Décision

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Djoufo c

Djoufo c. Isabelle

2008 QCCA 547

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-016850-067

 

(550-05-006378-981)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

20 MARS 2008

 

CORAM:  LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

BENOÎT MORIN, J.C.A.

ANDRÉ ROCHON, J.C.A.

 

PARTIE(S) APPELANTE(S)

AVOCAT(S)

 

 

JEAN DJOUFO

et

HÉLÈNE DAMPHOUSSE

PERSONNELLEMENT

 

PERSONNELLEMENT

         

 

 

 

PARTIE(S) INTIMÉE(S)

AVOCAT(S)

 

 

CLAUDE ISABELLE

et

GAGNÉ, ISABELLE, PATRY & LAFLAMME

et

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

Me FABIENNE BEAUVAIS

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO

 

 

 

 

 

 

AVOCAT(S)

 

 

     

     

 

 

 

 

En appel d'un jugement rendu le 26 mai 2006 par l'honorable Louis S. Tannenbaum de la Cour supérieure, district de Hull

 

NATURE DE L'APPEL:

RESPONSABILITÉ - NOTAIRE

 

Greffier:  Robert Osadchuck

Salle: PIERRE-B.-MIGNAULT

 


 

 

AUDITION

 

 

L’appel a été entendu le 18 mars 2008 et a été continué pour jugement au 20 mars 2008

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Robert Osadchuck

Greffier audiencier

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]               L'appel des appelants constitue une troisième tentative pour faire reconnaître, par les tribunaux judiciaires, une faute qu'aurait commise l'intimé, le notaire Claude Isabelle (notaire Isabelle) en sa qualité de notaire instrumentant lors des déboursements d'un prêt hypothécaire.

[2]               Pour bien situer le débat, il importe de faire un survol des faits utiles à la bonne compréhension de l'affaire et, plus particulièrement, des instances judiciaires et administratives antérieures.

[3]               Le dossier remonte à 1993, au moment où le notaire Isabelle reçoit mandat de préparer un contrat de prêt hypothécaire pour un montant de 164 000$[1].  Ce prêt est consenti aux appelants par la Caisse populaire de Buckingham (la Caisse).  Il doit servir à défrayer le coût des travaux de construction que les appelants s'apprêtent à entreprendre sur un terrain qu'ils ont récemment acquis dans la Ville de Gatineau.

[4]               À l'occasion du décaissement du prêt, le notaire Isabelle a payé à un tiers, un dénommé Luc Gaudreau, courtier hypothécaire, 34 000$ en deux étapes, soit dans un premier temps 20 000$ puis à l'aide d'un second paiement 14 000$.

[5]               Les appelants ont alors soutenu que ces paiements à Luc Gaudreau avaient été faits sans autorisation de leur part et sur la foi de documents falsifiés.

[6]               En 1994, impayée, la Caisse entreprend un recours hypothécaire en délaissement forcé à l'encontre des appelants.  Ceux-ci plaident notamment ne pas avoir reçu le plein montant du prêt.  Ils ajoutent que le notaire instrumentant avait détourné à leur insu 34 000$.  Ils concluent, en conséquence, au rejet de ce recours hypothécaire.  Leur version n'est pas retenue et le juge de la Cour supérieure accueille le recours hypothécaire.

[7]               En 1997, dans un second dossier, les appelants poursuivent la Caisse en dommages alléguant les mêmes faits, à savoir :  le versement illégal effectué par le notaire instrumentant.  Par leur action, ils recherchent une condamnation de la Caisse à leur rembourser la somme de 34 000$ ainsi détournée.

[8]               Ce second recours est rejeté.  Ce jugement est confirmé par un arrêt de notre Cour.

[9]               En 1998, les appelants instituent un troisième recours, cette fois, contre le notaire Isabelle, les associés de son cabinet et la Chambre des notaires du Québec.  C'est le présent dossier.

[10]           Essentiellement, les appelants allèguent que les documents utilisés par le notaire pour effectuer les déboursements à Luc Gaudreau sont faux.  Ils ajoutent que le notaire a manqué à son devoir de conseil en effectuant un paiement à un courtier en hypothèques qui ne possède pas de permis à cet effet.

[11]           L'appelante Hélène Damphousse ajoute qu'à toutes fins utiles, les autorisations qu'aurait données son mari, le coappelant Jean Djoufo, ne lui sont pas opposables et qu'elle n'a jamais autorisé pareils déboursements.

 

 

LE JUGEMENT ENTREPRIS

 

 

[12]           Dans un premier temps, le juge de la Cour supérieure retient qu'il n'y a aucune preuve que les documents qui ont amené le notaire Isabelle à verser les sommes à Luc Gaudreau sont faux.

[13]           En second lieu, le juge précise que le témoignage de l'appelant Djoufo est peu crédible.  À cet égard, il rappelle son parjure dans un des dossiers de la Cour supérieure ci-haut mentionnés et la condamnation au criminel qui en est advenue.

[14]           Puis, s'inspirant de la décision de notre Cour dans l'arrêt Fontaine c Guibault[2], le juge de la Cour supérieure conclut que l'on ne peut pas, à proprement parler, invoquer l'autorité de la chose jugée puisque les parties ne sont pas les mêmes.  Il note que les appelants en sont à leur troisième tentative dans le but de faire reconnaître la responsabilité du notaire Isabelle à l'égard des décaissements effectués en faveur de Luc Gaudreau.  Le juge de la Cour supérieure constate qu'une quatrième tentative a été faite, cette fois sur le plan administratif devant la Chambre des notaires.  Cette plainte fut rejetée et le Tribunal des professions a confirmé la décision du Comité de discipline.  Finalement, il indique également, que les appelants ont tenté de loger une plainte criminelle que les services policiers, après enquête, n'ont pas retenue.  Le juge de la Cour supérieure conclut au rejet de l'action avec dépens.

 

 

LES MOYENS D'APPEL

 

 

[15]           Des différents moyens d'appel soumis par les appelants, un seul mérite l'attention de la Cour.

[16]           La véritable question soulevée par le pourvoi a trait à l'intensité du devoir de conseil du notaire en fonction des faits du dossier.  Plus précisément, il nous faut déterminer si le notaire qui reçoit des instructions écrites de son client de payer un tiers, à l'occasion du décaissement d'un prêt hypothécaire, a l'obligation de vérifier la validité de la créance de ce tiers et sa capacité de la recevoir.

[17]           En l'espèce, le mandat principal du notaire consistait à préparer un contrat de prêt hypothécaire, à recevoir les signatures et à procéder à la publication de l'acte.  Ces étapes furent correctement remplies, les appelants ont obtenu le financement demandé et la caisse la garantie hypothécaire exigée.

[18]           Sans demander conseil à son notaire, l'appelant Djoufo lui demande par écrit de payer des montants précis à un tiers qui a agi comme courtier hypothécaire.  Ce tiers est connu du notaire depuis plusieurs années.  De fait, ce tiers loue des locaux adjacents à ceux du notaire et s'annonce comme courtier hypothécaire.  Il est acquis au débat que ce tiers est celui qui a agi auprès de l'institution financière afin d'obtenir le financement hypothécaire.

[19]           Aucun indice ne permettait au notaire de soupçonner l'existence d'une quelconque difficulté quant à la validité de la créance, d'où aurait découlé un devoir de conseil, et ce, même si les appelants n'avaient formulé aucune demande à ce sujet.  Dans ces circonstances, le notaire n'avait pas l'obligation de vérifier si le tiers détenait les permis nécessaires pour agir à titre de courtier en hypothèques ou encore si un permis était requis.

[20]           Le fait que les chèques aient été libellés au nom du courtier personnellement plutôt qu'au nom de sa firme n'est pas pertinent au présent débat.

[21]           L'argument de l'appelante voulant que les autorisations données par son époux au notaire ne lui soient pas opposables ne s'appuie pas sur la preuve puisque l'appelante n'a même pas témoigné au procès.  Les documents au dossier de la Cour démontrent au contraire qu'elle s'en est totalement remise à son époux, l'appelant Jean Djoufo, du début à la fin des démarches entre l'obtention du prêt et le décaissement des sommes par le notaire Isabelle.

[22]           POUR CES MOTIFS :

[23]           REJETTE l'appel avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 

 

 

BENOÎT MORIN, J.C.A.

 

 

 

ANDRÉ ROCHON, J.C.A.

 

 



[1]     Un montant additionnel de 40 000$ sera consenti en 1994.

[2]     CAM 500-09-000399-881, le 5 mai 1988, jj. Paré, LeBel, Gendreau.

AVIS :
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