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JB3430 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
HULL |
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N° : |
550-17-001275-047 |
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DATE : |
23 février 2005 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MARTIN BÉDARD, J.C.S. |
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JEAN DJOUFO |
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Demandeur-opposant |
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c. |
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CAISSE POPULAIRE DESJARDINS BASSE-LIÈVRE |
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Défenderesse-saisissante Et NORMAND CARRIÈRE Saisissant
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur a intenté une poursuite en responsabilité contre la défenderesse.
[2] Il a été débouté en première instance, avec dépens contre lui et ce jugement a été confirmé en appel.
[3] Le mémoire de frais de la défenderesse a été taxé à la somme de 5 054,20 $.
[4] Le défendeur ayant fait défaut d’acquitter ledit mémoire de frais, une saisie a été pratiquée le 30 août 2004 à la place d’affaires du demandeur, lieu où il exploite une imprimerie.
[5] Le demandeur s’oppose à la saisie au motif que les biens saisis sont ses « outils de travail » au sens de l’article 552 , 3 ième alinéa du C.p.c.
[6] La preuve révèle que le demandeur s’est porté acquéreur d’une imprimerie vers les années 1995.
[7] Il a alors appris le métier en travaillant avec ses employés.
[8] Cette entreprise a fermé ses portes quelques années plus tard.
[9] Au cours de l’année 2000, le demandeur a acquis un nouvel équipement d’imprimerie, acheté d’une faillite à Montréal.
[10] Il a complété l’équipement par l’achat de pièces d’équipements acquises des magasins de surplus gouvernementaux.
[11] Son « commerce », pour reprendre l’expression utilisée par le demandeur, situé dans le parc industriel, fonctionne sous le nom de « Les Éditions D&D ».
ANALYSE
[12] La question de l'insaisissabilité des biens est prévue tant qu Code civil du Québec qu'au Code de procédure civile.
[13] L’article 2648 du C.c.Q., 21ème alinéa prévoit que peuvent être saisis, les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel d’une activité professionnelle.
[14] L’article 552 , 3 ième alinéa du Code de procédure civile permet à un débiteur de soustraire à la saisie les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de son activité professionnelle.
[15] Le principe général de droit veut que les biens d’un particulier constitue le gage commun de ses créanciers (art 2644 C.c.Q.).
[16] L’insaisissabilité étant l’exception, son application doit être restrictive.
[17] Le fardeau de la preuve repose sur celui qui allègue l’insaisissabilité.
[18] Me Charles Belleau, s’exprime comme suit :
[…] L’application à chaque cas d’espèce de l’article 2648 C.c.Q. et du paragraphe 3 de l’article 552 C.p.c. dépend donc d’une réponse affirmative à chacune des questions suivantes découlant du texte même de ces dispositions :
1. Le bien saisi est-il un instrument de travail?
2. Cet instrument de travail est-il nécessaire?
3. Est-il personnel à l’exercice personnel de l’activité?
4. S’agit-il d’une activité professionnelle du débiteur?[1]
[19] À la lumière de la preuve, comment faut-il répondre à ces questions?
[20] Le témoignage du défendeur est contradictoire.
[21] Bien que requis de ce faire par subpoena duces te cum, le demandeur ne peut produire de liste de ses clients.
[22] Il se contente de produire 6 factures en liasse, représentant les travaux effectués pour divers clients entre le mois de septembre 2004 et le mois de février 2005.
[23] Ce seraient là les seuls travaux effectués par le demandeur.
[24] Ces factures totalisent la somme de 1 753,33 $, incluant la T.P.S. et T.V.Q. que le demandeur perçoit sans pour autant détenir de numéro d’enregistrement auprès du ministère du Revenu.
[25] Le demandeur dit travailler de 10 à 12 heures par jour.
[26] Il loue un local dans le parc industriel, au loyer de 907 $ par mois sans compter le chauffage et l’électricité.
[27] Parmi le matériel saisi, on compte 3 pièces d’équipement qui ne peuvent être utilisées, et ce, depuis le déménagement dans le local loué (depuis août 2004), faute d’aménagement électrique à haut voltage requis.
[28] De nombreuses autres pièces d’équipements ne fonctionnent pas par suite de bris ou de manque de pièces.
[29] Il ressort du témoignage du demandeur que les travaux effectués pour les clients ont été faits à l’aide de deux machines, la presse Multi 11 X 17 rouge, et la presse Itek 975 ACPD.
[30] Revenons maintenant aux questions suggérées par l’auteur Belleau.
[31] Les biens saisis sont-ils des instruments de travail?
[32] La réponse est affirmative.
[33] Ces instruments de travail sont-ils nécessaires?
[34] La réponse est négative, sauf pour les machines Multi 11X17 et Itek 975 ACPD.
[35] Est-il nécessaire à l’exercice personnel de l’activité?
[36] La preuve révèle que le demandeur travaille seul, sans autre employé.
[37] La réponse doit donc être positive pour les deux seuls instruments ci-devant précisés, soit la presse Multi et la presse Itek.
[38] S’agit-il d’une activité professionnelle du débiteur?
[39] Bien que le témoignage du demandeur doive être reçu avec beaucoup de réserves, le Tribunal ne dispose d’aucune preuve contraire.
[40] Les revenus du demandeur font état d’une exploitation artisanale plus que d'une entreprise commerciale.
[41] Le Tribunal se demande alors pourquoi louer un local dans un parc industriel pour un loyer aussi élevé, alors que le chiffre d’affaires est de moins de 300 $ par mois.
[42] Les dispositions de l’article 552 C.p.c. ont été édictées dans un but humanitaire.
[43] Le demandeur a réitéré à plusieurs reprises que ce travail lui permettait de nourrir ses trois enfants, et que c’était là son seul gagne-pain.
[44] Si le demandeur a dit la vérité lors de son témoignage, il est difficile de concevoir que ses revenus lui permettent effectivement de faire vivre sa famille.
[45] Dans les circonstances, le Tribunal, en donnant au demandeur le bénéfice d’un doute très ténu, lui permettra de soustraire à la saisie les deux pièces d’équipements dont il se sert, soit la presse Multi 11 X 17 et la presse Itek ACPD.
[46] Tous les autres biens saisis le demeureront.
[47] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
[48] ACCUEILLE en partie la requête du demandeur;
[49] DÉCLARE insaisissables deux des pièces d’équipements saisies, à savoir, la PRESSE MULTI 11 X 17, de même que la PRESSE ITEK 975 ACPD;
[50] REJETTE la requête du demandeur en ce qui a trait aux autres équipements saisis le 30 août 2004.
[51] Le tout sans frais.
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__________________________________ MARTIN BÉDARD, J.C.S. |
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M. Jean Djoufo Demandeur-opposant |
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Personnellement |
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Me Caroline Leblanc Carrière, Berthiaume & Sams |
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Procureurs de la défenderesse-saisissante |
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Date d’audience : |
21 février 2005 |
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[1] Denis FERLAND et Benoît EMERY, Précis de procédure civile du Québec, Volume 2, Éditions Yvon Blais, 4e édition, Me Charles Belleau, Titre II, De l'exécution forcée des jugements, p. 157-158.
AVIS :
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