Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

9234-4472 Québec inc. c. Scordas

2013 QCCA 1556

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-023064-124

 

(700-17-008640-129)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

13 septembre 2013

 

CORAM: LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

JACQUES A. LÉGER, J.C.A.

 

APPELANTE

AVOCAT

9234-4472 QUEBEC INC.

Me Éric Marquette (absent)

JACQUES TRUDEAU AVOCAT INC.

 

INTIMÉ

AVOCAT

LOUIS SCORDAS

Me Rhéal E. Fortin (absent)

BISSONNETTE FORTIN GIROUX, CABINET D'AVOCATS, S.A.

 

 

En appel d'un jugement rendu le 3 octobre 2012 (et rectifié le 23 octobre 2012) par l'honorable Pierre Nollet de la Cour supérieure, district de Terrebonne.

 

NATURE DE L'APPEL:

Louage de choses - bail commercial

 

Greffière: Elena Captari

Salle: Pierre-Basile-Mignault

 


 

 

AUDITION

 

 

Audition continuée du 12 septembre 2013.

Voir l'arrêt déposé séance tenante à la page 3.

 

 

 

 

 

 

Elena Captari

Greffière

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Invoquant l’erreur de sa mandataire, commise en rédigeant le bail qu’elle a conclu avec l'intimé le 2 mars 2011, l'appelante a déposé une requête devant la Cour supérieure pour obtenir, entre autres choses, une conclusion déclaratoire. Selon cette conclusion, son bail était valide jusqu'au 31 mars 2013, plutôt qu'au 31 mars 2012, comme l’énonce la clause pertinente[1]. Le juge de première instance a rejeté la requête séance tenante le 3 octobre 2012, et a conclu que le bail avait expiré le 31 mars 2012. Il lui a en outre ordonné de délaisser les lieux, vu l'arrivée du terme.

[2]           Le jugement de première instance relève d’abord ce qui est admis par les parties : la durée initiale du bail est de deux ans et l'appelante n'a pas eu l'intention d’assumer les obligations découlant du bail de l'occupant précédent, dont elle a par ailleurs acquis le fonds de commerce. Il identifie ensuite la seule question à trancher : le bail se termine-t-il en mars 2012 ou 2013 ?

[3]           La seule question que soulève ce pourvoi est de savoir si cette conclusion, selon laquelle le bail prend fin en 2012, est réformable en appel.

[4]           Rappelons que lorsqu’une erreur matérielle - comme la définit le droit civil - entache des actes sous seing privé, le tribunal a le pouvoir d'en permettre la rectification, pour que le texte du contrat tel que rédigé par les parties concorde avec leur véritable intention. Lorsque les parties ne s'entendent pas sur l'interprétation à donner au contrat de louage, comme en l'espèce, le juge de première instance doit l'interpréter selon les règles édictées aux articles 1425 à 1432 du C.c.Q.. Cela comprend notamment celle de l'article 1425 C.c.Q qui, en matière d'interprétation du contrat, fait primer la commune intention des parties sur le sens littéral des termes utilisés[2].

[5]           En l'espèce, il y a matière à intervenir car l’étude du dossier révèle que la conclusion sur la durée réelle du bail est incompatible avec plusieurs éléments précis versés en preuve et que cette conclusion comporte de ce fait une erreur manifeste et déterminante.

[6]           Au paragraphe 17 de ses motifs, le juge écrit « La rédaction du paragraphe 2.1 sur le terme est toutefois sans ambiguïté. »Pourtant, cette clause telle qu’elle est rédigée est incohérente. Elle fixe un terme initial de 2 ans, commençant le 1er avril 2010, alors que tout démontre que le bail est signé le 2 mars 2011 et qu’il n’y a pas eu d'occupation des lieux loués par l'appelante avant la signature du bail (la prise de possession s’est faite le 7 mars 2011). Compte tenu de ce qu’admettaient les parties (supra, paragr. [2]) et sachant par conséquent qu’elles étaient liées par un bail nouveau, qui ne pouvait être rétroactif, il devient vraisemblable que la stipulation sur le terme comporte une erreur matérielle.

[7]           Or, le juge inverse le raisonnement qu’il aurait dû suivre. Il exprime l’avis, au paragraphe 40 de ses motifs, que le montant du loyer énoncé au paragraphe 3.1 du bail est erroné, « qu'il s'agit bien là de l'erreur matérielle qui a été commise ». Ce montant, 25 592,16 $, correspond pourtant à 24 paiements de loyer (plus les taxes applicables) dont chacun est de 1 066,34 $. Si de fait il était de l’intention des parties que le premier terme du bail (avec option de renouvellement) survenait en mars 2012, le montant total de loyer pour cette période aurait été de 12 796,08 $. Le montant inscrit dans le document, 25 592,16 $, est bien celui qu’une locataire tenue de verser un loyer mensuel de 1 066,34 $ aurait eu à payer pour un premier terme de deux ans se terminant en mars 2013.

[8]           La preuve révélait par ailleurs que l'appelante a acheté le fonds de commerce du locataire précédent pour la somme de 32 000 $. Transposé en terme de loyer, ce montant devient exorbitant si le terme du bail expire en mars 2012, soit sur une période de 13 mois comme l'a décidé le juge. Parmi les autres facteurs qui confortent la conclusion d’une erreur matérielle sur le terme, on peut mentionner aussi les suivants : i) les deux parties ont admis que la durée du bail est de deux ans; ii) l'appelante a remis à l'intimé lors de la signature du bail un dépôt de 7 000 $, qui représente six mois de loyer; iii) l'appelante s'est engagée à rénover les salles de bain; iv) elle a entrepris une longue démarche afin d'obtenir des appareils de loterie vidéo auprès de Loto-Québec; et v) elle a signifié une requête en injonction en décembre 2011, déposée seulement trois mois avant la fin du bail, afin que des travaux soient effectués par l’intimé.

[9]           Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris afin de permettre la rectification du bail entre les parties.

POUR CES MOTIFS, la Cour :

[10]        ACCUEILLE l’appel;

[11]        INFIRME le jugement de première instance;

[12]        ACCUEILLE la requête introductive amendée de l'appelante à l'égard des conclusions relatives au terme du bail;

[13]        DÉCLARE le bail conclu entre les parties valide jusqu'au 31 mars 2013, avec loyer de 1 066,34 $ par mois, incluant les taxes, et la reconduction pour une période additionnelle de deux (2) ans, selon les termes de l'avis de renouvellement donné en août 2012;

[14]        Le tout avec dépens tant en première instance qu'en appel.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

 

 

 

JACQUES A. LÉGER, J.C.A.

 

 



[1]     Cette clause est ainsi rédigée : « Ce bail est consenti pour un terme initial de 2 ans commençant le 1er avril 2010 et se terminant le 31 mars 2012 et avec l'obtention des permis d'opération ». La clause suivante traitant du loyer précise, que durant le terme, le montant total du loyer à être versé au bailleur sera de 25 592.16 $. Une autre traite des trois options consécutives de renouvellement pour des périodes successives de 2 ans, pourvu que l'appelante avise le bailleur de son intention de se prévaloir de l’option au moins 6 mois avant l'expiration de chaque terme du bail.

[2]     Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Services environnementaux AES inc., 2011 QCCA 394 (affaire actuellement en délibéré devant la Cour suprême du Canada; autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie (C.S. Can., 2011-10-13), 34235); Ihag-Holding, a.g. c. Corporation Intrawest, 2011 QCCA 1986; Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, 2005 QCCA 1172.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.