Décision

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OJF143


COUR SUPÉRIEURE
 
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE HULL

 

N° : 550-36-000035-004
  (550-01-002476-986)

 

DATE : 12 octobre 2001

______________________________________________________________________
 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L'HONORABLE ORVILLE FRENETTE, J.C.S.

______________________________________________________________________
 
JEAN DJOUFO,
 
APPELANT,
c.
SA MAJESTÉ LA REINE,
 
INTIMÉE.
______________________________________________________________________
 
JUGEMENT
______________________________________________________________________
 

1. Cet appel a été logé à l'encontre d'une décision rendue à Hull, le 7 juin 2000, par l'honorable Valmont Beaulieu, J.C.Q., trouvant l'appelant coupable de l'infraction suivante:

"Le ou vers le 15 mai 1998, être entré par effraction dans un immeuble situé au 780 B, boul. Maloney Est, Gatineau, et y a commis un acte criminel, soit un méfait commettant ainsi une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue aux articles 348(1), b), e) du Code criminel."

2.
L'appelant fut condamné à verser une amende de 400$ plus suramende et les frais plus une période de probation de quinze mois.

3.
L'appelant, représenté par procureur, soulève des motifs d'appel; motifs que nous analyserons subséquemment.

Résumé de la preuve



4. Il fut établi que l'appelant était propriétaire d'un immeuble situé au 780B, boulevard Maloney Est, Gatineau. En 1996, suite au fait qu'il n'aurait pas acquitté ses obligations financières, une requête en délaissement fut introduite et jugement fut rendu le 13 novembre 1996. Un appel logé contre ce jugement, fut rejeté. Un bref d'exécution et expulsion fut exécuté par huissier le 28 août 1997.

5. L'huissier a alors fait remplacer les serrures des portes et les a verrouillées. Cet immeuble comprenait deux étages. Une entreprise commerciale, soit Reproductions Helena Inc., dont M. Djoufo et son épouse auraient été propriétaires, y était située.

6. Il n'y a eu aucune preuve documentaire ou matérielle produite au dossier pour établir la formation et l'administration de cette compagnie, sauf les affirmations de M. Djoufo à ce sujet.

7. La preuve a révélé que la plupart des biens meubles sis à cet endroit furent saisis et vendus par l'huissier instrumentant.

8. Le 20 mai 1998, le huissier Martin Gougeon retournait sur les lieux pour constater un bris de la serrure d'une porte. La preuve a révélé que le 15 mai 1998, l'appelant avait emprunté d'un voisin de l'immeuble, soit Luis Ruberro, une perceuse pour, dit-il, ouvrir la porte du 780 et y entrer. Essuyant un refus, l'appelant revint trente minutes plus tard avec une autre personne et les deux ouvrirent la porte et s'introduisirent dans les lieux où ils furent surpris par des policiers qui arrivèrent sur les lieux.

9. Après cet incident, l'huissier a fait remplacer les serrures à nouveau. Au procès l'appelant a admis ces faits mais a prétendu qu'il croyait posséder le droit d'entrer dans cet édifice pour aller quérir les biens meubles qui lui appartenaient ou à son épouse et dont certains appartenaient à la compagnie Helena.

10. À ce sujet, la preuve a révélé que la prétention de l'appelant est ambiguë puisqu'au huissier qui exécutait un jugement sur ces biens meubles, il déclarait au mois d'août 1997, qu'il ne possédait aucun biens dans les lieux alors qu'au procès pénal, il déclarait le contraire et ce ne fut que le 15 mai 1998 qu'il serait venu pour protéger ces biens.

11. La preuve a démontré qu'avant le 15 mai 1998 des documents ou des affiches avaient été apposées aux portes de l'immeuble par l'huissier instrumentant, indiquant les procédures de saisie et d'expulsion.

La décision du 7 juin 2000



12. Le juge du procès a résumé les faits pertinents révélés par la preuve quant à l'introduction par effraction dans l'immeuble du 780B Boul. Maloney, Gatineau, le 15 mai 1998. Il a relaté que M. Djoufo avait admis avoir commis cette introduction en brisant la serrure de la porte d'entrée; d'ailleurs, il a été pris quasiment sur le fait. Il a soutenu qu'il s'était introduit à cet endroit pour récupérer des biens meubles (sous saisi), qui apparemment, lui auraient appartenu, ou à son épouse ou à une société qu'il exploitait, soit Reproductions Helena Inc.

13. Le Juge Beaulieu n'a pas cru cette version de l'appelant. En analysant l'ensemble de la preuve, il a expliqué les motifs pourquoi il ne lui accordait aucune crédibilité; soit parce qu'il possédait un casier judiciaire pour fabrication de faux et usage de faux, deux vols et méfaits public […]. Son explication était contradictoire et incriminante.

14. En essence, le juge décidait que l'appelant savait que l'immeuble et son contenu étaient sous saisie; qu'il avait été expulsé des lieux par mains de justice. Il a tout simplement fait fi de tout jugement civil rendu selon le juge.

Les conditions d'appel



15. L'appelant a le fardeau d'établir que le juge du procès a commis une erreur de droit ou a interprété déraisonnablement la preuve ou n'a pas rendu justice((1)
).

16.
L'appréciation de la crédibilité des témoins et celle de l'ensemble de la preuve, relève au juge du procès puisqu'il a vu et entendu les témoins((2) ).

Les motifs d'appel allégués



17. En résumé, l'appelant soulève plusieurs éléments de la contestation civile qu'il a déjà entreprise dans une action civile dont l'enquête et l'audition n'ont pas encore eu lieu. Il plaide en appel que le juge du procès n'a pas tenu compte de l'incidence de deux actions civiles, soit celles dans C.S. Hull n° 550-01-002760-983 et n° 550-01-004276-986, en appréciant la preuve dans le procès pénal pour expliquer son entrée et sa présence dans l'immeuble le 15 mai 1998. Il soutient qu'il avait le droit d'entrer dans ledit immeuble, étant administrateur de la compagnie Reproduction Helena Inc., afin d'utiliser les biens meubles qui s'y trouvaient.

18. Il plaide qu'il n'est pas entré dans cet immeuble avec l'intention de commettre une infraction criminelle. La poursuite répond que l'appelant savait fort bien qu'il n'avait pas le droit d'entrer dans l'immeuble vu les jugements civils rendus et l'exécution de ces jugements.



L'apparence de droit



19. La poursuite allègue qu'il n'avait aucun droit d'entrer dans cet immeuble dont il a brisé la serrure et qu'il n'y avait aucun biens puisque lui-même avait déclaré au huissier qu'il ne possédait pas de biens meubles à cet endroit. Le juge du procès n'a pas cru la version de l'appelant et la preuve supporte la décision qu'il a prise à ce sujet.

20. L'appelant, par son procureur, prétend que la décision est de plus erronée en droit, parce que, plaide-t-il, malgré le méfait admis, il n'aurait pas commis l'infraction d'introduction par effraction, prévue à l'article 348 (1) b) C.cr.

21. Pour être trouvé coupable, en plus du mens rea, il aurait fallu qu'il commette le méfait à l'intérieur de l'immeuble et non pour y accéder.

22. Subsidiairement, il plaide qu'il aurait dû être trouvé coupable de l'infraction de méfaits (article 430 C. cr.), une infraction moindre et incluse dans celle d'introduction par effraction.

La poursuite est liée par les allégations essentielles de sa dénonciation



23. Il est bien reconnu en droit pénal que la poursuite est liée par les allégations particulières de sa dénonciation((3)
).

24.
Elle doit prouver au-delà d'un doute raisonnable les allégations essentielles de sa plainte.

L'infraction d'introduction par effraction



25. L'article 348(1) C.cr. stipule:

" (1) Quiconque, selon le cas:

a)s'introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel [] est coupable []

(2) aux fins de poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu'unaccusé:

a)s'est introduit dans un endroit par effraction ou a tenté de le faire constitue, en l'absence de preuve contraire, une preuve qu'il s'y est introduit par effraction ou a tenté de le faire, selon le cas, avec l'intention d'y commettre un acte criminel.
"



26.
Il s'agit d'un crime d'intention général qui peut être commis de diverses façons. L'article 348(2) C.cr. précité crée une présomption quant à l'introduction dont il incombe à l'accusé de repousser au moins en soulevant un doute raisonnable quant à l'intention (mens rea).

27. Toutefois, si le juge refuse de croire les explications d'un accusé ou qu'il le considère non crédible, son témoignage ne vaut pas comme preuve,
" prima facie " , susceptible de contrer la présomption précitée((4) ).

28.
Notons dès à présent que le juge du procès n'a pas cru les explications de l'appelant pour les motifs qu'il a explicités.

Casier judiciaire, invraisemblance, contradictions, etc.



29. En conséquence, la présomption précitée n'a pas été repoussée. Dans les arrêts cités où des accusés ont été acquittés, leur présence dans les lieux ne démontrait pas l'intention de commettre une infraction criminelle. Donc ils n'ont pas d'application ici((5)
).

L'infraction de méfaits



30. L'appelant admet avoir commis un méfait en brisant la serrure de la porte; fait d'ailleurs établi amplement par la preuve. Il suggère qu'il ne doit pas être trouvé coupable de cette infraction moindre. Il plaide qu'un méfait commis pour s'introduire dans un immeuble ne tombe pas dans le cadre de l'article 348 (1)b) (page 10) C.cr. parce qu'il aurait fallu que cette infraction ait été commise à l'intérieur de l'immeuble ou avec l'intention de la commettre.

31. Le procureur de l'appelant s'appui sur une interprétation jurisprudentielle qui paraît justifiée. En effet, selon cette thèse, l'infraction de méfait pourrait être incluse dans celle qu'une personne pourrait commettre par voie d'introduction par effraction. Si par exemple, la personne s'introduisait dans un lieu et qu'à l'intérieur il effectuait un méfait qui peut être commis par plusieurs moyens (article 430 C.cr.).

32. Toutefois il faut que l'acte d'accusation précise cette infraction, à défaut de quoi, une personne ne peut être trouvée coupable de l'infraction d'introduction par effraction((6)
). J'estime que la problématique de droit à bien été cernée par la Cour d'appel de la Saskatchewan, dans l'arrêt R. c. D., en ces lignes.





" []

The respondent Crown agrees with the appellants' submission that as a matter of law the offence of mischief described in s. 430(1) of the Criminal Code is not an offence necessarily included in s. 348(1)(a) of the Code. The Crown also concedes that the information against each of the appellants is not worded in such a way as to include an offence under s. 430(1) of the Criminal Code: See for example Regina v. Drake, 16 C.C.C. (2d) 505 and Regina v. Harmer and Miller, 33 C.C.C. (2d) 17. []
" ((7) ).[soulignés du soussigné]

33.
Cet énoncé du droit s'applique exactement dans le présent litige. L'appelant a commis un méfait en s'introduisant dans un immeuble. À moins de prouver qu'il avait l'intention de commettre un méfait à l'intérieur de l'immeuble (ce qui n'a pas été fait ici), avec déférence, le juge du procès ne pouvait le trouver coupable de l'infraction telle que reprochée dans l'acte d'accusation.

34. Avec égards, il aurait dû être trouvé coupable de l'infraction de méfait, une infraction moindre et incluse.

35. Il s'ensuit que l'appel doit être maintenu pour ce motif.

La sentence



36. Après avoir entendu les représentations sur sentence, le juge de première instance, a imposé une sentence de 400$ d'amende plus suramende et les frais plus une période de probation de quinze mois.

37. L'appelant plaide que cette sentence devrait être réduite à une amende de 200$ (plus suramende et les frais), compte tenu de la gravité objective moindre de l'infraction de méfait.

38. L'article 430 al. 4 C.cr. stipule que la peine pour ce genre de méfait, par acte criminel, prévoit une possibilité d'emprisonnement jusqu'à deux ans. Si la poursuite opte de procéder sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine maximum est de six mois d'emprisonnement et/ou une amende de 2,000$ (article 787.1 C.cr.) avec ou sans période de probation.

39. Pour pouvoir intervenir au sujet de la peine, une Cour d'appel doit être convaincue que la peine rendue était
" nettement déraisonnable " ((8) ).





40. Or, dans le présent dossier, vu le comportement de l'appelant dans cette affaire et son casier judiciaire antérieur, je ne peux pas conclure que la sentence est
" nettement déraisonnable " . En conséquence, je ne peux pas intervenir quant à la peine imposée.

POUR CES MOTIFS, LA COUR:



ACCUEILLE l'appel de l'appelant, en partie;

CASSE et ANNULE la décision telle que rendue le 7 juin 2000, pour y substituer une condamnation sur l'infraction de méfaits commise dans les mêmes circonstances du 15 mai 1998;

REJETTE l'appel quant à la sentence.
 
  ________________________
ORVILLE FRENETTE, J.C.S.
 
 
Date d'audience : 19 septembre 2001

Me MARC DOYON
Procureur l'appelant Jean Djoufo.
 
Me ANNE-ANDRÉE CHARETTE:
Substitut du Procureur Général
Procureure de l'intimée Sa Majesté la Reine.
 


1.    R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656 ; St-Pierre c. R, [1995] 1 R.C.S. 791 . R. c. Burke , [1996] 1 R.C.S. 474 .

2.    R. c. François , [1994] 2 R.C.S. 827 .

3.    R. c. Cox et Paton , [1963] R.C.S. 500 ; R. c. Saunders , [1990] 1 R.C.S. 1020 .

4.    R. c. Proudlock, [1978] 5 C. R. 3D21 (C.S.C.).

5.    Violette c. R. , J.E. 92-1528 (C.A.); Des Boies c. R. , C.A.M. n° 500-10-000353-837, décision du 29.11.1985.

6.    R. c. MacLeod , [1968] 2 C.C.C. 365, p. 267; R. c. Drake , [1974] 16 C.C.C. 2D 505, C.A.N.E.

7.    R. c. D. (T.) , 1990, Carswell Sask. 575 (C.A. Sask.), publié 2001, Thomson Canada Limited.

8.    R. c. Shrophire , [1995] 4 R.C.S. 227 ; R. c. Stone , [1999] 2 R.C.S. 290 .

AVIS :
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