Décision

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Djoufo c

Djoufo c. Peter Hill Construction inc.

2009 QCCQ 9802

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

«Chambre civile»

N° :

550-22-011297-098

 

DATE :

9 juillet 2009

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RAOUL P. BARBE, J.C.Q

______________________________________________________________________

 

 

JEAN DJOUFO

et

HÉLÈNE DAMPHOUSSE

 

 Demandeurs et défendeurs reconventionnels

c.

PETER HILL CONSTRUCTION INC.

et.

CAMIONNAGE DAN FARNAND TRUCKING INC.

 

Défenderesses et demanderesses reconventionnelles

 

______________________________________________________________________

JUGEMENT

 

_____________________________________________________________________________________________

 

[1]                Par une demande judiciaire signifiée le 28 janvier 2009 a Peter Hill Construction inc., (ci-après Peter Hill) et le 9 février 2009 à Camionnage Dan Farnand Trucking inc., (ci-après Dan Farnand), les demandeurs réclament la radiation d'inscription sur le registre foncier d'une hypothèque légale sur leur résidence sise au [...] à L'Ange-Gardien. Les défendeurs demandent le rejet de cette réclamation et font des demandes reconventionnelles totalisant 15 909 $ et à défaut de paiement la mise en vente sous contrôle de justice.

[2]                L'audition a lieu le 29 avril et le 17 juin 2009.

Les faits

[3]                 Le 18 février 1998, Dan Farnand constitue une compagnie sous le nom de Camionnage Dan Farnand Trucking inc., en vertu de la Loi sur les sociétés par actions pour vendre et transporter du sable et de la pierre, Dan Farnand en est le président, l'actionnaire et l'administrateur (D-1).

[4]                Le 4 mai 1999, la compagnie immatriculée dans le Registre des entreprises du Québec (CIDREQ) sous le nom Camionnage Dan Farnand inc. (P-26). Le 29 avril 2009, la compagnie est toujours immatriculée sous ce nom. Le 5 juin 2009, la compagnie fait une déclaration modificative pour que son nom soit : Camionnage Dan Farnand Trucking inc. faisant affaires sous les noms Camionnage Dan Farnand Trucking inc. ou Camionnage Dan Farnand inc. (D-12).

[5]                En juin 1998, les demandeurs songent à s'acheter un terrain et à se faire construire une résidence. Ils demandent à Régis Laliberté T.P. d'identifier la nature du sol en présence, le type de fosse septique nécessaire et l'endroit propice à sa construction sur le terrain situé au [...] à l'Ange-Gardien (P-27).

[6]                Le 13 juin 2008, monsieur Laliberté va sur le terrain; il fait une inspection visuelle du terrain; il constate que le terrain est généralement incliné vers l'arrière avec une pente variable. Il fait 3 trous de 650 à 850 mm de profondeur et constate un sable silteux; il constate aussi la présence de roc (P-27).

[7]                Le 7 juillet 2008, les demandeurs achètent de 3136833 Canada inc., le terrain convoité pour 14 500 $ (P-1 et D-8).

[8]                Les demandeurs retiennent les services de l'entreprise de monsieur Peter Hill pour creuser la cave et pour faire le champ d'épuration. L'entreprise de ce dernier exploite sous la licence RBQ 499351.

[9]                Le 22 juillet 2008, les demandeurs obtiennent de la municipalité leur permis pour la construction d'une résidence unifamiliale (P-25).

[10]            Les 27, 28, 29 août et les 1er et 2 septembre 2008, pour le creusage et la préparation du terrain pour 4 524 $ (D-9, facture 7 et 8).

[11]            Le 3 septembre 2008, Dan Farnand transporte 7 voyages de gravier dans l'entrée du terrain pour un coût de 1 281,14 $ (D-10) pour lequel il est payé par les demandeurs (chèque 433) le 10 septembre 2008.

[12]            Le 8 septembre 2008, les demandeurs paient à Peter Hill par chèque 431, un montant de 3 000 $ (P-14).

[13]            Les 10, 11, 16 et 19 septembre 2008, Dan Farnand transporte 68 voyages de sable et de gravier autour des fondations (D-2, D-10, P-19). Le demandeur Djoufo conteste que Dan Farnand ait transporté 68 voyages de terre. Il déclare que Dan Farnand n'a fourni ni matériaux ni service aux demandeurs.

[14]            Les 10, 11, 13, 15, 17, 18, 19 et 20 septembre 2008, Peter Hill déclare avoir fait le creusage, et par la suite, l'épandage de la terre de remplissage pour 6 558 $ (P-18, facture 690323, 690325 D-7).

[15]            Le demandeur Djoufo dépose des photos prises, le 18 septembre 2008, montrant les travaux de construction du champ d'épuration (P-11).

[16]            Le 19 septembre 2008, Peter Hill remet au demandeur Djoufo une facture de 7 636 $ pour la fosse septique le « champ d'épuration complet matériel fourni » (P-7 et D-7).

[17]            Le 19 septembre 2008, les demandeurs remettent à Peter Hill le chèque 432 au montant de 2 659 $ (P-15).

[18]            Le 22 septembre 2008, Dan Farnand remet aux demandeurs Djoufo l'état de compte 8155 au montant de 10 482,09 $ pour transport et fourniture de sable et gravier (P-19, D-2 et D-10).

[19]            Le 22 octobre 2008, 4154401 Canada inc., faisant affaires sous la raison sociale Fondation Constant enr., enregistre une hypothèque légale de construction pour un montant de 23 703,45 $ pour le coffrage et les fondations (P-1 et D-8).

[20]            Le 24 octobre 2008, les demandeurs empruntent de la Banque de Nouvelle-Écosse 325 000 $ et une hypothèque pour le même montant est enregistrée sur la propriété des demandeurs (P-1 et D-8).

[21]            Le 20 novembre 2008, le solde de compte des demandeurs à la Banque de Nouvelle-Écosse est de 22 174,19 $ (P-22).

[22]            Le 24 novembre 2008, les demandeurs font un chèque de 8 561,56 $ en faveur de Puits Artésiens Brunette (P-20, chèque 449).

[23]            Le 29 novembre 2008, le solde du compte des demandeurs à la Banque Nouvelle-Écosse est de 18 441,80 $ (P-22 a).

[24]            Le 3 décembre 2008, Puits Artésiens encaisse son chèque de 8 561,56 $ (P-22 a) laissant au compte un solde de 8 239,10 $ (P-22 b).

[25]            Le 3 décembre 2008, Camionnage Dan Farnand Trucking inc., inscrit au livre foncier un avis d'hypothèque légale pour 10 486,09 $ pour la fourniture de matériaux de construction (P-2 et D-3).

[26]            Le 3 décembre 2008, Peter Hill Construction inc., inscrit au livre foncier un avis d'hypothèque légale pour 13 391 $ pour des travaux et services fournis pour la construction de la résidence des demandeurs et ce, en vertu de l'article 2724 (2), 2726 et ss. du Code civil du Québec (P-3 et D-5).

[27]            Le 3 décembre 2008, les demandeurs font en faveur de Peter Hill un chèque de 7 636 $ pour la fosse septique et le champ d'épuration (P-10 chèque 450 et P-7 et D-7).

[28]            Le 15 décembre 2008, le compte des demandeurs à la Banque de Nouvelle-Écosse montre un solde négatif de 13 778,43 $ (P-22 b).

[29]            Le 27 décembre 2008, le notaire Louis Pigeon avise à qui de droit que suite à son engagement envers le créancier hypothécaire (Banque Nouvelle-Écosse) il ne peut libérer aucune somme d'argent tant et aussi longtemps que l'hypothèque légale sur l'immeuble n'aura pas été radiée (R-1).

[30]            Le 18 décembre 2008, Dan Farnand et Peter Hill inscrivent au livre foncier leur préavis d'exercice de vente sous contrôle de justice (P-4, P-5, D-4 et D-6).

[31]            Le 26 février 2009, 4388241 Canada inc., faisant affaire sous la raison sociale BSRB Matériaux donne avis d'hypothèque légale pour un montant de 65 115,90 $ pour des matériaux fournis pour la construction de la résidence des demandeurs (R-4).

[32]            Le 27 février 2009, Structures de l'Outaouais donnent aux demandeurs préavis d'exercice d'un droit hypothécaire pour fourniture de forme de toit et de poutrelles pour un montant de 16 072 $ (R-2 et R-3).

Analyse et motifs

I.           Jean Djoufo et al. c. Camionnage Dan Farnand Trucking inc.

[33]            À l'égard du défendeur Camionnage Dan Farnand Trucking inc., ce dernier n'a fourni ni matériaux ni service aux demandeurs.

[34]            Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'a jamais dénoncé aux demandeurs son contrat justifiant l'inscription d'une hypothèque légale au registre foncier.

[35]            Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'avait aucune existence légale au moment d'inscrire contre l'immeuble des demandeurs son avis d'hypothèque légale et son préavis d'exercice du droit hypothécaire de vente sous contrôle de justice puisque ne possédant pas de licence en vertu de la Loi sur le bâtiment.

[36]             Camionnage Dan Farnand Trucking inc., avait-elle une existence légale lors de la conclusion du contrat verbal en août 2008, lors de l'exécution du contrat en septembre 2008 et lors de l'inscription de l'hypothèque légale en décembre 2008.

A)        Camionnage Dan Farnand Trucking inc., a-t-elle fait affaire avec les demandeurs et a-t-elle fourni des matériaux aux demandeurs?

[37]            Selon les demandeurs, Camionnage Dan Farnand Trucking inc.,  ont jamais fait affaires avec elle et a jamais fourni des services et des matériaux aux demandeurs.

[38]            Camionnage Dan Farnand Trucking inc., prétend au contraire, qu'elle a d'abord transporté et fourni 7 voyages de gravier pour l'entrée du terrain et qu'elle a ensuite fourni 68 voyages de sable et de gravier pour le remplissage du terrain après que les fondations eurent été coulées.

[39]            À cet égard, la preuve établit que Camionnage Dan Farnand Trucking inc., a transporté et fourni 7 voyages de terre pour l'entrée du terrain des demandeurs le 3 septembre 2008 (D-10) pour un coût de 1 281,14 $ et qu'elle a été payée par les demandeurs le 10 septembre 2008, par le chèque 433. Donc, il faut rejeter la prétention des demandeurs qu'ils n'ont jamais fait affaire avec la défenderesse Camionnage Dan Farnand Trucking inc.

[40]            Au moment de la construction de la fondation et après sa construction,     Camionnage Dan Farnand Trucking inc., déclare avoir transporté 68 voyages de sable et de gravier qui été étendus par Peter Hill sur le terrain autour de la construction et ce, pour un montant de 10 483,09 $ et qu'il n'a pas été payé.

[41]            Le demandeur Djoufo prétend au contraire que Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'a transporté, ni fourni aucun voyage de sable ou de gravier.

[42]            Il y a donc version contradictoire. À cet égard, les photos déposées par le demandeur Djoufo lui-même (P-23 et P24) montrent, sans l'ombre d'un doute qu'il y a eu du remplissage (P-24, photo 8, P-23 photos 13, 20 et 21). La prétention du demandeur Djoufo qu'il n'y a aucun matériel de fourni est insoutenable et mine complètement sa crédibilité. Cette prétention aurait été plus crédible si sa prétention avait été que le nombre de voyages est exagéré, mais ce n'est pas sa prétention; ce qu'il prétend est qu'il n'y a eu aucun voyage de sable ou de gravier. Cette prétention n'est pas crédible et devant cette prétention extrême qui mine la crédibilité du demandeur, le tribunal n'a d'autre choix que de retenir la version du demandeur reconventionnel et de faire droit à sa réclamation de 10 483,09 $ (P-19, D-2 et D-10).

B)        Camionnage Dan Farnand Trucking inc., avait-elle à dénoncer son contrat de transport et de fourniture de sable et de gravier?

[43]             Les demandeurs sont les propriétaires entrepreneurs. Ils ont retenu les services du technologue Régis Laliberté pour déterminer la nature du sol et le type de fosse septique nécessaire de Peter Hill pour le creusage de la cave, la fourniture et l'installation de la fosse septique et du champ d'épuration et le nivelage après la construction des fondations, de Puits Artésien Brunette (8 561,56 $, P-20, chèque 449) pour le puits artésien de Fondation Constant enr (23 703,45 $ P-1 et D-8) pour le coffrage et les fondations de Structures de l'Outaouais (16 072 $) pour la fourniture de forme (R-2 et R-3), de BSRB Matériaux (65 115,90 $, R-4) pour la fourniture de matériaux, etc.

[44]            Ils ont demandé à Camionnage Dan Farnand Trucking inc., de fournir et de transporter du sable et du gravier autour des fondations de la résidence en construction pour permettre aux autres corps de métiers d'y travailler.

[45]            Camionnage Dan Farnand Trucking inc., avait-elle à dénoncer son contrat aux demandeurs? Évidemment non, puisque son contrat était avec les demandeurs eux-mêmes. Cette dénonciation est nécessaire lorsqu'il s'agit de sous-traitant.

[46]            Cette dénonciation a pour but d'informer le propriétaire de l'immeuble en construction de retenir, en cas de conflit, à même le prix du contrat, une somme suffisante pour payer les sous-entrepreneurs, si nécessaire. Les personnes qui n'ont pas elles-mêmes contracté avec le propriétaire doivent donc dénoncer leurs contrats avant que les matériaux ou services n'aient pas été fournis ou rendus. Par contre, l'ouvrier n'est pas tenu de dénoncer son contrat; seuls les travaux et matériaux effectués ou livrés après la date de dénonciation écrite du contrat au propriétaire peuvent être garantis par l'hypothèque légale. Ce n'est qu'à ce moment que l'hypothèque légale prend naissance. La dénonciation est le fondement de l'hypothèque légale.

[47]            En l'espèce, cette dénonciation n'était pas nécessaire puisque Camionnage Dan Farnand Trucking inc., transigeait directement avec le demandeur Djoufo comme nous l'avant vu antérieurement. Il a pu y avoir certaines confusions puisque le demandeur Djoufo souvent absent du chantier faisait faire ses commissions par Peter Hill, mais nous avons vu antérieurement que le demandeur Djoufo avait payé directement Camionnage Dan Farnand Trucking inc. Il faut rejeter ce deuxième moyen d'irrecevabilité du demandeur Djoufo.

C)        Camionnage Dan Farnand Trucking inc., devait-elle posséder une licence en vertu de la Loi sur le bâtiment?

[48]            Les demandeurs fondent leur prétention sur l'article 50 de la Loi sur le Bâtiment[1] qui édicte ce qui suit :

« 50. La personne qui n'est pas elle-même un entrepreneur qui a conclu un contrat pour l'exécution de travaux de construction avec un entrepreneur qui n'est pas titulaire de la licence appropriée peut en demander l'annulation.

 

 

 

 

Demande de radiation.

 

Le propriétaire d'un immeuble grevé d'une hypothèque légale, visée au paragraphe 2° de l'article 2724 du Code civil et inscrite à la réquisition d'un entrepreneur qui n'est pas titulaire de la licence appropriée, peut demander la radiation de l'inscription de cette hypothèque, de même que celle de toute autre inscription s'y rapportant qu'aurait pu requérir l'entrepreneur.

 

Restriction.

 

Une demande d'annulation ou de radiation ne peut être reçue s'il est établi que le demandeur savait que l'entrepreneur n'était pas titulaire de la licence appropriée. »

 

[49]            Les demandeurs demandent l'application du deuxième alinéa de cet article. L'objet de cette loi est décrit comme suit[2] :

« 1. La présente loi a pour objets :

 

 1° d'assurer la qualité des travaux de construction d'un bâtiment et, dans certains cas, d'un équipement destiné à l'usage du public, d'une installation non rattachée à un bâtiment ou d'une installation d'équipement pétrolier;

 

 2° d'assurer la sécurité du public qui accède à un bâtiment ou à un équipement destiné à l'usage du public ou qui utilise une installation non rattachée à un bâtiment ou une installation d'équipement pétrolier.

 

Qualification professionnelle.

 

Dans la poursuite de ces objets, la présente loi voit notamment à la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires. »

 

[50]            Il y a également lieu de tenir compte de l'article 46, soit le premier article de la section des licences[3] :

« 46. Nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, en prendre le titre, ni donner lieu de croire qu'il est entrepreneur de construction, s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin.

 

Licence requise.

 

Aucun entrepreneur ne peut utiliser, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence à cette fin. »

 

[51]            Selon la preuve, Camionnage Dan Farnand Trucking inc., ne possède pas de licence d'entrepreneur. Selon les articles précités, l'entrepreneur doit détenir une licence en vigueur au moment de la dénonciation, lors des travaux et lors de l'inscription de l'hypothèque légale. S'il ne la détient pas à l'une de ses périodes, il ne peut être considéré comme un entrepreneur de construction pouvant être protégé par la garantie qu'est l'hypothèque légale.

[52]            Tout ceci est vrai, mais en l'espèce, la preuve établit que  Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'est pas un entrepreneur. Il est un fournisseur de matériaux. Il a fourni du sable et du gravier pour rechausser les murs de fondations de la maison que les demandeurs construisaient à titre propriétaires-constructeurs.

[53]            Ces matériaux ont été incorporés à l'immeuble et ont servi à l'avancement des travaux. Ces matériaux ont été demandés par le demandeur et son mandataire Peter Hill.

[54]            Comme Camionnage Dan Farnand Trucking inc., est un fournisseur de matériaux et non un entrepreneur, il faut donc rejeter cet argument des demandeurs basé sur le fait qu'elle n'était pas titulaire d'une licence prévue par la Loi sur le bâtiment.

D)        Camionnage Dan Farnand Trucking inc.,avait-elle une existence légale lors de la conclusion du contrat verbal, en avril 2008, lors de l'exécution du contrat en septembre 2008, et lors de l'inscription de l'hypothèque légale en décembre 2008?

[55]            Camionnage Dan Farnand Trucking inc., fut constitué en compagnie en vertu de la Loi sur les sociétés par actions le 18 février 1998 (D-1). Elle s'est inscrite au Registre des entreprises le 4 mai 1999 pour faire affaires sous le nom de Camionnage Dan Farnand inc. (P-26).

[56]            Le 5 juin 2009, Camionnage Dan Farnand Trucking inc., a fait au Registraire une déclaration modificative (D-12) pour inscrire le nom Camionnage Dan Farnand Trucking inc., faisant affaires sous le nom de Camionnage Dan Farnand Trucking inc., et de Camionnage Dan Farnand inc.

[57]            La preuve établit donc que le Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'était pas inscrit au Registre des entreprises lors du contrat verbal d'août 2008, lors de l'exécution du contrat en septembre 2008 et lors de l'inscription de l'hypothèque légale en décembre 2008. La preuve établit également que les comptes envoyés et les inscriptions faites furent sous le nom de Camionnage Dan Farnand Trucking inc.

[58]            Quelle est la conséquence juridique de cette situation de fait? Selon les demandeurs, la réclamation serait irrecevable puisque la demanderesse reconventionnelle n'a pas d'existence légale.

[59]            À cet égard, le droit d'ester en justice est assujetti à certaines conditions portant sur la capacité, la qualité et l'intérêt requis.

[60]            La capacité des personnes morales est régie par les dispositions du Code civil du Québec notamment l'article 303 :

« 303. Les personnes morales ont la capacité requise pour exercer tous leurs droits, et les dispositions du présent code relatives à l'exercice des droits civils par les personnes physiques leur sont applicables, compte tenu des adaptations nécessaires.

Elles n'ont d'autres incapacités que celles qui résultent de leur nature ou d'une disposition expresse de la loi. »

 

[61]            Par certaines lois particulières dont la Loi sur les compagnies (L.R.Q. c. C-? a. 123.29). Les demandeurs invoquent notamment la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales[4] qui contient certaines stipulations applicables susceptibles d'application en l'espèce. Plus particulièrement, les articles 2, 8 12 et 100 prévoient :

2.  Est assujettie à l'obligation d'immatriculation :

 

 1° la personne physique qui exploite une entreprise individuelle au Québec, qu'elle soit ou non à caractère commercial, sous un nom ne comprenant pas son nom de famille et son prénom;

 

 2° la société en nom collectif ou la société en commandite qui est constituée au Québec;

 

 3° la société qui n'est pas constituée au Québec, si elle y exerce une activité, incluant l'exploitation d'une entreprise, ou y possède un droit réel immobilier autre qu'une priorité ou une hypothèque;

 

 4° la personne morale de droit privé qui est constituée au Québec;

 

 5° la personne morale de droit privé qui n'est pas constituée au Québec, si elle y a son domicile, y exerce une activité, incluant l'exploitation d'une entreprise ou y possède un droit réel immobilier autre qu'une priorité ou une hypothèque;

 

 6° la personne morale visée au paragraphe 4° ou 5° qui est issue d'une fusion, autre qu'une fusion simplifiée, ou d'une scission, lorsque cette opération est prévue par la loi.

 

Présomption.

 

Est réputé assujetti la personne ou le groupement qui s'immatricule volontairement.

 

8.  L'immatriculation d'une personne physique, d'une société, d'un groupement ou d'une personne morale s'effectue, par le registraire des entreprises, sur présentation de sa déclaration d'immatriculation ou, dans le cas d'une personne morale constituée au Québec en vertu de la loi applicable à son espèce, sur dépôt de son acte constitutif au registre des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

 

12.  La déclaration d'une personne morale contient de plus, le cas échéant :

 

 1° le nom de l'État où elle a été constituée et la date de sa constitution;

 

 2° le nom de l'État où la fusion ou la scission dont elle est issue s'est réalisée, la date de cette fusion ou scission ainsi que le nom, le domicile et le numéro d'entreprise de toute personne morale partie à cette fusion ou scission;

 

 3° la date de sa continuation ou autre transformation;

 

 4° le nom et le domicile des trois actionnaires qui détiennent le plus de voix, par ordre d'importance, avec mention de celui qui en détient la majorité absolue.

 

100.  L'instruction d'une demande présentée par un assujetti non immatriculé, devant un tribunal ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, peut être suspendue jusqu'à ce que cet assujetti s'immatricule, lorsqu'un intéressé le requiert avant l'audition.

 

Restriction.

 

Toutefois, cette suspension ne peut être accordée si la demande présentée par une personne physique ne concerne pas l'activité en raison de laquelle elle est assujettie.

 

[62]            Selon P-6, Camionnage Dan Farnand Trucking inc., n'apparaît pas au Registre des entreprises au moment de la conclusion du contrat verbal d'août 2008, de l'exécution de contrat en septembre 2008, de l'inscription de l'hypothèque légale en décembre 2008, lorsque les demandeurs ont signifié leur action le 9 février 2009 et lorsque la demanderesse reconventionnelle a fait sa défense et demande reconventionnelle le 23 mars 2009.

[63]            À cet égard, les demandeurs invoquent l'article 50 prévoyant que :

« la radiation de l'immatriculation d'une personne morale constitué au Québec emporte sa dissolution.»

[64]            Or, en l'espèce, il ne s'agit pas d'une radiation même d'un défaut d'immatriculation. Par ailleurs, dans le cas de radiation la dissolution  « une personne morale constituée au Québec » alors qu'en l'espèce il s'agit d'une personne morale constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés; il ne s'ensuit pas qu'il y ait dissolution de cette société fédérale.

[65]            Quelle est alors la sanction civile? Notons d'abord que c'est les demandeurs qui ont amené Camionnage Dan Farnand Trucking inc., devant le Tribunal comme défendeur. Prétendraient-ils qu'ils ont amené cette compagnie devant le tribunal alors que cette compagnie n'aurait pas de capacité d'ester?

[66]            Cet aparté fait, quelle est la sanction civile d'un défaut d'immatriculation? L'article 100 édicte ce qui suit :

100. L'instruction d'une demande présentée par un assujetti non immatriculé, devant un tribunal [] peut être suspendue jusqu'à ce que cet assujetti s'immatricule, lorsqu'un intéressé le requiert avant l'audition.

[67]            En l'espèce, Camionnage Dan Farnand Trucking inc., a remedié au défaut d'immatriculation le 5 juin 2009 (D-12). Pour agir en défense, elle n'avait pas à remédier à ce défaut d'immatriculation, mais pour agir comme demanderesse reconventionnelle elle devait y remédier à la réquisition d'un intéressé. Les demandeurs n'avaient pas fait cette réquisition, mais la demanderesse reconventionnelle y a remédié, de son propre chef expliquant l'imbroglio par le fait que le nom officiel contenait un mot anglais et qu'on avait immatriculé la raison sociale qui était française.

[68]            Il faut donc rejeter les arguments des demandeurs sur ce point.

[69]            En conclusion, il faut rejeter la demande principale, en radiation d'inscription sur le registre foncier, contre Camionnage Dan Farnand Trucking inc., et accueillir la demande reconventionnelle de cette dernière.

II.          Jean Djoufo et al. c. Peter Hill Construction inc.

[70]             Peter Hill Construction inc., (ci-après Peter Hill) a creusé la cave, a fait l'épandage des 75 voyages (7 + 68) de sable et de gravier transportés et fournis par Dan Farnand, il a fourni et installé la fosse septique et le champ d'épuration.

[71]            En ce qui concerne la fourniture et l'installation de la fosse septique et du champ d'épuration, le travail a été exécuté vers le 19 septembre 2008 pour un coût de 7 636 $ (P-7 et D-7). Peter Hill a touché ce montant le 30 décembre 2008 (chèque 450). Il n'y a donc plus de litige sur ce point.

[72]            Ce paiement a été fait après l'inscription au livre foncier, le 3 décembre 2008, pour un montant de 13 391 $. Il faut ramener ce montant à 5 755 $ (P-3 et D-5).

[73]            Le litige porte donc sur les travaux d'excavation et ce nivelage du terrain, notamment Peter Hill a déjà reçu 3 000 $ le 8 septembre 2008 (chèque 431, P-14); 2 659 $ le 19 septembre 2008 (chèque 432, P-15) et il reste un solde impayé de 5 423 $.  Autrement, les travaux d'excavation et d'épandage s'élèvent à 11 802 $ et Peter Hill a déposé toutes les factures donnant les dates et les heures travaillées. Les demandeurs ont déjà payé 5 659 $ et refuse de payer le solde de 5 432 $.

[74]            Une preuve prépondérante et crédible basée sur le témoignage de monsieur Hill sur les factures donnant les jours et les heures travaillées en septembre 2008 établissent que les services ont été rendus.

[75]            Notons qu'après la réception des états de compte les demandeurs n'ont envoyé qu'une lettre contestant les services rendus; notons de plus que les demandeurs n'étaient généralement pas sur le chantier ne pouvant ainsi contester les services rendus au jour indiqué par Peter Hill.

[76]            Il y donc lieu de rejeter la requête en radiation d'inscription sur le registre foncier de Peter Hill et de faire droit à la réclamation de la demanderesse reconventionnelle. 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

Accueille la demande défense;

 

ACCUEILLE la demande reconventionnelle en délaissement forcé et vente sous le contrôle de la justice de gré à gré;

 

CONSTATE l'existence de la créance de la défenderesse demanderesse reconventionnelle de CAMIONNAGE DAN FARNAND TRUCKING inc., s'élevant en capital à la somme de 10 486,09 $ plus intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis le 3 décembre 2008, date de la publication de l'avis d'hypothèque légale;

 

CONSTATE le défaut des demandeurs de payer à la défenderesse demanderesse reconventionnelle de CAMIONNAGE DAN FARNAND TRUCKING INC., pour les matériaux fournis découlant de l'avis d'hypothèque légale qui a été inscrit au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de PAPINEAU, sous le numéro 15 809 699, le 3 décembre 2008;

 

CONSTATE l'existence de la créance hypothécaire de la défenderesse demanderesse reconventionnelle PETER HILL CONSTRUCTION INC., s'élevant en capital à la somme de 5 423 $ plus intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis le 3 décembre 2008, date de la publication de l'avis d'hypothèque légale;


CONSTATE le défaut des demandeurs de payer à la défenderesse demanderesse reconventionnelle PETER HILL CONSTRUCTION INC., pour les travaux effectués découlant de l'avis d'hypothèque légale qui a été inscrit au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de PAPINEAU, sous le numéro 15 809 700 le 3 décembre 2008;

 

CONDAMNE les demandeurs défendeurs reconventionnels solidairement à payer à la défenderesse demanderesse reconventionnelle CAMIONNAGE DAN FARNAND TRUCKING INC., la somme de 10 486,09 $ plus intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis le 3 décembre 2008, date de la publication de l'avis d'hypothèque légale ainsi que tous les frais légaux;

 

CONDAMNE les demandeurs défendeurs reconventionnels solidairement à payer à la défenderesse demanderesse reconventionnelle PETER HILL CONSTRUCTION INC., la somme de 5 423 $ plus intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis le 3 décembre 2008, date de la publication de l'avis d'hypothèque légale ainsi que tous les frais légaux;

 

CONSTATE le refus des demandeurs défendeurs reconventionnels de délaisser volontairement l'immeuble sans cause valable d'opposition;

 

ORDONNE aux demandeurs défendeurs reconventionnels et à tout autre occupant possesseur, de délaisser l'immeuble ci-après décrit, en faveur des défenderesses demanderesses reconventionnelles dans les 10 jours de la signification du jugement à intervenir :

 

DÉSIGNATION

 

Un immeuble connu et désigné comme étant le lot TROIS MILLIONS DEUX CENT QUATRE-VINGT-DIX-NEUF MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-NEUF (Lot 3 299 469) du cadastre du Québec, circonscription foncière de Papineau, province de Québec.

 

Avec bâtisses y dessus érigées, circonstances et dépendances, portant le numéro civique 52, chemin Gingras, Municipalité de L'Ange-Gardien, province de Québec.

 

ORDONNE qu'en cas de défaut des demandeurs défendeurs reconventionnels de délaisser l'immeuble, que ces derniers soient expulsés par voie de justice;

NOMME Me Richard Charbonneau, notaire au Québec, exerçant sa profession au 170, rue Joseph en la ville de Gatineau, Québec, J8L 1E8, comme personne désignée pour vendre l'immeuble ci-haut décrit au nom des demandeurs défendeurs reconventionnels et pour entreprendre les démarches nécessaires pour trouver un acquéreur de l'immeuble ci-haut décrit et ORDONNE qu'il soit investi de toute l'autorité et des pouvoirs nécessaires pour signer tout acte ou document requis pour l'accomplissement de la vente de l'immeuble et PRESCRIS qu'il soit rémunéré au tarif de 175 $ l'heure, plus les déboursés encourus;

AUTORISE la personne désignée à retenir les services de tout courtier en immeubles pour l'aider à trouver un acheteur éventuel et, en ce cas, il verra à négocier à titre de rémunération si la vente se conclut, une commission n'excédant pas 7 % du prix de vente payable à même le produit de la vente;

ORDONNE la vente sous contrôle de justice, de gré à gré, de l'immeuble ci-avant décrit aux conditions suivantes :

a)    la vente sera faite sans garantie de qualité et aux risques et périls de l'acheteur;

b)    le montant de dépôt minimum requis devant être remis avec toute offre d'achat sera équivalent à 5 % du prix offert au moyen d'un chèque visé fait à l'ordre de la personne désignée, en fidéicommis;

c)    la personne désignée est autorisée à vendre l'immeuble décrit aux conclusions des présentes à un prix égal ou supérieur à 100 000 $;

d)    toutes sommes reçues par la personne désignée devront être déposées dans un compte en fiducie spécial détenu par la personne désignée;

e)    toutes sommes provenant de la vente projetée devront être distribuées conformément à la loi;

f)     la vente ne sera parfaite que lorsque le prix total aura été payé et il ne pourra y avoir occupation et/ou possession avant cette date;

g)    la vente devra avoir lieu au plus tard dans l'année du jugement à être rendu sur la présente requête;

h)    la vente sera faite sans garantie et de plus, la personne désignée pour faire la vente agira au nom des défendeurs et ne sera tenue personnellement à aucune obligation incombant au vendeur en vertu de la loi;

i)     l'acheteur acquittera les droits de mutation ainsi que toutes autres taxes ou impositions quelconques relatives à l'immeuble. L'acheteur assumera les baux existants, le cas échéant. Il devra aussi s'engager à payer toutes les taxes, cotisations et répartitions foncières échues et à échoir, y compris la proportion de celles-ci pour l'année courante à compter de la signature de l'acte de vente et aussi à payer, à compter de cette date, tous les versements en capital et intérêts à échoir sur toutes les taxes spéciales imposées avant, dont le paiement est réparti sur plusieurs années;

j)      l'acheteur assumera les honoraires de préparation de l'acte de vente, les frais d'inscription ainsi que copie additionnelle dudit acte pour le demandeur, les frais de radiation seront à la charge du vendeur;

k)    si l'immeuble est adjugé au demandeur ou à un créancier hypothécaire dont la créance est portée à l'état certifié par l'officier de la publicité des droits, l'adjudicataire pourra retenir le prix d'adjudication jusqu'à concurrence de sa créance et elle devra verser, dans les cinq (5) jours de la fin du délai de contestation du projet d'état de collocation, les derniers nécessaires pour satisfaire aux créances préférées à la sienne;

AUTORISE les défenderesses demanderesses reconventionnelles à se porter enchérisseur et, le cas échéant, acquéreur de l'immeuble à être vendu;

DÉCLARE que la vente ne sera parfaite qu'au moment du paiement total du prix de vente;

ORDONNE à l'officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de PAPINEAU, d'inscrire le jugement à intervenir sur paiement des droits qui lui sont dus en pareil cas;

ORDONNE l'exécution provisoire nonobstant appel;

LE TOUT avec dépens contre les demandeurs défendeurs reconventionnels y compris les frais d'expulsion si nécessaire et les frais occasionnés par la vente sous contrôle de justice.

 

 

__________________________________

RAOUL P. BARBE, J.C.Q.

 

Monsieur Jean Djoufo 

 

Me Normand Carrière

CARRIÈRE, BERTHIAUME

Procureurs pour les défenderesses et demanderesses reconventionnelles

 

Date d’audience :

29 avril et 17 juin 2009

 



[1] L.R.Q. c. B-1.1 a. 50.

[2] L.R.Q. c. B-1.1 a. 1.

[3] L.R.Q. c. B-1.1 a. 46

[4] L.R.Q. c. P-55

AVIS :
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