Décision

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Berrada c. Artimonde Commerce inc.

2013 QCCA 1175

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-023664-139

 

(500-17-076865-131)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

Le 3 juillet 2013

 

 

L’HONORABLE MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

PARTIE REQUÉRANTE

AVOCAT

LARBY BERRADA

 

Me Charles-Antoine Danis

AUBÉ AVOCATS INC.

 

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCAT

ARTIMONDE COMMERCE INC.

LABYRINTH BOUTIQUES INC.

141051 CANADA INC.

LA CORPORATION DE GESTION BERRADA

 

Me Marie-Claude Vernier

LAPOINTE ROSENSTEIN MARCHAND MELANÇON, S.E.N.C.R.

 

PARTIE Mis en cause

AVOCAT

BANQUE ROYALE DU CANADA

 

 

 

REQUÊTE POUR PERMISSION D'APPELER d'un jugement interlocutoire annulant une saisie avant jugement (art. 26 C.p.c.)

 

Greffière: Asma Berrak

Salle: RC.18

 


 

 

AUDITION

 

 

16 h 16 : Début de l’audition. Identification des procureurs.

16 h 16 : Argumentation de Me Danis.

16 h 42 : Argumentation de Me Vernier.

16 h 58 : Réplique de Me Danis.

17 h 00 : Fin de l'argumentation de part et d'autre.

17 h 00 : Suspension de la séance.

17 h 26 : Reprise de la séance.

17 h 26 : Jugement-voir page 3.

17 h 32 : Fin de l'audition.

 

Asma Berrak

Greffière

 


 

 

 

JUGEMENT

 

[1]          Le requérant poursuit les intimés en dommages-intérêts à la suite de son congédiement. Il a dans ce cadre fait saisir avant jugement, en vertu de l'article 733  C.p.c., les comptes bancaires, dépôts, placements, valeurs mobilières, certificats de dépôt, dépôts à terme, autres valeurs et instruments financiers des intimées, de même que leurs biens meubles.

[2]          Le 10 juin 2013, la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Mark Schrager), annule cette saisie avant jugement, et ce, en raison de l'insuffisance des allégations de la déclaration sous serment produite au soutien de la réquisition (art. 735 et 738 C.p.c.).

[3]          Le requérant demande la permission d'appeler de ce jugement interlocutoire, demande régie par l'article 26 , second al., paragr. 2, C.p.c.

[4]          Dans Logan c. Logan[1], la Cour écrit ce qui suit à propos de la saisie avant jugement régie par l'article 733 C.p.c. :

[7]        La jurisprudence développée à l’égard de l’application de l’article 733  C.p.c. est formelle : la crainte donnant ouverture à la saisie doit être sérieuse, objective, justifiée par des faits précis et non par des appréhensions [note infrapaginale 1 : Bellemare c. Galerie d’art Bernard Desroches inc. [1999] J.Q. no. 4335 (C.S.), paragr. 12; Complex Developments Ltd. c. Apartments Port de Mer (St-Malo), [1975] C.A. 443 paragr. 13; Kemp c. Maurice Turcot Construction Limitée, [1975] C.A. 447 , paragr. 11.].

[8]        Dans le même ordre d’idées, la jurisprudence enseigne aussi que l’idée voulant que celui « qui a fraudé fraudera » est insuffisante pour fonder une crainte sérieuse et objective en l’absence d’autres faits précis qui permettent de croire que le débiteur posera un acte susceptible de faire échec au recouvrement de la créance [note infrapaginale 2 : Presto Photogravure ltée c. Tremblay, [1978] J.Q. no. 83 (C.A.) paragr. 9 ; Rouleau c. Location du Cuivre ltée, [1993] R.D.J. 226 (C.A.) p. 3.].

[9]        Selon la jurisprudence, la crainte que la créance ne soit mise en péril exige comme condition essentielle l’existence de manœuvres qui ont comme objectif ultime de soustraire la créance à un jugement à venir [note infrapaginale 3 : Elkin c. Hellier, [1991] R.D.J. 49 (C.A.) p. 4; Rouleau c. Location du Cuivre ltée, supra note 2, p. 3; Presto Photogravure ltée c. Tremblay, supra, note 2, paragr. 9 ; Complex Developments Ltd. c. Apartments Port de Mer (St-Malo), [1975] C.A. 443 , paragr. 13-14, Turcotte c. Turcotte, [1998] J.Q. no. 4128, paragr. 17.].

[5]          Ce sont bien ces règles que le juge de première instance a identifiées et sur la base desquelles il a rendu jugement. Rien dans la requête du requérant ne montre qu'il aurait commis à cet égard une erreur de droit qui mériterait l'intervention de la Cour ou devrait être soumise à son attention au sens du second alinéa de l'article 26 C.p.c.

[6]          En ce qui concerne l'application de ces règles, le juge a soigneusement examiné les allégations de la déclaration sous serment et il en conclut que, bien qu'elles soient tenues pour avérées, elles ne suffisent pas à établir que les intimées cherchent indûment à se protéger contre un éventuel jugement en faveur du requérant ou sont, par ailleurs, dans une situation de nature à générer une crainte objective du péril qui menacerait en conséquence le recouvrement de la créance du requérant. Là encore, sauf à réitérer, en d'autres termes, ce qu'il affirme dans sa déclaration sous serment, le requérant ne fait pas voir ce en quoi il y aurait dans le jugement une erreur importante à cet égard, du moins en apparence, qui justifierait que l'affaire soit soumise à la Cour.

[7]          Il est vrai que le juge parle beaucoup d'intention frauduleuse et fait reproche au requérant de n'avoir pas établi cette intention des intimées. Même si, ainsi que le souligne le requérant, la démonstration d'une telle intention n'est pas essentielle aux fins de l'application de l'article 733 C.p.c., il demeure que doit être établie l'existence de manœuvres destinées « à soustraire les biens du débiteur à l'exécution normale par le créancier » (Elkin c. Hellier[2], p. 51). En effet, toujours selon l'arrêt Elkin, « [l]a saisie avant jugement demeure l'exception que le créancier saisissant doit justifier par des circonstances particulières, démontrant la volonté de son débiteur de soustraire ses biens au recours de ses créanciers » (p. 52). Or, la lecture du jugement montre que, selon le juge, les intimées n'ont pas tenté de telles manœuvres et n'ont pas manifesté cette volonté. Plus exactement, le juge conclut que les allégations de la déclaration sous serment ne suffisent pas à démontrer ces manœuvres ou cette volonté. Le fait que les intimés aient décidé de fermer boutique, sans entreprendre toutefois de liquider leurs biens, n'est pas suffisant, selon le juge, pour générer la crainte objective présidant à l'application de l'article 733 C.p.c.

[8]          Enfin, il faut rappeler que la permission d'interjeter appel d'un jugement visé, comme c'est ici le cas, par le second alinéa de l'article 26 C.p.c. ne sera en principe octroyée que si l'appel envisagé soulève des questions de droit nouvelles ou controversées ou des questions de principe ou de portée générale. Or, ce n'est pas le cas ici. La requête pour permission d'appeler soulève soit des questions se rapportant à des règles de droit connues, soit des questions de fait et d'appréciation seulement (i.e. la suffisance ou l'insuffisance de la déclaration sous serment, question qui laisse au juge une bonne dose de latitude décisionnelle). Bien sûr, le législateur n'a pas abrogé les appels portant sur de telles questions, mais la permission ne sera accordée en pareil cas que dans des circonstances exceptionnelles, qui n'ont pas été établies ici[3].

[9]          Dans Fonds immobilier de solidarité FTQ II, s.e.c. (Société en commandite immobilière Solim II) c. Syndicat des copropriétaires de «Le Ste-Hélène»[4] , le juge Kasirer rappelle que :

[10]           Comme l'écrit mon collègue le juge Pelletier dans Montour,  « [e]n pareille matière, il ne suffit pas, pour obtenir la permission, de soulever des griefs qui ne sont pas futiles; il faut convaincre le juge d'appel qu'il est opportun que la permission soit accordée en raison de l'importance de faire trancher l'incident par une formation de la Cour » [note infrapaginale 1 : Montour c. Gagnon et al., J.E. 2001-609 ]

[10]       Avec égards, c'est une démonstration que le requérant n'a pas faite.

[11]       POUR CES MOTIFS, la requête est REJETÉE, avec dépens.

 

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 



[1] 2010 QCCA 1023

[2]     [1991] R.D.J. 49 , p. 51

[3]     Sur les critères et conditions présidant à l'octroi d'une permission en vertu du second alinéa de l'article 26 C.p.c., voir généralement : Hydromega Services inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2013 QCCA 918 , 2013EXP-1951 ; Gauthier c. Dentaurum Canada inc., 2013 QCCA 808 , 2013EXP-1677 ; Université de Sherbrooke c. Association du personnel administratif et professionnel de l'Université de Sherbrooke (APAPUS), 2013 QCCA 553 , 2013EXPT-409 ; Linteaux structuraux ajustables Lintech inc. c. Unifirst Canada ltée, 2013 QCCA 351 , SOQUIJ AZ-50940635 ; Commission scolaire Kativik c. Association des employés du Nord québécois, 2013 QCCA 297 , 2013EXP-782 , J.E. 2013-422 ; Commission des normes du travail c. Aisa Corporation, 2013 QCCA 252 , 2013EXP-694 ; St-Pierre c. Gonzalez Cruz, 2012 QCCA 2148 , SOQUIJ AZ-50918939 ; Liu c. Corporation FCHT Holdings (Québec) inc., 2012 QCCA 1745 , SOQUIJ AZ-50898424 ; Maçonnerie Demers inc. c. Centre de la petite enfance de l'Université de Montréal, 2012 QCCA 1635 , SOQUIJ AZ-50895075 ; Amélio-Pro c. Distine, 2012 QCCA 1237 , 2012EXP-2701 ; Laboratoire Lalco inc. c. Construction Bernard Anctil inc., 2012 QCCA 951 , SOQUIJ AZ-50858491 . En matière de saisie avant jugement, voir aussi : Fonds immobilier de solidarité FTQ II, s.e.c. (Société en commandite immobilière Solim II) c. Syndicat des copropriétaires de «Le Ste-Hélène», 2011 QCCA 1123 , 2011EXP-2101 ; Association des citoyens et citoyennes pour n environnement sain de Fatima inc. c. Bois & placage généraux ltée, 2008 QCCA 1715 ; Visimax inc. c. Verreault, J.E. 2001-25 (C.A.).

[4]     Précité, note 3.

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