Décision

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Gabarit CFP

Québec (Ministère de la Sécurité publique) et Guay

2013 QCCFP 15

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1300992

 

DATE :

28 août 2013

_______________________________________________________________

 

COMMISSAIRES :

Mme Christiane Barbe, présidente

Me Denise Cardinal, commissaire

_______________________________________________________________

 

 

MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

Requérant-intimé

 

Et

 

DOMINIQUE GUAY

 

IntiméE-appelante

 

_______________________________________________________________

 

                                                            DÉCISION

REQUÊTE EN RÉVISION POUR CAUSE

                  (Article 123, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1)

_______________________________________________________________

 

LA REQUÊTE

[1]           Le ministère de la Sécurité publique (ci-après appelé le « MSP ») demande à la Commission de réviser la décision du commissaire Robert Hardy[1] accueillant en partie l’appel de Mme Dominique Guay qui contestait la décision du ministère de refuser de l’admettre à la réserve de candidatures à la promotion pour pourvoir d’éventuels emplois réguliers de cadre, classe 6, à ce ministère.

[2]           Le refus du MSP de l’admettre était basé sur le fait qu’il avait reçu l’offre de service de Mme Guay le 3 mai 2012, alors que l’avis de constitution de la réserve (I-1) précisait que, pour être considérée, une offre devait être reçue au plus tard le 30 mars 2012, puisque la période d’inscription à la réserve était fixée du 19 au 30 mars 2012.

[3]           Étant donné que les conclusions de la décision du commissaire Hardy découlent du moment où l’avis de constitution de la réserve avait été publié, il convient de préciser dès maintenant que cet avis avait été affiché dans l’intranet du MSP le 19 mars, à compter de 7 h 30, jusqu’au 30 mars, 23 h 59. Il avait également été publié dans l’Info-carrière électronique au cours de la matinée du lundi 19 mars, puisque cet outil est mis à jour tous les lundis matins.

[4]           Le commissaire Hardy cerne ainsi la question à laquelle il doit répondre : la période d’inscription à la réserve, qui doit être d’au moins dix jours ouvrables, conformément à l’article 12 du Règlement sur la tenue de concours[2] (ci-après appelé le « Règlement »), a-t-elle été respectée ? Cette disposition prévoit en effet que la période d’inscription à un concours ou à une réserve de candidatures est d’au moins dix jours ouvrables.

[5]           Le commissaire Hardy considère qu’un jour ouvrable doit s’interpréter comme un jour complet, devant comporter 24 heures. Puisque l’affichage de la réserve avait débuté à 7 h 30, le 19 mars, cette journée ne peut être incluse dans le calcul de la période d’inscription. Ainsi, il conclut qu’il manque le dixième jour ouvrable de la période minimale prescrite par le Règlement (paragraphe 111 de la décision).

[6]           Puisque le commissaire Hardy est d’avis que la durée écourtée d’un jour ouvrable de l’affichage n’est pas étrangère au retard d’environ un mois dans l’envoi de l’offre de service de Mme Guay, il ordonne au MSP de l’aviser qu’elle dispose d’un jour ouvrable additionnel pour confirmer qu’elle maintient son offre de service.

[7]           Le MSP soulève deux motifs de révision à l’appui de sa requête en révision pour cause. Ces motifs sont ainsi libellés :

1.    La Commission a commis une erreur manifeste de droit en interprétant l’article 12 du Règlement sur la tenue de concours;

2.    La Commission a commis une erreur manifeste de fait et de droit lorsqu’elle conclut, de façon subjective, d’accorder une journée pour agir à une personne qui a dépassé les délais prévus d’environ un mois.

[8]           La Commission en révision résume l’argumentation exposée par les parties au regard de ces deux motifs dans les sections respectives où elle procède à leur analyse. Auparavant, il convient de préciser les critères d’intervention qui doivent s’appliquer en matière de révision pour cause.

critères d’intervention en révision

[9]           Le recours en révision du MSP est en application de l’article 123 de la Loi sur la fonction publique[3] (ci-après appelée la « Loi ») qui se lit comme suit :

« 123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.

La Commission peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue. »

[10]        Cette disposition ne précise pas les cas qui donnent ouverture à ce recours. Toutefois, la Commission s’est prononcée[4] à plusieurs reprises sur ces causes qui sont les mêmes que celles où le législateur a apporté des précisions à cet égard, pour ce même type de recours[5]. Ces causes sont les suivantes :

1.    Lorsqu’il est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2.    Lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3.    Lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

[11]        Les deux motifs de révision soulevés par le MSP s’appuient sur la troisième cause de révision, soit un vice de fond ou de procédure qui est de nature à invalider la décision.

[12]        Au sujet du vice de fond ou de procédure, les tribunaux supérieurs se sont penchés à plusieurs reprises sur les paramètres visant à circonscrire ce motif. Ainsi, ils ont clairement établi que le pouvoir du tribunal à cet égard n’équivaut pas à un droit d’appel et qu’il ne saurait être une invitation à substituer son opinion ou son appréciation de la preuve à celle du premier décideur ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[6]. Ainsi, le pouvoir de révision interne est un pouvoir de redressement ou de réparation de certaines irrégularités ou d’erreurs commises à l’égard d’une première décision afin qu’elle soit conforme à la loi. L’erreur identifiée dans la première décision doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour invalider la décision. Ce type d’erreurs doit appartenir à celles qui rendent la décision injustifiée en raison du contexte ou de l’interprétation, une décision non motivée ou contenant une erreur manifeste et déterminante dans l’interprétation des faits, ou encore qui met à l’écart une règle de droit ou, enfin, celle qui omet de se prononcer sur un élément de preuve important ou sur une question de droit pertinente.

[13]        Plus récemment, la Cour supérieure indiquait que la Commission des lésions professionnelles avait correctement analysé son pouvoir de révision en exprimant qu’il y a erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose sur des hypothèses, lorsqu’elle s’appuie sur de fausses prémisses, fait une interprétation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[7].

[14]        La Commission a signalé à quelques reprises que le vice de fond, assimilé à l’erreur de droit ou de fait, doit être déterminant et présenter des caractéristiques de gravité et d’évidence.

[15]        C’est en appliquant ces critères d’intervention que la Commission analyse le bien-fondé des deux motifs de révision soulevés par le MSP.

1.            Erreur manifeste de droit en interprétant l’article 9 du règlement sur la tenue de concours

1.1.        Argumentation du MSP

[16]         Le MSP situe l’erreur de droit commise par le commissaire Hardy dans son interprétation de la notion de « jour ouvrable » qui se trouve à l’article 12 du Règlement.

[17]        Selon le MSP, le raisonnement du commissaire Hardy pour déterminer qu’un jour ouvrable constitue un jour complet provient d’un amalgame qu’il effectue de la notion de « jour civil », que le Dictionnaire canadien des relations de travail[8] définit comme un espace de temps d’une durée de 24 heures s’écoulant de minuit à minuit, avec celle de « jour ouvrable ». Or, le texte de l’article 12 du Règlement est clair en référant aux jours ouvrables. Lorsque le législateur retient la notion de « jour » ou celle de « jour franc », il s’exprime de la sorte, par exemple à l’article 6 du Règlement sur les appels à la Commission de la fonction publique[9].

[18]        De plus, le MSP reproche au commissaire Hardy de ne pas préciser la coutume sur laquelle il s’appuie lorsqu’il exprime que [s]elon notre coutume, on peut ainsi affirmer qu’un jour ouvrable est un jour de la semaine, de 24 heures (paragraphe 104 de la décision). En référant à une définition du Dictionnaire de droit québécois et canadien[10] voulant qu’une coutume constitue des règles juridiques basées sur des usages anciens et répétés qui sont communément acceptées par la communauté, le MSP souligne qu’aucune coutume n’a été abordée lors de l’audience. De plus, son interprétation s’écarterait de la  jurisprudence[11] de la Commission établie depuis plusieurs années.

[19]        Enfin, le MSP soulève que le commissaire Hardy aurait commis une erreur de droit en basant sa décision sur celle de l’affaire Cossette[12]. Les faits rapportés dans cette décision se distinguent de la preuve administrée dans la présente affaire.

[20]        En conclusion, le MSP soutient que l’avis publié le matin du 19 mars 2012 dans l’Info-carrière électronique, et l’autre qui était en ligne dès 7 h 30, la même journée, dans son intranet, respectent la définition de « jour ouvrable » puisqu’à ce moment-là les travailleurs s’adonnent normalement au travail et que les avis étaient accessibles depuis le début de la journée de travail des candidats éventuels.  

1.2.        Argumentation de Mme Guay

[21]        Mme Guay cite tout d’abord l’article 8 du Code de procédure civile[13] qui prévoit une règle sur la computation des délais. À son avis, la journée supplémentaire accordée par le commissaire Hardy respecte cette règle. Elle cite en outre un extrait du site Internet du Tribunal administratif du Québec qui définit la notion de « jour ouvrable » comme celle d’un jour qui n’est pas un samedi, un dimanche ou un jour férié.

[22]        Quant à la durée du jour ouvrable, comme le Règlement est silencieux à cet égard, il faut ainsi se référer à la durée normale d’une journée de 24 heures qui est celle d’un « jour franc » selon une définition d’un site Internet à laquelle elle renvoie la Commission. De plus, comme l’affichage s’est terminé à 0 h le 31 mars, elle considère qu’il s’agit là d’un argument supplémentaire voulant que le MSP applique la notion de « jour franc ».

[23]        Ainsi, le commissaire Hardy était justifié de considérer qu’un jour ouvrable doit comporter 24 heures.

1.3.        Analyse

[24]        Le MSP soulève que le commissaire Hardy aurait commis une erreur de droit dans son interprétation de la notion de « jour ouvrable » utilisée à l’article 12 du Règlement et qui n’est pas définie dans ce dernier. Cet article se lit comme suit :

« 12. La période d’inscription à un concours ou à une réserve de candidatures est d’au moins dix jours ouvrables. La période d’inscription est indiquée à l’appel de candidatures.»

[25]        La question fondamentale que tranche le commissaire Hardy avec son interprétation de cette notion porte plus particulièrement sur la durée d’un jour ouvrable. Il considère qu’un jour ouvrable constitue un jour complet comportant 24 heures. Comme l’affichage de la première journée ouvrable de la période d’inscription de la réserve ne s’est pas faite dès 0 h cette journée-là, mais à compter de 7 h 30, il est d’avis qu’elle ne peut être calculée dans les dix jours ouvrables exigés dans cette disposition. Pour le MSP, le jour ouvrable devrait correspondre à la période où on s’adonne normalement au travail. Le commissaire Hardy se serait trompé en intégrant la définition de « jour civil » à celle de « jour ouvrable ».

[26]        L’interprétation du commissaire Hardy de la durée de 24 heures d’un jour ouvrable repose fondamentalement sur les deux définitions qu’il cite aux paragraphes 102 et 103 de sa décision : celle de « jour ouvrable » du Dictionnaire canadien des relations du travail[14] et celle du mot « jour » du Dictionnaire de droit québécois et canadien[15]. Elles se lisent comme suit :

Jour ouvrable : jour de la semaine durant lequel, en vertu de la Loi, de la coutume ou de la convention, on s’adonne normalement au travail. Jour ouvrable s’oppose généralement à jour férié.

Jour : espace de temps de 24 heures de minuit à minuit servant à la computation des délais qui se calculent par jour et non par heure.

[27]        Immédiatement après avoir cité ces deux définitions, le commissaire Hardy affirme que [s]elon notre coutume, on peut affirmer qu’un jour ouvrable est un jour de la semaine, de 24 heures, autre qu’un samedi, un dimanche ou un jour férié (paragraphe 104 de la décision avec notre emphase). Il insiste par la suite pour réaffirmer qu’un jour ouvrable doit être complet et être considéré globalement (paragraphes 105, 106, 108 et 111 de la décision).

[28]        La Commission en révision constate, à l’instar du MSP, que cette interprétation du commissaire Hardy tient compte du mot « ouvrable » dans la notion «  jour ouvrable » pour établir qu’il s’agit d’un jour de la semaine, autre qu’un jour férié. Par contre, pour la durée du jour ouvrable, il s’en remet uniquement à la définition du mot « jour ». En procédant de cette manière, le commissaire Hardy ne tient pas compte du volet ouvrable, pourtant présent dans la notion « jour ouvrable » afin de déterminer que sa durée est de 24 heures. Il fait de plus abstraction de la mention où on s’adonne normalement au travail qui se trouve dans la définition de « jour ouvrable » qu’il cite.

[29]        Par ailleurs, pour supporter son interprétation, le commissaire Hardy réfère également à notre coutume, sans autre précision. La Commission en révision croit comprendre que cette référence provient de l’utilisation du mot coutume dans la définition de l’expression « jour ouvrable ». Elle note par ailleurs que cette définition renvoie également à la convention. À cet égard, il est intéressant de souligner que la Convention collective des fonctionnaires 2010-2015[16] détermine que la semaine normale de travail est d’une durée de 35 heures devant être effectuée du lundi au vendredi, selon une durée quotidienne de travail de 7 heures, devant généralement être effectuées entre huit heures (8 h) et dix-sept heures trente (17 h 30). La Convention collective des professionnelles et professionnels 2010-2015[17] est au même effet.

[30]        Cela étant dit, même si on adhérait à la thèse du commissaire Hardy sur la durée de 24 heures d’un jour ouvrable, la Commission en révision constate qu’il ne s’attarde qu’à cet aspect particulier de la notion de jour ouvrable prévue à l’article 12 du Règlement, sans tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette notion. Or, le but de cette disposition est de déterminer une norme minimale de dix jours ouvrables relativement à la période d’inscription à un concours ou à une réserve, et non pas une norme en matière d’affichage. Or, selon l’avis de constitution de la réserve (I-1), la période d’inscription comportait effectivement dix jours ouvrables. Il faut éviter de créer une confusion entre la notion de la période d’inscription et celle de l’affichage, comme le commissaire Hardy semble le faire (paragraphes 111 et 112 de la décision). Selon les faits mis en preuve, c’est le moment précis de l’affichage qui était d’abord l’objet de ses préoccupations. Ni la Loi ni le Règlement ne prescrivent de disposition particulière à cet égard, il convient ainsi de se référer aux principes dégagés par la Commission au sujet de l’affichage.

[31]        En matière d’affichage, il y a trente ans déjà, la Commission établissait un principe, dans l’affaire Cossette[18], que l’affichage des concours devait être effectué dès le début de la période d’inscription et se poursuivre jusqu’à son expiration. Elle indiquait que ce principe découlait de l’obligation prévue à l’article 45 de la Loi de donner aux candidats une occasion raisonnable de soumettre leur candidature. Il est à noter que dans cette affaire, la question du moment précis où devait commencer l’affichage au début de la période d’inscription n’était pas abordée, comme le fait le commissaire Hardy, et qu’elle ne remettait pas en question la durée de cette période, malgré un affichage écourté. Par ailleurs, la jurisprudence citée par le MSP[19] a pour seul point commun de traiter de concours ayant une période d’inscription de dix jours ouvrables, sans examiner la question particulière du moment précis du début de l’affichage.

[32]        La Commission en révision croit intéressant de mentionner que la Politique concernant la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique[20] traduit l’objectif de l’affichage provenant de l’article 45 de la Loi, qui est de donner une occasion raisonnable aux candidats de soumettre leur candidature, de cette manière : [u]n appel de candidatures devrait permettre de rejoindre et d’informer les bassins de main-d’œuvre préparée à l’exercice des attributions de l’emploi (notre emphase). De son côté, le Guide sur la tenue de concours de recrutement et de promotion[21] reprend également, au sujet de l’affichage, l’énoncé de l’article 45 de la Loi en précisant que les appels de candidature devraient être disponibles [] à compter de la première journée et jusqu’à la dernière journée de la période d’inscription.

[33]        Pour la Commission en révision, le principe de la diffusion des appels de candidatures au début de la période d’inscription et jusqu’à la fin demeure toujours applicable. Elle tient toutefois à souligner qu’à l’origine, ce principe a été élaboré dans le contexte d’un affichage sur babillard dans les lieux de travail, qui implique une présence sur les lieux de travail, selon les heures habituelles. Elle ne croit pas qu’il soit utile d’augmenter la portée de ce principe du fait de l’utilisation d’un support électronique pour procéder à la diffusion d’un appel de candidatures.

[34]        Mais il y a davantage. La Commission en révision est d’avis que l’approche retenue par le commissaire Hardy, qui consiste à interpréter de façon théorique la durée d’une journée ouvrable, l’empêche d’appliquer les principes développés en matière d’affichage et de tenir compte de leur fondement. Selon les faits mis en preuve, le commissaire Hardy passe outre à la véritable question qu’il devait trancher. Il devait en effet répondre à la question suivante : est-ce que l’affichage à 7 h 30 le premier jour de la période d’inscription à la réserve donnait aux candidats une occasion raisonnable de soumettre leur candidature, sans perdre le bénéfice de cette journée de la période d’inscription? Si la réponse à cette question était négative, la conclusion appropriée devait être qu’une irrégularité entachait la procédure d’admission au concours puisque cette lacune affectait non seulement Mme Guay, mais également tout autre candidat potentiel.

[35]        Pour ces raisons, la Commission en révision considère que le commissaire Hardy a commis une erreur grave et évidente qui nécessite son intervention puisqu’il n’a pas appliqué les principes appropriés en matière d’affichage. S’il avait examiné la bonne question, la Commission en révision croit que la seule réponse qui s’imposait était que l’absence d’affichage, entre 0 h et 7 h 30 la première journée de la période d’inscription, ne peut pas, selon toute vraisemblance, avoir produit un effet sur l’occasion raisonnable pour les candidats potentiels de profiter de cette journée pour entreprendre les démarches requises pour la préparation de leur offre de service.

[36]        En conclusion, la Commission en révision est d’avis que le commissaire Hardy a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 12 du Règlement au regard de l’affichage. Toutefois, la Commission en révision croit utile de procéder également à l’analyse de l’autre motif de révision.

2.            Erreur manifeste de fait et de droit lorsque la Commission conclut, de façon subjective, d’accorder une journée pour agir à une personne qui a dépassé les délais prévus d’environ un mois

2.1         Argumentation du MSP

[37]        Selon le MSP, l’ordonnance du commissaire Hardy visant à accorder une journée additionnelle à Mme Guay pour confirmer qu’elle maintient son offre de service, alors que celle qu’elle a transmise au MSP a été reçue environ un mois après la fin de la période d’inscription, ne repose sur aucune règle précise. À son avis, il s’agit d’une décision arbitraire qui s’éloigne de l’objet du litige. 

[38]        Pour rendre cette ordonnance, le commissaire Hardy s’inspire de la décision Cossette[22] qui avait déterminé que la durée écourtée de l’affichage n’était pas étrangère au retard de l’envoi de l’offre de service. Selon le MSP, la preuve administrée dans la présente affaire ne supporte pas cette conclusion.

2.2         Argumentation de Mme Guay

[39]        Mme Guay rappelle les différents échanges intervenus entre elle et le MSP après la fin de la période d’inscription. Ces échanges sont rapportés dans la décision. Ce seraient les délais de réponse du MSP au cours de ces échanges qui expliqueraient la date d’envoi de son offre de service.

2.3         Analyse

[40]        Il ressort de la preuve administrée que l’offre de service de Mme Guay est reçue au MSP le 3 mai 2012, alors que la période d’inscription se terminait le 30 mars 2012. La preuve fait également ressortir que, dès le lundi 2 avril 2012, la première journée ouvrable après la fin de la période d’inscription, Mme Guay s’adresse à une représentante du MSP pour voir s’il était possible d’accepter quand même son offre de service, étant donné qu’elle était auparavant en invalidité (paragraphes 10 et 19 de la décision). À l’occasion de ce contact téléphonique, Mme Guay laisse un message dans une boîte vocale. Il s’en suit une série de messages et de conversations téléphoniques entre Mme Guay et deux représentantes du MSP. Au terme de ces échanges, et après son retour de vacances, Mme Guay transmet finalement son offre de service le 3 mai, après qu’on lui ait fourni toujours la même réponse négative quant à la possibilité de considérer son offre de service.

[41]        Pour appuyer sa décision d’accorder une journée supplémentaire à Mme Guay pour confirmer qu’elle maintient son offre de service, le commissaire Hardy fait référence à l’esprit toujours de l’affaire Cossette pour être d’avis que la durée écourtée de l’affichage n’est pas étrangère au retard de l’envoi de l’inscription de Mme Guay survenue finalement le 3 mai (paragraphe 113 de la décision). Toujours selon le commissaire, les suites de l’irrégularité, dont les discussions avec les responsables de la direction centrale des ressources humaines et la réception de sa candidature le 3 mai, ne peuvent être retenues contre elle (paragraphe 113 de la décision).

[42]        Dans un premier temps, la Commission en révision ne croit pas qu’il soit possible de transposer l’esprit de l’affaire Cossette, pour reprendre l’expression du commissaire Hardy, puisqu’il s’agit plutôt d’un constat du commissaire Perrin qui découle des faits propres à cette affaire. En effet, c’est après avoir constaté que l’offre de service du candidat avait été reçue un jour après l’expiration du délai fixé pour la réception des offres de service, alors que le retard dans l’affichage était de quatre jours, que le commissaire détermine que le retard dans l’affichage ne pouvait être étranger au retard dont avait souffert la candidature de l’appelant[23]. Étant donné que dans le cas présent le retard dans l’affichage ne serait que d’un jour ouvrable, selon l’interprétation du commissaire Hardy, il faut la présence d’autres éléments pour expliquer l’envoi de l’offre de service de Mme Guay plus d’un mois après le délai.

[43]        Selon la preuve administrée, ces éléments résident dans les discussions qui ont eu cours entre Mme Guay et les représentantes du MSP. Pour le commissaire Hardy, ces discussions ne sont que les suites de l’irrégularité et elles ne peuvent pas être retenues contre Mme Guay. La Commission en révision est d’avis que cette affirmation du commissaire Hardy omet de considérer qu’il appartient au candidat à un concours de soumettre sa candidature et qu’il se doit de faire preuve de diligence à cet égard, comme la Commission l’a exprimé à plusieurs reprises[24]. Ainsi, malgré les échanges que pouvait avoir Mme Guay avec des représentantes du MSP, rien ne l’empêchait de transmettre son offre de service immédiatement après avoir pris connaissance de l’avis ou, à tout le moins, de faire preuve de diligence pour agir.  

[44]        En conséquence, le commissaire Hardy a commis une erreur déterminante en accordant une journée pour agir à une personne qui a dépassé les délais d’environ un mois, puisque la preuve ne pouvait lui permettre de justifier une telle conclusion. La Commission en révision accueille également ce deuxième motif de révision.

[45]        En conclusion, la Commission en révision est d’avis que la décision du commissaire Hardy doit être révisée étant donné la présence de son erreur de droit dans l’interprétation de l’article 12 du Règlement au regard de l’affichage et de son erreur de fait et de droit en accordant une journée additionnelle à Mme Guay pour soumettre sa candidature.

 

 

[46]        POUR CES MOTIFS, la Commission en révision :

·        accueille la requête en révision;

·        révise la décision rendue par le commissaire Hardy le 1er février 2013 dans le dossier 130992;

·        rejette l’appel de Mme Dominique Guay;

·        annule les ordonnances rendues le 1er février 2013.

 

                                                                                Original signé par :

 

_____________________________

Me Denise Cardinal,

Commissaire

_____________________________

Mme Christiane Barbe,

Présidente

 

 

Me Sandra Landry

Procureure pour le ministère de la Sécurité publique

Requérant-intimé

 

Mme Dominique Guay non représentée

Intimée-appelante

 

Requête prise en délibéré : 17 avril 2013

 



[1]     Guay c. Ministère de la Sécurité publique, AZ-50934878.

[2]     L.R.Q., c. F-3.1.1, r.4.

[3]     L.R.Q., c. F-3.1.1.

[4]     Casandroiu c. Ministère du Revenu, [2004] 21 n° 1 R.D.C.F.P., p. 222-223; Ministère des Transports c. Bérubé, [2011] 28 n°1 R.D.C.F.P. 149, par. 17; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 28, p. 505, par. 25-26.

[5]     Loi sur la justice administrative, L.R.Q., c. J-3, art. 154; Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, art. 429.56.

[6]     Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 136; Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] R.J.Q. 2411, par. 22.

[7]     Rona inc. c. Commission des lésions professionnelles 2012 QCCS 3949, par. 94.

[8]     DION, Gérard, Dictionnaire canadien des relations du travail, PUL, 2 e éd., Québec, 1986, p. 269.

[9]     L.R.Q., c. F-3.1.1, r.1.

[10]    REID, Hubert, Dictionnaire du droit québécois et canadien, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p. 164.

[11]    Breton c. Société de l’assurance automobile du Québec, SOQUIJ AZ-50397669; Lalande-Lefebvre c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, SOQUIJ AZ-50438993; Kéroack c. Société de l’assurance automobile du Québec, SOQUIJ AZ-50488837; Brizard c. Ministère du Revenu, SOQUIJ AZ-50516453; Robitaille c. Ministère de la Sécurité publique, SOQUIJ AZ-50556473; Gagnon c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, SOQUIJ AZ-50571012; Létourneau et al. c. Centre de services partagés du Québec, SOQUIJ AZ-50742290; Lefebvre c. Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, SOQUIJ AZ-50760697; Tremblay c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, SOQUIJ AZ-50838631; Tremblay c. Ministère des Transports du Québec, SOQUIJ AZ-50896228.

[12]    Cossette c. Office du recrutement et de la sélection du personnel, [1981] 2 n° 9 R.D.C.F.P. 543.

[13]    L.R.Q., c. C-25.

[14]    Précité, note 8.

[15]    Précité, note 10.

[16]    Voir l’article 8-30.01 qui définit l’horaire de travail.

[17]    Voir les articles 4-1.01 et 4-1.02  qui définissent l’horaire de travail.

[18]    Précitée, note 12.

[19]    Précitée, note 11.

[20]    C.T. 1992499 du 6 octobre 1998, art. 6.

[21]    Document produit par le Sous-secrétariat au personnel de la fonction du Secrétariat du Conseil du Trésor, en juillet 1999 et modifié en avril 2000, juin 2003 et février 2005, art. 1.2.10.

[22]    Précitée, note 12.

[23]    Précitée, note 12, p. 547.

[24]    À titre d’exemples : Sommereyns et al. c. Centre de services partagés du Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 279; Jacob et al. c. Centre de services partagés du Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 295; Syradin et al. c. Centre de services partagés du Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 319; Courchesne c. Secrétariat du Conseil du Trésor, [2006] 23 n° 3 R.D.C.F.P. 519; Boyd et al. c. Centre de services partagés du Québec, [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 363; Gauthier et al. c. Secrétariat du Conseil du Trésor, [2006] 23 n° 3 R.D.C.F.P. 629.

 

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