’obligation de faire des vérifications des informations fournies par un candidat.
« […] Le comité d’évaluation, en ne communiquant pas avec l’appelante et en ne vérifiant pas non plus auprès des supérieurs intéressés de l’époque, a enlevé sa crédibilité à la décision de ne pas reconnaître ces expériences comme étant pertinentes. […][16] »
[91] Est également soumise à l’attention de la Commission, la décision Croteau dans laquelle il a été également reconnu que les expériences autres que principales et habituelles d’un candidat devaient être reconnues proportionnellement au temps qui leur avait été consacré[17]. Cette décision présente également de larges extraits du Guide sur la tenue de concours de recrutement et de promotion (ci-après le « Guide »)[18], élaboré par le Secrétariat du Conseil du trésor, auquel la Commission reviendra plus loin.
[92] La procureure de Mme Boutin prend appui encore sur l’affaire Côté[19] dans laquelle la Commission avait considéré raisonnable qu’un comité d’évaluation ne s’attarde pas seulement au niveau du classement d’un candidat. Elle souligne ce passage de la décision :
« Au regard de l’expérience de deux années comme maître des rôles aux petites créances entre 1983 et 1988, la Commission prend acte que l’intimé accepte de reconnaître cette expérience comme étant de niveau technique bien que Mme Côté détenait alors le classement d’agent de bureau, classement de niveau personnel de bureau. Cette admission est raisonnable puisqu’un comité d’évaluation ne doit pas uniquement s’attarder au classement que détient un candidat au concours au moment où les tâches principales et habituelles de l’emploi sont exercées mais il doit plutôt déterminer si celles-ci correspondent, par rapport à la classification, à celles principalement et habituellement exercées dans une autre classe d’emploi. Or, les attributions de la Directive de classification des techniciens en droit (283) (I-4) comportent spécifiquement la tâche de "préparer les rôles d’audience" tant en matière civile que pénale ou devant un tribunal administratif, tâche exercée de façon principale et habituelle par Mme Côté pendant cette période qui n’apparaît nullement dans l’énumération des tâches principales et habituelles d’un agent de bureau, classement que Mme Côté détenait à l’époque. »
[93] Enfin, la procureure fait valoir qu’il y aurait lieu, dans le cas de Mme Boutin, d’appliquer l’article 7 de la Politique concernant la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique[20] (ci-après la « Politique ») qui se lit ainsi :
« 7. La vérification de l’admissibilité consiste à s’assurer qu’une personne satisfait de façon minimale aux conditions d’admission à un concours énoncées à l’appel de candidatures. Si, après les vérifications appropriées, il subsiste un doute raisonnable quant à l’admissibilité d’une personne, cette dernière devrait être admise au concours. »
[94] La procureure de Mme Boutin résume globalement sa position en faisant valoir que le comité d’évaluation a commis une irrégularité non seulement en ne comparant pas adéquatement l’annexe II et l’annexe III de l’offre de service qu’il avait à analyser, mais encore en omettant de considérer l’expérience acquise par Mme Boutin de 1995 à 2010 comme il le devait, soit en faisant les vérifications appropriées. Pour ces motifs, la Commission devrait accueillir l’appel de Mme Boutin et ordonner de l’admettre au concours.
[95] Interrogée par la Commission pour savoir comment elle pouvait demander d’accueillir l’appel de sa cliente alors qu’il n’y avait toujours pas de preuve que celle-ci avait bien les dix ans d’expérience additionnelle requis, la procureure dit considérer que la preuve apportée par Mme Boutin est à l’effet qu’on l’a reconnue technicienne en 2010 et que dans l’ensemble son travail est demeuré sensiblement la même chose que la période d’avant.
[96] Par ailleurs, si la Commission considère de son côté que cette preuve n’est pas suffisante, la procureure plaide alors de façon subsidiaire que, dans ce cas, la Commission devrait à tout le moins retourner le dossier au comité pour qu’il soit évalué correctement.
[97] La procureure du MRNF réplique à la prétention que la procédure utilisée par le comité d’évaluation comporterait l’irrégularité d’avoir omis d’aller vérifier certaines informations. Elle réitère que Mme Boutin n’avait rien dans son offre de service ou dans ses commentaires qui pouvait amener le comité à ce faire. L’identification des périodes d’emploi, le titre des emplois occupés, tout était clair. Il y avait peut-être une certaine méconnaissance d’un logiciel ou un autre, mais l’analyse du comité était fondée sur ce qui avait été décrit quant à ce qu’on faisait avec les logiciels, les tâches effectuées, et c’était suffisant parce que l’analyse des tâches a été détaillée.
[98] La procureure réfère à une autre décision que sa collègue pour situer les obligations des parties dans le cadre d’une procédure de vérification de l’admissibilité d’un candidat. Dans l’affaire Chouinard[21], il a été établi, dit-elle, qu’il revient d’abord à un candidat de préciser dans son offre de service tous les renseignements pertinents dont le comité devrait tenir compte. Par la suite, c’est lorsque le comité a des interrogations par rapport à ce qui est énoncé dans l’offre de service qu’il a alors l’obligation de faire des vérifications. Mais on n’a pas à aller poser des questions si les réponses ne mèneraient à rien. Quant à la référence de sa collègue à la Politique, la procureure soutient qu’une politique n’a pas force de loi, ni celle d’un règlement.
[99] Par ailleurs, selon la procureure du MRNF, la notion de doute n’entre en jeu que s’il en subsiste un après avoir obtenu des informations additionnelles. Dans ce cas-ci, la notion ne peut trouver application puisque le comité n’avait même pas de tel doute après son analyse des descriptions d’emploi. De plus, la procureure remarque que l’information, que 35 % de la tâche d’agent de bureau était de niveau technique selon la description d’emploi de 2005, n’a été portée à la connaissance du comité qu’au moment de l’audience et non dans l’offre de service, comme l’exige l’article 21 du Règlement.
[100] Au sens de l’article 35 de la Loi, une irrégularité ou une illégalité a-t-elle entaché la procédure utilisée pour l'admission de la candidature de Mme Boutin au concours d'avancement à la classe principale du corps d'emplois de technicienne en foresterie et en gestion du territoire, que le MRNF a tenu et auquel elle s’est inscrite ?
[101] Plus précisément, la procédure concernée est celle relative à la vérification de l’admissibilité qui se situe dans l’ensemble du cadre normatif applicable de la façon suivante :
- En plus de l’article 35 de la Loi, on peut retenir, comme l’a exposé le MRNF, l’article 43 qui prévoit que le président du Conseil du trésor établit les conditions d’admission à un concours et que celles-ci doivent être conformes aux conditions minimales d’admission aux classes d’emploi établies par le Conseil du trésor. Dans ce cas-ci, la condition minimale en cause et énoncée dans l’avis de concours est qu’un candidat, pour être admis, doit avoir au moins dix années d’expérience reconnue « et additionnelle à celle exigée aux conditions minimales dans l’exercice d’attributions de la classe de technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire, à ce titre ou à un titre équivalent. »
- Le même article 43 prévoit aussi que les conditions d’admission doivent être conformes notamment aux règlements établis par le Conseil du trésor selon l’article 50.1 de la Loi.
- L’article 47 de la Loi énonce quant à lui qu’on doit admettre les personnes qui satisfont aux conditions d’admission. A contrario, les personnes que ne les remplissent pas ne le sont pas.
- Parmi les règlements adoptés en vertu de l’article 50.1 de la Loi, on trouve le Règlement dont la section VI, intitulée Vérification de l’admissibilité. Dans cette section, au second alinéa de l’article 21, on dit que l’admissibilité d’un candidat « est vérifiée par l’examen de sa formule d’inscription et des documents exigés et produits à son appui. »
- À retenir aussi du même règlement, la section II titrée Comités d’évaluation et personnes ressources et dont le second alinéa de l’article 2 prévoit qu’« une personne membre d’un comité d’évaluation ou une personne-ressource est choisie en fonction de sa connaissance de l’emploi faisant l’objet du concours ou de la réserve de candidatures, de son expérience dans la gestion ou la sélection du personnel ou de sa compétence professionnelle. »
- En plus du Règlement, doivent être considérées ici certaines directives adoptées par le Conseil du trésor en matière de classification des emplois, dont celle sur les techniciens en foresterie et en gestion du territoire[22], celle sur les agents de bureau[23] et celle sur les agents de secrétariat[24].
- Dans ce tour d’horizon du cadre normatif applicable dans ce dossier, il ne faut pas oublier la Politique[25] citée au paragraphe 93 de cette décision.
- Enfin, on pourrait également inclure, étant donné qu’il est couramment utilisé en matière de concours, le Guide, qui a été produit par le Secrétariat du Conseil du trésor en 1999 et dont les dernières modifications remontent à février 2005.
Voilà les principaux éléments du cadre normatif à considérer, bien que d’autres seront abordés plus loin pour répondre à certains arguments particuliers.
[102] À propos de l’argument du MRNF énonçant que la Politique n’a pas force de loi ou celle d’un règlement, la Commission tient à rappeler qu’une politique a cependant tout autant de valeur qu’une directive.
[103] Dans le Dictionnaire de droit québécois et canadien[26] le terme « politique » renvoie au mot « directive », défini comme une :
« 1. Règle de conduite interne émise par une autorité administrative, en vertu de pouvoirs généraux qui lui sont conférés par la loi, dans le but d’encadrer l’action de ses fonctionnaires ou d’organismes qui sont sous sa juridiction. Elle constitue l’une des formes de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative.
Rem. 1. En général, les directives prescrivent les orientations qu’ils doivent suivre dans l’exécution de leurs fonctions et activités ou les règles qu’ils doivent appliquer dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Contrairement aux règlements, les directives n’ont pas un caractère normatif et ne peuvent être considérées comme des normes juridiques. Cependant, elles peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire si l’exercice du pouvoir discrétionnaire est fait de mauvaise foi ou si cette discrétion s’est exercée de façon arbitraire, discriminatoire ou déraisonnable. 2. Peuvent être considérés comme synonymes de ce terme certains mots tels que "circulaire", "guide", "instructions", "manuel", "politiques" ou "règles d’interprétation".[27] »
[104] La Commission retient de cet enseignement qu’une politique fait partie d’un cadre normatif général, sans être une norme juridique propre, et ce, sur le même pied qu’une directive. D’ailleurs, la Politique a été adoptée de la même façon, par C.T., et par la même autorité administrative que celle qui a adopté les directives. En conséquence, la Politique mérite la même considération que celle qu’il convient d’apporter aux directives.
[105] La différence entre les deux types de règles de conduite se situe seulement dans leurs fins particulières. La politique est d’une portée habituellement plus générale. Dans ce cas-ci, l’article 1 de la Politique mentionne qu’« elle a pour objet de définir les orientations gouvernementales relatives à la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique du Québec. » Et il a été indiqué au paragraphe 93 en quoi consiste cette orientation en matière d’admissibilité à un concours. Quant aux directives de classification, elles sont généralement plus longues et ont pour objet de camper un type d’emploi dans un corps et, le cas échéant, des classes, de définir des attributions et de prévoir les conditions d’admission qui sont propres à ce type d’emploi.
[106] Parmi les faits prouvés et pertinents au litige, la Commission retient ceux-ci :
- Dans le délai prescrit dans l’avis de concours, Mme Boutin a fait parvenir son offre de service en utilisant le formulaire habituel suggéré dans la fonction publique et composé de sections auxquelles il est mentionné qu’on peut ajouter des annexes au besoin.
- Parmi ses diverses expériences de travail inscrites dans les espaces de la section 7 du formulaire, elle a distingué en trois parties l’expérience acquise à l’emploi du MRNF, indiquant pour chacune le titre de fonction qui lui était attribué, soit agent de bureau pour les périodes 1992-1995 et 1995-2010 et technicienne en gestion du territoire public pour 2010 et après, mais aussi en précisant à la rubrique « Principales tâches accomplies » d’aller voir dans les annexes correspondantes, I, II et III.
- Une lecture complète de la section 9 de son formulaire nous apprend que Mme Boutin a ajouté des commentaires particulièrement de deux ordres. Elle mentionne entre autres trois exemples de tâches ou de connaissances qu’elle prétend lui être spécifiques et « qui sont connues par peu d’employés ce qui en fait une spécialisation » : enregistrement des droits au Registre du domaine de l’État, rénovation cadastrale et connaissances au niveau de l’historique de la gestion du territoire public.
- Tout de suite après ces exemples, elle indique : « Vous remarquerez à la lecture de mon offre de service que mon expérience comme technicienne totalise quatre (4) années de service. Toutefois, mon expérience en tant qu’agente de bureau regroupe sensiblement les mêmes tâches effectuées tout au long de la période d’avril 1995 à juin 2010 », soit une période de 14 ans.
- De plus, elle ajoute : « J’agis également comme personne-ressource auprès des employés de mon secteur et du personnel des MRC concernant la gestion des transactions foncières. »
- Quant au comité d’évaluation, il était composé de trois membres accompagnées de la responsable du concours, toutes conseillères en gestion de ressources humaines, rompues à l’exercice de préparation et d’analyse de descriptions d’emploi, avec une connaissance du vocabulaire généralement utilisé dans ce travail et ayant des rapports constants avec des intervenants dans tout le ministère. Cependant, la connaissance que le comité pouvait avoir relativement à certains logiciels utilisés dans le cadre de l’emploi à pourvoir et en rapport avec certaines tâches n’est pas apparue parfois à la Commission très poussée.
- À sa première analyse de l’offre de service, le comité d’évaluation constate que les titres d’emploi indiqués par Mme Boutin dans la section 7 sont les mêmes titres d’emploi qui chapeautent ses trois annexes. Il en déduit que les attributions qui sont décrites dans chaque annexe correspondent à l’emploi qu’on indique au début de chacune de ces descriptions d’emploi; il calcule en conséquence le temps déclaré avoir été consacré à ces attributions et ne crédite que les deux ans et neuf mois au cours desquels elle a été technicienne.
- Lorsque Mme Boutin interjette appel de la décision du comité, son dossier est analysé de nouveau, cette fois-là point par point, en allant également consulter son dossier d’employé pour y trouver la description de son emploi réalisée en 2005 qui s’avère être une version très semblable à ce que Mme Boutin a décrit dans son annexe II.
- L’analyse détaillée de la description de 2005 et de la directive des agents de bureau mène à la conclusion qu’il s’agit bien d’un emploi d’agent de bureau, dont certaines tâches pourraient être, à 10 % ou une fraction de cela, de niveau technique, et ce, en rapport à l’élaboration de procédures en matière de transactions foncières.
- Cette seconde analyse de l’offre de service porte également sur l’annexe III mais comparée uniquement à la directive des techniciens en foresterie et en gestion du territoire. Et la conclusion générale est que la décision du comité était correcte et aucune démarche n’est accomplie pour tenter d’obtenir des informations additionnelles relativement à la nature des tâches exercées au MRNF par Mme Boutin.
- La preuve par ailleurs de celle-ci a permis de découvrir qu’en 2005 le MRNF avait procédé à la détermination du niveau de son emploi et conclu qu’il comportait 35 % de tâches de niveau technique, tâches en rapport avec la rénovation cadastrale, avec l’exploitation du logiciel SITAT et avec une partie des tâches relatives « au traitement administratif des occupations sans droits ».
- La preuve de Mme Boutin démontre aussi, par une copie d’une demande de paiement de gain additionnel, qu’elle avait bénéficié d’une rémunération supplémentaire de 5 %, pour surcroît de travail en rénovation cadastrale, avec indication d’un classement correspondant à une modification de classement au niveau de technicien en aménagement du territoire.
- Par ailleurs, Mme Boutin n’avait pas joint à son offre de service une copie ni du formulaire de détermination du niveau de son emploi en 2005, ni de la demande de paiement d’un gain additionnel.
- De plus, il s’avère que la question de ce en quoi consistent les emplois à la direction régionale où elle travaille a déjà fait l’objet de discussions entre Mme Boutin, des collègues et leurs gestionnaires, même qu’un grief de classement déposé en 2008 par Mme Boutin et des collègues n’a pas encore fait l’objet d’une décision.
[107] C’est à partir de cette preuve que la Commission doit décider s’il y a eu une irrégularité dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin. Celle-ci prétend que c’est le cas et que son appel devrait être accueilli soit en totalité, parce qu’une comparaison adéquate de la description de ses tâches comme agente de bureau pendant 14 ans mène à constater qu’elle a suffisamment d’expérience à titre ou à titre équivalent à celui de technicien, soit être accueilli en partie, parce que le comité d’évaluation aurait dû s’enquérir d’informations auprès d’elle ou d’autres personnes pour éclaircir au besoin les renseignements qu’elle avait fournis. Le MRNF prétend pour sa part que ces derniers étaient clairs, que l’analyse de l’offre de service, telle que soumise, a été effectuée correctement et que la décision du comité de ne pas admettre Mme Boutin a été la bonne dans les circonstances.
[108] Après avoir délibéré sur la question en litige, la Commission arrive à la conclusion que la preuve ne permet pas de conclure que Mme Boutin remplit la condition d’admission relative aux dix années d’expérience additionnelle. Cependant, la Commission est d’avis que la preuve a démontré que le comité d’évaluation n’a pas procédé au bon appariement des renseignements fournis dans l’offre de service et qu’il aurait dû requérir des renseignements supplémentaires avant de se prononcer quant à l’admissibilité de Mme Boutin, et ce, pour les raisons qui suivent.
[109] De l’avis de la Commission, la composition du comité d’évaluation a fait défaut. L’article 2 du Règlement mentionne que lorsque les responsabilités de la tenue d’un concours sont confiées à un comité d’évaluation, les personnes qui le composent sont choisies en fonction de leur connaissance de l’emploi à pourvoir, de leur expérience en gestion ou en sélection du personnel ou encore en fonction de leur compétence professionnelle. Selon la Commission, le choix offert vise à constituer une équipe en mesure, par la variété de ses origines, à évaluer au mieux la multiple diversité des candidatures à étudier.
[110] Certains passages du Guide doivent être compris dans ce sens.
« […] L’emploi étant l’élément de base de l’organisation du travail au sein d’une unité administrative, les informations qui s’y rattachent deviennent la source privilégiée à partir de laquelle le responsable de concours et les membres du comité d’évaluation peuvent assumer efficacement leurs responsabilités en matière de tenue de concours.
Puisque l’analyse de l’emploi est un processus de collecte d’informations par rapport à l’emploi, il est important de connaître les sources de données sur l’emploi à pourvoir. Ces principales sources sont notamment : la description d’emploi, les directives de classification, les concours antérieurs, les personnes-ressources, etc. La consultation et l’étude de ces sources d’information constituent pour le responsable de concours un premier contact avec l’emploi dont il est responsable de produire l’analyse. Cependant, le recours au comité d’évaluation, et particulièrement au supérieur immédiat, est le moyen habituellement privilégié pour obtenir des précisions sur les tâches et les activités propres à un emploi. »
[111] Ce qui est vrai pour l’étape de la préparation du concours en termes de sources d’information est tout aussi approprié pour l’étape de l’analyse des candidatures.
[112] Il est évident qu’un comité ne peut comporter des personnes qui seraient au courant de tous les emplois occupés par les candidats qui peuvent provenir d’une panoplie de milieux de travail. Mais, il en est autrement en ce qui a trait à l’emploi à pourvoir.
[113] Suivant l’article 2 du Règlement, un comité, le cas échéant, peut se composer, comme dans ce cas-ci, d’un seul type de membres, mais c’est au risque de se priver de points de vue et d’expertises différentes, ce qui a manqué à certains égards. Lorsque Mme Boutin a fait état dans ses commentaires de la section 9 de son offre de service de tâches spécifiques dont elle partageait la connaissance avec peu de personnes, en enregistrement des droits ou en rénovation cadastrale, des tâches dont traite la description de l’emploi à pourvoir (I-15), une personne bien au fait de cet emploi dans le concret aurait été nécessaire.
[114] La façon de procéder à l’analyse du dossier de Mme Boutin a été marquée par la composition du comité d’évaluation regroupant uniquement des conseillères en gestion de ressources humaines. Le comité s’est limité à une comparaison sur papier des informations fournies. Il est clair que l’appariement effectué entre les attributions des descriptions d’emploi et celles des directives de classification est une partie indispensable de l’exercice d’évaluation d’une candidature.
[115] L’évaluation d’une candidature n’est pas cependant seulement une analyse de texte. C’est aussi une analyse des faits que sous-tend le texte, le cas échéant. Lorsque des attributions peuvent être partagées entre des emplois de niveaux différents, c’est dans le concret que l’on peut mieux déceler celui auquel l’attribution doit se rattacher. Et la connaissance de ce qui se passe concrètement lorsque ces attributions sont assumées est l’apanage davantage des personnes qui ont une bonne idée du milieu où elles le sont.
[116] Selon la Commission, l’offre de service de Mme Boutin est claire quant au fait qu’elle prétend que, d’avril 1995 à juin 2010, elle a assumé des tâches de niveau de technicien pour une quantité suffisante de temps nécessaire pour combler le manque dans les années d’expérience requises. Ce n’est qu’une prétention, mais c’est la sienne et il faut la considérer.
[117] Quand elle écrit dans ses commentaires que « toutefois, mon expérience en tant qu’agente de bureau regroupe sensiblement les mêmes tâches effectuées tout au long de la période d’avril 1995 à juin 2010 », on peut difficilement comprendre autre chose. Le mot « toutefois » ne peut être compris autrement que dans son sens premier, c’est-à-dire, selon le dictionnaire, « en considérant toutes les raisons, toutes les circonstances (qui pourraient s’y opposer), et malgré elles[28]. »
[118] Si Mme Boutin a joint sa version de ses descriptions d’emploi correspondant aux trois périodes différentes depuis qu’elle travaille au MRNF, c’était nécessairement pour les comparer entre elles, démontrer les ressemblances, à son point de vue, des tâches et des attributions décrites dans les annexes II et III. Elle n’avait pas à fournir elle-même l’analyse comparative des annexes, bien qu’elle eût dû fournir la description de son emploi réalisée par les ressources humaines du MRNF en 2005, ce qu’elle a fait seulement à l’audience.
[119] Plutôt que d’effectuer l’analyse comparative des annexes II et III avec la directive des techniciens en foresterie et en gestion du territoire, et ce, pour vérifier si à tout le moins au texte, les prétentions de Mme Boutin pouvaient reposer sur quelque chose de sérieux, le comité d’évaluation a plutôt chercher à s’assurer, lors de sa seconde évaluation, après l’appel de Mme Boutin, que sa première impression, lors de l’analyse plus sommaire au moment de la réception de sa candidature, avait été la bonne. Comment pouvait-il vérifier si l’essentiel des attributions énoncées dans la description d’agent de bureau de l’annexe II pouvait avoir quelque chose en commun avec la classification des techniciens en se contentant de la comparer seulement avec la directive des agents de bureau ? Et la même chose pour l’analyse de la description de tâches de Mme Boutin comme technicienne : comment le comité pouvait-il vérifier si les attributions énoncées dans sa description d’emploi de technicienne pouvait avoir quelque chose en commun avec la classification des agents de bureau, en se contentant de la comparer seulement avec la directive sur les techniciens ?
[120] L’irrégularité première dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin a été l’omission de comparer son annexe II avec ce qu’il était requis de l’apparier, soit l’annexe III et la directive de classification des techniciens, et ce, pour vérifier ses dires. Cette irrégularité est indépendante de l’omission de Mme Boutin de fournir la description de son emploi datée de 2005.
[121] Avant de l’appliquer au cas de Mme Boutin, voyons en quoi consiste l’obligation pour un comité d’évaluation de faire dans certains cas des vérifications additionnelles relativement à des renseignements fournis par un candidat dans son offre de service.
[122] Dans l’affaire Chouinard, qui date de 1986, il s’agissait d’un candidat qui avait soumis sa candidature à un concours de promotion pour passer de la classe nominale à la classe principale d’agent de bureau. Il avait joint à son offre de service une note mentionnant qu’il était en déménagement et qu’il ferait parvenir son curriculum vitae « dès que "faire se peut" ». Des deux expériences mentionnées dans son offre de service, l’une a été reconnue à 100 % et l’autre à 50 %, sans plus. À l’audience de son appel, M. Chouinard, qui ne contestait pas l’évaluation qui avait été faite, reprochait plutôt au comité de ne pas avoir communiqué avec lui pour obtenir son curriculum vitae.
[123] C’est dans ce contexte que la Commission a pu écrire ce qui suit en rapport avec l’article 21 du Règlement :
« Cet article crée des obligations à ceux qui procèdent à la vérification de l’admissibilité : ils doivent faire une étude objective, impartiale et professionnelle du formulaire d’inscription et des documents produits à son appui.
De plus, s’il y a doute dans l’esprit des évaluateurs sur l’interprétation à donner sur des renseignements soumis par le postulant, ils doivent faire jouer le doute en sa faveur et admettre celui-ci ou communiquer avec lui pour obtenir des éclaircissements. La Commission a d’ailleurs souligné, à plusieurs reprises dans des décisions antérieures, cette obligation des évaluateurs.
D’autre part, cet article crée aussi l’obligation au postulant de fournir toutes les informations et données pertinentes sur sa formule d’inscription afin de permettre aux évaluateurs de s’acquitter de leurs responsabilités[29]. »
[124] Dans cette affaire, la Commission avait conclu qu’il n’y avait pas eu d’irrégularité et que le comité avait correctement effectué l’analyse du formulaire d’inscription tel que soumis et que M. Chouinard était le seul responsable d’avoir omis de fournir son curriculum vitae.
[125] Et parmi les décisions antérieures à celle-là de 1986, la Commission peut citer l’affaire Thériault et al. [30] dans laquelle elle expliquait l’importance du soin à apporter à l’analyse des formulaires d’inscription.
« Le premier alinéa de l’article 68 de la Loi sur la fonction publique se lit comme suit :
"Une personne, qui, d’après la loi ou un règlement d’application d’une loi, peut être admise à un concours ou à un examen doit y être admise." [Soit l’équivalent du premier alinéa de l’actuel article 47 de la Loi.]
Étant donné que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, on pourrait se demander pourquoi celui-ci aurait énoncé un tel truisme. En effet, la raison d’être même des conditions d’admissibilité découlant de la loi et des règlements consiste en l’établissement de balises réglementaires à l’intérieur desquelles l’Office ou ses délégataires devront discriminer en acceptant sans discrétion ceux qui rencontrent les conditions d’admissibilité et en écartant nécessairement les autres. Ceci découle de l’économie même de la Loi et n’avait pas à être dit. Le principe énoncé au premier alinéa de l’article 68 ne pouvait par conséquent se justifier que pour souligner l’importance que le législateur attachait au droit des candidats admissibles d’être effectivement admis aux concours et, partant, l’importance de la qualité de l’évaluation de cette admissibilité.
Ce souci du législateur ne semble malheureusement pas avoir été repris dans le règlement d’application déjà mentionné. En effet, l’article 26 dudit règlement détonne quelque peu en ce sens que son libellé pourrait facilement donner l’impression à un comité de sélection qu’il lui suffit, pour remplir ses obligations au niveau de la vérification de l’admissibilité, de procéder à un examen de formules d’inscription et d’autres documents. Ce sont les termes mêmes utilisés par l’article 26, qui se lit comme suit :
"L’admissibilité d’une personne à un concours est vérifiée par l’examen de sa formule d’inscription et des documents exigés et produits à son appui." [L’équivalent du second alinéa de l’article 21 du règlement, cité au paragraphe 101 de cette décision.]
[Souligné dans le texte]
Compte tenu de ce qui précède, la Commission croit que les obligations d’un comité de sélection à cet égard peuvent dans plusieurs cas excéder de beaucoup un simple examen de formules puisqu’il ne faut jamais perdre de vue que de la qualité de cette vérification dépend l’exercice de tous les autres droits des candidats et qu’elle peut avoir un impact sérieux sur l’évolution de la carrière de chacun.
[…]
[…] D’autre part, les candidats à un concours ont certaines obligations eux aussi et ils doivent notamment relater avec une précision raisonnable le récit de leurs expériences professionnelles après avoir fourni l’énumération de leurs qualifications académiques. Le comité, pour sa part, doit prendre tous les moyens nécessaires pour parfaire une évaluation professionnelle tant des qualifications académiques que des expériences professionnelles, même si ceci nécessite la consultation d’experts ou le contact avec certains candidats pour se faire fournir des renseignements supplémentaires permettant une évaluation plus complète. »
[126] Le doute dans l’esprit des évaluateurs, au sens de la décision Chouinard, il doit s’apprécier comme celui qu’une personne raisonnable devrait avoir en étant bien informée du contexte dans lequel une inscription à un concours doit être évaluée, tel que décrit notamment dans la décision Thériault et al. Ce que la décision Chouinard énonce, c’est que s’il y a doute, de deux choses l’une, ou le comité fait jouer le doute en faveur du candidat et l’admet, ou bien il requiert des informations.
[127] Il est intéressant de se rappeler que cette notion du doute et l’obligation d’y recourir qui apparaît très tôt dans la jurisprudence de la Commission, dès le début des années 1980, a été reprise par la suite dans la Politique adoptée en 1998, citée au paragraphe 93 de cette décision.
[128] Le Guide[31] y fait également référence :
« À la suite des vérifications appropriées, s’il subsiste un doute raisonnable quant à la pertinence de l’expérience d’une personne, cette dernière est admise au concours, conditionnellement à la production de documents ou à la vérification des informations contenues sur son offre de service. Si un doute raisonnable persiste après cette deuxième étape de vérification, il est recommandé d’admettre cette personne. »
[129] De l’avis de la Commission, il importe de constater que la phase de l’admissibilité dans un concours n’est pas une étape éliminatoire comme l’est un moyen d’évaluation, examen oral ou écrit. Il ne faut certes pas négliger cette phase au risque de devoir procéder inutilement à l’évaluation de personnes qui ne répondent pas au besoin. Par contre, la notion du doute a été retenue à ce stade préalable pour s’assurer de se donner une chance de ne pas rater de bons candidats, comme l’exprime la conclusion de la section du Guide concernant l’admissibilité.
« La décision sur l’admissibilité survient au début du processus. Cette décision peut avoir comme conséquence le rejet d’une candidature intéressante ou l’acceptation d’une candidature ne répondant pas aux exigences minimales bien que, dans ce dernier cas, les moyens d’évaluation peuvent peut-être corriger la situation. Tous les intervenants doivent donc effectuer cette tâche avec rigueur[32]. »
[130] Tel qu’énoncé dans la décision Delorme et al., soumise par Mme Boutin, l’absence de recherche d’informations additionnelles, dans toutes les circonstances de cette affaire-ci, fait en sorte que la décision du comité d’évaluation manque de crédibilité.
[131] De l’avis de la Commission, il y avait assez d’indices dans les commentaires de Mme Boutin, ainsi que dans le fait qu’elle avait joint ses descriptions d’emploi détaillées aux fins de comparaison entre elles, pour conclure qu’une personne raisonnable aurait un doute et estimerait nécessaire de vérifier si ses prétentions étaient plus ou moins fondées.
[132] Comme exemples d’indices, la Commission retient entre autres les attributions suivantes énoncées dans l’annexe II et pour lesquelles un appariement avec des attributions de l’annexe III aurait pu être instructif :
- Agir à titre de personne-ressource au niveau de la région pour la création de requêtes pour produire des listes de données sur l’occupation des terres publiques à l’aide du logiciel Impromptu;
- Informer les occupants sans droits de leurs obligations et des possibilités qui s’offrent à eux et/ou prendre entente avec eux pour la signature d’une convention de libérer les lieux;
- Être l’interlocuteur auprès de l’Arpenteur général au niveau de la rénovation cadastrale pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean;
- Coordonner et planifier la planification et l’organisation des tirages au sort d’emplacements de villégiature;
- Préparer et donner de la formation aux employés de la région et des MRC.
[133] La Commission est d’accord avec le MRNF qu’elle n’est pas un organisme de révision. Elle n’a pas à se substituer à un comité d’évaluation pour déterminer l’expérience d’un candidat par rapport à des attributions, à moins que cet exercice démontre un résultat déraisonnable de l’évaluation pour telle ou telle tâche. Le rôle principal de la Commission, en vertu de l’article 35, est celui d’un gardien de l’intégrité du processus suivi dans le cadre la procédure d’évaluation et, le cas échéant, de faire en sorte que le processus soit repris.
[134] Dans ce cas-ci, pour les raisons qui viennent d’être exposées, le fait de ne pas avoir tenté d’obtenir de renseignements additionnels constitue, de l’avis de la Commission, une seconde irrégularité du comité d’évaluation.
[135] Qui plus est, la Commission ne peut s’empêcher de constater que le comité a consulté le dossier d’employé de Mme Boutin et y a trouvé la description qui avait été faite à l’époque par Mme Bourque, le 3 février 2005. Pourtant la présence du document relatif à la détermination du niveau du même emploi, datée du même jour et réalisée par la même personne, n’y a apparemment pas été relevée alors qu’elle aurait dû normalement y être.
[136] La Commission se doit aussi de noter que ce document de 2005 établit que « le titulaire de ce poste doit effectuer 35 % de ses tâches, associées à un niveau d’emploi technique », en précisant la nature de ces tâches. À partir de ce fait, ajouté à celui que le comité d’évaluation de 2012 a évalué la même description de tâches en y trouvant plutôt un contenu d’une fraction de 10% de niveau technique, et ce, pour une autre tâche que celles identifiées de niveau technique en 2005, on peut se demander pourquoi il se trouve une si grande différence dans l’appréciation du contenu du niveau technicien pour une même description d’emploi. Ou on peut se demander encore quelle est la période totale d’emploi d’agent de bureau qui aurait pu comporter jusqu’à près de 40 % de contenu de technicien, si les proportions des deux évaluations devaient être avérées pour la période de 1995 jusqu’à 2010, comme le prétend Mme Boutin.
[137] Les interrogations que tout cela soulève militent aussi pour une reprise de l’évaluation de l’expérience de Mme Boutin. Dans les circonstances de cette affaire, il convient que ce soit par un comité, en majorité différent, qui veillera à analyser son offre de service en appariant ses annexes II et III à la classification des techniciens en foresterie et en gestion du territoire et qui s’enquerra des renseignements appropriés aux prétentions de Mme Boutin, notamment auprès d’elle et de ses supérieurs ou d’autres personnes en mesure de confirmer ou d’infirmer les informations qu’elle a fournies. En résumé, l’offre de service de Mme Boutin et les commentaires qu’elle y a inclus ne sont pas suffisants pour convaincre qu’elle avait toute l’expérience qu’elle prétend, mais ils sont assez clairs pour justifier d’être vérifiés.
[138] Bien que la plus grande partie de la preuve du MRNF ait consisté à exposer la façon dont le comité d’évaluation avait procédé dans l’appariement de l’annexe II avec la description d’emploi de Mme Boutin de 2005 et avec la directive de classification des agents de bureau, en argumentation le ministère a aussi, de façon surprenante dans les circonstances, plaidé que la Commission devait de toute façon constater que les emplois d’agent de bureau et de technicien n’étaient pas équivalents. En conséquence de quoi, il faudrait conclure que la candidature de Mme Boutin ne répondait pas à l’exigence, prévue dans l’avis de concours, à savoir qu’il fallait que l’expérience additionnelle exigée ait été acquise « dans l’exercice d’attributions de la classe de technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire public, à ce titre ou à un titre équivalent. »
[139] L’argument est fondé sur l’opinion émise par Mme D’Amours dans son témoignage, selon laquelle l’expression « à titre équivalent » s’entend pour deux emplois qui ont le même niveau de mobilité et les mêmes conditions d’admission. Par exemple, d’une part, selon la Directive sur les taux de traitement[33], l’emploi de technicien a un niveau de mobilité 6, alors que celui d’agent de bureau en a un qui peut être fixé à 3, 4 ou 5; pour passer d’un niveau de mobilité à un autre, c’est généralement une promotion. D’autre part, au plan de la scolarité, il faut des études collégiales pour un technicien, alors que des études secondaires sont suffisantes pour l’agent de bureau. Bref, les deux emplois ne seraient pas à titre équivalent, et ce, pour l’évaluation des expériences de Mme Boutin en matière d’admissibilité.
[140] Il convient maintenant de répondre à cet argument. Commençons par voir d’où vient la notion de niveau de mobilité et ce à quoi elle sert.
[141] C’est l’article 3 de la Directive concernant la classification des emplois de la fonction publique et sa gestion[34] (ci-après la « Directive concernant la classification des emplois »), qui annonce que la classification « se compose de familles d’emplois dans lesquelles se retrouvent des classes d’emplois regroupées en niveaux de mobilité. »
[142] À l’article 4, on explique que les niveaux de mobilité sont des niveaux hiérarchisés qui regroupent plusieurs classes d’emplois. De plus, il est écrit que « les niveaux de mobilité servent de référence pour déterminer le nouveau classement d’un fonctionnaire en relation avec son classement actuel et le mode de dotation choisi pour combler un emploi. Ils apparaissent à l’annexe II de la Directive sur les taux de traitement[35]. »
[143] À l’article 6 de la Directive concernant la classification des emplois, on décrit aussi en quoi consistent les attributions caractéristiques d’un emploi. Ce sont :
« […] les attributions communes aux emplois de complexité similaire dans une classe d’emplois d’une famille d’emplois déterminée. Elles font ressortir la nature des travaux, la manière et les moyens utilisés pour leur exécution ainsi que la finalité des attributions. Elles servent de référence pour déterminer le niveau des emplois et le classement des fonctionnaires. »
[144] Par ailleurs, à l’article 2 de la Directive sur les taux de traitement, on définit le niveau de mobilité comme un regroupement de classes d’emplois, prévues à la Directive concernant la classification des emplois, dont on vient de citer des extraits, « et qui comportent des conditions minimales d’admission de même niveau ou de niveau équivalent. »
[145] S’ensuit, à l’annexe II de la Directive sur les taux de traitement, sur neuf pages, l’énumération de toutes les classes d’emploi existantes dans la fonction publique, dont bien sûr celles de technicien en foresterie et en gestion du territoire et d’agent de bureau selon les niveaux mentionnés précédemment. Et c’est le titre de l’annexe qui indique à quoi servent les niveaux de mobilité des classes d’emploi, soit à « déterminer les mouvements de personnel ». Nulle part dans cette directive il est indiqué que les niveaux de mobilité servent dans l’établissement de l’expérience pertinente à titre d’un emploi ou à titre équivalent.
[146] Il faut retourner dans la Directive concernant la classification des emplois pour en apprendre davantage à cet égard. Ainsi, à la section II portant sur les « Règles de gestion », dans la sous-section des « Conditions minimales d’admission aux classes d’emplois », l’article 9 prévoit que pour être admis à une classe d’emploi, il faut entre autres « posséder l’expérience pertinente correspondant à la classe d’emplois visée ».
[147] Le même article précise quel type d’expérience peut être reconnue pertinente :
« Pour être reconnues pertinentes, la scolarité et l’expérience exigées aux conditions minimales d’admission doivent avoir permis l’acquisition de connaissances ou d’habiletés préalables à l’exécution des attributions caractéristiques des emplois de la classe visée. »
[148] Enfin, l’article 8 de la Directive concernant la classification des emplois nous apprend en quoi consistent les attributions principales et habituelles d’un emploi :
« On entend par attributions principales et habituelles les attributions de même niveau de complexité d’un emploi exercées régulièrement et accaparant plus de 50 % du temps consacré à l’exercice de l’emploi. »
[149] Fort de ces enseignements, on peut maintenant saisir le sens et la portée du passage suivant de la sous-section « Appréciation de l’expérience » du Guide :
« Lorsqu’il s’agit des tâches principales et habituelles effectuées à plein temps, le fractionnement de l’expérience (0 %, 25 %, 50 %, etc.) doit être éliminé car une expérience est reconnue pertinente ou ne l’est pas (100 % ou 0 %). Cependant, si ces tâches ne sont pas exercées à plein temps ou sont des tâches autres que principales et habituelles, l’expérience est reconnue pertinente proportionnellement au temps consacré. »
[150] Dans l’exercice d’établir la pertinence d’une expérience, le focus doit toujours être placé sur les attributions caractéristiques, sur les faits, car ce dont on veut s’assurer c’est que la personne va être en mesure d’assumer les attributions similaires de l’emploi qu’elle souhaite occuper. La notion d’« à titre équivalent » se vérifie avec l’appariement des attributions, pas simplement avec le titre de la classe d’emploi dans laquelle l’expérience a été accumulée.
[151] C’est ce qui ressort des passages de la décision Delorme et al. citée au paragraphe 89 de cette décision, dont celui-ci :
« Il n’est pas nécessaire qu’un candidat ait un classement du niveau d’un technicien pour que son expérience puisse le rendre admissible. Il faut vérifier l’expérience effectivement acquise par le candidat indépendamment de son classement, et reconnaître celle qui a rapport aux attributions du corps d’emploi. »
[152] On peut ajouter l’argument suivant que donnait aussi la Commission dans cette affaire :
« Il y a des tâches du niveau technique qui peuvent être assumées par des candidats qui n’ont pas un classement de technicien. Le fait qu’un fonctionnaire puisse avoir une promotion sans concours d’agent de bureau à technicien, par exemple, en est l’ultime preuve[36]. »
[153] Dans la décision Côté, citée au paragraphe 92, on constate que la Commission est allée dans le même sens que l’affaire Delorme et al. Et dans la décision Côté, la condition d’admission en litige prévoyait, comme ici, sauf pour la dénomination de la classe d’emploi, qu’il fallait « posséder dix années d’expérience dans l’exercice d’attributions de la classe d’emploi de technicienne et de technicien en droit, classe nominale, à ce titre ou à un titre équivalent[37]. »
[154] Dans cette décision Côté, on a reconnu qu’il était raisonnable qu’une expérience de technicienne en droit, acquise comme agent de bureau, soit considérée pour l’admissibilité à un emploi de technicien. Dans ce cas, les attributions de technicien exercées comme agent de bureau, l’avaient été de façon principale et habituelle et en conséquence toute la période où elles avaient été exercées avait été reconnue. Dans un cas où les attributions de technicien seraient exercées comme agent de bureau, mais de façon autre que principale et habituelle, en conséquence leur durée devrait être fractionnée en proportion.
[155] En résumé, sur la question de la notion d’« à titre équivalent », il faut prendre garde d’avoir recours au seul niveau de mobilité d’un emploi dans l’analyse de l’expérience pertinente. C’est assurément un indice important, mais il sert en premier lieu à déterminer le taux de traitement à attribuer à l’emploi, ainsi qu’à l’identification d’un mouvement de personnel dans lequel son détenteur peut être impliqué. Mais le seul niveau de mobilité ne dévoile pas nécessairement tout relativement à l’expérience pertinente qu’on a à évaluer à l’occasion de l’admissibilité d’un candidat à un concours.
[156] Dans sa plaidoirie, le MRNF fait aussi grand état de l’affirmation dans notamment les décisions Houle et Lefebvre que le niveau d’un emploi ne peut être l’objet d’une réévaluation à l’occasion d’un appel en vertu de l’article 35. Ce qui est exact, mais ce n’est pas non plus ce que demande Mme Boutin.
[157] Dans le cas de Mme Boutin dont l’emploi de technicienne en foresterie et en gestion du territoire est syndiqué, la contestation de la détermination du niveau d’un emploi est une question qui relève d’un arbitre de grief.
[158] Dans sa convention collective, l’article 5-20.18 prévoit notamment qu’un employé « est appelé à exercer, de façon principale et habituelle, les attributions caractéristiques de la classe d’emplois à laquelle il appartient[38]. »Et à l’article 3-13.10 sur l’arbitrage, il est prévu que « tout grief relatif à l’interprétation et à l’application de l’article 5-20.18 concernant les attributions conformes à la classe d’emplois » est parmi ceux auxquels il faut accorder dix jours par mois de médiation ou d’arbitrage. D’ailleurs, la preuve a démontré que des personnes, dont Mme Boutin, insatisfaites du niveau auquel leur emploi était classifié, ont déposé un grief en 2008, lequel serait toujours pendant.
[159] Il est ainsi évident qu’un appel en vertu de l’article 35 n’est pas le recours approprié pour déterminer le niveau de son emploi, et ce, directement mais pas davantage indirectement lorsqu’on analyse les fins de l’une ou l’autre des deux procédures, grief de classement et appel sur la détermination d’expérience en vue d’être admis à un concours.
[160] Le grief de classement vise à déterminer si l’emploi occupé comporte plus de 50 % d’attributions appartenant à une classe d’emploi supérieure déterminée.
[161] L’appel en vertu de l’article 35 en matière d’admissibilité vise, dans le cas qui nous occupe, à vérifier si Mme Boutin a toute l’expérience requise pour être admise au concours.
[162] Ce qu’elle prétend c’est que dans son emploi d’agent de bureau, de 1995 à 2010, elle a accumulé de l’expérience de technicien en quantité suffisante pour correspondre à ce qui lui manque pour combler la différence entre son expérience acquise à titre de technicienne entre 2010 et 2012 et celle qui est exigée par le concours. Or, il est reconnu qu’une tâche n’est pas imperméable à 100 % et peut contenir des tâches de plus d’une classe d’emploi.
[163] La Commission, pas davantage que le comité d’évaluation du concours, n’a à se prononcer sur le niveau de l’emploi. En faisant l’exercice d’évaluer une offre de service, le comité ne refait pas la détermination de son niveau, ni pour le présent, ni pour le passé. Ce n’est pas son rôle et de toute façon il serait totalement déraisonnable que la vérification de l’admissibilité à un concours implique cela.
[164] Il est vrai que si un candidat a vu depuis peu le niveau de son emploi être déterminé, il s’établit une présomption très forte que ses attributions correspondent à celles de ce niveau.
[165] Mais si la détermination du niveau de l’emploi remonte plus ou moins loin dans le temps, il se peut aussi que depuis lors l’employé se soit vu demander de réaliser des tâches additionnelles, de même niveau ou encore d’un niveau supérieur. Comme il se peut également que le contenu de l’emploi d’agente de bureau de Mme Boutin ait été, avant le 3 février 2005, déjà de niveau technique à 35 % depuis un certain temps.
[166] Une description de tâches comporte généralement l’indication de la proportion que représente chaque tâche dans l’emploi analysé. Mais, elle n’indique pas habituellement le pourcentage que chaque tâche comporte d’attributions de tel ou tel autre niveau de complexité.
[167] Dans le cas de Mme Boutin, les pourcentages indiqués dans la description de tâches de 2005 ne donnaient aucun aperçu si ces tâches étaient plus ou moins de tel ou tel niveau. C’est dans le formulaire de détermination du niveau de son emploi qu’il était indiqué que son emploi était à seulement 35 % de niveau technicien, en précisant les attributions concernées à cet égard.
[168] Tout cela pour constater que, dans les cas où des attributions caractéristiques peuvent être semblables d’un emploi d’un niveau à celui d’un autre niveau, l’analyse des seuls textes ne suffit pas toujours. Répétons-le, il n’est pas question d’exiger d’un comité d’évaluation de refaire a posteriori une analyse serrée du niveau de l’emploi, à tel ou tel moment dans le passé. Mais ce qui lui est demandé, notamment si aucun de ses membres connaît bien l’emploi à pourvoir ou s’il ne s’est pas adjoint une personne-ressource, c’est de vérifier auprès des personnes en mesure de donner une opinion éclairée sur les faits relatifs aux seules attributions litigieuses : par exemple, est-il raisonnable de penser que Mme Boutin a, comme elle le prétend, exercé telles attributions dès 1995 ? Là se situe l’exercice de la discrétion du comité de soupeser les renseignements qu’il obtient, exercice que la Commission ne peut réviser, à moins qu’elle puisse constater qu’il aurait été fait d’une manière déraisonnable.
[169] En conclusion sur la question du rapprochement entre évaluation de l’expérience et détermination du niveau d’un emploi, il faut retenir que cette dernière offre, elle aussi, un indice important dont on doit tenir compte, mais qu’elle ne fournit pas un argument qui fait obstacle de façon décisive à la reconnaissance de l’expérience. Les passages de la décision Rivard et al. qui peuvent laisser entendre le contraire ne devraient pas être suivis.
[170] Enfin, en conclusion générale de cette affaire, la Commission constate que la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin a été entachée de deux irrégularités. D’une part, le comité d’évaluation n’a pas apprécié les renseignements fournis dans son offre de service de façon adéquate en se limitant à apparier les informations relatives à ses tâches d’agente de bureau, de 1995 à 2010, à la seule directive de classification des agents de bureau et non à celle des techniciens en foresterie et en gestion du territoire. D’autre part, étant donné que plusieurs attributions décrites dans son annexe II (agente de bureau) peuvent, au texte, être associées à des attributions de son annexe III (technicienne en foresterie et en gestion du territoire), et qu’aucun membre du comité n’était, selon la preuve, suffisamment au fait des conditions d’exercice de l’emploi à pourvoir, le comité d’évaluation devait vérifier davantage les renseignements fournis auprès de personnes appropriées.
[171] Dans les circonstances, il convient que la vérification de l’admissibilité de Mme Boutin au concours soit reprise sur la base des renseignements contenus dans son offre de service, ainsi que dans les pièces déposées à l’audience, pièces qu’il est plus probable qu’improbable elle aurait fournies si des précisions lui avaient été demandées comme elles auraient dû l’être.
[172] POUR CES MOTIFS, la Commission :
· ACCUEILLE en partie l’appel de Mme Marlène Boutin;
· DÉCIDE que la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin a été entachée des deux irrégularités énoncées dans cette décision;
· ORDONNE au MRNF de reprendre l’étude de l’admissibilité de Mme Boutin au concours d’avancement de classe n° 269A-6003010;
· ORDONNE au MRNF de constituer le comité d’évaluation de personnes différentes, au moins en majorité, de celles qui ont procédé à la première analyse de sa candidature.
Original signé par :
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_____________________________ Robert Hardy, avocat Commissaire |
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Me Geneviève Baillargeon-Bouchard |
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Procureure pour l'appelante |
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Me Sandra Landry |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Québec |
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Dates de l’audience : |
4 décembre 2012 et 15 janvier 2013 |
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[1] Concours d’avancement de classe no 269A-6003010 - Technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire, classe principale.
[2] Au fil des ans le nom du ministère a évolué, même si Mme Boutin continuait d’œuvrer dans le même environnement de travail. Au moment des événements pertinents à ce dossier, c’était le ministère des Ressources naturelles et de la Faune.
[3] On retrouve plutôt la mention de juin 2009 dans l’offre de service, mais les parties ont convenu qu’il s’agissait d’une erreur, Mme Boutin étant devenue technicienne en septembre 2010.
[4] Le fait que l’appellation du titre de la fonction soit différente de celle de l’avis de concours n’est pas en litige, mais découle d’un usage qui tient compte de particularités propres au mode d’organisation du ministère. On peut également retenir que le nom du ministère a pu évoluer au fil des ans.
[5] C.T. 194419 du 14 mars 2000 et ses modifications pour la version en vigueur au moment des faits pertinents à ce dossier. Cette directive a été remplacée par la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, C.T, 211312 du 3 avril 2012 et sa modification.
[6] C.T. 183021 du 11 mai 1993.
[7] Précitée, note 6.
[8] F-3.1.1, r.6.
[9] Houle c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2010] 27 n° 1 R.D.C.F.P. 155.
[10] Roy c. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, [2006] 23 n° 1 R.D.C.F.P.81, p. 88.
[11] Lefebvre c. Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 259.
[12] Rivard et al. c. Société de l’Assurance automobile du Québec, [2011] 28 n° 1 R.D.C.F.P. 7.
[13] Gingras et al. c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2009] 26 n° 2 R.D.C.F.P. 295.
[14] Lemieux c. Ministère de la Sécurité publique, [2006] 23 n° 3 R.D.C.F.P. 671.
[15] Delorme et al. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1991] 8 n° 1 R.D.C.F.P. 23, p. 42-43.
[16] Précitée, note 15, p. 41.
[17] Croteau c. Régie de l’assurance maladie du Québec, [2003] 20 n° 3 R.D.C.F.P. 593, p. 607.
[18] Secrétariat du Conseil du trésor, juillet 1999 et ses modifications.
[19] Côté c. Ministère de la Justice, [2006] 23 n° 2 R.D.C.F.P. 245, p. 253.
[20] C.T. 192499 du 6 octobre 1998.
[21] Chouinard c. Office des ressources humaines, [1986] 3 n° 2 R.D.C .F.P. 211.
[22] Précitée, note 6.
[23] C.T. 154600 du 29 janvier 1985.
[24] C.T. 153412 en date du 30 octobre 1984.
[25] Précitée, note 20.
[26] REID, Hubert. Dictionnaire de droit québécois et canadien, Wilson & Lafleur, 4e éd., Montréal, 2010, 855 p.
[27] Précité, note 26, p. 204.
[28] Le Nouveau Petit Robert, Dictionnaire Le Robert, Paris, 2010, 2950 p., p. 2647.
[29] Précitée, note 21, p. 213.
[30] Thériault et al. c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, [1983] 5 n°1 R.D.C.F.P. 25, p. 26-28.
[31] Précité, note 18, p. 42.
[32] Id., p. 44.
[33] Précitée, note 5.
[34] C.T. 192193 du 2 juillet 1998 et ses modifications.
[35] Précitée, note 5.
[36] Précitée, note 15, p. 43.
[37] Précitée, note 19, p. 252.
[38] Convention collective des fonctionnaires 2010-2015, Publications du Québec, 2001, 314 p., p. 69.
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