Bourdon c. Lafond |
2008 QCCQ 3610 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-102191-071 |
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DATE : |
Le 1er mai 2008 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU |
JUGE |
JACQUES PAQUET, J.C.Q. |
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Me FRANÇOIS BOURDON Faisant affaires sous : Bourdon, avocats 2308 Sherbrooke Est Montréal (Qué.) H2K 1E5 |
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Demandeur-défendeur reconventionnel |
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c. |
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CÉLINE LAFOND […] Outremont (Qué.) […] |
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Défenderesse-demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame de la défenderesse le paiement d’une somme de 5 287,51 $ pour honoraires professionnels impayés et 50 $ pour frais de mises en demeure. À l’audience le demandeur renonce à réclamer ces frais et limite sa demande aux honoraires de 5 287,51 $.
[2] La défenderesse conteste la demande et se porte demanderesse reconventionnelle pour un montant de 7 000 $. Elle reproche au demandeur son « manque de professionnalisme, de rigueur et de compétence… ».
LE CONTEXTE FACTUEL
[3] La défenderesse retient les services professionnels du demandeur le 6 novembre 2003 dans le cadre d’un dossier de divorce. Le taux horaire convenu est de 175 $.
[4] La défenderesse soutient que le demandeur a alors évalué le coût des services entre 2 500 $ et 4 000 $. Le demandeur nie cela et précise que cette évaluation ne visait qu’une première phase du dossier.
[5] Au fil des mois, voire des années, la défenderesse a payé au demandeur pour honoraires professionnels et débours la somme de 24 704 $. Elle considère que cette somme est trop élevée, d’autant plus qu’après le jugement de première instance, rendu le 7 septembre 2006, elle a confié le mandat d’appeler du jugement à un autre avocat à qui elle dit avoir payé 28 000 $ d’honoraires et débours.
[6] La défenderesse reproche au demandeur différents manquements à différentes étapes du dossier.
[7] Certains de ces manquements sont mineurs. Par exemple, elle souligne que le demandeur a mal évalué le temps d’audition. Elle soulève aussi une erreur dans une lettre adressée au juge de première instance où le demandeur écrit : « l’avocat de Madame », alors qu’il aurait dû écrire : « l’avocat de Monsieur ».
[8] La défenderesse note également que dans un compte d’honoraires que lui a adressé le demandeur le 4 avril 2006, il est indiqué en date du 30 mars 2006 deux vacations à la cour, pour un total de treize heures cinquante. Or, comme le procès a duré deux jours, soit les 30 et 31 mars 2006, il est facile de constater, comme le souligne le demandeur, qu’il s’agit d’une erreur. La deuxième inscription d’une vacation à la cour pour cinq heures, plutôt que d’être du 30 mars 2006, doit être lue comme étant du 31 mars 2006.
[9] La défenderesse relève aussi le fait que le demandeur s’est adressé au juge saisi de la demande en divorce pour demander que les notes et autorités soient produites le 31 juillet 2006, plutôt que le 28 juillet. Comme le juge a refusé cette demande, le délai du 28 juillet a toutefois été respecté.
[10] D’autres reproches adressés au demandeur sont plus graves, dans la mesure où ils sont fondés.
[11] Ainsi, la défenderesse reproche au demandeur de ne pas avoir contre-interrogé son ex-conjoint. Le demandeur précise à ce propos qu’il a décidé de ne pas le faire parce que, selon lui, il n’y avait pas lieu de procéder à un tel contre-interrogatoire compte tenu, entre autres, des lacunes qui existaient dans le témoignage de la personne concernée.
[12] Lorsqu’il décide de ne pas contre-interroger l’ex-conjoint de la défenderesse, le demandeur prend une décision dans le cadre de sa stratégie pour la conduite du dossier et rien ne permet de conclure que cette décision était fautive.
[13] La défenderesse reproche aussi au demandeur d’avoir « omis d’informer la Cour adéquatement et selon les règles de l’art rattachées à la profession d’avocat qui m’aurait permis d’éviter un appel coûteux ».
[14] À ce propos, force est de constater que le jugement de première instance a été infirmé en partie par la Cour d’appel, sur la base du dossier tel qu’il avait été constitué devant la Cour supérieure. C’est dire que les éléments qui devaient y être pour que l’appel soit accueilli avaient été présentés.
[15] Dans le cadre de cet appel, la défenderesse soulevait par ailleurs l’impartialité de la juge de première instance. La Cour d’appel dispose de ce moyen comme suit :
« En l’espèce, le dossier ne révèle aucunement que la juge ait manqué à son obligation d’impartialité. Certes, elle aurait pu exiger que l’intimé produise ses déclarations de revenus pour l’année 2005 et un relevé objectif de ses revenus pour l’année 2006. Après tout, l’intimé avait l’obligation de divulguer ces renseignements tant en vertu des articles 829 ss. C.p.c. que d’une ordonnance préalable d’un autre juge. Or, même l’avocat précédent de l’appelante, qui était maître de sa preuve, n’a pas jugé bon de contre-interroger l’intimé sur sa situation financière ni d’insister pour que la preuve documentaire requise soit produite. Ce moyen doit être rejeté. »
[16] La défenderesse reproche aussi au demandeur de ne pas avoir appuyé sa plaidoirie par de la doctrine et de la jurisprudence. À ce sujet, elle compare les notes et autorités produites par le demandeur à celles produites par le procureur de son ex-conjoint, laissant entendre que ces dernières sont de meilleure qualité.
[17] Parmi les points en litige dans le cadre du dossier de divorce, la propriété d’une cave à vins était en cause. La défenderesse reproche au demandeur d’avoir tardé pour requérir la nomination d’un expert dans le but de partager en nature la cave à vins si celle-ci ne pouvait être faite en argent.
[18] Une demande tardive en ce sens a été refusée par la juge de première instance. Toutefois, à propos de la cave à vins, dans son jugement la juge conclut :
« [103] ORDONNE le partage en nature de la collection de bouteilles de vin (P-10);
[104] ORDONNE que Madame ait le premier choix dans l’attribution de son lot de bouteilles de vin. »
[19] Il faut en déduire que la défenderesse ayant ce premier choix pouvait lors de ce partage se faire accompagner par un expert et faire le meilleur choix possible. Force est de conclure que cette situation n’a pas créé de dommages à la défenderesse.
[20] La défenderesse reproche aussi au demandeur son manque de sérieux à une occasion au cours du procès. À la fin de la première journée d’audition, alors qu’il était question de la cave à vins, le demandeur dit :
« Oui. Maître Kushnir et moi, on a déjà proposé de le boire pour régler le problème. »
[21] Bien que faite pour détendre l’atmosphère, selon ce que prétend le demandeur, il demeure qu’en rétrospective cette phrase était sans doute de trop dans le cadre d’un procès où la tension pouvait être grande. Par contre, la juge de première instance n’est pas intervenue pour réprimander l’avocat à cette occasion.
[22] La défenderesse soumet également que le demandeur lui avait indiqué qu’une éventuelle inscription en appel était un document qui était relativement court (2 ou 3 pages). Comme elle constate que l’inscription en appel formulée par sa nouvelle avocate est d’environ 16 pages, elle en conclut que le demandeur l’a mal informée.
[23] La défenderesse a été choquée, avec raison, d’apprendre par l’entremise de sa fille que le jugement de première instance avait été rendu. Elle reproche au demandeur de ne pas l’avoir informée. Ce dernier n’a pas fourni d’explications à cet égard lors de l’audition.
[24] D’autres reproches sont adressés au demandeur sur la façon de mener son dossier. Toutefois, ces reproches sont mentionnés par la défenderesse sans qu’une preuve adéquate ne vienne les appuyer.
DISCUSSION
[25] Comme mentionné précédemment, les reproches adressés au demandeur sont pour certains mineurs et ils ne constituent pas des fautes qui sont cause de dommages pour la défenderesse. Pour d’autres les reproches sont plus sérieux. Toutefois, la défenderesse devait appuyer ces reproches par une preuve prépondérante pour permettre au Tribunal de conclure qu’ils étaient fondés.
[26] En l’espèce, le Tribunal, bien qu’il puisse comprendre que la défenderesse ait été irritée, voire même choquée par certains événements, n’a pas une preuve prépondérante pour lui permettre de conclure que le demandeur a commis une faute dans le cadre de son travail professionnel, que ce soit lors de la préparation du dossier ou lors de l’audition.
[27] La demande reconventionnelle ne peut donc être accueillie, puisqu’elle n’est pas appuyée par une preuve prépondérante.
[28] Quant à la défense comme telle, le Tribunal peut tout au plus noter que le coût de certains services est particulièrement élevé. C’est le cas pour la correspondance reçue et envoyée (généralement 25 minutes par lettre) et les conversations téléphoniques. De plus, même si le demandeur le nie, le Tribunal retient le témoignage de la défenderesse selon lequel il y a eu, à l’occasion, du dédoublement parce que son dossier a été référé à une autre avocate junior du bureau du demandeur, suite au départ d’une première avocate qui avait une connaissance du dossier.
[29] Quant à la prétention de la défenderesse voulant que le demandeur ait évalué ses services entre 2 500 $ et 4 000 $, il n’est pas possible de la retenir. D’une part, il est difficile de croire que pour un tel dossier cette évaluation ait été faite et, d’autre part, si tel était le cas, la défenderesse a accepté tacitement que cette évaluation soit modifiée en payant des honoraires jusqu’à concurrence de 24 704 $.
[30] Comme il est mentionné plus haut, il est possible que la défenderesse ait raison d’adresser certains reproches au demandeur. Toutefois, la preuve qu’elle a présentée ne permet pas de conclure qu’ils sont fondés.
[31] Au mieux, la preuve permet au Tribunal de réduire la réclamation du demandeur pour les éléments qui sont énoncés plus haut.
[32] Cela étant, le Tribunal, de façon arbitraire, réduira la réclamation pour tenir compte de ces éléments et la fixera à 4 000 $.
[33] Par ailleurs, comme la « Convention d’honoraires et mandat professionnel » signé le 6 novembre 2003 prévoit des intérêts de 18% l’an, le Tribunal n’a d’autres choix que de les accorder.
[34] Cela étant, la condamnation portera intérêts à ce taux à compter de la demeure, le 11 décembre 2006.
[35] Vu les circonstances, chaque partie assumera le paiement de ses frais judiciaires.
[36] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 4 000 $ avec intérêts au taux de 18% l’an, à compter du 6 décembre 2006;
[38] REJETTE la demande reconventionnelle;
[39] LE TOUT sans frais.
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__________________________________ JACQUES PAQUET, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 29 avril 2008 |
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AVIS :
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