Décision

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Gabarit EDJ

Pourvoirie Aventure Tunilik inc. c. Québec (Procureur général)

2013 QCCS 4334

JL-3108

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N°:

500-17-075947-138

 

 

 

DATE :

Le 5 septembre 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

LUC LEFEBVRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

POURVOIRIE AVENTURE TUNILIK INC

-et-

LE CLUB EXPLO-SYLVA INC.

-et-

LES AVENTURES JACK HUME INC.

-et-

9045-7342 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom « Pourvoyeurs de la Rivière Delay »

-et-

4392159 CANADA INC., faisant affaires sous le nom « Pourvoirie Cargair »

-et-

CLUB CHAMBEAUX INC.

-et-

POURVOIRIE RIVIÈRE AUX FEUILLES INC.

-et-

LES ENTREPRISES S. ANNANACK INC., faisant affaires sous le nom « Les Aventures Ungava »

Demanderesses

 

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Défendeur

______________________________________________________________________

 

 

 

JUGEMENT SUR REQUÊTE EN REJET

______________________________________________________________________

 

[1]           Le Tribunal est saisi d’une requête du Procureur général (le PG) demandant, en vertu des articles 2, 20, 46 et 453 C.p.c., le rejet de la requête en jugement déclaratoire des demanderesses.

[2]           Il invoque que les conditions de l’article 453 C.p.c ne sont pas réunies, et subsidiairement, si elles le sont, le Tribunal doit exercer sa discrétion et rejeter la requête à cause de l’existence d’un recours plus approprié.

I.          LE CONTEXTE

[3]           Les demanderesses opèrent des pourvoiries dans le nord du Québec en vertu de Conventions de bail, permis de pourvoiries et permis de chasse au caribou.

[4]           Le défendeur, le PG, agit pour le Ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (le Ministre), qui depuis le 12 septembre 2012, assume les fonctions du Ministre des Ressources Naturelles et de la Faune (MRNF) pour le volet faune.

[5]           Dans la région où opèrent les demanderesses, deux troupeaux de caribous occupent ces espaces, soit le troupeau de la Rivière George et le troupeau de la Rivière aux Feuilles.

[6]           Selon un inventaire fait en novembre 2010 par le MRNF, le troupeau de la Rivière George ne semblait compter que 74,131 caribous, soit un déclin important par rapport aux années précédentes.

[7]           En février 2011, le MRNF annonce que des mesures de précaution transitoires seront mises de l’avant pour le troupeau de la Rivière aux Feuilles, qui lui n’avait pas encore fait l’objet d’inventaire. Ainsi le MRNF réduit de 25% le nombre de permis de chasse au caribou dans cette zone par rapport à la situation prévalant en 2009.  Les mesures prises incluent des modifications de la période de chasse.

[8]           Des mesures sont également prises pour le troupeau de la Rivière Georges. Ainsi le MRNF réduit à la même période de 50% le nombre de permis pour cette zone par rapport à l’année 2009.

[9]           Le 11 novembre 2011, l’inventaire fait par le MRNF indique que le troupeau de la zone Rivière aux Feuilles se situe à 430,000 caribous et que «le taux de survie des adultes et le recrutement annuel des faons sont très faibles»[1].

[10]        En décembre 2011, MRNF annonce la fermeture complète de la chasse au caribou dans la zone Rivière Georges alors que pour la zone Rivière aux Feuilles une réduction additionnelle de 5.5% de permis est décrétée pour certaines pourvoiries.

[11]        En juillet 2012, l’inventaire qui est fait du troupeau de la Rivière Georges indique qu’il n’est plus que de 27,600 bêtes, soit une baisse drastique par rapport à 2010.

[12]        Par requête en jugement déclaratoire, les demanderesses recherchent un jugement qui déterminera que l’absence de permis de chasse au caribou ou la réduction substantielle du nombre de permis pour motif d’intérêt public, constitue une révocation de facto par le Ministre des Conventions de bail, laquelle oblige en conséquence ce dernier à indemniser les demanderesses[2].

II.         ANALYSE

[13]        Il importe dans un premier temps de reproduire l’article 453 C.p.c. :

« 453. Celui qui a intérêt à faire déterminer, pour la solution d'une difficulté réelle, soit son état, soit quelque droit, pouvoir ou obligation pouvant lui résulter d'un contrat, d'un testament ou de tout autre écrit instrumentaire, d'une loi, d'un arrêté en conseil, d'un règlement ou d'une résolution d'une municipalité, peut, par requête introductive d'instance, demander un jugement déclaratoire à cet effet.»

[14]        L’article 3 des Conventions de bail[3] signées par les parties énonce :

« Le présent bail sera renouvelé automatiquement tous les ans, à la date anniversaire du bail, à moins d'avis contraire du Ministre transmis par écrit au moins trente (30) jours avant cette date.

Si le Ministre doit mettre fin au bail pour un motif d'intérêt public, il ne procédera pas par non-renouvellement mais par révocation et il indemnisera le Locataire conformément à l'article 65 de la Loi sur les terres du domaine de l'État (L.R.Q. c. T-8.1). Dans une telle éventualité, le Locataire accepte que l'indemnité soit versée, jusqu'à concurrence de sa créance, au créancier hypothécaire de toute construction érigée ou mise en place sur le terrain loué et dont la sûreté a fait l'objet d'un avis au Ministre.

(…)

Le locataire qui souhaite ne  pas renouveler son bail doit envoyer un avis écrit au MINISTRE dans les trente (30) jours qui suivent la réception de l’avis de paiement du loyer. Sur réception de cet avis, le MINISTRE en avise le créancier hypothécaire de toute construction érigée ou mise en place sur le terrain loué dont la sûreté a fait l’objet d’un avis écrit au MINISTRE. Le créancier peut alors obtenir la cession et le renouvellement du bail en sa faveur.»

[15]        L’article 65 de la Loi sur les terres du domaine de l'État[4], prévoit ce qui suit :

« Le ministre peut révoquer la vente, la cession ou le bail s'il a été fait ou émis par erreur. Il peut également révoquer la cession ou le bail lorsque l'intérêt public l'exige. Toutefois, le ministre doit indemniser le détenteur du titre d'occupation pour le préjudice qu'il subit en raison de cette révocation si les conditions prévues au titre ont été respectées. »

[16]        La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune[5] prévoit notamment à son article 56 que le Ministre peut par règlement :

« 2° Déterminer le nombre maximum d'animaux qui peuvent être tués ou capturés par une personne ou un groupe de personnes pendant une période et dans une zone, un territoire ou dans un endroit qu'il indique. »

[17]        À l’article 163 de la même loi, est également prévu que le Ministre peut adopter des règlements pour :

« 1° déterminer les catégories de permis, de certificat, d'autorisation ou de bail, leur teneur, leur durée ainsi que leurs conditions de délivrance, de remplacement, de renouvellement ou de transfert ;

 

2° limiter le nombre de permis ou de baux de chaque catégorie pour une zone, un territoire ou pour un endroit qu'il indique ou déterminer le nombre de permis ou de baux de chaque catégorie qu'une personne est autorisée à délivrer en vertu de l'article 54 pour cette zone, ce territoire ou cet endroit ; »

[18]        La Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec[6], qui est également applicable ici, prévoit des dispositions similaires.

[19]        En l'espèce, le Ministre n'a pas révoqué les baux des demanderesses lesquelles sont toujours détentrices des droits immobiliers qui découlent des Conventions de bail et des permis de pourvoirie qui leur ont été accordés.

[20]        Dans Roy c. Procureur général du Québec[7], le demandeur, un pêcheur commercial de saumon poursuivait le Procureur général du Québec qui avait adopté une législation et une réglementation qui avaient pour effet de réduire ou d’empêcher la pêche commerciale du saumon au Québec pour la préservation de l’espèce.

[21]        Le juge Yvan Gagnon saisi du dossier écrit :

« Le demandeur a toujours son droit conféré par ses titres et il pourra les exercer à nouveau lorsque l’objectif visé sera atteint et lorsque le plus grand intérêt commun, celui du public en général de pêcher, sera mieux protégé. Même au temps du régime seigneurial, ce droit de pêche du public primait celui des particuliers. »

[22]        Le Tribunal estime que ni l’article 3 des Conventions de bail, ni aucune des dispositions ci-haut mentionnées ne comporte de difficultés d’interprétation.

[23]        Le Ministre n’a pas, conformément à l’article 3, procédé à la révocation des Conventions de bail et les demanderesses n’ont pas non plus informé le Ministre qu’elles souhaitaient ne plus renouveler leurs baux comme elles avaient le droit de le faire.

[24]        Pour déterminer si la requête en jugement déclaratoire est la procédure appropriée, il faut rechercher le but poursuivi par les demanderesses.  En l’espèce, celui-ci ne fait aucun doute. Les demanderesses veulent que le Tribunal décide qu’il y a révocation de facto par le Ministre, et ce, afin d’obtenir l’indemnité prévue à l’article 3.

[25]        C’est d’ailleurs ce qui apparaît clairement de l’article 3 de leur requête ainsi que de la conclusion principale :

« 3.  En conséquence les demanderesses requièrent que le Tribunal déclare que l’article 3 des Conventions de bail doit recevoir une application intégrale, incluant notamment l’obligation du défendeur d’indemniser les demanderesses. »

[…]

DÉCLARER que l’absence de permis de chasse au caribou et/ou la réduction substantielle de leur nombre pour un motif d’intérêt public constitue une révocation de facto par le MNRF des Conventions de bail en vertu de l’article 3, déclenchant son application intégrale entre les parties signataires, notamment l’obligation d’indemnisation. »

[26]        Dans l’Association professionnelle des cadres de premier niveau d'Hydro-Québec c. Hydro-Québec[8] la juge Lebel devait elle aussi décider d’une requête en rejet d’une requête pour jugement déclaratoire.

[27]        Elle écrit :

« [27] Toutefois, pour comprendre la requête et déterminer sa portée réelle, le Tribunal croit qu’il est essentiel d’analyser les conclusions recherchées. La jurisprudence est claire : la prétention que quelqu’un ne se conforme pas à une entente n’est pas une difficulté d’interprétation susceptible d’être réglée par une requête pour jugement déclaratoire. Il faut un réel problème d’interprétation, une ambigüité, une difficulté réelle qui en découle. Ainsi, si le problème résulte du fait qu'Hydro-Québec ne se conforme pas à ses obligations en vertu de l'Entente de partenariat ou ne respecte pas les conditions de travail auxquelles ses cadres ont droit, le recours approprié n’est pas de s’adresser au Tribunal pour lui demander de constater la violation ou de déclarer qu’il y a violation, mais c'est un recours des individus ou de leur Association pour faire cesser la violation et obtenir réparation pour le préjudice subi. De même, la requête pour jugement déclaratoire ne peut pas être utilisée pour demander au Tribunal de déclarer qu’Hydro-Québec est liée par l’Entente ou qu’elle ne se conforme pas à ses obligations en vertu de l'Entente. »

[Nous soulignons]

[28]        La situation qui prévaut en l’espèce est similaire. Les demanderesses soutiennent que le Ministre aurait dû, vu sa décision de suspendre l’émission de permis de chasse au caribou dans une zone et de réduire le nombre dans l’autre, révoquer les Conventions de bail et indemniser en conséquence les demanderesses. Comme il ne l’a pas fait, elles requièrent du Tribunal qu’il le fasse à sa place.

[29]        Or, le Tribunal estime qu’un jugement déclaratoire ne peut être exécutoire.  Dans F. Picard Recyclage inc. c. Ville de Sept-Îles[9], la juge Soldevila écrit :

« [77] D'autre part, par sa requête, la demanderesse vise à forcer la Ville à lui concéder des droits exclusifs de récupération pour les années 2007, 2008 et 2009 en demandant au Tribunal de préciser une des clauses du contrat qui pourtant est claire. Cette demande revêt de façon indirecte un caractère coercitif et la requête pour jugement déclaratoire n'est pas le véhicule procédural approprié. »

[30]        En conclusion, vu l’absence d’ambigüité de l’article 3 des Conventions de bail ainsi que des dispositions législatives et règlementaires pertinentes et vu le but recherché par les demanderesses, le Tribunal estime que les conditions de l’article 453 C.p.c. ne sont pas réunies et qu’il y a lieu par conséquent de faire droit à la requête du défendeur pour rejet.

III.        L’EXISTENCE D’UN RECOURS PLUS APPROPRIÉ

[31]        Malgré la conclusion à laquelle il en arrive, le Tribunal entend quand même traiter du deuxième moyen soulevé par le PG, à savoir qu’il existe un recours plus approprié.

[32]        L’article 462 C.p.c. énonce :

« 462. Aucune demande ne peut être rejetée par le seul motif qu'elle ne vise à obtenir qu'un jugement déclaratoire; mais si le tribunal est d'avis que l'intérêt du demandeur est insuffisant, ou que son jugement ne mettrait pas fin à l'incertitude ou à la controverse qui a donné lieu à la demande, il peut refuser de prononcer. »

[33]        En l’espèce, les demanderesses par leur requête ne contestent pas le bien fondé des décisions prises par le Ministre pour protéger les troupeaux de caribous dans les zones en litige, mais soutiennent qu’il a en conséquence des obligations envers elles aux termes des Conventions de bail et qu’elles subissent un préjudice de la non exécution de ses obligations.

[34]        On dénombre à la requête plusieurs allégations de fautes ou de manquements de la part du Ministre :

« Par. 21 et 27 : Le Ministre a encouragé les demanderesses à investir dans leurs installations en leur représentant que la ressource faunique était suffisante.

Par. 26 et 31 : Il a tardé à faire l’inventaire de la ressource malgré les demandes faites par les demanderesses et le peuple autochtone, de même qu’il a tardé à instaurer des mesures transitoires pour la saison de chasse 2011-2012.

Par. 33, 40, 43, 53 et 67 : Il a pris des décisions sans consulter les demanderesses et a manqué à son devoir d’information à leur égard quant aux mesures prises et leur impact sur elles.

Par. 45 et 46 : Il a changé à plusieurs reprises les périodes de chasse causant un préjudice aux demanderesses.

Par. 50-51 : Il a entretenu une campagne de désinformation au sein de la communauté de l’industrie de la chasse selon laquelle la ressource était instable et n’a pas rectifié cette information. »

[35]        La requête allègue également les préjudices subis par les demanderesses :

« Par. 32 : Elles avaient souscrit des engagements au niveau de publicité afin de vendre leurs produits.

Par. 34 : Elles ont été mises dans l’incertitude.

Par. 46 : Les changements de périodes de chasse ont fait subir à certaines demanderesses des préjudices pécuniaires.

Par. 68 : Le fait que les demanderesses n’ont pas encore été informées du nombre de permis octroyés pour la prochaine saison de chasse entrainera une annulation de plusieurs voyages et leur causera un préjudice irréparable.

Par. 93 : La réduction des permis de chasse rend impossible l’exploitation viable de leurs entreprises.

Par. 95 et 96 : Les demanderesses font face à une situation intenable, assimilable à une expropriation déguisée. »

[36]        Vu les allégations qui précèdent, le Tribunal estime que le recours approprié des demanderesses est plutôt en responsabilité contractuelle.

[37]        Au surplus, pour établir que les décisions prises par le Ministre ont rendu leurs entreprises non viables, chacune des demanderesses, dans le cadre de la requête en jugement déclaratoire, devra faire la preuve de sa situation financière passée et présente et établir le lien de causalité entre celle-ci et les décisions prises par le Ministre.

[38]        Le défendeur, de son côté, tentera vraisemblablement d’établir d’une part qu’il n’a commis aucune faute et par le témoignage d’experts ou par d’autres témoins tentera de démontrer que les difficultés financières des demanderesses s’explique par d’autres facteurs que la réduction des permis.

[39]        Même si les demanderesses avaient gain de cause en tout ou en partie au niveau de la requête pour jugement déclaratoire, elles devront de toute façon intenter un autre recours pour obtenir l’indemnisation recherchée et devront alors présenter une preuve factuelle importante, incluant une preuve d’expertise comptable pour obtenir l’indemnisation qu’elles recherchent.

[40]        Le Tribunal estime que la bonne administration de justice et le principe de la proportionnalité consacrés par le nouveau code militent en faveur d’un recours plus approprié.

[41]        Les faits de la présente affaire ressemblent étrangement à ceux de l’affaire Bouchard c. Procureur général du Québec[10].

[42]        Dans cette affaire, le requérant par requête en jugement déclaratoire demandait à la Cour de déclarer qu’il était en droit d’obtenir une indemnisation par le Ministère des transports pour le préjudice subi à la suite de la création d’un parc.

[43]        Le défendeur, de son côté, demandait le rejet de la requête au stade préliminaire alléguant notamment qu’il ne s’agissait pas du recours approprié.

[44]        Le juge Banford écrit :

« Ainsi, outre les questions de fond énoncées aux conclusions, soit le droit à l'indemnité équitable et la norme de compensation applicable, il faudrait aussi que se plaident et décident les questions de faits relatives à l'existence et à l'étendue du préjudice ainsi que la question relative à la révocation du bail.

 

Les requérants n'ont soumis aucune évaluation de leurs préjudices et ne demandent pas à la cour d'évaluer la compensation à laquelle ils prétendent, ce qui suggère qu'ils devront faire valoir leurs droits dans le cadre d'un autre recours, si les conclusions recherchées par la requête sont accueillies. Alors, devra être reprise toute la preuve concernant les nombreux faits préjudiciables invoqués. »

[45]        Le Tribunal est bien conscient que depuis l’arrêt Coastal Contacts inc. c. Ordre des optométristes du Québec[11] la possibilité de procédures futures ne constitue pas nécessairement une fin de non-recevoir à une requête en jugement déclaratoire.

[46]        Le juge Chamberland, s’exprimant pour la Cour, écrit :

« [35]  En effet, il est rare que l'on puisse affirmer que le jugement déclaratoire marquera définitivement la fin des procédures judiciaires entre les parties; il sera souvent suivi d'un recours en dommages-intérêts ou en injonction et, parfois, de procédures pénales.

[36] Mais le critère de l'effet utile du jugement énoncé à l'article 462 C.p.c. n'est pas celui de savoir si d'autres procédures judiciaires seront nécessaires, mais plutôt celui de déterminer si le jugement mettra fin à l'incertitude (ou à la controverse) entourant la question que le tribunal est appelé à trancher. Le fait d'envisager la nécessité d'autres procédures judiciaires ne doit pas, selon moi, constituer un obstacle dirimant à l'exercice du recours en jugement déclaratoire. Il s'agit tout au plus d'un facteur à prendre en compte dans l'exercice de la discrétion judiciaire inhérente à la requête en jugement déclaratoire. Il faut éviter de « confondre le caractère non exécutoire du jugement déclaratoire et l'aspect d'utilité qu'il peut revêtir».»

[Nous soulignons]

[47]        En l’espèce, le Tribunal estime que la preuve factuelle importante devant être faite dans le cadre de la requête en jugement déclaratoire, laquelle devra être refaite ou à tout le moins complétée dans le cadre d’un autre recours pour détermination de l’indemnité applicable, s’il y a lieu, milite en faveur du rejet de la requête en jugement déclaratoire d'autant plus que le Tribunal est d’avis que le jugement déclaratoire sollicité ne mettra pas fin à l’incertitude et à la controverse alléguées par les demanderesses.

IV.       Les dépens

[48]        À l’audience, les parties n’ont pas insisté pour obtenir les frais advenant qu’elles aient gain de cause, laissant au Tribunal la discrétion d'adjuger sur ceux-ci.

[49]        En l’espèce, les circonstances militent en faveur du rejet de la requête sans frais.

[50]        Le Tribunal est également d’avis que les demanderesses plutôt que de recommencer leur requête devraient être autorisées à l’amender.  C’est d’ailleurs ce qui est prévu à l’article 166 C.p.c.

[51]        Dans Bourque c. La Compagnie d'assurance-vie Croix Bleue du Canada[12], le juge Dubois, lui aussi saisi d’une requête en irrecevabilité présentée à l’encontre d’une requête en jugement déclaratoire au motif qu’il ne s’agissait pas du véhicule procédural approprié, a accordé aux demandeurs, conformément aux articles 2, 4.2 et 166 C.p.c., un délai pour amender leur requête introductive d’instance.

[52]        Le Tribunal est lui aussi d’avis que ces articles militent en faveur d’accorder aux demanderesses le droit d’amender leur requête.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[53]        DÉCLARE que la requête des demanderesses en jugement déclaratoire n’est pas le recours approprié pour faire valoir leurs droits ;

[54]        ACCORDE aux demanderesses un délai jusqu'au 5 novembre 2013 pour amender leur requête introductive d’instance en conséquence ;

[55]        À DÉFAUT par les demanderesses de se prévaloir de la présente autorisation dans le délai ci-haut mentionné, le 6 novembre 2013, la requête en jugement déclaratoire des demanderesses sera alors rejetée.

[56]        Le tout sans frais.

 

 

____________________

LUC LEFEBVRE, J.C.S.

 

 

 

Me Michel Savonitto

Me Lorianne Chasles Bélec

SAVONITTO & ASS. INC.

Procureurs des demanderesses

 

Me Louise Comtois

BERNARD ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Procureure du défendeur

 

 

Date d’audience :

Le 6 août 2013

 



[1]     Pièce P-17.

[2]     Paragraphes 3 et 4 de la requête.

[3]     Pièce P-1A ; les procureurs ont admis à l’audience que cet article se retrouve dans 95% de  Conventions de baux liant les parties et que l’ancêtre de cet article qui est présent dans les autres baux a la même portée.

[4]     L.R.Q. c. T-8.1.

[5]     RLRQ, chapitre C-61.1.

[6]     RLRQ, chapitre D-13.1.

[7]     AZ-90021181, C.S. confirmée, AZ-95011585, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1995-12-21), 24878.

[8]     2013 QCCS 2030.

[9] 2007 QCCS 4131.

[10]    150-05-001042-979, 29 juin 1998.

[11]    2011 QCCA 1820.

[12]    2011 QCCS 4947; voir également Docteur André Léveillé c. Compagnie d'assurance-vie Transamérica du Canada, (C.S. 2005-12-01), SOQUIJ AZ-50345855 B.E. 2006BE-362.

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