Regroupement des CHSLD Christ-Roi (Centre hospitalier, soins longue durée) c. Comité provincial des malades |
2007 QCCA 1068 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-09-016350-068 500-09-016359-069 |
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(500-06-000064-986) |
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DATE : |
Le 7 août 2007 |
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500-09-016353-062
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LE REGROUPEMENT DES C.H.S.L.D. CHRIST-ROI (Centre hospitalier, soins longue durée) ET AL |
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APPELANTS - INTIMÉS INCIDENTS - Défendeurs établissements publics |
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c. |
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LE COMITÉ PROVINCIAL DES MALADES ET MICHEL CANTIN |
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INTIMÉS - APPELANTS INCIDENTS - Demandeurs |
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et |
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LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC ET LE CURATEUR PUBLIC |
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MIS EN CAUSE - Mis en cause - Défendeur et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC MIS EN CAUSE - Mis en cause - Défendeur en garantie ______________________________________________________________________ |
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500-09-016350-068
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CENTRE D’HÉBERGEMENT ET DE SOINS DE LONGUE DURÉE DEUX-MONTAGNES INC. ET AL |
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APPELANTS - INTIMÉS INCIDENTS - Défendeurs établissements privés |
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et |
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LE COMITÉ PROVINCIAL DES MALADES ET MICHEL CANTIN |
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INTIMÉS - APPELANTS INCIDENTS - Demandeurs |
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et |
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LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC ET LE CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC |
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MIS EN CAUSE - Mis en cause _____________________________________________________________________ |
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500-09-016359-069
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CENTRE D’HÉBERGEMENT ET DE SOINS DE LONGUE DURÉE DEUX-MONTAGNES INC. ET AL |
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APPELANTES - INTIMÉS INCIDENTS - Demanderesses en garantie |
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c. |
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LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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INTIMÉS - Défendeurs en garantie |
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etLE COMITÉ PROVINCIAL DES MALADESET MICHEL CANTIN |
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MIS EN CAUSE - APPELANTS INCIDENTS - Demandeurs et LE CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC MIS EN CAUSE - Mis en cause |
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ARRÊT |
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[1] La Cour; — Statuant sur l’appel d’un jugement rendu le 22 décembre 2005 par la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Claude Champagne), qui a accueilli en partie l'action en recours collectif des intimés et rejeté le recours en garantie intenté par les appelants contre le ministère de la Santé et des Services sociaux (le MSSS) et le Procureur général du Québec;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3] Les intimés, le Comité provincial des malades, maintenant appelé Conseil pour la protection des malades, et Michel Cantin, ont obtenu le 20 février 1998 l'autorisation d'exercer un recours collectif contre des centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) au bénéfice des personnes physiques faisant partie du groupe ainsi défini (le Groupe) :
« Toutes les personnes résidant ou ayant résidé depuis le 30 mai 1994 dans un centre d'hébergement de soins de longue durée administré par les intimés et qui n'ont pas bénéficié gratuitement d'un service de buanderie pour le lavage de leurs vêtements personnels. »
[4] Les CHSLD visés par ce recours collectif sont des établissements privés dits « conventionnés », c’est-à-dire qui sont liés par contrat avec une agence gouvernementale, et des CHSLD publics.
[5] Le juge de première instance pose ainsi la question que soulève le recours collectif dont il était saisi :
Un centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD) a-t-il l'obligation de fournir gratuitement le service du lavage et de l'entretien normal de la lingerie personnelle et des vêtements de ses usagers?
[6] Le jugement dont appel répond par l'affirmative à cette question, en faisant droit au recours collectif et en accordant une indemnité aux membres du Groupe dans les termes suivants :
DÉCLARE que chacun des réclamants ou de ses représentants aura droit d'obtenir, sur preuve des faits justificatifs suivants, les indemnités correspondant à sa situation :
- il a résidé à titre de bénéficiaire dans l'un des CHSLD défendeurs, après la date antérieure de trois (3) ans à la date de signification de l'action;
- le CHSLD en cause ne lui a pas offert gratuitement le service de lavage et d'entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels;
- le réclamant ou son représentant n'a pas renoncé individuellement à ce service;
- il n'était pas en état de voir lui-même au lavage normal de ses vêtements;
- pendant toute la période où les conditions précédentes ont été réunies, le réclamant a droit aux sommes payées par lui ou ses proches pour obtenir le service qu'aurait dû rendre le CHSLD jusqu'à concurrence d'un montant maximum de quarante dollars (40 $) par mois;
- les réclamants auront droit à un intérêt au taux légal augmenté de l'indemnité additionnelle prévue au Code civil sur les sommes afférentes à une année civile, à compter de la fin de cette année civile, ou à compter de la signification du recours au défendeur, la plus tardive des deux dates étant à retenir;
[7] Les appelants, tant les privés conventionnés que les publics, appellent du jugement de première instance. Seuls les établissements privés conventionnés se pourvoient à l'encontre du refus de faire droit à leur recours en garantie. Les intimés, se portant appelants incidents, demandent que soit modifié le jugement de première instance pour déclarer que les réclamants qui auront reçu de leurs proches les services de lavage et d'entretien du linge personnel auront droit de présenter une réclamation de 30,00 $ par mois pour la période où aura duré cette situation et pour qu'il soit précisé que les règles habituelles de preuve en matière civile s'appliqueront aux réclamations, de sorte que la preuve testimoniale de la valeur des réclamations sera permise lorsque le Code le prévoit.
LES FAITS À L'ORIGINE DU RECOURS COLLECTIF
[8] Le juge de première instance relate ainsi les faits à l'origine du recours collectif :
[19] En 1996, monsieur Henri Cantin, le père du demandeur autorisé à agir à titre de représentant pour exercer le présent recours collectif, vient résider au CHSLD Christ-Roi, un établissement public. Auparavant, il se trouvait dans un centre privé, le CHSLD Nazareth.
[20] L'état de monsieur Cantin nécessitait des soins assez importants puisqu'il avait été victime de deux accidents cérébraux vasculaires. Par exemple, il avait besoin d'aide pour manger et se vêtir. Toutefois, il pouvait se déplacer seul assez bien.
[21] Michel Cantin est présent lors du transfert de son père à Christ-Roi. On avise alors celui-ci que le Centre n'offre pas le service gratuit du lavage des vêtements personnels. Pourtant, le Centre Nazareth se chargeait de ceci sans frais.
[22] Le demandeur, qui trouve cette situation plutôt inusitée, décide donc de s'impliquer dans le Comité des usagers de Christ-Roi dont il devient membre à l'automne 1996.
[23] Peu de temps après, le CHSLD Christ-Roi reçoit une plainte à propos de l'absence du service gratuit du lavage des vêtements personnels. On ajoute alors un plus grand nombre de laveuses - sécheuses, entre autres sur l'étage où réside Henri Cantin.
[24] Puis, Christ-Roi accuse réception de la plainte. Il y répond plus tard que le Comité des usagers approuve sa politique en ce qui a trait au lavage des vêtements personnels.
[25] Insatisfait d'une telle réponse, entre autres parce que les représentants du Comité des usagers ne sont pas élus mais nommés, et tout en sachant que ce qu'il exige risque d'entraîner des dépenses supplémentaires pour l'établissement, le demandeur se plaint auprès de la Régie régionale.
[26] Au bout du compte, Michel Cantin croira le problème réglé puisque le CHSLD semble avoir opéré un changement de cap total : il exonère Henri Cantin des frais de lavage en question. Mais très peu d'autres résidents, deux ou trois tout au plus, bénéficieront à ce moment d'une telle exonération.
[27] Le demandeur continue donc ses démarches, se rend à une réunion du conseil d'administration de Christ-Roi, écrit au président du conseil et dépose une nouvelle plainte auprès de la Régie régionale.
[28] Ceci aura pour effet de mener au règlement complet du problème. En effet, Christ-Roi offre le service de lavage gratuit des vêtements personnels à l'ensemble de ses résidents depuis la fin du mois de mars 2000. Pourtant, le demandeur avait entrepris ses démarches à l'automne 1996. Entre-temps, il aura donc entrepris le présent recours collectif !
(notes de bas de page omises)
CONTEXTE GÉNÉRAL
[9] La Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., ch. S-4.2) (la Loi) précise la mission des divers types d'établissements tenus d'offrir des services de santé et des services sociaux. La mission d'un CHSLD est définie à l'article 83 de la Loi.
[10] Les CHSLD sont des créatures de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives de 1991 (ch. 42) entrées en vigueur en 1992. On parlait alors de centres d'accueil en hébergement et de centres hospitaliers de soins prolongés. Les premiers hébergeaient une clientèle de personnes âgées, dont la perte d'autonomie variait, alors que les deuxièmes accueillaient des personnes de tous âges, dont les problèmes de santé ne justifiaient plus leur présence dans un centre hospitalier, mais demandaient, malgré tout, des soins si lourds qu'elles ne pouvaient être retournées à domicile.
[11] Avec les années, on assiste au virage ambulatoire, lequel privilégie le soutien à domicile. Au cours de cette période, naissent les CHSLD, dont la mission est d'offrir un milieu de vie substitut, des services d'hébergement, d'assistance, de soutien et de surveillance en plus d'assurer des soins de santé pour des personnes en perte d'autonomie fonctionnelle ou psychosociale qui ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage.
[12] Les CHSLD sont soit publics, soit privés sous l'administration d'une corporation à but lucratif ou non lucratif. Les CHSLD privés sont conventionnés ou non conventionnés, c’est-à-dire qu'ils sont ou non liés à une agence de la santé et des services sociaux par une convention au sens de l'article 475 de la Loi.
[13] Pour les établissements publics, le financement résulte d'une analyse des coûts par le Ministère qui détermine une enveloppe globale destinée à couvrir les coûts des soins et d'hébergement par adulte hébergé (l'usager). L'enveloppe globale est un multiple, pour la composante hébergement, du nombre de places. Quant aux soins, les coûts varient suivant la lourdeur du cas.
[14] Dans le cas des établissements privés conventionnés, la négociation annuelle d'une entente-cadre entre le Ministère et leur association détermine les montants qui sont accordés par poste budgétaire. L'usager résidant en CHSLD public ou privé conventionné paie une contribution fixée dans le Règlement d'application de la Loi sur les services de santé et services sociaux (C. S-5, r. 1) (le Règlement d'application). Le « revenu de contribution » après impôt est le bassin maximum dans lequel l'établissement peut prélever la contribution de l'usager. Le « revenu de contribution » est le montant qui reste des rentes de l'usager une fois déduit le montant correspondant à « l'allocation de dépenses personnelles » (environ 150 $). Le revenu de contribution disponible peut alors couvrir ou non le prix de l'hébergement. Lorsqu'il ne le couvre pas, l'usager bénéficiera d'exemptions pour tenir compte de sa situation financière personnelle.
[15] Depuis les années '90, la contribution de l'usager vise à compenser les coûts réels moyens d'hébergement, l'usager bénéficiant par ailleurs de la gratuité des soins. En somme, le financement public couvre, tant pour les CHSLD publics que pour les privés conventionnés, le coût des soins à dispenser aux usagers et tout coût d'hébergement non couvert par la contribution de l'usager du fait des exemptions dont il peut bénéficier.
[16] Le Ministère a émis à deux reprises, soit en 1980 et en 1995, des circulaires (1980-63 et 1995-010) rappelant aux établissements qu'ils ne peuvent exiger des frais additionnels pour le service de lavage des vêtements personnels des usagers. La majorité des établissements publics et une grande proportion des privés conventionnés (entre 40 % et 50 %) offrent le service de lavage des vêtements personnels des usagers, sans autres frais. D'autres établissements exigent le paiement de frais additionnels, ou ont cessé de prendre en charge le service tout en mettant à la disposition des usagers ou de leurs proches des laveuses et des sécheuses sur place. Il est arrivé que des proches effectuent eux-mêmes le lavage plutôt que l'établissement, ou qu’un tiers s'en charge contre rémunération. Dans les établissements où le service n'est offert que contre des frais additionnels, il arrive que des proches assurent le lavage des vêtements personnels d'un usager et suppléent à l'absence de services de lavage gratuits, afin d’éviter à l’usager que son allocation de dépenses personnelles serve à payer un tel service.
[17] En 1993 et 1994, le Curateur public exige de certains CHSLD la fourniture gratuite du service de lavage et d'entretien normal des vêtements personnels des usagers. Certains CHSLD privés conventionnés présentent en juillet 1996 une requête en jugement déclaratoire contre le Curateur et le Procureur général du Québec et obtiennent en mars 1997 une déclaration de la Cour supérieure affirmant qu'ils ne sont pas tenus de fournir gratuitement à leurs usagers le service de lavage et d'entretien normal de leurs vêtements personnels. En avril 1999, la Cour d'appel accueille le pourvoi de ce jugement dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Vigi Santé Ltée, [1999] R.J.Q. 997, casse le jugement de première instance et rejette la requête en jugement déclaratoire. L'autorisation du pourvoi en Cour suprême est refusée en mars 2000.
[18] Entre-temps, le présent recours collectif autorisé par la Cour supérieure en février 1998 continue son cheminement procédural. Le jugement dont appel, rendu par la Cour supérieure le 22 décembre 2005, fait droit en partie au recours collectif, mais rejette le recours en garantie des CHSLD appelants.
QUESTIONS SOULEVÉES PAR LE POURVOI PRINCIPAL
[19] Le pourvoi principal soulève trois questions :
i) La Loi crée-t-elle une obligation aux CHSLD d'assurer le service de lavage des vêtements personnels des usagers?
ii) Si oui, sont-ils tenus d'offrir le service sans frais additionnels?
iii) Si la réponse aux deux premières questions est affirmative, qu'en est-il du financement de ce service dans les cas des CHSLD privés conventionnés?
[20] Les procureurs des CHSLD publics ont à nouveau soulevé l'absence d'intérêt juridique du représentant à poursuivre et l'absence de lien de droit avec tous autres CHSLD que celui où réside son père. Cette question avait déjà été débattue en première instance, au stade de l’autorisation du recours puis de nouveau au fond. En toute logique, il y a lieu d'aborder ce premier moyen de contestation avant de traiter de chacune des questions que soulève le pourvoi principal.
L'INTÉRÊT JURIDIQUE DU REPRÉSENTANT
[21] Les établissements publics soulèvent l'absence d'intérêt juridique du représentant désigné par le juge d'autorisation pour intenter un recours contre eux, sauf pour le CHSLD où le père de celui-ci résidait. Ils invoquent l'arrêt de la Cour dans Bouchard c. Agropur, [2006] R.J.Q. 2349.
[22] Le juge de première instance, qui a accueilli le recours collectif, a écarté ce moyen de contestation des appelants au motif que cette question avait déjà été tranchée par le juge d'autorisation, dont la décision n'était pas susceptible d'appel.
[23] Le jugement d'autorisation ne peut, faut-il le préciser, acquérir l'autorité de la chose jugée puisque le tribunal de première instance peut le modifier ou l'annuler ou permettre au représentant de modifier les conclusions recherchées, comme l'énonce le deuxième alinéa de l'article 1022 C.c.Q. Ce jugement, qui autorise l'exercice du recours collectif, est toutefois sans appel (art. 1010 C.c.Q.).
[24] Rappelons que le juge d'autorisation a, en l'espèce, considéré que les critères de l'article 1003 C.p.c. étaient satisfaits, dont celui de l'article 1003 d) relativement à la capacité du représentant d'assurer une représentation adéquate des membres du Groupe. Le juge d'autorisation, en l'occurrence l'honorable André Desmeules de la Cour supérieure, explique ainsi sa décision d'attribuer le statut de représentant à Michel Cantin :
Finalement, le paragraphe d) du même article exige que le membre auquel le Tribunal entend attribuer le statut de représentant doit être en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.
Dans le présent cas, l'un des requérants est le Comité provincial des malades, corporation dont l'un des buts est de représenter les comités des bénéficiaires ou tout autre organisme représentant les résidents de tout centre hospitalier de soins de longue durée ou d'hébergement accueillant des adultes.
Quant au requérant Michel Cantin, il est le fils et mandataire de son père, monsieur Henri Cantin, pour qui il agit en vertu d'un mandat d'inaptitude et il agit également comme représentant du Comité provincial des malades.
Les requérants ont déposé avec leur requête, une liste des membres connus au 3 octobre 1997 et le requérant Michel Cantin, fut interrogé sur affidavit par les procureurs des intimés.
Après avoir pris connaissance des interrogatoires, le Tribunal est d'avis que monsieur Michel Cantin est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres du groupe qu'il veut représenter.
[25] Ce jugement emportait que le représentant avait l'intérêt juridique suffisant pour agir au nom de tous les membres du Groupe, quel que soit l'établissement qui les héberge. En l'absence de faits nouveaux déterminants, le juge du fond a eu raison d'écarter ce moyen de contestation. Mais il y a plus.
[26] Contrairement à l'arrêt Agropur, le pourvoi vise le jugement au fond et non celui d'autorisation. Le contexte de la présente affaire offre d’ailleurs peu de similitude avec celui fort singulier d’Agropur. S’il y a pluralité de défendeurs, il n’y a toutefois pas, comme dans Agropur, pluralité de cause d’action. La cause d’action est ici unique pour tous les membres du Groupe et pour tous les défendeurs (les appelants). Enfin, et cela est déterminant, la source de l’obligation est, en l’espèce, la loi.
[27] L'article 1003 d) C.p.c. met l'accent sur le caractère représentatif du requérant et sur sa capacité à s’acquitter adéquatement de son rôle de représentation des membres du groupe. Encore faut-il toutefois, comme le souligne notre collègue le juge Pelletier dans Agropur, qu'il ait un intérêt juridique, mais il possède cet intérêt dès lors qu'il appartient au groupe et que l'objet du recours le concerne directement. Le requérant n'a pas à établir, en l’espèce, l'existence d'un lien avec tous et chacun des défendeurs visés par le recours collectif car sa capacité à représenter adéquatement le groupe est établie à la satisfaction du juge d'autorisation et la cause d’action est unique puisqu’elle découle d’une obligation légale.
[28] Lorsque des adultes, en raison de leur perte d’autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus, malgré le support de leur entourage, demeurer dans leur milieu de vie naturel, la Loi décrète que les services de santé et les services sociaux leur sont fournis par un CHSLD (art. 79 et 83). Le réseau des CHSLD comprend les établissements publics et privés conventionnés, lesquels sont tous assujettis aux obligations que leur imposent la Loi et ses règlements.
[29] Rien ne justifiait dans les circonstances le juge du fond à s’autoriser de l’article 1022 C.p.c. pour réviser ou modifier la décision du juge d’autorisation à propos de la qualification du représentant au membre.
[30] D'ailleurs, la juge en chef McLachlin de la Cour suprême, dans Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton précité, traite de la qualification du représentant du groupe, en ces termes :
Quatrièmement, le représentant du groupe doit adéquatement représenter le groupe. Quand le tribunal évalue si le représentant proposé est adéquat, il peut tenir compte de sa motivation, de la compétence de son avocat et de sa capacité d’assumer les frais qu’il peut avoir à engager personnellement (par opposition à son avocat ou aux membres du groupe en général). Il n’est pas nécessaire que le représentant proposé soit un modèle type du groupe, ni qu’il soit le meilleur représentant possible. Le tribunal devrait toutefois être convaincu que le représentant proposé défendra avec vigueur et compétence les intérêts du groupe.
(références omises)
[31] La présence de défendeurs multiples n'exige pas en l’espèce qu'il y ait autant de représentants qu'il y a de CHSLD. En effet, la question en litige est commune à tous les établissements, privés conventionnés ou publics, qui n'offrent pas à leurs usagers le service de buanderie auquel ils prétendent avoir droit en vertu de la Loi. Procéder comme les appelants le suggèrent signifierait qu'il y aurait autant de recours collectifs qu'il y a d'établissements, ce qui se traduirait par des frais importants, sinon considérables, et une lourdeur procédurale qui exigerait du système judiciaire plus de ressources que nécessaires. Imposer aux usagers des centres de soins de longue durée la contrainte d'intenter autant de recours collectifs qu'il y a d'établissements pourrait avoir pour effet de les dissuader de faire valoir leurs droits en justice, ce qui irait à l'encontre des objectifs visés par la procédure de recours collectif. Retenir la proposition des établissements publics tendrait, dans un cas comme celui-ci, à stériliser la procédure de recours collectif et miner sa vocation sociale.
[32] À cet égard, il y a lieu de reprendre avec approbation l'extrait suivant du jugement rendu par notre collègue, le juge Pierre J. Dalphond, dans Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, J.E. 2007-1049 :
[21] J'ajoute que l'existence d'un lien de droit particulier entre le représentant et chacun des défendeurs connaît des exceptions. Interprétant l'art. 23 des Federal Rules of Civil Procedure, disposition régissant les recours collectifs devant la Cour fédérale des États-Unis et retenant une vision restrictive du mécanisme (il existe aussi une école libérale au sein des tribunaux fédéraux américains) (note de bas de page omise), la Cour d'appel fédérale du 9e circuit dans l'arrêt La Mar c. H.B. Novelty and Loan Co, 489 F. 2d 461, rendu en 1973 et cité avec approbation dans Agropur, reconnaît deux exceptions ainsi résumées à la page 466 :
Assuming, therefore that in this type of class action the role of the representative party is largely formal, it is reasonable in our view to design its formal characteristics in a manner that is consistent with what we perceive to be the tone of the Advisory Committee's Note. In keeping with that tone and to reduce the incidence of proceedings in which the trial judge and the representative plaintiff's counsel become a part-time regulatory agency, we assert that a plaintiff who has no cause of action against the defendant can not "fairly and adequately protect the interests" of those who do have such causes of action. This is true even though the plaintiff may have suffered an identical injury at the hands of a party other than the defendant and even though his attorney is excellent in every material respect. Obviously this position does not embrace situations in which all injuries are the result of a conspiracy or concerted schemes between the defendants at whose hands the class suffered injury. Nor is it intended to apply in instances in which all defendants are juridically related in a manner that suggests a single resolution of the dispute would be expeditious.
(je souligne)
[22] Selon moi, ces deux exceptions existent aussi au Québec où nos règles ne sont pas plus restrictives que celles des E.-U., bien au contraire (Comité d'environnement de La Baie inc. c. Société d'électrolyse et de Chimie Alcan ltée, (Alcan), [1990] R.J.Q. 655 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1990-07-25, 2189)). La présente affaire fait partie de la première exception. Quant à la deuxième, elle a permis d'autoriser un recours collectif contre l'ensemble des centres de soins de longue durée à l'égard des frais de buanderies qui étaient exigés des bénéficiaires résidants (Comité provincial des malades c. Regroupement des centres hospitaliers de soins de longue durée Christ-Roi, J.E. 98-705 (C.S.); J.E. 2006-294 (C.S.), en appel). Même si le représentant n'était évidemment résidant que dans l'un de ces centres, l'essence du litige consistait à l'interprétation du décret gouvernemental régissant l'ensemble des centres. Le caractère identique de la question en litige, soit la portée d'un règlement gouvernemental, et son caractère déterminant quant à l'ensemble des défendeurs justifiait l'autorisation d'un recours collectif et le juge du fond a rejeté la tentative d'écarter cette conclusion par un moyen d'irrecevabilité. Cela m'apparaît une approche à retenir pour éviter un gaspillage des ressources judiciaires qui découlerait d'une multiplicité de recours distincts, sans parler de la possibilité de jugements contradictoires puisque le Code de procédure interdit la réunion de recours collectifs (art. 1052 C.p.c.).
(nous soulignons)
[33] Retenir la position des établissements publics tendrait, dans un cas comme celui-ci, à stériliser la procédure de recours collectif et miner sa vocation sociale.
[34] Il est bien établi en jurisprudence depuis l'arrêt de la Cour dans Nadon c. Anjou (Ville d'), [1994] R.J.Q. 1823, 1827, que la procédure de recours collectif a une portée sociale. La Cour suprême a d'ailleurs reconnu cette réalité à maintes reprises, dont encore récemment, dans l'arrêt Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S., 666, 679, sous la plume du juge LeBel, écrivant pour les juges majoritaires :
La procédure de recours collectif a une portée sociale. Elle vise à faciliter l’accès à la justice aux citoyens qui partagent des problèmes communs et qui, en l’absence de ce mécanisme, seraient peu incités à s’adresser individuellement aux tribunaux pour faire valoir leurs droits (Nadon c. Anjou (Ville d’), [1994] R.J.Q. 1823 (C.A.), p. 1827; Comité d’environnement de La Baie inc. c. Société d’électrolyse et de chimie Alcan ltée, [1990] R.J.Q. 655 (C.A.); Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Charles Borromée c. Lapointe, [1980] C.A. 568). Notre Cour a déjà souligné la nécessité de donner une interprétation souple et libérale à la législation sur les recours collectifs : Hollick c. Toronto (Ville), [2001] 3 R.C.S. 158, 2001 CSC 68, par. 14; Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46, par. 51.
[35] Dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 549-550, la juge en chef McLachlin écrit :
27. Les recours collectifs procurent trois avantages importants sur une multiplicité de poursuites individuelles. Premièrement, par le regroupement d’actions individuelles semblables, les recours collectifs permettent de faire des économies au plan judiciaire en évitant la duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Les gains en efficacité ainsi réalisés libèrent des ressources judiciaires qui peuvent être affectées à la résolution d’autres conflits, et peuvent également réduire le coût du litige à la fois pour les demandeurs (qui peuvent partager les frais) et pour les défendeurs (qui contestent les poursuites une seule fois).
28. Deuxièmement, comme les frais fixes peuvent être divisés entre un grand nombre de demandeurs, les recours collectifs donnent un meilleur accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Sans les recours collectifs, la justice n’est pas accessible à certains demandeurs, même pour des réclamations solidement fondées. Le partage des frais permet de ne pas laisser certains préjudices sans recours.
30. Troisièmement, les recours collectifs servent l’efficacité et la justice en empêchant des malfaisants éventuels de méconnaître leurs obligations envers le public. Sans recours collectifs, des personnes qui causent des préjudices individuels mineurs mais répandus pourraient négliger le coût total de leur conduite, sachant que, pour un demandeur, les frais d’une poursuite dépasseraient largement la réparation probable. Le partage des frais diminue le coût des recours en justice et dissuade donc les défendeurs éventuels qui pourraient autrement présumer que de petits méfaits ne donneraient pas lieu à un litige.
(références omises)
[36] Rien en l'espèce ne permet de douter de la capacité de la personne désignée par le juge d'autorisation, soit Michel Cantin, à représenter adéquatement le Groupe, d'autant que la connexité des questions en jeu saute aux yeux, qu’elle résulte d’une seule source d’obligation et que les autres critères de l'article 1003 C.p.c. sont, par ailleurs, satisfaits, comme en a décidé le juge d'autorisation.
LES POURVOIS PRINCIPAUX
(i) |
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La Loi crée-t-elle une obligation aux CHSLD d'assurer le service de lavage des vêtements personnels des usagers? |
[37] La mission du CHSLD est définie à l'article 83 de la Loi :
83. La mission d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée est d'offrir de façon temporaire ou permanente un milieu de vie substitut, des services d'hébergement, d'assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux aux adultes qui, en raison de leur perte d'autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage.
À cette fin, l'établissement qui exploite un tel centre reçoit, sur référence, les personnes qui requièrent de tels services, veille à ce que leurs besoins soient évalués périodiquement et que les services requis leur soient offerts à l'intérieur de ses installations.
La mission d'un tel centre peut comprendre l'exploitation d'un centre de jour ou d'un hôpital de jour.
[38] La Cour, dans l'arrêt Procureur général du Québec c. Vigi Santé ltée, [1999] R.J.Q. 999, conclut que l'obligation des CHSLD de fournir un milieu de vie substitut en vertu de l'article 83 de la Loi emporte l'obligation d'assurer le service de lavage des vêtements personnels de leur clientèle. Ce constat ressort expressément des motifs du juge Chamberland, à la page 1001 de l'arrêt précité, lorsqu'il écrit :
La mission que le législateur confie aux CHSLD est donc plus qu'un objectif vague et général vers lequel ils doivent tendre; elle est ici synonyme d'obligations. Les CHSLD ont une tâche à accomplir, et cette tâche est décrite à l'article 83 de la Loi. La première des obligations liées à l'accomplissement de cette tâche, de cette mission, est celle d'offrir un milieu de vie substitut aux adultes qui, en raison de leur perte d'autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage. Le lavage de la lingerie et des vêtements personnels de ces usagers est une composante inhérente de leur milieu de vie, au même titre que la nourriture et les autres soins d'hygiène de base.
L'engagement contractuel des intimées à « fournir et donner les services aux usagers conformément aux dispositions de la Loi » les oblige donc à fournir un milieu de vie substitut à leur clientèle, ce qui comprend, à mon avis, et sans qu'il soit besoin de plus de précision, le lavage et l'entretien normaux de la lingerie personnelle et des vêtements personnels de ces usagers. De la même façon qu'elles ont l'obligation de fournir à leurs usagers des repas chauds, de l'eau pour étancher leur soif, des salles d'aisance, un endroit pour prendre une douche ou un bain, du savon, de la pâte dentifrice, une collation, un endroit pour écouter de la musique ou regarder la télévision, sans que ces services soient nécessairement décrits, dans le menu détail, dans les divers documents liant les CHSLD au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Il ne s'agit pas ici de cerner avec précision les limites extrêmes de cette obligation; il suffit de constater que le lavage des vêtements est une composante inhérente du milieu de vie naturel de tout citoyen canadien, au Québec comme ailleurs, que l'on doit retrouver dans le milieu de vie substitut que les CHSLD ont pour mission d'offrir à leurs résidants et qu'ils se sont engagés à réaliser en retour du financement gouvernemental qu'ils reçoivent. L'article 346 du Règlement d'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, R.R.Q., 1981, c. S-5, r.1 est clair :
346. Un établissement ne peut imposer aux bénéficiaires pour un hébergement ou pour des services à une personne hébergée pour lesquels il reçoit un financement à même les deniers votés par l'Assemblée nationale du Québec un prix ou une charge quelconque, autres que ceux prévus au présent règlement, à la Loi sur la protection de la jeunesse, (L.R.Q., c. P-34.1), à la Loi sur l'assurance hospitalisation (L.R.Q., c.A-28) ou au règlement adopté en vertu de cette Loi.
[39] S'il se dégage des motifs du juge Brossard dans l'arrêt Vigi Santé précité qu'il considère ne pas avoir à se prononcer sur le financement du service de lavage des vêtements personnels de la clientèle, il épouse, néanmoins, avec le concours du juge Forget, l'opinion du juge Chamberland quant à l'obligation du CHSLD à fournir ce service à ses usagers. En effet, il écrit :
En d'autres mots, le problème du financement par l'État de ce service, que ce soit de façon explicite ou implicite, n'est soulevé par aucune des conclusions recherchées et ni l'une ni l'autre des parties ne demande à la Cour de déclarer, soit que le financement actuellement fourni par l'État couvre ce service, soit qu'il ne le couvre pas.
Mon collègue, au soutien de sa conclusion, soulève deux moyens principaux :
1- l'article 83 de la loi impose aux centres d'hébergement en cause d'offrir à leurs usagers « un milieu de vie substitut », et le lavage de la lingerie et des vêtements personnels des usagers constitue une « composante inhérente de leur milieu de vie, au même titre que la nourriture et les autres soins d'hygiène de base ».
2- l'interaction de l'article 346 du Règlement d'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui interdit aux établissements d'imposer des frais à un bénéficiaire pour lesquels ils reçoivent un financement de l'État, et l'interprétation du document intégré aux contrats de financement intitulé « Modalités de financement des hôpitaux privés pour maladie de longue durée » confirmeraient l'obligation des établissements en cause et le fait que les coûts de ce service seraient effectivement payés par le gouvernement.
À mon avis, le premier moyen suffit pour disposer du pourvoi comme le propose mon collègue le juge Chamberland sans qu'il nous soit nécessaire, en aucune façon : 1) d'en référer à l'article 346 du Règlement, qui n'a d'ailleurs pas été plaidé, comme tel, par l'appelant, et, 2) encore moins de donner au document intégré au contrat, mentionné ci-haut, une interprétation que, à mon avis, et cela dit avec égards, son texte et son historique ne sauraient justifier.
[40] D'ailleurs, la Cour, dans un arrêt unanime subséquent, Centre d’hébergement et de soins de longue durée Deux-Montagnes inc. c. Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux), J.E. 2003-1035, auquel participait le juge Forget, précise ainsi l'obligation des CHSLD à l'égard de ce service :
[3] Tout en reconnaissant que la rédaction de l'arrêt dans Québec (Procureur général) c. Vigi Santé ltée, [1999] R.J.Q. 997 (C.A.) manquait de clarté terminologique, la majorité dans cet arrêt (les juges Brossard et Forget) ne décide que d'une seule question, soit le premier moyen mentionné à la page 3 de l'opinion du juge Brossard :
1- l'article 83 de la loi impose aux centres d'hébergement en cause d'offrir à leurs usagers « un milieu de vie substitut », et le lavage de la lingerie et des vêtements personnels des usagers constitue une « composante inhérente de leur milieu de vie, au même titre que la nourriture et les autres soins d'hygiène de base ».
[41] En somme, si l'arrêt Vigi Santé ne tranche pas la question du financement du service de lavage des vêtements personnels des usagers d'un CHSLD, la Cour détermine néanmoins sans équivoque dans cet arrêt l'obligation des CHSLD, publics comme privés conventionnés, de fournir ce service en vertu de l'article 83 de la Loi.
[42] À n’en point douter, l'obligation des CHSLD d'offrir à leurs usagers « un milieu de vie substitut » comporte le service de lavage de la lingerie et des vêtements personnels des usagers au même titre que la nourriture et les autres soins d’hygiène de base.
[43] La réponse à cette première question est donc affirmative.
(ii) |
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Si oui, sont-ils tenus d'offrir le service sans frais additionnels? |
[44] L'obligation légale imposée par le législateur aux CHSLD publics et privés conventionnés d'offrir « un milieu de vie substitut » inclut, entre autres services, des services d'hébergement.
[45] Le financement pour la composante hébergement d'un CHSLD, qu'il soit public ou privé conventionné, provient de deux sources, soit par une subvention de l'État pour les établissements privés conventionnés ou par une enveloppe globale de financement consentie par le Ministère aux établissements publics destinée à couvrir les coûts des soins et d'hébergement par adulte hébergé et par la contribution des usagers du CHSLD.
[46] La contribution de l'usager résidant en CHSLD public ou privé conventionné est établie selon les modalités prévues à la section VII du Règlement d'application qui impose les modalités de calcul du « revenu de contribution » et les conditions d'éligibilité à une exemption pour tenir compte de la situation financière personnelle de l'usager. L'usager apporte ainsi une contribution aux coûts d'hébergement, puisqu'il bénéficie par ailleurs de la gratuité des soins.
[47] Du régime établi par le législateur en vertu de la Loi et du Règlement d'application, il ressort que les services de base que doit fournir en vertu de la Loi tout CHSLD public ou privé conventionné sont assurés sans autre charge pour l'usager que sa contribution. Dans ce contexte, les CHSLD publics et privés conventionnés ne peuvent facturer de frais additionnels pour le service de lavage de la lingerie des vêtements personnels des usagers qui, au même titre que la nourriture et les autres soins d'hygiène de base, constitue une composante inhérente à la mission d'un CHSLD d'offrir à ses usagers, conformément à l'article 83 de la Loi, « un milieu de vie substitut ».
[48] La réponse à cette deuxième question est, comme pour la première question d'ailleurs, affirmative.
(iii) |
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Si la réponse aux deux premières questions est affirmative, qu'en est-il du financement de ce service dans le cas des CHSLD privés conventionnés? |
[49] Puisque, pour les raisons qui viennent d’être exposées, il existe une obligation légale à la charge de tous les CHSLD de fournir gratuitement aux usagers le service de lavage de la lingerie et des vêtements personnels, il suffisait ici aux intimés, pour avoir gain de cause contre les appelants, d’établir que ces derniers avaient manqué à cette obligation pendant la période pertinente et que ce manquement leur avait causé préjudice. Le débat se reportait alors sur le terrain du recours en garantie entre, d’une part, les CHSLD publics et privés, demandeurs en garantie, et d’autre part, le ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que le Procureur général du Québec, défendeurs en garantie. Dans le cadre de ce recours, c’est aux appelants qu’il incombait de faire la preuve de leurs prétentions.
[50] Le juge de première instance a rejeté le recours des demandeurs en garantie. Parmi ceux-ci, seuls les CHSLD privés conventionnés ont choisi de se pourvoir.
[51] En première instance, la position prise par les CHSLD privés conventionnés dans le recours principal réapparaissait en majeure partie dans le recours en garantie au moyen de multiples renvois contenus au paragraphe 5 de leur déclaration en garantie. Ces appelants, qui ont fait entendre six témoins et qui ont produit une abondante preuve documentaire en défense au recours principal, n’ont produit en contre-preuve, une fois la preuve des défendeurs en garantie close, qu’un seul document additionnel, la pièce DPC-87, et aucun témoin. En d’autres termes, tout ou presque avait déjà été dit dans le recours principal.
[52] L’étroite connexité entre ces deux procédures ressort clairement des paragraphes 31 et 255 des motifs du juge de première instance, lorsqu’il résume point par point la position des CHSLD privés conventionnés. Dans la procédure principale, ceux-ci plaidaient ce qui suit :
a) le ministre et l'ACHAP n’ont jamais convenu d’un financement couvrant le service du lavage et de l’entretien normal des vêtements personnels des usagers;
b) historiquement, le service de buanderie et lingerie ne s’applique qu’à la lingerie, à la literie et aux vêtements fournis par les établissements;
c) les établissements doivent alors utiliser les principes comptables énumérés dans le Manuel de comptabilité des hôpitaux du Canada (le CHAM);
d) dans sa description du centre d’activité « buanderie et lingerie », le CHAM réfère au linge de l’hôpital et à celui de l’établissement;
e) en 1980, le Ministère a publié, pour la première fois, un cahier qu’il a intitulé « Normes d’agrément sur le milieu de vie » dans lequel il n’y a aucune mention du nettoyage des vêtements personnels ni de la lingerie personnelle des usagers;
f) la circulaire de 1980 a pour objet les allocations pour dépenses personnelles des bénéficiaires;
g) depuis son entrée en vigueur, l’ACHAP a protesté contre la directive contenue dans cette circulaire concernant le lavage des vêtements personnels des usagers, à tel point que le Ministère a accepté de former un groupe de travail à ce sujet;
h) toutefois, le Ministère n’a pas collaboré avec l’ACHAP pour réaliser les objectifs du groupe de travail;
i) l’ACHAP a demandé au Ministère de convenir d’une clause de remboursement des frais inhérents à l’application de la directive contenue à la circulaire, ce qui fut refusé;
j) en tout temps pertinent au présent litige, le service de buanderie et de lingerie connu sous les numéros de code CHAM 760, 762 et 7600 ne comprenait pas le lavage et l’entretien normal de la lingerie personnelle et des vêtements personnels des usagers;
k) quant à la circulaire de 1995, celle-ci a trait principalement aux biens et services non couverts par la contribution des adultes hébergés;
l) le service de lavage des vêtements personnels des usagers n’est pas couvert par cette contribution;
m) d’ailleurs, la même circulaire incite les établissements à encourager les usagers, leurs familles et leurs proches à effectuer le lavage des vêtements personnels;
n) faire droit à l’interprétation que proposent les demandeurs au concept de « milieu de vie substitut » impose aux établissements privés conventionnés une obligation financière majeure pour laquelle ils n’ont pas reçu de financement;
o) l’hébergement de même que le service de buanderie et lingerie, une de ses composantes, ne sont pas gratuits car s’ils l’étaient, le législateur l’aurait dit expressément;
p) les CHSLD privés n’ayant reçu aucun financement gouvernemental pour le lavage des vêtements personnels des usagers, ils peuvent donc imposer à ceux-ci un prix pour ce service en vertu de l’article 346 du Règlement d’application [1] ;
q) la Loi de 1991, par le biais de ses articles 512 à 520, écarte toute notion de gratuité pour le service d’hébergement et sa composante du milieu de vie substitut, sauf lorsque prévue expressément;
r) plusieurs défenderesses privées conventionnées mettent à la disposition exclusive et gratuite de leurs usagers une salle de lavage munie d’une lessiveuse et d’une sécheuse, faisant alors de ce service un service gratuit;
s) le régime contractuel en vigueur depuis 1998 entre l’ACHAP, la Conférence des régies régionales et le Ministre ne modifie en rien les éléments de contestation ci-dessus;
t) la circulaire de 1980 et celle de 1995 ne créent ni droit, ni obligation.
Dans la procédure en garantie, les mêmes CHSLD faisaient valoir les arguments suivants :
a) ils sont liés par des conventions de financement;
b) celles-ci servent de base aux budgets octroyés;
c) les budgets alloués pour la buanderie et la lingerie ne comprennent pas le service du lavage des vêtements personnels;
d) le Ministère a refusé de financer le service du lavage des vêtements personnels;
e) le service du lavage des vêtements personnels entraîne des coûts supplémentaires que le Ministère s'est engagé à défrayer dans les conventions de financement intervenues;
f) en conséquence, les établissements privés n'ont pas à offrir un service qui entraîne des dépenses additionnelles pour lesquelles ils n'ont rien reçu et que le Ministère ne veut pas financer.
Comme on le voit, une part très importante de ce que ces appelants faisaient valoir en défense se trouve subsumée sous les points c) et d) du litige en garantie - les budgets ne comprennent pas le service du lavage des vêtements personnels et le MSSS ne finance pas ce service.
[53] Il s’agit là, en tout état de cause, de questions de fait, comme le démontre d’ailleurs la forme que revêt sur ce volet du litige l’argumentation respective des appelants CHSLD privés conventionnés, celle des intimés et celle des mis en cause dans le pourvoi principal, ainsi que celle des appelants CHSLD privés conventionnés et celle des intimés dans le pourvoi sur le recours en garantie. Toutes comportent une dissection minutieuse de plusieurs fragments de l’abondante preuve documentaire et testimoniale versée au dossier de première instance. Or, il est nécessaire de le souligner à l’intention des appelants CHSLD privés conventionnés, une cour d’appel n’interviendra pour réformer un jugement de première instance sur des conclusions de ce genre, qu’elles soient générales ou particulières, que si la partie appelante démontre que les conclusions attaquées sont entachées d’une erreur manifeste et dominante (ou déterminante)[2].
[54] L’appel, rappelons-le encore une fois, n’est pas une occasion de refaire le procès.
[55] Lorsqu’une preuve de quelque complexité prête à interprétation et requiert de la part du juge de première instance l’appréciation individuelle puis globale de multiples éléments, dont certains sont divergents ou contradictoires, il ne suffit pas de sélectionner aux fins du pourvoi tout ce qui aurait pu être interprété différemment, à l’exclusion de tout le reste, afin de réitérer une thèse déjà tenue pour non fondée par le juge qui a entendu le procès. Une erreur dans la détermination d’un fait litigieux n’est manifeste que si son caractère évident ou flagrant se dégage avec netteté du ré-examen de la partie pertinente de la preuve et qu’une conclusion différente sur ce fait litigieux s’impose dès lors à l’esprit. Une erreur n’est déterminante que si elle prive le jugement entrepris d’une assise nécessaire en fait, faussant ainsi le dispositif de la décision rendue en première instance et commandant réformation de ce dispositif pour cette raison. Cette question pourtant importante en appel n’est nulle part abordée par les appelants privés conventionnés pour qui, semble-t-il, toutes les erreurs ou prétentions d’erreur se valent. Il leur revenait d’identifier spécifiquement et de circonscrire dans leur mémoire ce en quoi le jugement souffrait d’une telle faiblesse et ils ne l’ont pas fait.
[56] Les conclusions du juge de première instance pertinentes à ce qui est débattu dans ce volet des pourvois se trouvent aux paragraphes 196 à 200, 213, 214, 222, 223 et 312 à 316 de ses motifs. Elles se fondent sur l’ensemble des témoignages entendus, notamment ceux des témoins Larrivée, Rouleau, Cormier, Ouellet, Chagnon, Morasse et Hamrouni, tous assignés par les mis en cause, et du témoin Malo, appelé à la barre par les intimés demandeurs dans le recours principal. Le jugement attaqué résume méticuleusement tous les témoignages offerts pendant le procès et rien n’indique à la lecture des transcriptions et des motifs de jugement que le juge a mésinterprété cette preuve. Par une preuve rivale, que l’on peut qualifier de circonstancielle et qui s’appuyait sur une interprétation autre du Manuel de comptabilité des hôpitaux du Canada, du Manuel de gestion financière du MSSS, de la circulaire 1980-63, de la circulaire 1995-010 dans ses deux versions, des conventions de financement et des modalités qui les complètent, les appelants ont tenté de démontrer que les budgets qui leurs étaient alloués ne comprenaient pas le service du lavage des vêtements personnels, que le ministère ne finançait pas ce service et que des ajustements pour coûts supplémentaires leur étaient dus. Il est clair que la perception des témoins cités par les CHSLD privés conventionnés, tous des cadres dans des établissements de ce type, ne coïncide pas avec celle des témoins appelés par les parties adverses, mais cela en soi ne démontre pas que l’interprétation faite par les seconds est erronée et que celle des premiers est correcte. Sur l’ensemble de cette preuve, il revenait au juge de trancher et, à défaut de la démonstration d’une ou de plusieurs erreurs qui satisfassent la norme d’intervention en appel, ces conclusions font autorité.
[57] Cela étant, l’argument basé sur les articles 3 et 3.8 des Modalités de l’entente 1993-1994 tombe : comme il n’y a pas eu de coûts supplémentaires, ni a fortiori de coûts supplémentaires préalablement agréés, le juge a eu raison de l’écarter.
LE POURVOI INCIDENT
[58] Les appelants incidents, le Comité provincial des malades et Michel Cantin, se pourvoient parce que le juge de première instance n'a pas fait droit à tous les dommages réclamés. En effet, il a refusé d'indemniser les membres du groupe pour lesquels les parents ou les proches ont effectué le lavage des vêtements personnels.
(i) |
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Le jugement de première instance sur les dommages |
[59] Le juge de première instance retient de la preuve que le coût du lavage des vêtements personnels des usagers varie d'un établissement à l'autre. Toutefois, il s'établit le plus souvent à 10 $ par semaine ou 40 $ par mois. Prenant appui sur la jurisprudence en matière de recours collectif, il conclut qu'il peut évaluer le préjudice d'après la moyenne des coûts[3]. Ainsi, il accorde, sous réserve de certaines conditions, des indemnités aux usagers qui pourront établir qu’eux ou leurs proches ont payé pour faire laver leurs vêtements.
DÉCLARE que chacun des réclamants ou de ses représentants aura droit d'obtenir, sur preuve des faits justificatifs suivants, les indemnités correspondant à sa situation :
- il a résidé à titre de bénéficiaire dans l'un des CHSLD défendeurs, après la date antérieure de trois (3) ans à la date de signification de l'action;
- le CHSLD en cause ne lui a pas offert gratuitement le service de lavage et d'entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels;
- le réclamant ou son représentant n'a pas renoncé individuellement à ce service;
- il n'était pas en état de voir lui-même au lavage normal de ses vêtements;
- pendant toute la période où les conditions précédentes ont été réunies, le réclamant a droit aux sommes payées par lui ou ses proches pour obtenir le service qu'aurait dû rendre le CHSLD jusqu'à concurrence d'un montant maximum de quarante dollars (40 $) par mois;
- les réclamants auront droit à un intérêt au taux légal augmenté de l'indemnité additionnelle prévue au Code civil sur les sommes afférentes à une année civile, à compter de la fin de cette année civile, ou à compter de la signification du recours au défendeur, la plus tardive des deux dates étant à retenir;
[…]
[60] Cependant, le juge de première instance est d'avis qu'il ne peut faire droit à des réclamations éventuelles des usagers dont la famille ou les proches ont effectué le lavage de leurs vêtements personnels. Il appuie d'abord sa décision sur le fait que les familles ou les proches des usagers ne sont pas parties au présent litige. En effet, ils ne sont pas visés par la définition du groupe que l'on retrouve au jugement ayant autorisé le recours collectif :
Toutes les personnes résidant ou ayant résidé depuis le 30 mai 1994 dans un centre d'hébergement de soins de longue durée administré par les intimés et qui n'ont pas bénéficié gratuitement d'un service de buanderie pour le lavage de leurs vêtements personnels.
[61] En outre, puisqu'en vertu de l'article 585 C.c.Q., les enfants doivent fournir des aliments à leurs parents, il estime que laver les vêtements est une façon de s'acquitter de cette obligation.
[62] Finalement, il conclut que le législateur a voulu, en édictant l'article 83 de la Loi, que les familles des usagers jouent un rôle actif auprès de ceux-ci. Or, le lavage des vêtements est une façon de jouer ce rôle.
(ii) |
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La position des parties |
[63] Les appelants incidents plaident que le juge de première instance a erré en concluant que le fait que les familles ou les proches des usagers ne soient pas mentionnés dans le groupe rend leurs réclamations irrecevables.
[64] En effet, les usagers ont le droit d'être indemnisés pour un service qu'ils n'ont pas reçu, peu importe que les membres du groupe aient payé pour obtenir le service qu'ils ne recevaient pas des CHSLD, que leurs familles ou leurs proches aient fait le lavage ou même qu'ils n'aient pas lavé leurs vêtements pendant la période visée par le recours collectif. En effet, il s’agit d’une obligation contractuelle contractée par les CHSLD envers les usagers et ces derniers ont le droit de recevoir ce service.
[65] Les appelants incidents soutiennent également que l'article 1608 C.c.Q. trouve application en l'espèce. Il ne permet pas d'atténuer ou de diminuer l'obligation d'un débiteur à un créancier qui a reçu une prestation d'un tiers, par suite du préjudice subi, sauf dans la mesure où le tiers est subrogé.
[66] De plus, puisque le juge de première instance a ordonné le remboursement aux usagers des dépenses encourues par les familles ou les proches pour offrir le service, il aurait également dû conclure que les membres du groupe dont les familles ou les proches ont effectué eux-mêmes le lavage ont droit à une somme de 30 $ par mois.
[67] Ils demandent enfin à la Cour de modifier les conclusions du jugement de première instance afin de préciser que la preuve testimoniale sera permise pour prouver les réclamations. Également, il y aurait lieu de corriger certaines ambiguïtés au formulaire de réclamation.
[68] Les établissements privés conventionnés partagent, pour leur part, l'opinion du juge de première instance concernant l’octroi des dommages.
[69] Quant aux établissements publics, ils mentionnent, dans le cadre de l'appel principal, que le juge de première instance commet une erreur en accordant une indemnité aux usagers pour les sommes dépensées par les proches. En ce qui a trait à l'appel incident, ils plaident que l'article 1608 C.c.Q. ne s'applique que lorsqu'il est question de prestation financière; sinon, il y a impossibilité d'évaluer les dommages.
[70] En outre, ils soutiennent qu'en vertu de l'article 1656 al. 3 C.c.Q., les familles ou les proches qui ont effectué le lavage des vêtements sont subrogés aux droits des usagers et devraient eux-mêmes intenter des recours pour être indemnisés.
[71] Quant aux mis en cause, ils sont d'avis que le juge de première instance a eu raison de ne pas indemniser les usagers quand le lavage est effectué par les familles ou les proches. En effet, ils plaident que dans ce cas, la loi est respectée puisqu'il s'agit d'une façon de recréer un milieu de vie substitut au sens de l'article 83 de la Loi.
(ii) |
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Analyse |
[72] Un recours collectif est un outil procédural[4] qui ne modifie en rien les règles de la responsabilité. Lorsqu'une faute est commise, il doit y avoir un préjudice et un lien de causalité entre ce dernier et la faute pour que la personne lésée puisse être indemnisée. Le préjudice doit être direct et immédiat (art.1607 C.c.Q.).
[73] En l'espèce, l’article 83 de la Loi oblige les CHSLD à fournir aux usagers un milieu de vie substitut qui inclut le lavage de leurs vêtements. Le non-respect de cette obligation a fait en sorte que les usagers, leurs familles ou leurs proches ont dû soit payer pour obtenir le service, soit eux-mêmes faire le lavage. Il n’est pas contesté que lorsque les usagers ont payé pour que leurs vêtements soient lavés, ils ont droit d’être indemnisés. Toutefois, il faut déterminer si les usagers peuvent obtenir réparation lorsque des tiers ont payé pour leur lavage ou encore que ces tiers ont eux-mêmes exécuté l'obligation qu'avait le CHSLD.
[74] L'auteur d'un préjudice est tenu de réparer intégralement le préjudice subi par la personne lésée, mais sans plus. Il peut toutefois arriver que cette dernière obtienne plus que le montant réel de la perte subie en raison du cumul des indemnités.
[75] Cette question a longtemps été débattue en jurisprudence. Sous l'ancien Code, l'article 2494 C.c.B.-C.. prévoyait que la responsabilité civile n'était pas diminuée lorsque la personne lésée recevait des indemnités en vertu d'un contrat d'assurance.
Article 2494 C.c.B.-C. La responsabilité civile n’est ni atténuée ni modifiée par l’effet des contrats d’assurance et le montant des dommages est déterminé sans égard à ces contrats.
[76] En 1994, le législateur a choisi d'élargir la portée de cette règle afin que l'auteur d'un dommage ne voie pas son obligation monétaire envers son créancier diminuer du seul fait que ce dernier reçoive une prestation d'un tiers.
1608. L'obligation du débiteur de payer des dommages-intérêts au créancier n'est ni atténuée ni modifiée par le fait que le créancier reçoive une prestation d'un tiers, par suite du préjudice qu'il a subi, sauf dans la mesure où le tiers est subrogé aux droits du créancier.
[77] Le ministre, dans ses commentaires, explique son choix. Il reconnaît que cette disposition permet parfois à un créancier de bénéficier d'une double indemnité. Il favorise toutefois cette solution puisque la solution contraire permettrait que le débiteur soit dispensé d'indemniser la victime en raison de la bienveillance d'un tiers. Il s'exprime ainsi :
Commentaire
Cet article reprend, avec quelques modifications et en en généralisant l'application, la règle prévue à l'article 2494 C.c.B.-C., relatif aux contrats d'assurance.
Il vise à régler la question de savoir si l'obligation de réparer qui pèse sur le débiteur peut être atténuée ou modifiée par des prestations versées au créancier par un tiers, que ces versements soient à titre gratuit ou titre onéreux. Telle serait la situation si, par exemple, l'employeur du créancier continuait, sans y être tenu, de lui verser son salaire pendant son incapacité; telle serait aussi la situation, si l'assureur du créancier lui versait, en sa qualité d'assuré, le produit d'une assurance qu'il a souscrite.
Donner une réponse négative à cette question peut parfois conduire à faire bénéficier le créancier d'une double indemnité - celle qu'il reçoit du tiers et celle que lui verse le débiteur - et donc à lui procurer un enrichissement; une telle réponse peut aussi paraître contraire au principe de la réparation du préjudice, puisque le préjudice risque, en certains cas, de ne plus exister, ayant déjà été indemnisé par le tiers.
En revanche, une réponse affirmative paraît contraire au rôle préventif de l'obligation de réparer et, de plus, peut conduire au résultat, assez choquant, d'exonérer le débiteur de toute obligation de réparation, uniquement par suite de la bienveillance d'un tiers ou de la prévoyance du créancier qui s'est prémuni, à ses frais, contre l'éventualité du préjudice.
L'article tranche en faveur d'une réponse négative à cette question de savoir si l'obligation de réparer du débiteur peut être atténuée ou modifiée par les prestations que reçoit le créancier de tiers; mais, afin d'éviter les principaux cas donnant ouverture à une double indemnisation, elle fait expressément la réserve des situations où le tiers est subrogé, légalement ou conventionnellement, aux droits du créancier.
Il s'agit là de la solution qui paraît la plus juste, dans les circonstances, d'autant plus que la plupart des prestations versées par des tiers - indemnités de sécurité sociale, d'assurance, ou résultant des conventions collectives de travail - ne présentent pas un caractère indemnitaire véritable et, en tout cas, ne sont pas destinées à réparer le préjudice subi par le créancier.
[nos soulignements]
[78] Pour sa part, le professeur Vincent Karim s’exprime ainsi au sujet de la finalité l'article 1608 C.c.Q.[5] :
En d’autres termes, la règle codifiée à l’article 1608 C.c.Q a pour effet d’éviter un résultat choquant, soit l’exonération du débiteur fautif de toute obligation de réparation, uniquement en raison de la bienveillance d’un tiers ou de la prévoyance du créancier qui, à ses frais, s’est prémuni contre l’éventualité d’un tel préjudice. En décider autrement revient à enlever à l‘obligation de réparation du débiteur son rôle préventif.
[79] L'article 1608 C.c.Q. vise donc tant les prestations versées en vertu d'un contrat que les services rendus par des tiers venant en aide à une personne ayant subi un préjudice.
[80] On constate d'ailleurs qu'en édictant l'article 1608 C.c.Q., le législateur québécois a codifié les deux exceptions à la règle interdisant la double indemnisation que l'on retrouve en Common Law. La juge McLachlin dans l'arrêt Cunningham c. Wheeler[6], décrit ainsi ces deux exceptions :
La première exception à cette règle est le cas des dons de charité. Si un demandeur se blesse et que son voisin lui apporte un panier de provisions ou lui fait don d'une somme d'argent, la loi n'exige pas que la valeur du panier de provisions soit déduite des dommages-intérêts que le défendeur négligent doit payer ni qu'il soit tenu compte du don en argent. Cette exception traduit le souci des tribunaux qui l'ont mise de l'avant de ne pas amener les gens à cesser d'aider ceux que le malheur frappe. Il est permis de croire qu'elle confirme également que, dans la majorité des cas, il serait inutilement compliqué d'exiger des tribunaux qu'ils entendent la preuve et qu'ils statuent sur la valeur de l'aide charitable apportée.
Une seconde exception évidente à la règle interdisant la double indemnisation a été introduite en 1874 par la décision anglaise Bradburn c. Great Western Railway Co. (1874), L.R. 10 Ex. 1. Monsieur Bradburn avait acheté une police d'assurance privée contre les accidents. Il a été blessé lors d'un accident. La compagnie d'assurances lui a versé £31. Il a poursuivi la société de chemins de fer qui, par sa négligence, avait provoqué l'accident. La société de chemins de fer a soutenu que les £31 que Bradburn avait reçues de la compagnie d'assurances devaient être déduites des dommages-intérêts qu'elle devait lui payer. La cour n'a pas accepté cette prétention. Elle a soutenu (le baron Pigott, à la p. 3) que le demandeur
[traduction] ne reçoit pas cette somme à cause de l'accident, mais plutôt parce qu'il a conclu un contrat pour parer à une éventualité; un accident doit se produire pour qu'il ait droit à cette somme d'argent, mais ce n'est pas à cause de l'accident mais de son contrat qu'il la reçoit.
[nos soulignements]
[81] Dans un arrêt subséquent, en 2003, la Cour suprême traite de nouveau de l'exception visant les dons de charité. Les exemples donnés visent clairement les services rendus à une personne dans le besoin[7].
[…] La raison d’être de cette exception réside dans l’impact qu’une règle prescrivant la déductibilité pourrait avoir à l’égard des individus désireux d’aider les plus démunis, l’objectif étant de ne pas les en décourager. De plus, il est difficile d’évaluer la valeur pécuniaire de certaines formes de charité privée — de déterminer, par exemple, ce que vaut la compagnie qu’on apporte, l’aide pour faire les courses, ou le fait d’élever un « chien assistant » et de l’entraîner à exécuter les tâches qu’une personne devenue handicapée ne peut plus désormais accomplir (voir Cunningham c. Wheeler, [1994] 1 R.C.S. 359, p. 370, la juge McLachlin).
[82] Enfin, les mêmes exceptions à la règle interdisant la double indemnisation se retrouvent en droit français.
[83] Les professeurs Henri et Léon Mazeaud ainsi que le professeur André Tunc abordent ce sujet dans leur Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle[8] :
Deux situations, juridiquement différentes, méritent ici d'être distinguées. Tantôt la victime est, à l'occasion de l'accident, l'objet d'un secours purement bénévole, tantôt elle reçoit, en vertu d'un contrat préexistant, des gratifications particulières.
[84] Plus particulièrement, en ce qui a trait à l'exception des dons de charité, ils s'expriment ainsi :
[…] Une charité - et on est toujours en présence d'une charité plus ou moins déguisée - n'est pas une indemnité : l'indemnité présente le caractère d'une réparation à laquelle la victime a droit. Il paraît donc difficile de refuser à la victime qui a reçu des secours la possibilité de réclamer réparation intégrale du dommage qui lui a été causé.
D'autant plus que ce serait faire bénéficier l'auteur du préjudice de la charité adressée à la victime, ce qui est évidemment inadmissible. Si l'on rejette en effet l'action formée par la victime contre l'auteur du dommage, ce dernier sera à l'abri; car - et sur ce point le doute n'est pas permis - celui qui, bénévolement, a versé un secours, ne pourra pas en demander le remboursement. […]
[références omises]
[85] De même, les professeurs Geneviève Viney et Patrice Jourdain, dans leur Traité de droit civil : Les conditions de la responsabilité[9], font état des deux exceptions à la double indemnisation : les prestations non indemnitaires versées par des tiers ainsi que celles qui sont purement bénévoles.
Ajoutons que, indépendamment de cette circonstance, la jurisprudence a reconnu que certaines sont non indemnitaires par nature et par conséquent intégralement cumulables avec l'indemnité due par le responsable. C'est le cas, par exemple de l'allocation aux adultes handicapés, et des prestations d'assistance liées à des conditions de ressources comme, par exemple, le revenu minimum d'insertion ou enfin des versements de caractère contractuel consécutifs aux cotisations de la victime.
Toutes ces prestations n'ont en effet nullement pour fonction de contribuer à l'indemnisation du dommage imputable au responsable.
Enfin, il est généralement admis que les prestations versées par un tiers à titre purement bénévole ou dans le but d'assurer à la victime un avantage spécial sont cumulables avec les dommages-intérêts dus par le responsable et qu'ils n'amputent donc aucunement les droits de la victime contre celui-ci. Il en est ainsi, par exemple des secours versés à l'occasion d'un accident par un bureau d'aide sociale ou par les services sociaux d'une entreprise ou encore par un tiers agissant par pure charité.
De même, en cas de versements effectués en application de dispositions statutaires ou conventionnelles dont l'objet consiste à créer un avantage spécial au profit des bénéficiaires en cas de dommage corporel, on admet que cet avantage ne doit pas priver l'intéressé de tout ou partie de ses droits contre le responsable.
[références omises]
[86] On constate donc que le même souci existe tant en droit civil qu'en Common Law, soit celui de ne pas faire en sorte que les gens cessent d'aider ceux qui sont dans le besoin.
[87] En l'espèce, il est difficile de concevoir qu'en raison de la bienveillance des familles et des proches des usagers, les CHSLD soient exonérés de toute obligation de réparation alors que le manquement à leur obligation légale a clairement causé des dommages.
[88] En effet, vu le type d’obligation que doit accomplir un CHSLD, les dommages, en cas de non-exécution, sont prévisibles et certains. Le lavage des vêtements est un service dont un usager ne peut se passer très longtemps. Il est donc acquis qu’il doit rapidement obtenir ailleurs ce service s’il ne lui est pas rendu par le CHSLD. Il subit donc immanquablement un dommage. La seule raison pour laquelle certains usagers n’ont pas eu à débourser des sommes d’argent provenant de leur allocation de dépenses personnelles, est que leur famille ou des proches ont accompli la tâche qui devait être faite par le CHSLD.
[89] Les établissements publics plaident toutefois que les familles ou les proches qui ont payé le lavage des vêtements ou ont effectué eux-mêmes la tâche sont subrogés dans les droits des usagers, tel que le prévoit l'article 1608 C.c.Q, et qu’en conséquence ce sont eux qui auraient dû prendre des recours pour être indemnisés. Ils soutiennent que l’article 1656, alinéa 3, C.c.Q. s’appliquerait en l’espèce.
Article 1656 al 3 C.c.Q.
La subrogation s’opère par le seul effet de la loi…
3 Au profit de celui qui paie une dette à laquelle il est tenu avec d’autres ou pour d’autres et qu’il a intérêt à acquitter.
[90] Cet article ne peut trouver application dans la présente affaire. En effet, même en tenant pour acquis que le lavage des vêtements puisse être visé par l’obligation alimentaire entre parents (article 585 C.c.Q.), cela ne rend pas la famille débitrice d’une dette lorsque, comme en l’espèce, un tiers a l’obligation légale de rendre ce service. En effet, ce sont les CHSLD, en vertu de l'article 83 de la Loi, qui devaient prendre en charge et acquitter le coût du lavage des vêtements des usagers. La famille et les proches, qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement toujours des parents en ligne directe au premier degré, tel que le requiert l'article 585 C.c.Q. pour trouver application, ne peuvent donc être subrogés en vertu de l'article 1656, alinéa 3, C.c.Q.
[91] Le juge de première instance aurait donc dû permettre que les usagers puissent également être indemnisés lorsque leurs familles ou leurs proches ont effectué le lavage des vêtements.
[92] Les appelants incidents demandent que soit accordée une somme de 30 $ par mois aux usagers dont les proches se sont chargés du lavage. Ils estiment que les coûts ont été moindres lorsque le lavage a été fait à domicile. Puisque la preuve révèle que le coût du lavage, lorsqu’il est fait par des tiers rémunérés est en moyenne de 40 $ par mois, ils sont d’avis que la somme de 30 $ par mois est justifiée.
[93] Si les familles ou les proches de ces usagers n’avaient pas effectué le lavage des vêtements, ces derniers auraient dû payer pour ce service. Puisque le juge de première instance, à la lumière de la preuve, a fixé à un maximum de 40 $ par mois l’indemnité que pourront recevoir les usagers qui ont dû payer pour le service, la réclamation de 30 $ par mois paraît raisonnable.
[94] Enfin, les mis en cause plaident que le juge de première instance a eu raison de rejeter les réclamations éventuelles des familles ou des proches ayant effectué le lavage des vêtements des usagers. En effet, ils partagent son point de vue que ces derniers ne font pas partie du groupe visé par le recours collectif. En outre, l'aide qu’un usager peut recevoir de sa famille ou de ses proches, de même que leur participation à certaines activités de la vie quotidienne, s'inscrivent dans la mission d'un CHSLD d'offrir un milieu de vie substitut, au sens de l'article 83 de la Loi.
[95] Ces arguments ne peuvent être retenus. En premier lieu, il est vrai que les familles et les proches ne font pas partie du groupe visé par le recours collectif. Toutefois, ce sont les usagers et non leurs familles ou leurs proches, qui demandent à être indemnisés pour les dommages subis, et ce, même si ce sont ces derniers qui ont fait le lavage de leurs vêtements pour eux afin de leur venir en aide.
[96] Quant à la mission des CHSLD, elle n'est pas compromise du fait que, dans le cadre du présent recours collectif, des usagers seront indemnisés parce que leurs familles ou leurs proches ont dû faire le lavage des vêtements étant donné que ce service n'était pas offert et aurait dû l'être. En effet, les CHSLD peuvent toujours continuer à encourager les familles ou les proches à effectuer le lavage des vêtements des usagers. Toutefois, il doit s'agir d'une participation volontaire de leur part et non d'une tâche imposée par le défaut d'un CHSLD de remplir ses obligations en vertu de l'article 83 de la Loi.
[97] En ce qui concerne la demande des appelants incidents de modifier les conclusions du jugement de première instance afin de permettre que la preuve testimoniale, par affidavit, soit permise pour établir les réclamations, il y lieu d’y faire droit. Dans ce type de réclamation, exiger que seule la preuve faite à l'aide de pièces justificatives soit acceptée rendrait illusoire la possibilité d’obtenir un dédommagement.
[98] De même, il y a lieu de modifier le formulaire de réclamation afin d’y ajouter certaines précisions.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[99] REJETTE avec dépens l’appel dans le dossier 500-09-016353-062;
[100] REJETTE avec dépens l’appel dans le dossier 500-09-016350-068;
[101] REJETTE avec dépens l’appel dans le dossier 500-09-016359-069;
[102] ACCUEILLE avec dépens l’appel incident dans les dossiers 500-09-016350-068 et 500-09-016353-062;
[103] SUBSTITUE les conclusions suivantes aux conclusions 8 et 9 du jugement entrepris :
DÉCLARE que ces réclamations seront jugées au vu des pièces et des affidavits par le greffier, dans les soixante (60) jours de la contestation ou sitôt le délai de contestation expiré à moins que celui-ci ne défère une réclamation à la cour pour faire trancher une question particulière ou à moins qu'une partie n'obtienne sur requête présentée avant jugement du greffier que la réclamation ne soit déférée au Tribunal pour faire trancher une question particulière;
DÉCLARE que chacun des réclamants ou de ses représentants aura droit d'obtenir, sur preuve des faits justificatifs suivants, les indemnités correspondant à sa situation :
- il a résidé à titre de bénéficiaire dans l'un des CHSLD défendeurs, après la date antérieure de trois (3) ans à la date de signification de l'action;
- le CHSLD en cause ne lui a pas offert gratuitement le service de lavage et d'entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels;
- le réclamant ou son représentant n'a pas renoncé individuellement à ce service;
- il n'était pas en état de voir lui-même au lavage normal de ses vêtements;
- pendant toute la période où les conditions précédentes ont été réunies, le réclamant a droit aux sommes payées par lui ou ses proches pour obtenir le service qu'aurait dû rendre le CHSLD jusqu'à concurrence d'un montant maximum de quarante dollars (40 $) par mois ou à une somme de trente dollars (30 $) par mois si ses proches ont lavé pour lui ses vêtements;
- les réclamants auront droit à un intérêt au taux légal augmenté de l'indemnité additionnelle prévue au Code civil sur les sommes afférentes à une année civile, à compter de la fin de cette année civile, ou à compter de la signification du recours au défendeur, la plus tardive des deux dates étant à retenir.
A N N E X E
FORMULAIRE DE RÉCLAMATIN POUR LE
CHSLD _____________________________
1. Nom et adresse du réclamant (l’adresse actuelle ou son adresse au moment du décès)
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
2. Nom et adresse du représentant du réclamant, le cas échéant :
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
3. Le réclamant a résidé comme bénéficiaire au CHSLD___________________ du ________________________ au ___________________________.
4. Les représentants du CHSLD _____________________________ n’ont pas fourni gratuitement au réclamant le service de lavage et d’entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels;
5. Le réclamant n’était pas en état de voir lui-même au lavage et à l’entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels pendant la période pour laquelle il produit une réclamation;
6. Le réclamant n’a pas renoncé individuellement à ce service pour la période visée par cette réclamation;
7A. Le réclamant ou ses proches ont dû encourir des frais de _______________ pour le service de lavage et d’entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels pour la période allant du ______________________ au _____________________ et produit, de bonne foi et après des recherches diligentes, les pièces justificatives qu’il possède sous l’annexe «A»;
7B. Le service de lavage et d’entretien normal de sa lingerie personnelle et de ses vêtements personnels lui a été rendu gratis par ses proches pendant une période de ___ mois complets, du _________________ au ______________, pour lesquels il réclame une indemnité de 30$ par mois, soit _____________$;
8. Si le réclamant ne signe pas le formulaire lui-même :
A. Le réclamant est décédé le ____________________ et je présente sa réclamation en qualité d’héritier :
_________ légal en ma qualité de ______________du défunt;
(lien de parenté)
_________ testamentaire, selon le testament produit sous l’annexe «B;»
B. Le réclamant est toujours vivant mais je le représente ici en vertu d’un mandat produit sous l’annexe «B;»
9. Le réclamant demande également l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue au Code depuis la fin de chacune des années civiles visées par la réclamation ou depuis le ______________________ (la plus tardive des deux dates étant à retenir), ainsi que les frais de la présente réclamation, soit 50,00$;
10. La réclamation totale du demandeur en capital, est de _________________ et le total des intérêts accrus aujourd’hui est de _________________.
FAIT À _______________________ ce ___________________________
______________________________________
Signature du réclamant (ou de son représentant)
Annexer affidavit et pièces
[1] Règlement d'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (R.R.Q. 1981, c. S-5, r.1)
[2] Voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663 et H.L. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 401.
[3] Curateur public c. Syndicat national des employés de l'Hôpital St-Ferdinand (CSN), [1990] R.J.Q. 359, 397 (C.A.); Syndicat national des employés de l'Hôpital St-Ferdinand c. Québec (Curateur public), [1994] R.J.Q. 2761, 2785-2786 (C.A.); Barrette et Cochrane c. Ciment St-Laurent inc., [2003] R.J.Q. 1883 (C.S.).
[4] Carrier c. Rochon, J.E. 2000-1807, paragr. 55 (C.A.); Malhab c. Métromédia CMR Montréal inc. [2003] R.J.Q. 1011, paragr. 57 (C.A.).
[5] Vincent KARIM, Les obligations, vol. 2, 2e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2002, p.443.
[6] [1994] 1 R.C.S. 359, 370.
[7] M.B. c. Colombie-Britannique, [2003] 2 R.C.S. 477, paragr. 30.
[8] T. I, 6e Éd., Montchrestien, Paris, 356.
[9] 2e Éd., L.G.D.J., 1999, 92-93.
AVIS :
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