R. c. Ibanescu |
2012 QCCA 310 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No: |
500-10-004554-109 |
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(500-01-003972-061) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE: |
Le 14 février 2012 |
L’HONORABLE NICHOLAS KASIRER, J.C.A. |
PARTIE APPELANTE |
AVOCAT |
SA MAJESTÉ LA REINE |
Me Benoit Lauzon Procureur aux poursuites criminelles et pénales |
PARTIE INTIMÉE |
AVOCATE |
MIHAI IBANESCU |
Me Rose-Mélanie Drivod SCHURMAN LONGO GRENIER
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REQUÊTE DE L'INTIMÉ EN SUSPENSION DE L'ORDONNANCE D'INTERDICTION DE CONDUIRE ET EN SURSIS D'EXÉCUTION |
Greffière: Annick Nguyen |
Salle: RC-18 |
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AUDITION |
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9h32 : Début de l’audition. Me Lauzon annonce que la requête n'est pas contestée. |
9h34 : Argumentation par Me Drivod. |
9h45 : Argumentation par Me Lauzon. |
9h48 : Réplique de Me Drivod. |
9h49 : Suspension. |
9h58 : Reprise de l'audience. |
9h59 : PAR LE JUGE. Jugement - Voir page 3. |
Annick Nguyen |
Greffière |
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JUGEMENT |
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[1] Le requérant demande la suspension d’une ordonnance d’interdiction de conduire et le sursis d’exécution d’un arrêt de notre Cour. La requête est présentée en application des articles 683(5) et 261 du Code criminel et l’article 65.1 de la Loi sur la Cour suprême.
[2] Accusé de conduite alors qu’il avait consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépassait 80 mg d’alcool par 100 ml de sang et de conduite avec facultés affaiblies, le requérant est acquitté sous les deux chefs en Cour du Québec. La Cour supérieure rejette le pourvoi du ministère public. Dans un arrêt rendu le 8 décembre 2011 et rectifié le 12 janvier 2012, la Cour accueille l’appel, prononce un verdict de culpabilité sur le chef porté en vertu de l’article 253b) C.cr. et retourne le dossier en Cour du Québec pour qu’elle détermine la peine appropriée[1]. Les motifs de la majorité sont signés par le juge Dalphond, auxquels souscrit la juge Bich. La juge en chef Duval Hesler est dissidente.
[3] Le 19 janvier 2012, la Cour du Québec condamne le requérant à payer une amende de 700 $, assortie d’une interdiction de conduire pour une durée d’un an.
[4] Le 6 février 2012, le requérant dépose une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada.
[5] De façon précise, le requérant cherche la suspension de l’interdiction de conduire imposée par la Cour du Québec conformément à l’article 259 C.cr. jusqu’à ce qu’une décision finale et définitive soit rendue sur l’appel en Cour suprême. Il demande aussi la suspension du paiement de l’amende et de la session d’ « alco-frein » imposés par la Cour du Québec. Finalement, il demande de suspendre la confiscation et la révocation de permis imposées en application de l’article 180 du Code de la sécurité routière.
[6] Pour obtenir la suspension sollicitée, le requérant a le fardeau d’établir que son appel n’est pas frivole, que l’interdiction de conduire n’est pas nécessaire dans l’intérêt public, et que la suspension ne minera pas la confiance du public dans l’administration de la justice[2]. Les articles 261(1) et 261(1.1) C.cr. prévoient que la suspension de l’ordonnance peut être établie aux conditions que le juge détermine, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue par la Cour suprême[3].
[7] C’est à bon droit que le ministère public ne conteste pas la demande de suspension.
[8] Quant au sérieux des arguments d’appel, il convient de souligner que dans l’arrêt de la Cour, les juges Dalphond et Bich, tout comme la juge en chef dans sa dissidence, expriment le souhait que la Cour suprême revoit l’exposé des principes de droit applicables à l’infraction compte tenu des difficultés d’interprétations relevées en jurisprudence et en doctrine[4]. On ne peut alors dire que l’appel est frivole.
[9] La suspension risque-t-elle de miner la confiance du public dans l’administration de la justice?
[10] Je ne le crois pas. L’ordonnance d’interdiction pourra toujours être confirmée si l’appel du requérant est rejeté. Par ailleurs, compte tenu des délais d’appel, il est fort possible que l’appel devant la Cour suprême devienne en partie théorique si la suspension n’est pas prononcée.
[11] Qu’en est-il de l’intérêt public?
[12] Il ne faut pas banaliser l’infraction reprochée au requérant[5]. Toutefois, il convient de noter que le requérant n’a pas de condamnations en semblables matières et que le ministère public ne s'oppose pas à la suspension de l'ordonnance. Je suis d’avis qu’il y a lieu d’accorder la suspension de l’interdiction de conduire jusqu'à ce qu’une décision finale soit rendue sur l’appel par la Cour suprême du Canada.
[13] À mon avis, la question de l'opportunité d'imposer des conditions à la suspension se pose, même si le ministère public n'en demande pas et le requérant s'y objecte. L'article 261(1) C. cr. permet l'imposition d'une condition à la suspension en vue d'assurer la protection du public[6]. Il sera interdit au requérant de conduire un véhicule routier ou d'en avoir la garde ou le contrôle s'il a quelque présence d'alcool dans son organisme pendant la durée de la suspension[7]. Tout en étant conscient du fait que cette condition impose une contrainte à la liberté du requérant, je suis d'avis qu'elle respecte l'intention législative à l'article 261 C. cr. et ne limite pas indûment la liberté du requérant eu égard à la sécurité du public.
[14] POUR CES MOTIFS, le soussigné :
[15] ACCUEILLE la requête;
[16] SUSPEND l’ordonnance d’interdiction de conduire prononcée le 19 janvier 2012 par l’honorable Hélène Morin, j.c.q., conformément à l’article 259 C.cr., jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur l’appel par la Cour suprême du Canada;
[17] ORDONNE au requérant l'interdiction de conduire un véhicule routier ou d'en avoir la garde ou le contrôle s'il a quelque présence d'alcool dans son organisme pendant la durée de la suspension;
[18] SUSPEND le paiement de l’amende et la session d’alco-frein jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur l’appel par la Cour suprême du Canada;
[19] SUSPEND la confiscation du permis de conduire du requérant prévue à l’article 180 du Code de la sécurité routière, jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur l’appel par la Cour suprême du Canada;
[20] SUSPEND la révocation du permis de conduire du requérant prévue à l’article 180 du Code de la sécurité routière jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur l’appel par la Cour suprême du Canada.
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NICHOLAS KASIRER, J.C.A. |
[1] 2011 QCCA 2304 . L'article 253 est devenu, en 2008, le paragr. 253(1) C.cr.
[2] R. c. Smug, 1998 CanLII 14616 (C.A. Ont.). Pour une suspension ordonnée par un juge de cette Cour sur demande faite en vertu de l’article 65.1 de la Loi sur la Cour suprême, voir R. c. Lagagnière, 2003 CanLII 41799 (par Rochette, j.c.a.).
[3] Dans le cas présent, la permission d'interjeter appel n'a pas encore été tranchée par la Cour suprême. Le requérant offre une preuve du paiement des droits imposés pour le dépôt du dossier, ce que le ministère public ne conteste pas.
[4] Supra, note 1, paragr. [30] et para. [76].
[5] Voir les commentaires à cet égard du juge Dalphond aux paragr. [7] à [10] du jugement entrepris.
[6] Voir la discussion des conditions imposées dans ce contexte dans Karl-Emmanuel Harrison, Capacités affaiblies: Principes et applications, Brossard, CCH, 2006, 295; Alan Gold, Defending Drinking and Driving Cases 2011, Scarborough, Carswell, 2011, 191; Pierre L. Bienvenue, Guide annoté sur les procédures et techniques de plaidoirie devant la Cour d'appel en matière criminelle, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2011, nº 678.
[7] Je m'inspire ici du libellé de l'article 202.2 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2, disposition qui s'applique dans un autre contexte.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.