Décision

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Droit de la famille — 113301

2011 QCCS 5648

JD-2703

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

N° :            200-12-079241-106

 

DATE :     20 octobre 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE JUGE MARTIN DALLAIRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

C... P...

[...], ville A (Québec) [...]

 

Demandeur

 

c.

 

N... C...

[...], ville A (Québec) [...]

 

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Il s'agit d'une procédure de divorce contestée ou de multiples débats sont à trancher, à savoir :

Ø  La pension alimentaire de l'enfant en fonction de la détermination des revenus respectifs;

Ø  La pension alimentaire de la défenderesse;

Ø  La valeur et le sort des meubles meublants;

Ø  Le sort d'une cave à vins et d'une collection de monnaie à titre de composition du patrimoine familial;

Ø  La détermination des frais particuliers;

Ø  La réclamation de sommes spécifiques;

Ø  Une provision pour frais.

[2]           Les admissions au matin de l'audience sont les suivantes :

Ø  La valeur marchande de la cave à vins est de 7 456 $;

Ø  Le demandeur détient un REER de 78 836,67 et la défenderesse de 88 000 $, de sorte que la défenderesse devrait 4 581,67 $ au demandeur;

Ø  Les accès de X avec son père seront les mêmes que ceux déterminés par le jugement du juge Georges Taschereau sous réserve de la quotité de ces accès pour une considération de 119 jours sur 365 en faveur de Monsieur ou 90 jours selon le calcul de la défenderesse;

Ø  Le partage de la régie des rentes applicable selon la loi;

Ø  Les frais particuliers sont admis sous réserve de certaines factures (D-1, 2 890 $);

Ø  Il n'est pas question d'un partage inégal contrairement à ce qu'annoncent les procédures;

Ø  La défenderesse renonce à la réclamation de remboursement (pièce D-12);

Ø  Les parties conservent leurs meubles respectifs et le demandeur doit 900 $ à la défenderesse.

LES FAITS

[3]           Les parties se marient le 10 juin 1986. De ce mariage naît X le [...] 1994.

[4]           Voilà qu'après 23 ans d'union, le demandeur quitte le foyer conjugal au cours du mois de décembre 2009 après avoir au préalable annoncé à la défenderesse en octobre sa volonté de la quitter.

[5]           Le demandeur est représentant dans le domaine de la vente pour des équipements mobiliers. Il travaille pour et au bénéfice d'une corporation qu'il contrôle à 100% et sa corporation se charge de lui verser un salaire et de lui rembourser ses dépenses par le biais d'indemnités de kilométrage.

[6]           À l'origine, il opte pour un fractionnement du revenu de sorte qu'il verse à la défenderesse et à lui-même un salaire de 35 000 $ chacun .Ce fractionnement du revenu vise un nivellement fiscal. Les revenus de la défenderesse sont versés dans un compte conjoint. Aujourd'hui, il figure un salaire de 75 968,20 $ au 31 mars 2011 selon les états financiers de la compagnie (pièce D-12).

[7]           Au fil des dernières années, son entreprise présente un décroissement du volume d'affaires en raison de la morosité économique du domaine mobilier, de la perte de certains clients et surtout que son principal distributeur coupe unilatéralement sa commission qui se voit passer de 4.1% à 3.5% des ventes.

[8]           Les pertes de revenus l'obligent à faire des ponctions dans ses placements et dans le bénéfice non réparti de l'entreprise constituées au 31 mars 2011 d'une somme de 153 446,13 $ (pièce P-12).

[9]           Il se voit obligé de verser des dividendes pour l'année 2010 de 20 000 $ et 11 000 $ pour l'année 2011 selon ses états financiers de l'entreprise.

[10]        Ses relations avec sa jeune fille se déroulent bien. Les accès sont beaucoup plus réguliers à compter du mois de décembre 2010 hormis quelques petits épisodes de mésentente.

[11]        Il se découvre une passion pour le vin qu'il développe au fil des ans. Il s'efforce de monter une collection. Il y a dans cette collection des vins de garde et aussi des vins de consommation courante.

[12]        Il construit sa cave à vins à la maison et il lui arrive de déboucher quelques bouteilles pour consommer avec la défenderesse, mais il affirme que celle-ci ne présente aucun intérêt à la collection.

[13]        Il possède également une collection de monnaie avec une valeur incertaine dont il consacre à lui seul les efforts de collection, et ce, depuis plusieurs années. Il entrepose la monnaie dans un coffre-fort. Il ne procède pas nécessairement à des achats spécifiques et il est le seul intéressé par cette passion.

[14]        Quant au versement d'une pension alimentaire à la défenderesse, le demandeur n'est pas contre, mais soutient que la défenderesse doit consacrer des efforts pour améliorer sa condition financière. Depuis quelque temps, il présente des problèmes de santé et de névralgie et prend des médicaments.

[15]        Du temps de la vie commune, la défenderesse opère un salon d'esthétique à l'intérieur de la maison avec une clientèle relativement restreinte pour des revenus bon an, mal an au cours des 5 dernières années de 4 à 5 000 $.


[16]        Madame Ce... L... est la partenaire d'affaires de la défenderesse. Elle possède un local commercial avec des équipements spécialisés pour exploiter un salon d'esthétique et d'électrolyse ainsi que la pose d'ongles. Elle offre à la défenderesse un partage de surface pour les journées du jeudi, vendredi et samedi, et le principe de l'entente établit un partage de revenus déposés avec un tableau depuis le 26 février 2011.

[17]        Les pourboires sont conservés par la défenderesse et ses revenus à l'heure actuelle au fil des mois peuvent présenter un montant d'environ 9 000 $.

[18]        Ces revenus risquent d'augmenter au cours des prochains mois puisque récemment, la défenderesse a suivi un cours spécialisé pour la pose d'ongles. Or, les deux personnes responsables ne sont plus au travail de sorte qu'il s'agit d'un accroissement du chiffre d'affaires potentiel pour cette employée qui est efficace, minutieuse et bien appréciée.

[19]        Madame Line Mathieu est une conseillère en orientation depuis plus de 25 ans. Elle livre les pré-requis et les conditions de marché dans le domaine de l'esthétique ainsi que des chiffres pour le taux de placement et les revenus potentiels des finissants. On en déduit un bon taux de placement (environ 65%) avec des revenus d'appoint ( + ou - 400 $ brut par semaine).

[20]        En contre-interrogatoire, on apprend que le demandeur déclare à titre de revenus dans sa demande de financement pour l'achat d'un véhicule automobile Mini-couper 2010 (pièce D-9) une somme de 80 000 $.

[21]        Finalement, on dépose les comptes conjoints des parties sous la cote D-10 et D-11.

[22]        De son côté, la défenderesse confirme sa formation d'esthéticienne ainsi que la date du mariage soit le 10 juin 1986. Elle admet les revenus modestes de 4 à 5 000 $ en raison de l'opération du commerce dans sa maison. Elle soutient que l'annonce de la séparation lui cause un choc, car elle ne s'attendait pas du tout à cet événement. Elle doit réapprendre à administrer le quotidien puisque dans le passé, le demandeur s'occupait de la paperasse et des papiers domestiques ce qui exige pour elle un certain niveau d'apprentissage et d'inquiétude.

[23]        Comme le défendeur coupe les cartes de crédit en mars 2010, il lui aurait demandé de payer les dépenses avec sa carte de crédit pour 495,04 $ (pièce D-5) qu'il rembourserait, offre qu'il retire par après.

[24]        Le choix de son appartement situé dans le voisinage immédiat provient d'une suggestion du demandeur et elle acquiert des appareils ménagers sous les conseils du demandeur, à même le produit de la vente de la résidence.

[25]        Quant au vin, elle confirme avoir développé une passion pour le vin lors de cours en accompagnant son conjoint pour des activités familiales communes.

[26]        Il s'agissait d'un plaisir commun dans lequel elle apprécie la dégustation et discute de cette passion tout en échangeant leur point de vue respectif lors de bons repas spécialement cuisinés pour la circonstance, certains achats sont faits à même le compte conjoint (pièce D-6).

[27]        Les accès à X se déroulent relativement bien, il est vrai qu'il y a eu quelques difficultés, mais ces éléments vont dans l'ensemble se classer, surtout si on établit un bon canal de communication.

[28]        Elle souhaite que le demandeur participe aux dépenses du bal au cours du mois de juin 2012 et rappelle au demandeur l'importance que leur jeune fille accorde à cet événement.

[29]        Elle a besoin d'une pension alimentaire de 1 500 $ par mois. Elle se réfère au formulaire 3 et requiert une provision pour frais de 3 742,10 $ (pièce D-3) de même qu'un remboursement des dépenses scolaires de 495,04 $ (pièce D-1).

[30]        La défenderesse jouit d'une bonne santé, quoiqu'elle ait certains problèmes d'anxiété. Elle fait état de sa disponibilité au travail. Elle soutient que les revenus du demandeur lui ont toujours permis d'avoir un bon train de vie et d'avoir de bonnes sorties. Elle se considère chanceuse de se voir gâter de la sorte.

[31]        Elle reconnaît que son travail actuel présente de bonnes perspectives d'expansion et que son revenu risque de s'améliorer au fil des mois.

[32]        Elle a encaissé une partie des revenus de la vente de la maison, de sorte qu'il lui reste un solde de 72 000 $et ses honoraires professionnels ont été payés à même l'encaissement de ses revenus.

ANALYSE ET DÉCISION

[33]        Le tribunal traitera par blocs des éléments à déterminer, à savoir :

            A)         Les accès à X, sa pension alimentaire et les frais particuliers

[34]        Tel que discuté, les accès déterminés par le juge Taschereau dans sa décision du 3 décembre 2010 ne posent pas problème si ce n'est un canal de communication parfois difficile.

[35]        À ce sujet, le tribunal est bien aise de comprendre que la défenderesse ne peut pas toujours accorder au demandeur des accès rapides et non précisés d'avance.

[36]        Par ailleurs, le demandeur ne peut pas toujours préciser ses accès à l'avance. À cet effet, le tribunal suggère aux parties d'établir un canal de communication privilégié avec X par l'échange de courriels ou le demandeur pourra contacter directement son enfant, âgée bientôt de 17 ans rappelons-le, afin de gérer les accès non précisés.

[37]        Quant à la pension alimentaire, il importe d'abord de déterminer les revenus des parties. Or, à l'analyse, on voit bien que chacune des parties sous-estime leur propre revenu et surestime celui de l'autre.

[38]        Qu'en est-il? Le demandeur prétend à des revenus de 65 000 $ par année. Le tribunal ne peut en convenir. En effet, il y a d'abord le fait que dans sa propre estimation de revenus devant le financier, il prétend à des revenus de 80 000 $ (pièce D-9). Le tribunal conçoit mal comment il peut présenter un profil particulier à son financier et de présenter un profil différent au tribunal. Il s'agit d'une constante mathématique et le tribunal ne peut décider différemment de ce que le propre demandeur révèle à son financier. Dans le fond, ce qui est valable pour le banquier l'est pour la cour.

[39]        Ensuite, on doit considérer les bénéfices non répartis. Rappelons que de nombreuses décisions nous invitent à considérer une certaine équivalence. Ainsi dans S. F. c. H. T. [1], la Cour d'appel énonce ce qui suit :

[28] Conformément à la définition de "revenu annuel" à l'article 9 du Règlement sur la fixation de la pension alimentaire pour enfants et l'article 825.12 C.p.c., une partie des bénéfices non répartis peuvent être pris en compte dans le calcul de la pension alimentaire pour enfants.

(référence omise)

[40]        De même, dans S.G. c. Su. B., le juge Louis Lacoursière à son paragraphe 82 [2]  rappelle :

«Amené à établir les revenus d'une partie aux fins de fixer une pension alimentaire à partir, notamment, des bénéfices non répartis d'une compagnie dont elle était co-actionnaire, le juge Sénécal écrit ceci :

[14]  On ne peut ici tenir compte de la totalité des bénéfices non répartis pour déterminer les revenus de monsieur aux fins de fixer la pension alimentaire. Une partie de ces bénéfices doit en effet rester dans l'entreprise afin d'assurer sa continuation et éventuellement sa survie. Ainsi que le souligne la Cour d'appel dans Droit de la famille 1513, J.E. 92-210 (C.A.), il faut faire en sorte de protéger et maintenir en santé la source des revenus pour éviter que tout ne s'écroule. Il faut prendre garde de ne pas tuer la «poule aux œufs d'or».

[15]  Il faut prévoir pour les mauvais jours, particulièrement dans un domaine d'activité cyclique comme ici. L'entreprise a fait des pertes certaines années, comme on l'a vu dans le passé. Il lui faut donc avoir une réserve pour passer à travers les moments difficiles. Il faut aussi épargner pour la mise à jour et le renouvellement des équipements et des lieux. Cela est très important que la compagnie dispose d'un fond de roulement suffisant, particulièrement dans un cas comme ici où la compagnie ne dispose pas d'une marge de crédit bancaire (les deux associés n'étant apparemment pas en situation de fournir des garanties personnelles à la banque pour l'obtenir).

[16]  Il n'est donc pas opportun de tenir compte de la totalité des bénéfices non répartis passés et de l'année pour fixer la pension alimentaire. L'entreprise a besoin d'en conserver.

[17]  Pour ce qui est des bénéfices non répartis passés, un autre motif s'ajoute. Les propriétaires en ont hérité de leur père. Ce n'est pas un revenu qu'ils ont généré. Il est évidemment possible d'imputer un revenu à un tel actif. Il n'est toutefois pas approprié de le faire dans un cas comme ici où l'entreprise en a absolument besoin. Ajoutons que pour des gens qui possèdent une entreprise, il faut mettre de côté certaines sommes pour les vieux jours. Laisser des sommes dans l'entreprise pour plus tard constitue jusqu'à un certain point une forme de régime de retraite que les propriétaires se constituent. La chose est normale et légitime. C'est en mettant chaque année des sommes de côté qu'on peut envisager un jour prendre une retraite. C'est ce que les salariés font et il est normal que les propriétaires de l'entreprise le fassent aussi.

[18]  Cela dit, dans une année où les bénéfices non répartis sont de 95 000 $, il n'est pas dit qu'il faille les ignorer en totalité au moment de fixer la pension alimentaire.

(référence omise).

[41]        Également, le juge Pierre Isabelle, dans C.L. c. M.D. aux paragraphes 37 et 39 [3]:

« [37] Le père bénéficie de certains avantages financiers des sociétés dans lesquelles il a une participation et en particulier dans la [Compagnie A] dont il est le seul actionnaire. Les états financiers de cette société démontrent des bénéfices non répartis de 65 074.

[…]

[39] Le Tribunal majore donc le revenu annuel brut du père d'une somme de 5 000 $ annuellement pour tenir compte des bénéfices non répartis de la [Compagnie A] ».

[42]        Pour toutes ces raisons, le tribunal se doit de considérer un certain pourcentage de bénéfice non réparti (BNR). D'abord, le demandeur est le seul dirigeant de l'entreprise et la gouverne à sa convenance. Au cours des deux dernières années, il fait des ponctions en se versant des dividendes de 20 000 $ et de 10 000 $. Ainsi, dans sa discrétion dévolue, le tribunal ajoute un revenu de 10 000  $ soit environ 6% du capital des bénéfices.

[43]        Enfin, on demande de considérer un certain impact concernant des dépenses d'automobile.

[44]        Selon la preuve, le demandeur se porte acquéreur d'une petite voiture « Toyota » Corolla qui sert exclusivement à ses déplacements. Il voit au paiement de l'essence, de l'assurance et de l'entretien, quoiqu’à ce chapitre, il s'agit d'une voiture neuve. En contrepartie, la compagnie lui rembourse tout son kilométrage à raison de .46 cents le kilomètre. Bon an, mal an, il parcourt 50 000 kilomètres pour les fins de son travail. Dans les états financiers de l'entreprise (pièce D-12), les dépenses d'hôtel et de repas lui sont remboursées sur des postes de dépenses distincts. Le chapitre kilométrage représente 25 952,32 $, dont environ 23 000 $ représente les dépenses de voiture.

[45]        Dans une décision du juge Jean-Pierre Sénécal, celui-ci rappelait dans H.B. c. S.G. [4] :

[8]          Monsieur jouit en plus de l'usage d'une automobile.  Non seulement cette automobile est-elle mise à sa disposition sans aucuns frais, mais toutes les dépenses afférentes au véhicule sont également assumées sans aucuns frais pour monsieur, qu'il s'agisse de l'essence, des assurances, des réparations, etc.  Le véhicule est évidemment utilisé pour le travail de monsieur, mais il l’est aussi pour son usage personnel.  C'est un avantage considérable que de pouvoir jouir d'un véhicule sans frais.  Cela l'est encore davantage si l'on considère qu'ici, il s'agit d'un avantage net d'impôt ; aucun montant additionnel n'est déclaré pour l'usage du véhicule par monsieur à des fins personnelles.

[9]          Il est de jurisprudence constante qu’un avantage comme celui-là doit être pris en considération lorsqu'il s'agit d'établir la véritable rémunération d'une personne.  Il y a donc lieu de le quantifier et de l'ajouter à la rémunération de monsieur.  C'est un exercice qui n'est pas facile ici puisque, à toutes fins pratiques, il n'y a pas eu de preuve sur cette question.  Il faut arbitrer, la preuve ne permettant pas de savants calculs mathématiques.  Le Tribunal attribuera de façon conservatrice une valeur de 6 000 $ à l'avantage dont jouit monsieur.


[46]        Dans le présent dossier, le tribunal conçoit qu'en optimisant ses dépenses avec une petite voiture économique, le demandeur jouit d'un certain levier économique. Encore une fois, dans sa discrétion, le tribunal déterminera un revenu de 5 000 $ à ajouter. De sorte que dans l'ensemble, le tribunal considère la somme de 95 000 $ comme un revenu annuel d'équivalence.

[47]        Du côté de la défenderesse, nous constations que depuis février 2011, suivant son entente avec madame L..., que ses revenus vont en s'accroissant, à savoir de 236,00 $ en février à 647,70 $ en août avec un pic de 915,50 $ en juin. On doit cependant tenir compte que le meilleur est à venir soit novembre et décembre, période propice pour les soins de beauté. Aux revenus estimés, le tribunal doit tenir compte également, selon l'aveu de la défenderesse, de certains pourboires.

[48]        En raison de ces appréciations, le tribunal déterminera un revenu de 10 000 $ à la défenderesse pour cette année.

[49]        En dernier lieu, dans la détermination du barème, le tribunal tient compte du nombre de jours d'accès pour une considération optimale de 119 jours. Le tribunal ne vise pas à restreindre le quantum des accès d'autant plus que depuis quelque temps, ceux-ci se déroulent bien. Ainsi, en appliquant le barème, le demandeur devra verser une pension alimentaire de 744,68 $ par mois payable à compter du 1er septembre avec une considération des frais particuliers de 3 100 $ établis dans les proportions 9/10 et 1/10.

[50]        En fait, les frais particuliers (pièce D-1) sont générés par la fréquentation d'un collège privé. Le tribunal fixera au prorata des revenus une dépense annuelle établie à 3 100 $ (soit 2 890 $ et 210 $ dépenses déterminées) et il verra à appliquer cette règle pour les dépenses d'ajustement de 478,13 $ (pièce D-1) puisque ces dépenses sont liées aux frais scolaires (livres et vêtements). Ainsi, en appliquant la proportion des revenus, soit 9/10 arrondie pour le demandeur et 1/10 arrondie pour la défenderesse, on arrive aux montants de 47,81 $ pour la défenderesse et 430,32 $ pour le demandeur.

[51]        En dernier lieu, il y aura l'obligation pour chacune des parties d'échanger leur rapport d'impôt annuel au 1er juin de chaque année, ce qui devrait présenter une transparence financière et permettre un suivi sur leur évolution financière respective pour leur permettre de moduler la pension selon leur bonne volonté.

            B)         La pension alimentaire de la défenderesse

[52]        Précisons d'entrée de jeu qu'il s'agit d'un mariage de durée significative, au point tel que même le demandeur convient qu'il y a lieu d'attribuer une pension alimentaire à la défenderesse, qu'il souhaite limiter dans le temps, et ce, de façon dégressive. Le tribunal doit-il aller jusque-là?

[53]        Il ne le croit pas, et ce, en raison des incertitudes qui accompagnent ce dossier. On conçoit bien que la défenderesse soit profondément déroutée par le départ du demandeur. Elle se retrouve face à un nouveau projet de vie qui n'est pas dans ses plans et certainement pas le souhait de son cheminement personnel. Elle doit réapprendre une certaine réinsertion dans le quotidien de la vie et de la dure réalité du marché du travail.

[54]        À ce chapitre, elle manœuvre utilement et efficacement pour revenir au travail. Certes, pas assez vite au goût du demandeur, mais du moins avec efficacité. On ne saurait ajouter à son difficile apprentissage en le contraignant à un terme. On doit lui laisser le temps et la sérénité de faire face à ce nouveau défi pour celle.

[55]        Dans son témoignage, elle fait la démonstration d'un réel effort pour réintégrer le marché du travail, et ce, de façon graduelle et sporadique. Elle doit comprendre qu'elle ne pourra pas indéfiniment bénéficier du support du demandeur si elle n'y met pas d'effort, elle ne peut se montrer indolente.

[56]        À ce chapitre, il n'y a pas d'idéal à espérer. C'est un peu là ce que la Cour d'appel nous rappelle dans Droit de la famille [5] :

«[70] Le premier de ces principes est le suivant. En l'absence de circonstances précises et de considérations réelles et concrètes, il ne convient pas de fixer un terme sur une base purement théorique ou, pour reprendre l'expression du juge LeBel, alors à notre Cour, en fonction uniquement d'un "idéal" à espérer.

[71] Le second principe vise à sanctionner l'indolence caractérisée du créancier alimentaire qui ne fait aucun effort pour atteindre l'autonomie financière ».

[57]        À cet effet, le tribunal maintiendra la somme de 1 000 $ par mois déterminée le 6 décembre 2010 par le juge Taschereau qui dans son jugement, aux paragraphes 44 à 52, se livre à un bon énoncé des impacts. Bien qu'avec des données quelque peu différentes, son calcul est toujours d'actualité. Il s'agit de l'appréciation du tribunal d'un juste équilibre entre ce qui serait au maximum souhaitable pour la défenderesse et au minimum pour le demandeur. Cette pension ne sera pas assortie d'un délai puisqu'on doit laisser le temps faire son œuvre sans le précipiter et sans le déconsidérer.

            C)        La détermination du patrimoine

                                           i)   La collection de monnaie

[58]        La preuve est convaincante à ce sujet, il ne s'agit pas d'un élément du patrimoine familial. En effet, il s'agit d'une véritable collection rangée dans un coffre-fort et qui bénéficie de l'effet du temps. Les efforts sont consentis par le demandeur et


la défenderesse n'en parle pas quant à elle. Il s'agit là d'une collection exclue selon l'article 415 C.c.Q. puisque sans ornementation et qui ne sert pas à l'usage du ménage et dans un coffre-fort à accès restreint.

                                           ii)   La cave à vins

[59]        Rappelons que celle-ci est évaluée à la somme de 7 456 $. Deux thèses contradictoires sont soulevées, d'une part le demandeur parle de collection et soutient des décisions à l'appui à son exclusivité [6] et d'autre part, on souhaite l'inclure puisque la preuve démontre un usage du ménage.

[60]        Il importe de ramener le tout à ce que révèle la preuve, à savoir : le vin est acheté à partir du compte conjoint, le vin est consommé en famille lors de bons repas cuisinés à la maison. La passion du vin est discutée librement entre les parties et fait l'objet d'une activité commune (cours de dégustation). Le cellier, bien que construit par le défendeur, est dans une pièce de la résidence.

[61]        Enfin, la liste des vins sur support logiciel spécialisé (avosvins 6.0) prévoit des alarmes d'échéance pour en permettre la consommation. On ne saurait parler de collection.

[62]        Le tribunal y voit une certaine analogie avec les faits rapportés dans une décision de la Cour d'appel de 1996 [7] :

« La résidence familiale de la rue D… fut construite en 1966, une cave à vins y étant incorporée en 1976 et parfaite par la suite, quelque 2 000 bouteilles de vin et de champagne y étant entreposées. Ajoutons que les parties avaient de part et d'autre développé pendant leur vie commune un goût pour la fine cuisine et les grands vins, offrant assez régulièrement à des invités de choix des dîners gastronomiques ».

(soulignements ajoutés)

[63]        Or, dans cette affaire, le juge Chouinard parle d'une avenue souhaitable dans cette approche spécifique [8] :

[…] Une interprétation favorable relative au partage au moins partiel de la cave à vins aurait pu être retenue (Droit de la famille - 1636, J.E. 94-10 ), ce qui n'exclut pas que d'autres motifs valables existaient permettant d'en décider comme le premier juge l'a fait ».

(soulignements ajoutés)

[64]        Bien que cette décision date de 1996, le tribunal considère qu'à une époque plus contemporaine, cette interprétation libérale est toujours d'actualité.

[65]        Pour cette raison, le tribunal octroiera la somme de 3 728 $ à la défenderesse à titre de valeur partageable dans le patrimoine.

            D)        La réclamation des sommes spécifiques

[66]        La défenderesse souhaite récupérer la moitié de la valeur du solde du compte conjoint en date du 6 mars 2010, soit 1 754,03 $ et le remboursement d'un montant prétendument promis par le demandeur de 495,04 $ (pièce D-5). Or, il est en preuve que les cartes de crédit furent assumées par le demandeur de même que certaines dépenses pour et au bénéfice de la défenderesse du temps de leur séparation. Certes, il y a des négociations et des discussions pour une sauvegarde qui finissent par aboutir au jugement du 6 décembre 2010.

[67]        Le tribunal ne saurait intervenir rétroactivement en faisant des ponctions ici et là dans l'actif et le passif des parties. Certes, la détermination n'a possiblement pas été parfaite, mais elle a eu lieu. À ce chapitre, le tribunal ne retient aucun ajustement ni remboursement.

            E)         La provision pour frais

[68]        Dans son jugement provisoire, le juge Taschereau n'a pas jugé bon d'octroyer des provisions pour frais, et ce, en s'exprimant comme suit :

[57]        Il est admis que la provision pour frais a un caractère alimentaire et a pour but de permettre à une partie qui n'en a pas les moyens de faire valoir ses droits. Son octroi dépend des moyens et des besoins des parties.

[58]        Dans Droit de la famille - 1532, la Cour d'appel expose certains critères devant guider le juge dans l'attribution d'une provision pour frais : la nature et l'importance du litige, les moyens des parties, leur comportement respectif, le montant de la pension alimentaire et la protection du droit de l'enfant.

(référence omise)

[69]        Ici, il est indéniable que la défenderesse encoure les frais tel qu'énoncé et qu'elle supporte avec célérité. Nul doute qu'il en est de même pour le demandeur. Chacune des parties se campe sur leur position respective incluant une difficulté de déterminer la valeur des meubles. Chacun doit assumer la conséquence de sa position. Le tribunal reprend les propos du juge Taschereau :

[60]        Vu les circonstances du dossier et vu les ressources des parties, lorsqu'on tient compte également de celles en capital, le Tribunal en vient à la conclusion qu'il ne s'agit pas d'un cas où l'octroi d'une provision pour frais se justifie. La demande de la défenderesse sera donc rejetée.


            F)         Le divorce

[70]        La preuve démontre que les parties vivent séparées depuis plus d'un an et sans reprise de la vie commune. L'éventualité d'une réconciliation est exclue de sorte que le tribunal fera droit au divorce.

            G)        Compensation

[71]        Le tribunal statuant sur les conséquences de partage du patrimoine détermine que le demandeur doit à la défenderesse la somme de 430,32 $ pour sa portion de frais particuliers plus 3 728 $ pour la valeur partageable de la cave à vins et 900 $ pour les meubles pour une somme globale de 5 058,32 $.

[72]        De son côté, la défenderesse doit au demandeur la somme de 4 581,67 $ pour l'ajustement de REER plus 47,81 $ pour sa portion de frais particuliers pour une somme globale de 4 629,48 $.

[73]        Il y a donc lieu d'offrir de compenser lesdites sommes en déterminant un versement unique du demandeur à la défenderesse de 428,84 $ payable dans les trente jours du présent jugement.

[74]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[75]        PRONONCE le divorce des parties dont le mariage a été célébré le 12 juillet 1986 à ville A, district de Québec, province de Québec, divorce qui prendra effet le 31e jour suivant la date du présent jugement;

[76]        ACCORDE la garde de X à la défenderesse;

[77]        ACCORDE les accès suivants au demandeur :

Ø  Les semaines où son travail lui permet de rentrer tous les soirs à sa résidence, soit une sur sept;

Ø   Une semaine pendant la période des Fêtes, incluant Noël ou le Jour de l'An, en alternance d'année en année;

Ø   Pendant la semaine de relâche, une année sur deux;

Ø  Pendant le congé pascal, une année sur deux;

Ø  Deux semaines au cours de la période estivale;

[78]        ORDONNE au demandeur de payer à la défenderesse pour l'enfant X une pension alimentaire de 744 $ par mois à compter du 1er septembre 2011;

[79]        ORDONNE que cette pension alimentaire soit indexée le 1er janvier de chaque année, suivant l'indice annuel des rentes établi conformément à l'article 119 de la Loi sur le régime des rentes du Québec (L.R.Q., ch. R-9);

[80]        ORDONNE aux parties d'assumer le coût des frais particuliers selon la proportion de leur revenu respectif et pour une considération annuelle maximale de 3 100 $;

[81]        ORDONNE l'échange des rapports d'impôt le 1er juin de chaque année;

[82]        ORDONNE le partage du patrimoine familial et DÉCLARE que la défenderesse doit verser au demandeur la somme de 4 581,76 $ pour l'ajustement du REER plus 47,81 $ pour sa portion de frais particuliers pour une somme globale de 4 629,48 $ et que le demandeur doit payer à la défenderesse les sommes de 430,32 $, 3 728 $ et 900 $ pour une somme globale  5 058,32 $;

[83]        OPÈRE compensation entre les deux sommes payables et CONDAMNE le demandeur à payer la somme de 428,84 $ à la défenderesse dans les trente jours du présent jugement;

[84]        CONDAMNE le demandeur à verser à la défenderesse une pension alimentaire de 1 000 $ par mois à compter du 1er septembre 2011;

[85]        ORDONNE que cette pension alimentaire soit indexée le 1er janvier de chaque année, suivant l'indice annuel des rentes établi conformément à l'article 119 de la Loi sur le régime des rentes du Québec (L.R.Q., ch. R-9);

[86]        ORDONNE le partage égal des gains inscrits par les parties en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec, au cours de la période de vie commune, soit du 10 juin 1986 jusqu'à la fin de l'année qui a précédé la date d'institution des procédures en divorce, soit le 19 mars 2010, ledit partage devant avoir lieu suivant les dispositions du chap. 55 des Lois du Québec de 1989, de la Loi sur le régime des rentes du Québec et des Règlements adoptés en vertu de ces dites lois;

[87]        LE TOUT sans frais vu la nature du litige;

 

 

__________________________________

MARTIN DALLAIRE

Juge à la Cour supérieure

 

 

 

 

Me Chantal Gosselin (casier 6)

Procureure du demandeur

Mes Joli-Coeur Lacasse

 

Me Marie-Claude Pichette (casier 31)

Procureure de la défenderesse

Mes Mathieu Carrier

 

 

Dates d’audience :

29 et 30 septembre 2011

 

 



[1]       S.F. c. H.T., Droit de la famille - 091006.

[2]       S.G. c. Su. B., Droit de la famille - 072597.

[3]       C.L. c. M.D., Droit de la famille - 073014.

[4]       H.B. c. S.G., C.S. St-Hyacinthe, no 750-12-008085-958, 13 décembre 2002, J.-P. Senécal.

[5] Droit de la famille - 103038, 2010-QCCA 2074 (C.A.)

[6]       C.D. c. J.-G. R., 2005 QCCA 1278 .

[7]       Droit de la famille - 2498, p. 3.

[8]       Droit de la famille, op. cite, note 7, p. 6.

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