Décision

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Gabarit EDJ

 

 

JB 0535

 
COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-22-015195-001

 

 

 

DATE :

 30 novembre 2001

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GÉRALD BOSSÉ, j.c.Q.

______________________________________________________________________

 

 

STÉPHANE BOURDAGES,

DEMANDEUR

c.

GROUPE CGU CANADA LTÉE,

DÉFENDERESSE

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]    Le demandeur, qui détenait une police d’assurance émise par la défenderesse, invoque qu’il a subi un vol de biens mobiliers, vers le 8 mai 2000.  Il allègue que cette assurance couvrait le risque du vol et que le contrat contenait une clause de « valeur à neuf ».  Il réclame une somme de 11 171,53$.

[2]    La défenderesse admet que la police était en vigueur et qu’elle contenait une clause de « valeur à neuf ».  Cependant, le contrat prévoyait une franchise de 1 000$.

[3]    La preuve prépondérante révèle que, vers le 8 mai 2000, plusieurs objets furent volés dans l’appartement du demandeur.  Ce dernier, un militaire qui, au moment du vol, se trouvait à Gagetown, au Nouveau - Brunswick, a révélé à l’assureur les circonstances de l’événement dont les policiers lui avaient fait part et il a fourni une liste des objets volés.

[4]    Toutefois, l’assureur plaide particulièrement que le demandeur a omis de fournir les pièces justificatives et de fournir les renseignements pertinents.  Surtout, la défenderesse plaide que le demandeur a fait des déclarations mensongères dans le but d’obtenir une indemnisation à laquelle il n’avait pas droit.

LE DROIT

[5]    En somme, la défenderesse plaide que le demandeur a contrevenu aux articles 2471 et 2472 C.c.Q..  Ces articles se lisent comme suit :

« 2471. À la demande de l'assureur, l'assuré doit, le plus tôt possible, faire connaître à l'assureur toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l'étendue des dommages, l'emplacement du bien, les droits des tiers et les assurances concurrentes; il doit aussi lui fournir les pièces justificatives et attester, sous serment, la véracité de celles-ci.

Lorsque l'assuré ne peut, pour un motif sérieux, remplir cette obligation, il a droit à un délai raisonnable pour l'exécuter.

À défaut par l'assuré de se conformer à son obligation, tout intéressé peut le faire à sa place.

2472. Toute déclaration mensongère entraîne pour son auteur la déchéance de son droit à l'indemnisation à l'égard du risque auquel se rattache ladite déclaration.

Toutefois, si la réalisation du risque a entraîné la perte à la fois de biens mobiliers et immobiliers, ou à la fois de biens à usage professionnel et à usage personnel, la déchéance ne vaut qu'à l'égard de la catégorie de biens à laquelle se rattache la déclaration mensongère. »

[6]    L’article 2471 C.c.Q. témoigne de la collaboration qui doit exister dans les relations entre l’assureur et l’assuré au moment d’un sinistre.  L’initiative appartenant à l’assureur, l’assuré lui fournit, à sa demande, les informations relatives aux circonstances entourant le sinistre, les pièces justificatives et l’attestation sous serment.  Le professeur Jean‑Guy Bergeron note, à cet égard, dans son Précis de droit des assurances : « L’assureur peut forcer l’assuré à déclarer les circonstances, mais il ne peut le contraindre à un contre‑interrogatoire à ce stade du processus de réclamation. »[1].

L’assuré doit remplir son obligation le plus tôt possible, c’est‑à‑dire dans un délai raisonnable.  Cependant, écrit Me Bergeron à ce sujet :

« Ce bénéfice d’un délai raisonnable, lié au principe de la plus haute bonne foi, permet d’affirmer que l’assureur ne pourra invoquer la déchéance de la réclamation que s’il prouve un préjudice résultant du manquement à cette obligation ou du retard à l’exécuter. »[2]

[7]    L’article 2472 C.c.Q. prévoit la perte du droit à l’indemnisation dans le cas où l’assuré fait une déclaration mensongère.  L’auteur précité, Me Jean‑Guy Bergeron, fournit l’explication suivante relativement à cet article :

« Pour entraîner une sanction, la déclaration doit être mensongère, notion apparentée à celle de fraude.  L’assureur doit donc prouver plus qu’une simple inadvertance ou exagération et apporter la preuve d’une intention frauduleuse.  Le réclamant doit tenter d’obtenir une indemnité à laquelle il n’a pas droit.  Après avoir rappelé la nécessité de distinguer entre deux notions qui se rapprochent, la fausseté et le mensonge, tout ce qui est faux n’étant pas nécessairement mensonger, la Cour d’appel déclare :

« Pour qu’il y ait, en effet, déclaration mensongère au sens de ces textes, il est nécessaire que les fausses déclarations aient été faites dans le but de tromper l’assureur et donc d’obtenir de lui une prestation, un paiement ou une indemnité auquel l’assuré n’a pas droit »[3].

En quelque sorte, il faut un lien causal entre la déclaration mensongère et l’indemnité à obtenir sans droit. »[4]

[8]    Enfin, il faut rappeler quelques notions relatives au fardeau de preuve.  L’article 2803 C.c.Q. impose à celui qui veut faire valoir un droit le fardeau de prouver les faits qui soutiennent sa prétention.  Toutefois, à celui qui prétend qu’un droit est nul, cet article impose par ailleurs le fardeau de la preuve des faits sur lesquels sa prétention est fondée.  Dans l’espèce, par exemple, le demandeur avait le fardeau de prouver le contrat d’assurance, son application au sinistre, l’occurrence d’un vol, les objets volés et leur valeur.  Toutefois, c’est à la défenderesse qu’il incombait de prouver les faits justifiant l’application de l’article 2472 C.c.Q..

ÉLÉMENTS DE LA PREUVE

[9]    La preuve révèle que le demandeur se trouvait au Nouveau‑Brunswick au moment où un vol est survenu à sa résidence.  Il demeurait alors en appartement au 2790, rue Gaspard, à Beauport.  Pendant son absence, un ami se rendait périodiquement à l’appartement pour nourrir quatre chats, les deux chats du demandeur et deux chats d’un tiers.

[10]            C’est en se rendant ainsi à l’appartement pour s’acquitter de cette tâche, en début d’après‑midi du 9 mai 2000, que le témoin Martin Ouellet a découvert que l’appartement était dans un grand désordre.  Avant d’entrer dans la bâtisse dans laquelle se trouvait l’appartement situé au deuxième étage, il avait vu, par terre, une bouteille de vin pleine et des tessons de bouteille.

Le témoin a alors communiqué avec le service de police par l’intermédiaire du numéro général 911.  Deux policiers se sont rendus faire les constatations nécessaires.  Selon le rapport d’un de ces policiers, il a constaté que la moustiquaire de la porte de la cuisine, qui donne accès à un balcon, était déchirée.

[11]            Il a conclu que les voleurs étaient entrés par cette porte en défonçant la moustiquaire et en tournant la poignée de la porte.  La fenêtre, selon le rapport produit du consentement des parties pour valoir témoignage, était entrouverte, ce qui facilitait la tâche des voleurs.  Le policier a constaté, à l’aide du témoin Ouellet, qu’il manquait beaucoup de biens.  Le témoin Ouellet en a dressé une liste sommaire.

[12]            La preuve ne révèle pas avec précision si le demandeur a appris qu’il y avait eu un vol dans son appartement au cours d’un appel téléphonique qu’il a fait ou d’un appel téléphonique qu’il a reçu.  Il a cependant obtenu de ses supérieurs l’autorisation d’avancer la date de son départ du Nouveau‑Brunswick.  Il a communiqué avec le service de police en arrivant et il s’est présenté au poste le lendemain, 13 mai.  C’est à cette date qu’il a, selon le rapport du policier chargé du dossier, complété une liste des objets volés.  Cette liste fait partie des documents produits sous la cote P‑2.  Le demandeur y énumère environ 45 items et y indique une valeur de plus ou moins 11 000$.

[13]            Cependant, le demandeur prétend qu’il avait auparavant dressé une autre liste similaire, suite à une demande d’une représentante de la défenderesse.  Le demandeur déclare qu’il a rencontré cette représentante, qu’elle lui a fourni des explications et qu’elle lui a demandé d’énumérer les biens volés.  La liste, produite sous la cote D‑2, est toutefois datée du 17 mai 2000.  Il semble donc que cette liste ait été complétée postérieurement à celle que le demandeur a faite au service de police.

[14]            C’est la représentante de la défenderesse qui a fait l’inscription des items que le demandeur lui déclarait.  Ce dernier précise qu’il a informé celle‑ci du fait qu’il ne se souvenait pas exactement de certains prix.  Elle lui aurait alors répondu que ce n’était pas grave puisqu’il s’agissait de déclarer des prix approximatifs.  Le demandeur déclare qu’il a alors indiqué ce que, selon lui, chaque item valait.

[15]            Lorsque le demandeur a énuméré le téléviseur, il a d’abord indiqué une largeur d’écran de 32 pouces.  C’est d’ailleurs la largeur de l’écran qui apparaît dans la liste fournie aux policiers.  Il a cependant ajouté qu’il entrait dans le meuble qui était resté sur place.  La représentante de la défenderesse a alors mesuré le meuble et précisé que la largeur devait être 27 ou 28 pouces.  La liste (D‑2) fait état de ces hésitations.  Toutefois, le demandeur a indiqué qu’il s’agissait d’un téléviseur de marque Sony et il l’a évalué à 1 100$.

[16]            La représentante de la défenderesse trouvait par ailleurs assez élevées les valeurs des jeux vidéo déclarées.

Elle a demandé au demandeur de rechercher les reçus et de trouver des photographies de l’appartement.

[17]            Celui‑ci lui a par la suite remis entre autres une évaluation, faite par un magasin spécialisé, du prix des jeux vidéo, les contenants et les instructions relatives aux jeux.  Le demandeur lui a notamment remis les reçus relatifs à l’achat de son ordinateur (P‑11).  La représentante de la défenderesse a pris des photographies des boîtes des jeux.

[18]            Toutefois, un enquêteur spécial fut subséquemment mandaté par la défenderesse.  Il a informé le demandeur qu’un interrogatoire se tiendrait au palais de justice de Québec.  Cet interrogatoire eut lieu le 8 juin 2000.  Le demandeur fut assermenté.  Une sténographe officielle était présente.  Le demandeur n’était pas assisté d’un avocat.  La transcription des notes de cet interrogatoire, qui fut d’une durée de trois heures et demie, sans interruption, remplit un cahier de format légal de 144 pages.

[19]            La défenderesse ayant refusé de payer l’indemnité, le demandeur a pris action, le 31 août 2000, par l’intermédiaire d’un procureur.  Ce dernier déclare en cour qu’il a préparé la déclaration en se basant sur la liste (P‑2), soit celle que le demandeur avait remise aux policiers.  C’est d’ailleurs le total exact des sommes énumérées dans cette liste qu’on retrouve dans la déclaration.  C’est vraisemblablement ce qui explique que l’action fait encore état d’un téléviseur de marque Sony, d’une valeur de 1 100$, alors que le demandeur avait déjà fourni un reçu qui indiquait plutôt un téléviseur de marque Sears, au prix de 457$.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[20]            Les circonstances du vol ont été sommairement établies par le service de police.  Le demandeur en a fait part à l’assureur.  N’en connaissant pas d’autres, il avait dès lors rempli, à cet égard, l’obligation de dénoncer ces circonstances prévue par l’article 2471 C.c.Q..

Quant à l’obligation de fournir les pièces justificatives, elle s’étend aux factures et reçus conservés et aux autres documents qui peuvent être retrouvés.  L’assureur a, à cet égard, une obligation de guide pour orienter son assuré sur la nature des pièces recherchées, puisque c’est à sa demande que l’assuré lui fournit les informations relatives aux circonstances entourant le sinistre.

[21]            Or, dans l’espèce, le demandeur a fait des efforts pour fournir à la représentante de la défenderesse les informations demandées et les documents qu’il a pu trouver.  N’ayant pas entendu le témoignage de cette représentante, j’ignore s’il y a des précisions ou des documents qu’elle a demandés et que le demandeur a fait défaut de lui remettre.

[22]            L’enquêteur a pour sa part fait une liste précise de renseignements nécessaires, l’assuré prenant des engagements de les lui fournir.

[23]            À l’engagement numéro 1, il s’agissait de fournir le relevé bancaire du retrait effectué en 1996, à Winnipeg, pour procéder à l’achat d’un téléviseur.  Le demandeur a plutôt découvert, après des recherches auprès de la compagnie Sears, dans l’extrait de son état de compte de Sears, pour la période du 29 mai 1997 au 14 juin 1997 (P‑12), que le téléviseur avait été acheté en 1997 et qu’il s’agissait d’un téléviseur de marque Sears, au prix, taxes non incluses, de 457,33$.

[24]            À l’engagement numéro 2, l’enquêteur voulait obtenir le relevé bancaire où apparaissait un retrait pour l’achat d’un VCR.  Le demandeur a produit un état de compte de Sears, daté de janvier 1999 (P‑13), dans lequel apparaît l’achat d’un magnétoscope 4 têtes au prix, avant taxes, de 249,99$.  Dans sa liste, le demandeur l’avait évalué à 250$.

[25]            À l’engagement numéro 6, l’enquêteur voulait obtenir les relevés de crédit de toute transaction de crédit pour l’achat d’outils avec la carte Canadian Tire.  Le demandeur a obtenu de Canadian Tire, au coût de 150$, les relevés d’une période de 10 ans pour y retracer les achats d’outils.  Il y a des achats pour 410$.  Le demandeur précise qu’il a acquis des outils, payés en espèces, pour un montant supérieur à celui de ses achats par carte de crédit.  L’analyse des relevés révèle que le demandeur achetait des outils périodiquement.  Il me semble logique qu’il les ait mis dans un coffre.  Son intérêt à l’achat d’outils me permet d’accorder crédibilité à son affirmation voulant qu’il en ait payé autant en espèces que par carte de crédit.

[26]            Il semble que le demandeur a fait beaucoup de démarches pour fournir, dans la mesure du possible, les renseignements demandés.  Il a par ailleurs consenti à un long interrogatoire sous serment dont le contenu a été versé en preuve même si, au contraire de la pratique suivie au cours d’un interrogatoire au préalable, le demandeur n’était alors pas assisté d’un avocat.

La preuve révèle d’une façon satisfaisante, dans les circonstances, que le demandeur a rempli les obligations que l’article 2471 C.c.Q. impose à un assuré.

[27]            Le demandeur a‑t‑il, dans le but de se procurer des indemnités auxquelles il n’avait pas droit, déclaré le vol de biens qu’il ne possédait pas?  La défenderesse soulève essentiellement cette question relativement à six items, soit l’argent canadien en espèces, l’argent étranger en espèces, un coffre‑fort, un bijou, du vin et des revues.

[28]            Le demandeur, dans la déclaration qu’il a remise aux policiers, et dont il produit copie sous la cote P‑2, déclare qu’il avait, dans un coffre‑fort, une somme de 958$ en espèces et que le coffre‑fort, d’une valeur de 100$, fut volé.  Dans la déclaration remise à la représentante de la défenderesse, il précise que le coffre‑fort provient d’un marché aux puces, en Ontario, et que, quant à l’argent, il avait été accumulé à partir d’un chèque de son employeur.

[29]            Le demandeur a fait partie de la marine pendant plusieurs années.  Il était alors stationné en Ontario.  Toutefois, il a été intégré à l’armée de terre et, par voie de conséquence, à un régiment de Valcartier.  Selon son témoignage, les Forces armées versent un chèque pour défrayer les frais du déménagement et remettent de l’argent en espèces pour défrayer les frais de subsistance en cours de déménagement.  Ce programme est administré par Royal Lepage.  Le demandeur explique que ce sont ces argents, en chèque non encore échangé et en espèces, qui se trouvaient dans le coffre sous le lit.

La défenderesse fait état du fait que les déclarations du demandeur relatives à la pesanteur du coffre semblent contradictoires.  Dans sa déclaration remise à la représentante de la défenderesse, le demandeur n’indique pas de pesanteur.  Il indique toutefois une pesanteur d’environ 100 livres dans la déclaration faite aux policiers.  À l’enquête et audition, il semble plutôt croire que cette pesanteur était de 50 à 60 livres.  Il ne s’agit pas d’une contradiction majeure, compte tenu du fait qu’il n’a sûrement pas pesé le coffre.

Fondamentalement, il peut s’avérer difficile à croire qu’il avait conservé cet argent dans son appartement mais il s’agit toutefois d’un fait possible.  Je n’ai pas d’éléments particuliers, à cet égard, qui pourraient me permettre de douter de la véracité du témoignage du demandeur.  Par contre, il apparaît invraisemblable qu’il invente que de l’argent dans un coffre lui fut volé.

[30]            L’argent liquide provenant d’autres pays aurait totalisé approximativement 1 000$.  C’est l’indication contenue dans la liste fournie à la représentante de la défenderesse.  Dans la marine pendant plus de neuf ans, le demandeur a fait le tour du monde à trois reprises et il a fait escale dans de nombreux pays.  À l’occasion des escales, on lui remettait une somme d’environ 100$ CAN en argent du pays visité.  Ce sont les restes accumulés de tous ces argents locaux qu’il avait gardés qu’il évalue à environ 1 000$, sans toutefois pouvoir fournir le taux de change et le nom des espèces utilisées dans chacun des pays visités.  L’explication est fort plausible.

[31]            Le demandeur possédait, affirme‑t‑il, une bague, en or 14 carats, avec un diamant au centre entouré de quatre autres petits diamants.  Le demandeur a fourni ces renseignements en expliquant par ailleurs qu’il s’agissait d’une bague de mariage que sa mère lui avait donnée et qui avait, selon les informations qu’elle lui avait fournies, une valeur de 650$.  Comme un soldat en exercice n’est pas autorisé à porter des bijoux, la bague était restée dans l’appartement.  Le demandeur ne peut fournir d’autres informations sur la valeur de la bague mais rien ne permet de douter de la véracité de son témoignage sur ce point.

[32]            La défenderesse s’attarde toutefois particulièrement au téléviseur, au vin et aux revues pour, invoquant l’article 2472 C.c.Q., conclure que le demandeur a augmenté volontairement la valeur de ces items afin d’obtenir des indemnités supérieures à celles auxquelles il avait droit.

[33]            Le téléviseur avait été acquis en 1997 alors que l’assuré se trouvait à Winnipeg.  Il est possible qu’il en ait oublié la marque et le prix.  Il a mis quelque temps à se procurer la facture d’achat mais il est de commune renommée qu’il est difficile d’obtenir d’entreprises importantes copies des comptes de quelques années antérieures.  Éventuellement, le demandeur a produit un compte, corrigeant sa réclamation à cet égard.  La preuve était alors satisfaisante pour l’assureur.  Le fait qu’il fasse la recherche de ce compte rend crédible le témoignage du demandeur à propos du téléviseur.

[34]            Le demandeur avait en sa possession des revues en grand nombre.  Il évalue le nombre à 60.  Il réclame une somme de 700$, ce qui constitue à peu près la « valeur à neuf » de ces revues.  Son témoignage sur la possession de ces revues est corroboré par le témoin Ouellet et il m’apparaît plausible.

Toutefois, la situation se complique par le fait que, le 26 août 2000, un individu a frappé à la porte du demandeur et lui a remis un sac dans lequel il y avait un lot des revues volées.  Le demandeur a fait part aux policiers de ce fait et des éléments permettant l’identification de cet individu.

Le policier qui a rédigé un rapport note ce fait en addenda de son rapport et précise qu’il a incité le demandeur à ne pas se faire justice lui‑même.  Il note toutefois qu’il s’agissait d’un sac contenant soixante revues.  Le demandeur prétend pour sa part que toutes les revues volées n’étaient pas contenues dans le sac.

Il s’agit de toute évidence d’une partie de la réclamation qui doit être retranchée, faute de preuve sur le nombre précis des revues remises au demandeur.

La question fondamentale qui se pose à cet égard est cependant celle de savoir pourquoi une personne qui avait l’intention de faire une réclamation frauduleuse de la valeur des revues se serait empressée d’informer les policiers qu’elle les avait récupérées ou en avait récupéré une partie.

[35]            Une importante partie de l’interrogatoire de l’enquêteur spécial et de l’enquête et audition a porté sur les bouteilles de vin.  Dans les listes d’objets volés, le demandeur réclame une somme de 1 200$ pour 55 bouteilles de vin.  Dans le formulaire (D‑2) remis à la représentante de l’assureur, le demandeur indique « 55 bouteilles de vins de provenance un peu partout » (sic).

À l’enquête et audition, le demandeur a expliqué que, au cours de ses nombreux voyages pendant son séjour dans la marine, il ramenait généralement, en souvenir, du vin de chaque pays.  Il a évalué le prix des bouteilles, en réponse aux questions de la représentante de l’assureur, en tenant compte du fait que le taux de change de l’argent canadien, par rapport à l’argent américain, n’était généralement pas élevé.  Cependant, il appert que, en faisant sa déclaration pour établir une preuve de perte, il n’avait pas beaucoup de souvenirs du prix réel payé.  Par ailleurs, selon la preuve non contredite, qui provient de son témoignage, celui du témoin Ouellet et celui de son frère, un policier de la Sûreté du Québec, le demandeur ne consomme pratiquement pas de vin et il n’a pas de connaissances particulières dans le domaine du vin.  C’est un élément qui peut sûrement expliquer pourquoi il lui a été impossible d’identifier avec précision les vins provenant de l’étranger.

Ceci dit, il y avait, parmi ces bouteilles, des bouteilles acquises de la Société des alcools.  Il appert qu’il s’agissait de vin de consommation courante.  Le demandeur en avait acheté lui‑même quelques bouteilles.  Il en avait reçu en cadeau, notamment de son frère.  Il est difficile de conclure qu’elles pouvaient, en moyenne, valoir plus de 13,50$ par bouteille.  Le frère du demandeur précise que les bouteilles qu’il avait données en cadeau à son frère valaient de 10$ à 17$.

Enfin, le frère du demandeur avait fabriqué du vin.  Le résultat avait été aléatoire.  La preuve révèle que, bien que ce vin ait été consommable, la couleur n’en était pas attrayante et il s’était formé des dépôts.  Selon la preuve prépondérante, ce vin n’était pas vinaigré.  Le frère du demandeur l’affirme.  Il en a d’ailleurs donné 18 bouteilles au demandeur.  On se demande bien pourquoi il aurait fait ce cadeau si le vin avait été vinaigré et imbuvable.  Les amis du demandeur en avaient d’ailleurs consommé.  Son frère précise que la fabrication pouvait lui avoir coûté de 8$ à 10$ la bouteille mais qu’il était difficile d’évaluer ce coût.  Nul doute que la valeur à neuf d’un tel produit est aléatoire et difficile à établir.

[36]            En somme, la preuve ne me convainc pas que la valeur indiquée (1 200$) qui correspond à une moyenne de 22$ la bouteille, soit réaliste dans les circonstances, même en tenant compte de l’échange.  Il m’apparaît plus réaliste d’établir cette valeur à environ 14$ la bouteille, soit 770$ pour le lot.  Toutefois, n’ayant pas entendu le témoignage de la préposée de l’assureur qui a fait compléter la preuve de perte, je tiens compte du témoignage du demandeur qui laisse croire qu’elle n’a pas posé de questions très précises pour tenter d’établir la valeur avec plus de précision, lui laissant croire qu’une approximation générale était suffisante.

[37]            Les différents éléments de la preuve ne me permettent pas de conclure que l’assureur a déchargé son fardeau de prouver plus qu’une simple exagération mais une « intention frauduleuse »[5].  La preuve ne me permet donc pas de conclure que, par application des articles 2471 et 2472 C.c.Q., le demandeur a été déchu de son droit à l’indemnisation.

[38]            Toutefois, quant au montant de l’indemnisation, il faut tenir compte de la franchise (1 000$) et en soustraire la valeur réclamée des revues (700$) et une partie (430$) de la valeur réclamée pour le vin.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

ACCUEILLE pour partie l’action du demandeur;

CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 9 041,53$ en capital avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ainsi que l’indemnité additionnelle prévue par la loi et les dépens.

 

 

__________________________________

GÉRALD BOSSÉ, j.c.Q.

 

MOREAU, WEBSTER - Me Michel Moreau

procureurs du demandeur - casier 108

 

LAVERY, de BILLY - Me Jean-François Pichette

procureurs de la défenderesse - casier 3

 

 



[1]    Jean‑Guy Bergeron, Précis de droit des assurances, Sherbrooke, R.D.U.S., 1996 à la p. 197.

[2]    Supra, note 1 à la p. 198.

[3]    Bureautique Nouvelle‑Beauce inc. c. Compagnie d’assurances Guardian du Canada, [1995] R.R.A. 307 , 310 (C.A.).

[4]    Supra, note 1 aux pp. 199‑200.

[5]    Supra, note 4.

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