Décision

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Gabarit CFP

Québec (Ministère des Ressources naturelles) et Boutin

2013 QCCFP 16

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1300996

 

DATE :

17 septembre 2013

_______________________________________________________________

 

COMMISSAIRES :

Mme Christiane Barbe, présidente

Me Denise Cardinal, commissaire

_______________________________________________________________

 

 

MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES

 

Requérant-intimé

 

Et

 

MARLÈNE BOUTIN

 

Intimée-appelante

 

_______________________________________________________________

 

DÉCISION

REQUÊTE EN RÉVISION POUR CAUSE

(Article 123, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1)

_______________________________________________________________

 

LA REQUÊTE

[1]           Mme Marlène Boutin, technicienne en foresterie et en gestion du territoire au ministère des Ressources naturelles et de la Faune[1] (ci-après appelé le « MRNF »), conteste la décision de ce ministère de refuser d’admettre sa candidature à un concours[2] d’avancement à la classe principale de son corps d’emploi.

[2]           Le refus du MRNF de l’admettre au concours est basé sur le fait que Mme Boutin ne remplit pas la condition relative au nombre d’années d’expérience. Cette condition d’admission est d’avoir au moins 10 années d’expérience additionnelle à celle exigée dans les conditions d’admission à la classe nominale de technicien dans l’exercice d’attributions de cette classe d’emploi, à ce titre ou à un titre équivalent.

[3]           De son côté, Mme Boutin estime que le comité d’évaluation du concours aurait dû constater qu’elle avait bien toute l’expérience requise. Subsidiairement, elle soutient que le comité n’a pas correctement analysé son offre de service, et ce, notamment en négligeant de requérir les renseignements additionnels qui lui auraient permis d’apprécier convenablement sa candidature.

[4]           Le commissaire Hardy accueille en partie l’appel de Mme Boutin[3]. Il décide que la procédure d’évaluation de sa candidature est entachée de deux irrégularités. Il ordonne au MRNF de reprendre l’étude de l’admissibilité de Mme Boutin au concours et de constituer un comité d’évaluation de personnes différentes, au moins en majorité, de celles qui ont procédé à la première analyse de sa candidature.

[5]           Le MRNF demande à la Commission de réviser la décision du commissaire Hardy. Au soutien de sa requête, le MRNF allègue huit erreurs manifestes de fait et de droit ou de droit seulement. Les parties ont soumis une argumentation écrite au regard de chacun des motifs de révision.

[6]           Afin de faciliter l’analyse et la compréhension des motifs de révision, la Commission en révision les regroupe sous trois rubriques. Les deux premières sont relatives aux deux irrégularités constatées par le commissaire Hardy dans l’examen de la candidature de Mme Boutin. Ces irrégularités sont les suivantes :

1.    L’appariement fautif de ses tâches d’agente de bureau, de 1995 à 2010, à la seule Directive sur la classification des agents de bureau[4] et non à celle des techniciens en foresterie et en gestion du territoire (1 motif de révision);

2.    Les déficiences dans la composition du comité d’évaluation du concours et le respect de son obligation de vérification (2 motifs de révision).

[7]           La troisième rubrique porte sur les erreurs manifestes de droit commises par le commissaire Hardy dans son interprétation de l’article 9 de la Directive sur la classification des techniciens en foresterie et en gestion du territoire[5] (ci-après appelée la « Directive sur les techniciens en foresterie ») qui prescrit la condition minimale d’expérience requise pour la classe de technicien principal de ce corps d’emplois (3 motifs de révision). La Commission en révision ne croit pas utile de traiter les deux motifs supplémentaires de révision soulevés par le MRNF comme elle l’exposera plus loin après avoir procédé à l’analyse des autres motifs de révision.

[8]           Auparavant, il convient de préciser les critères d’intervention qui doivent s’appliquer en matière de révision pour cause.

CRITÈRES D’INTERVENTION EN RÉVISION

[9]           Le recours en révision du MRNF est en application de l’article 123 de la Loi sur la fonction publique[6] (ci-après appelée la « Loi ») qui se lit comme suit :

« 123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.

La Commission peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue. »

[10]        Cette disposition ne précise pas les cas qui donnent ouverture à ce recours. Toutefois, la Commission s’est prononcée[7] à plusieurs reprises sur ces causes qui sont les mêmes que celles où le législateur a apporté des précisions à cet égard, pour ce même type de recours[8]. Ces causes sont les suivantes :

1.    Lorsqu’il est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2.    Lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3.    Lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

[11]        Les motifs de révision soulevés par le MRNF s’appuient sur la troisième cause de révision, soit un vice de fond ou de procédure qui est de nature à invalider la décision.

[12]        Au sujet du vice de fond ou de procédure, les tribunaux supérieurs se sont penchés à plusieurs reprises sur les paramètres visant à circonscrire ce motif. Ainsi, ils ont clairement établi que le pouvoir du tribunal à cet égard n’équivaut pas à un droit d’appel et qu’il ne saurait être une invitation à substituer son opinion ou son appréciation de la preuve à celle du premier décideur ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[9]. Ainsi, le pouvoir de révision interne est un pouvoir de redressement ou de réparation de certaines irrégularités ou d’erreurs commises à l’égard d’une première décision afin qu’elle soit conforme à la loi. L’erreur identifiée dans la première décision doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour invalider la décision. Ce type d’erreurs doit appartenir à celles qui rendent la décision injustifiée en raison du contexte ou de l’interprétation, une décision non motivée ou contenant une erreur manifeste et déterminante dans l’interprétation des faits, ou encore qui met à l’écart une règle de droit ou, enfin, celle qui omet de se prononcer sur un élément de preuve important ou sur une question de droit pertinente.

[13]        Plus récemment, la Cour supérieure indiquait que la Commission des lésions professionnelles avait correctement analysé son pouvoir de révision en exprimant qu’il y a erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose sur des hypothèses, lorsqu’elle s’appuie sur de fausses prémisses, fait une interprétation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[10].

[14]        La Commission a signalé à quelques reprises que le vice de fond, assimilé à l’erreur de droit ou de fait, doit être déterminant et présenter des caractéristiques de gravité et d’évidence.

[15]        C’est en appliquant ces critères d’intervention que la Commission analyse le bien-fondé des motifs de révision soulevés par le MRNF.

1.            CONTEXTE PROFESSIONNEL DES REVENDICATIONS DE MME BOUTIN

[16]        Afin de cerner les revendications de Mme Boutin au regard de son expérience professionnelle qu’elle voudrait voir reconnaître, la Commission en révision trace son parcours professionnel en faisant ressortir les faits saillants pertinents à sa contestation.

[17]        C’est en 2009 que Mme Boutin obtient tout d’abord, de façon temporaire, une modification à son classement d’agente de bureau pour devenir technicienne en foresterie et en gestion du territoire (A-1). L’année suivante, en 2010, elle obtient un poste de technicienne à la suite d’une promotion, alors que son nom apparaissait sur une liste de déclaration d’aptitudes pour un tel emploi (paragraphe 8 de la décision). Le MRNF lui reconnaît donc deux ans et neuf mois d’expérience, compte tenu de la fin de la période d’inscription, sur les 10 années d’expérience exigées à titre de technicienne en foresterie ou à titre équivalent.

[18]        Avant d’obtenir son classement de technicienne pour un emploi qu’elle occupe au bureau régional du Saguenay du MRNF, Mme Boutin travaillait à cette même direction comme agente de bureau depuis 1992. À ce moment-là, son travail se situait d’abord au niveau des transactions foncières (paragraphe 4 de la décision). À partir de 1995, et jusqu’à sa titularisation comme technicienne, de nouvelles responsabilités lui sont ajoutées, notamment en matière de gestion des occupations sans droit de terres publiques. C’est la raison pour laquelle Mme Boutin distingue à l’intérieur de son offre de service (I-4) dans deux sections, de 1992 à 1995 et de 1995 à 2009, ses tâches d’agente de bureau.

[19]        Pour décrire ses tâches d’agente de bureau, comme elle devait le faire dans le formulaire de son offre de service, Mme Boutin joint deux annexes respectivement pour chacune de ces deux périodes comportant une description détaillée. La preuve administrée à l’audience fait ressortir que ces annexes correspondent en fait à des descriptions d’emplois comme celles qu’on retrouve dans la fonction publique (paragraphe 18 de la décision).

[20]        Malgré que ses tâches d’agente de bureau soient demeurées sensiblement les mêmes depuis 1995, comme l’affirme Mme Boutin, elle rapporte lors de son témoignage une démarche qu’elle aurait effectuée en 2005. En collaboration avec ses gestionnaires, une nouvelle description d’emploi a été réalisée et elle a été transmise à la Direction des ressources humaines pour analyse. Elle ajoute que cette analyse ne nous a pas donné gain de cause, tout en ajoutant que 35 % de ses tâches ont été évaluées de niveau technique (paragraphe 40 de la décision). Elle produit un document (A-2), daté de la même journée que sa nouvelle description d’emploi réalisée en 2005 (I-14), et signé par les deux mêmes personnes ayant évalué son emploi de niveau agente de bureau, classe nominale, qui attribue ce pourcentage en précisant ses tâches de niveau technique.

[21]        En 2008, un an avant d’obtenir son classement temporaire comme technicienne en foresterie, Mme Boutin dépose un grief en raison de tâches non conformes, grief pour lequel aucune décision n’a encore été rendue.

[22]        Mme Boutin revendique que toute son expérience en tant qu’agente de bureau depuis avril 1995 lui soit reconnue conformément à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie puisque les tâches qu’elle a effectuées sont sensiblement les mêmes. Elle s’exprime ainsi dans l’espace réservé aux commentaires dans son offre de service : « J’ai à effectuer des tâches spécifiques dans mon quotidien qui sont connues par peu d’employés ce qui en fait une spécialisation. À titre d’exemple, l’enregistrement des droits au registre du domaine de l’État, la rénovation cadastrale et des connaissances au niveau de l’historique de la gestion du territoire public. Vous remarquerez à la lecture de mon offre de service que mon expérience comme technicienne totalise quatre années de service. Toutefois, mon expérience en tant qu’agente de bureau regroupe sensiblement les mêmes tâches effectuées tout au long de la période d’avril 1995 à juin 2009 » [Notre emphase].

[23]        La preuve révèle que le comité d’évaluation du concours, qui a procédé à l’analyse de l’offre de service de Mme Boutin, s’est attardé à évaluer le niveau de ses tâches, dont celles d’agente de bureau de 1995 à 2009 qui faisaient l’objet de ses prétentions puisqu’elles constituent en quelque sorte le cœur du litige. À cet égard, il a procédé avec la description d’emploi jointe à son offre de service qui détaillait une cinquantaine de tâches et sa description d’emploi de 2005 (I-14) que le comité a retracé dans son dossier d’employé. Comme ce deuxième document contient le pourcentage de temps consacré à ses diverses attributions, le comité a pu établir que 1/6 de ses tâches relatives aux transactions foncières qui représentent 10 % de son temps était de niveau technique. Par contre, même en retenant la valeur de 10 %, et non pas 1/6 de 10 %, cela ne lui permet pas d’atteindre les 10 ans d’expérience de niveau technique pour l’admettre au concours (paragraphes 24 et 25 de la décision). L’analyse du comité pour déterminer le niveau de ces tâches s’est effectuée en procédant à un appariement en majeure partie avec les tâches décrites dans la Directive sur la classification des agents de bureau.

[24]        Le comité d’évaluation en est ainsi venu à la conclusion que les attributions exercées par Mme Boutin de 1995 à 2009 correspondaient effectivement à des attributions de sa classe d’emploi d’agente de bureau. La condition d’admission prévue à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie n’était donc pas satisfaite puisqu’il s’agit d’un niveau d’emploi qui n’est pas équivalent à celui des techniciens.

2.            PREMIÈRE IRRÉGULARITÉ : LE MAUVAIS APPARIEMENT DES TÂCHES

[25]        Selon le commissaire Hardy, comme Mme Boutin soutenait dans son offre de service qu’elle avait assumé des tâches de niveau technique de 1995 à 2009, le comité d’évaluation du concours se devait de vérifier cette prétention (paragraphe 116 de la décision). Puisque Mme Boutin avait joint ses descriptions d’emplois d’agente de bureau et de technicienne en foresterie et en gestion du territoire avec son offre de service c’était nécessairement pour les comparer entre elles, démontrer les ressemblances, à son point de vue, des tâches et des attributions décrites au cours des diverses périodes (paragraphe 118 de la décision).

[26]        Il se demande comment le comité pouvait-il vérifier si l’essentiel des attributions énoncées dans la description d’agent de bureau pouvait avoir quelque chose en commun avec la classification des techniciens en se contentant de la comparer seulement avec la Directive sur la classification des agents de bureau (paragraphe 119 de la décision).

[27]        Pour le commissaire Hardy, il s’agit là de l’irrégularité première de la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin en omettant de comparer et d’apparier ses tâches avec la Directive sur les techniciens en foresterie (paragraphes 120 et 170 de la décision).

[28]        Le MRNF considère que le commissaire Hardy a commis une erreur manifeste de fait et de droit lorsqu’il ordonne au comité d’évaluation de reprendre l’étude de la candidature de Mme Boutin en lui indiquant la façon dont cette évaluation devrait être faite.

2.1      Argumentation du MRNF

[29]        Le MRNF rappelle tout d’abord que le comité d’évaluation a procédé à l’analyse des tâches décrites par Mme Boutin pour la période de 1995 à 2009 en procédant à un appariement avec la Directive sur la classification des agents de bureau et il est arrivé à la conclusion que, mises à part quelques tâches de niveau technique, les tâches principales et habituelles de Mme Boutin correspondaient à celles d’un agent de bureau. Le comité a ensuite procédé à une seconde analyse, cette fois-ci avec les deux descriptions d’emplois similaires à celles jointes dans l’offre de service de Mme Boutin (I-14 et I-15) afin de s’assurer du niveau des tâches décrites et d’effectuer le même parallèle qui celui réalisé précédemment.

[30]        Le MRNF est d’avis que la preuve a permis de démontrer qu’en 2005, la Direction des ressources humaines a réévalué le poste de Mme Boutin, à partir d’une nouvelle description d’emploi, et qu’il a conclu qu’il s’agissait d’un niveau d’emploi d’agent de bureau avec un maximum de 35 % de tâches de niveau technique (A-2).

[31]        L’erreur de fait commise par le commissaire Hardy serait que la description de tâches de Mme Boutin ne peut pas correspondre à deux postes différents et encore moins à deux postes de niveau différent.

[32]        De plus, l’ordonnance du commissaire Hardy excède la compétence qui lui est attribuée en vertu de l’article 35 de la Loi. En effet, la jurisprudence de la Commission énonce clairement qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la conformité du classement d’un candidat à un concours lors d’un recours exercé en vertu de cette disposition[11]. Ainsi, l’irrégularité soulevée par le commissaire Hardy équivaut à réévaluer le niveau d’emploi de Mme Boutin. Il s’agit là de l’erreur de droit qu’il aurait ainsi commise.

2.2      Argumentation de Mme Boutin

[33]        Mme Boutin considère que la décision du commissaire Hardy n’équivaut pas à réévaluer le niveau de son emploi, mais à compléter l’exercice entamé par le comité d’évaluation. L’analyse ne peut être complète que si le comité procède également à l’appariement avec les tâches de la Directive sur les techniciens en foresterie.

[34]        Comme le commissaire Hardy l’énonce dans sa décision, il a constaté que le comité d’évaluation a plutôt cherché à s’assurer, lors de sa seconde évaluation, après l’appel de Mme Boutin, que sa première impression, lors de l’analyse plus sommaire au moment de la réception de sa candidature, avait été la bonne (paragraphe 119 de la décision).

2.3      Analyse

[35]        L’irrégularité première dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin identifiée par le commissaire Hardy réside dans l’omission d’avoir comparé les tâches qu’elle avait indiquées pour la période de 1995 à 2009 avec la Directive sur les techniciens en foresterie et de s’être limité à une comparaison avec les tâches décrites dans la Directive sur la classification des agents de bureau. Il se questionne sur le fait que le comité d’évaluation ne pouvait porter un jugement adéquat en s’abstenant ainsi d’identifier si ces tâches pouvaient avoir quelque chose en commun avec celles des techniciens.

[36]        La Commission en révision est d’avis que le commissaire Hardy commet une erreur de fait et de droit en s’attachant uniquement à la méthode utilisée par le comité d’évaluation et en oubliant le but de l’exercice auquel il s’adonnait. Le comité procédait à évaluer le niveau des attributions que Mme Boutin prétendait exercer et qui serait de niveau technique.

[37]        En procédant à la comparaison de la cinquantaine de tâches exposées par Mme Boutin dans son offre de service avec la Directive sur la classification des agents de bureau, le comité d’évaluation prenait comme point de départ les tâches qu’elle avait décrites. Ainsi, l’exercice s’est fait en fonction de la nature de ses tâches.

[38]        La nature des tâches constitue en effet le point de départ approprié comme l’indique la Politique d’évaluation du niveau des emplois dans la fonction publique[12] qui précise que l’exercice d’évaluation doit se faire en fonction des tâches à accomplir. Bien que cette politique vise l’évaluation du niveau d’un emploi, ce critère est pertinent dans les circonstances puisque le comité d’évaluation devait vérifier le niveau des attributions décrites par Mme Boutin.

[39]        Pour la Commission en révision, que la comparaison des tâches de Mme Boutin soit faite avec la Directive sur la classification des agents de bureau, ou encore avec la Directive sur les techniciens en foresterie, il est clair que la nature des tâches de Mme Boutin demeure la même et elle ne peut changer selon le point de comparaison utilisé.

[40]        Par ailleurs, il est utile de souligner que la Directive concernant la classification et l’évaluation des emplois de la catégorie du personnel de bureau, techniciens et assimilés[13] décrit les fonctions exercées généralement par la catégorie des emplois de bureau et celles des emplois de niveau technique. On y indique que les emplois de bureau comportent généralement des fonctions d’application formelle de normes, de procédures ou de méthodes, de même que des fonctions de renseignement, de vérification ou d’inspection. Pour les emplois techniques, ce sont des fonctions d’application de procédé méthodique impliquant la recherche, l’analyse, la synthèse, l’appréciation de situations ou le choix de solutions. Comme l’indique l’article 2.2 de cette directive, un jugement est porté en appréciant la nature et la complexité de chaque fonction qui permet ensuite l’évaluation du niveau de l’emploi. Ainsi, cette directive confirme que la nature des tâches constitue la pierre angulaire dans la détermination de leur niveau, tout en faisant ressortir les grandes distinctions entre les fonctions des emplois de bureau et des emplois techniques.

[41]        Pour la Commission en révision, il est manifeste que, même si le comité d’évaluation procédait à un appariement des tâches de Mme Boutin avec la Directive sur les techniciens en foresterie, cela ne changerait pas la nature de ses fonctions qui demeurerait la même et qui ne pourrait pas entraîner de ce fait un changement de leur niveau.

[42]        Pour ces raisons, la Commission en révision est d’avis que le commissaire Hardy commet une erreur manifeste de droit et de fait en ordonnant que le comité d’évaluation reprenne l’étude de la candidature de Mme Boutin et en lui indiquant un autre point de comparaison. Le procédé utilisé par le comité d’évaluation ne présente pas d’irrégularité.

[43]        En conséquence, la première irrégularité dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin constatée par le commissaire Hardy n’a pas sa raison d’être.

3.            DEUXIÈME IRRÉGULARITÉ : LA COMPOSITION DU COMITÉ D’ÉVALUATION ET L’OBLIGATION DE VÉRIFICATION

[44]        Le commissaire Hardy traite de la composition du comité d’évaluation et de son obligation de vérification dans deux sections distinctes de sa décision (paragraphes 109 à 115 et 121 à 137). La Commission en révision comprend que c’est en raison de l’analyse conjointe qu’il fait de ces deux aspects qu’il en vient à la conclusion qu’une seconde irrégularité s’est produite dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin. Il formule ainsi cette irrégularité : étant donné que plusieurs attributions décrites dans son annexe II (agente de bureau) peuvent, au texte, être associées à des attributions de son annexe III (technicienne en foresterie et en gestion du territoire), et qu’aucun membre du comité n’était, selon la preuve, suffisamment au fait des conditions d’exercices de l’emploi à pourvoir, le comité d’évaluation devait vérifier davantage les renseignements fournis auprès des personnes appropriées (paragraphe 170).

[45]        Selon le libellé de cette irrégularité, les lacunes observées par le commissaire Hardy au regard de la composition du comité d’évaluation constituent la prémisse de sa conclusion. Au sujet de ces lacunes, il indique que la composition du comité d’évaluation a fait défaut (paragraphe 109 de la décision). Tout en reconnaissant que le comité ne peut pas comporter des personnes qui seraient au courant de tous les emplois occupés par les candidats qui peuvent provenir d’une panoplie de milieux de travail, selon lui, ces personnes doivent quand même posséder une bonne connaissance dans le concret de l’emploi à pourvoir (paragraphes 112 et 113 de la décision).

[46]        Étant donné que le comité n’était composé que de conseillères en gestion de ressources humaines qui se sont limitées à une comparaison sur papier des informations fournies, il ne pouvait procéder à un travail adéquat puisqu’une connaissance de ce qui se passe concrètement lorsque des attributions sont assumées est l’apanage davantage des personnes qui ont une bonne idée du milieu où elles sont (paragraphes 114 et 115 de la décision).

[47]        Par ailleurs, au regard de l’obligation de vérification, en s’appuyant plus particulièrement sur une décision citée par Mme Boutin, l’affaire Thériault et al.[14], ainsi que sur la décision Chouinard[15] qui traite de la notion du doute dans l’esprit des évaluateurs, l’absence de recherche d’informations additionnelles par le comité d’évaluation auprès de Mme Boutin fait en sorte que la décision du comité d’évaluation manque de crédibilité (paragraphe 130 de la décision). Son raisonnement s’appuie également sur la Politique concernant la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique[16] (ci-après appelée la « Politique ») qui contient une disposition sur les vérifications appropriées en matière d’admissibilité et sur la présence du doute qui devrait jouer en faveur de l’admission du candidat. Il ajoute en outre une référence au Guide sur la tenue de concours de recrutement et de promotion[17] (ci-après appelé le « Guide ») au sujet plus particulièrement de la question du doute.

[48]        Le commissaire Hardy note également la présence d’un certain nombre d’indices dans les commentaires formulés par Mme Boutin dans son offre de service et dans certaines attributions de sa description d’emploi d’agente de bureau, pour la période de 1995 à 2009, jointe à celle-ci. Il souligne qu’une personne raisonnable aurait un doute et estimerait nécessaire de vérifier si ses prétentions étaient plus ou moins fondées (paragraphes 131 et 132 de la décision).

[49]        Pour ces raisons, le commissaire Hardy conclut que le fait de ne pas avoir tenté d’obtenir des renseignements additionnels constitue la seconde irrégularité commise par le comité d’évaluation (paragraphe 134 de la décision). Bien que la Commission ne soit pas un organisme de révision, lorsque l’exercice démontre un résultat déraisonnable, elle se doit d’intervenir pour faire en sorte que le processus soit repris (paragraphe 133 de la décision).

[50]        La Commission en révision regroupe deux motifs de révision allégués par le MRNF au sujet de cette seconde irrégularité constatée par le commissaire Hardy.

3.1      Argumentation du MRNF

[51]        La composition du comité d’évaluation est conforme aux règles fixées à l’article 2 du Règlement sur la tenue de concours[18] (ci-après le « Règlement ») qui prévoit que les membres du comité sont choisis en fonction de leurs connaissances de l’emploi faisant l’objet du concours, de leur expérience dans la gestion ou la sélection du personnel ou de leur compétence professionnelle. Les trois membres du comité d’évaluation, qui sont des conseillères en gestion de ressources humaines au MRNF, satisfaisaient aux critères fixés dans cette disposition. Il s’agit d’un choix à partir de critères établis et il n’appartient pas à la Commission de s’ingérer dans le choix des membres d’un comité lorsque sa composition est conforme au Règlement. Il ajoute également que le litige portait essentiellement sur le niveau des attributions exercées par Mme Boutin et que la détermination du niveau des emplois relève de la compétence de la Direction des ressources humaines pour laquelle les conseillères travaillent.

[52]        Au sujet de l’obligation de vérification, le MRNF soulève également une erreur manifeste de fait et de droit commise par le commissaire Hardy au sujet de l’article 21 du Règlement. Cette disposition prévoit en effet que la vérification de l’admissibilité est effectuée par l’examen de l’offre de service soumise par un candidat et des documents exigés et produits à son appui. La nécessité d’obtenir des renseignements additionnels du candidat se présente si, après la vérification des documents qu’il a fournis, il y a un doute quant à son admissibilité. La Politique prévoit que si le doute subsiste après les vérifications appropriées, le candidat devrait être admis au concours.

[53]        Ainsi, pour le MRNF, l’obligation de communiquer avec un candidat se présente seulement en présence d’un doute. Or, l’offre de service de Mme Boutin était rédigée de manière claire et sans ambiguïté. Elle permettait de faire une analyse exhaustive et rigoureuse. Le comité n’a pas eu de doute. Il ajoute que la notion de la personne raisonnable, à laquelle le commissaire Hardy réfère pour apprécier si un doute devait se présenter, n’est pas pertinente dans le contexte d’un comité d’évaluation dûment formé (paragraphe 126 de la décision). Il constate que le commissaire Hardy souhaiterait procéder à une analyse différente en prétendant que le comité aurait dû avoir un doute.

[54]        Le MRNF est d’avis que le commissaire Hardy accorde une importance à la Politique et au Guide qu’ils n’ont pas. Ils ne peuvent avoir préséance sur les dispositions légales applicables. De plus, les références faites par le commissaire Hardy à ces documents l’amènent à minimiser l’examen qui doit être fait à la phase de l’admissibilité.

3.2      Argumentation de Mme Boutin

[55]        Au sujet premièrement de la composition du comité d’évaluation, Mme Boutin indique que les propos du commissaire Hardy au regard de cet aspect soutiennent que les membres devaient avoir une certaine connaissance de l’emploi à pourvoir. Ces propos doivent être considérés  de concert avec l’appréciation que le commissaire Hardy fait de la preuve, c’est-à-dire que la responsable du concours ne semblait pas avoir une connaissance concrète de certaines de ses tâches.

[56]        Mme Boutin convient que la Commission ne peut d’emblée s’ingérer dans le choix des membres d’un comité, mais il en va autrement lorsque la Commission constate des lacunes relativement à la connaissance du comité de certaines tâches qui doivent faire l’objet de son analyse. Ainsi, le commissaire Hardy n’aurait donc pas commis d’erreur manifeste de droit dans l’interprétation de l’article 2 du Règlement.

[57]        En ce qui a trait à l’obligation de vérification des renseignements fournis, Mme Boutin indique dans un premier temps que la notion de personne raisonnable à laquelle réfère le commissaire Hardy lorsqu’il s’agit d’évaluer si un doute se présente demeure pertinente. Il s’agit d’une notion fondée sur le sens commun et il serait déraisonnable de soutenir que le comité n’a pas à se comporter comme une personne raisonnable.

[58]        Au sujet du doute que le comité d’évaluation n’avait pas lors de l’analyse de son offre de service, Mme Boutin est d’avis que c’est dans l’application des principes relatifs à l’obligation de communiquer avec un candidat que le bât blesse. Elle revient ensuite sur le mauvais appariement effectué par le comité d’évaluation, sans tenir compte de la Directive sur les techniciens en foresterie.

[59]        Selon Mme Boutin, le commissaire Hardy ne s’est pas écarté de la jurisprudence de la Commission dans le cadre de son interprétation de l’article 21 du Règlement, mais c’est plutôt sur la base de la preuve administrée qu’il a conclu que le comité aurait dû entretenir un doute.

[60]        Par ailleurs, Mme Boutin reprend les propos du commissaire Hardy lorsqu’il discute de la notion de doute et qu’il affirme que l’admissibilité ne constitue pas une étape éliminatoire (paragraphe 129 de la décision). Comme le mentionne le Guide, il demeure possible d’éliminer des candidats qui auront été admis à tort à un concours et qui pourront être retranchés comme il se doit lors de la procédure d’évaluation.

[61]        Ainsi, le commissaire Hardy n’aurait pas commis d’erreur manifeste de fait et de droit ayant pour effet d’invalider sa décision en interprétant l’article 21 du Règlement.

[62]        Au sujet de l’erreur commise par le commissaire Hardy en attribuant une valeur juridique à la Politique et au Guide qu’ils n’ont pas, Mme Boutin signale que les principes présents dans ces documents proviennent de la jurisprudence de la Commission, comme le souligne le commissaire dans sa décision.

3.3      Analyse

[63]        Pour faciliter la compréhension de l’analyse des deux motifs de révision que la Commission en révision a regroupés au regard de la deuxième irrégularité dans la procédure d’évaluation de la candidature de Mme Boutin, il est utile de rappeler les conclusions du commissaire Hardy au sujet de cette irrégularité.

[64]        Tout d’abord, le commissaire Hardy est d’avis qu’aucun membre du comité n’était, selon la preuve, suffisamment au fait des conditions d’exercice de l’emploi à pourvoir (paragraphe 170 de la décision). Le comité devra donc reprendre l’examen des renseignements fournis par Mme Boutin dans son offre de service et s’enquérir des renseignements appropriés aux prétentions de Mme Boutin, notamment auprès d’elle et de ses supérieurs ou d’autres personnes en mesure de confirmer ou d’infirmer les informations qu’elle a fournies (paragraphe 137 de la décision).

[65]        Le commissaire Hardy pose un regard critique sur la compétence des membres du comité d’évaluation. Il leur reproche un manque de connaissances de l’emploi à pourvoir. En ayant un comité d’évaluation composé entièrement de conseillères en gestion de ressources humaines, il se serait privé du point de vue et de l’expertise différents d’une personne bien au fait de l’emploi dans le concret, ce qui aurait été nécessaire (paragraphe 112 de la décision).

[66]        Le MRNF considère que le commissaire Hardy ne pouvait adresser ces reproches au comité d’évaluation, étant donné que sa composition est conforme à l’article 2 du Règlement. Il aurait ainsi commis une erreur de droit dans l’interprétation de cette disposition. Il ajoute également que l’examen par le comité de l’offre de service de Mme Boutin consistait essentiellement à déterminer le niveau de ses tâches. Le comité avait donc la compétence professionnelle requise pour procéder à cet exercice. De son côté, Mme Boutin considère que les constats du commissaire Hardy relèvent de son appréciation de la preuve au sujet des lacunes du comité qu’il a observées au sujet de sa connaissance de l’emploi à pourvoir.

[67]        Voyons tout d’abord les conditions fixées à l’article 2 du Règlement concernant la composition du comité d’évaluation. Cette disposition se lit comme suit :

« Les responsabilités relatives à la tenue d'un concours ou à la constitution d'une réserve de candidatures peuvent, en totalité ou en partie, être assumées par un comité d'évaluation ou une personne-ressource. Un comité d'évaluation ou une personne-ressource formule des recommandations par écrit.

Une personne membre d'un comité d'évaluation ou une personne-ressource est choisie en fonction de sa connaissance de l'emploi faisant l'objet du concours ou de la réserve de candidatures, de son expérience dans la gestion ou la sélection du personnel ou de sa compétence professionnelle. »

[68]        Il ressort clairement de cette disposition qu’une discrétion est accordée à l’autorité qui tient un concours quant au choix des membres du comité d’évaluation. Ce choix peut s’exercer en fonction de leurs connaissances de l’emploi faisant l’objet du concours. Cela constitue l’une des options offertes à l’autorité qui tient un concours, mais ce n’est pas une obligation. Il y a également les deux autres options : leur expérience dans la gestion et la sélection du personnel ou leur compétence professionnelle.

[69]        Selon le témoignage non contredit de la responsable du concours, les trois conseillères en gestion de ressources humaines qui composaient le comité d’évaluation du concours possédaient l’expertise suivante. Elles ont des clientèles à la grandeur du MRNF, évaluent des descriptions d’emplois sur une base quotidienne, sont en contact avec des gens qui font le travail, mais ne sont pas elles-mêmes des techniciennes en foresterie et en gestion du territoire (paragraphe 14 de la décision).

[70]        Pour la Commission en révision, il est clair que le choix de ces trois membres du comité correspond à au moins deux des trois options offertes à l’article 2 du Règlement. D’ailleurs, le commissaire Hardy ne formule aucun commentaire à cet égard. Or, même en tenant pour acquise l’appréciation faite par le commissaire Hardy des lacunes du comité au sujet de leurs connaissances de l’emploi à pourvoir, l’une des trois options, il n’y a pas d’irrégularité dans l’application de l’article 2 du Règlement, puisque la discrétion exercée dans le choix de ces membres du comité satisfait aux autres règles de cette disposition.

[71]        Cela étant dit, il y a lieu de mettre en lumière que le commissaire Hardy ne se prononce pas sur l’irrégularité de la composition du comité. Il exprime plutôt que sa composition a fait défaut (paragraphe 109 de la décision). Néanmoins, ce constat du commissaire Hardy constitue la prémisse de la deuxième irrégularité qu’il constate.

[72]        Or, la Commission en révision croit que le commissaire Hardy commet une erreur grave et évidente en retenant les lacunes du comité d’évaluation au sujet de leurs connaissances des conditions d’exercice de l’emploi à pourvoir comme prémisse à la seconde irrégularité (paragraphe 170 de la décision). Ces connaissances, bien qu’elles aient pu présenter un certain intérêt, n’étaient pas nécessaires à l’analyse que devaient faire les membres du comité. Cette analyse résidait fondamentalement dans l’évaluation du niveau des attributions d’agente de bureau que Mme Boutin prétendait être de niveau technique. Or, une telle analyse se situe au cœur même de la compétence des trois conseillères en gestion de ressources humaines, membres du comité d’évaluation. Comme la preuve le révèle, elles évaluent des descriptions d’emplois sur une base quotidienne (paragraphe 14).

[73]        La Commission en révision observe que le commissaire Hardy fait abstraction de l’objet de l’analyse des membres du comité d’évaluation au regard des prétentions de Mme Boutin et qui portait sur le niveau de ses attributions. De plus, il ne tient pas compte de leur compétence démontrée par la preuve en cette matière. Pour ces raisons, la Commission en révision est d’avis que le commissaire Hardy commet une erreur grave et évidente qui a produit un effet déterminant sur la deuxième irrégularité puisqu’elle s’appuie sur une fausse prémisse.

[74]        Malgré leur compétence démontrée en matière d’évaluation du niveau des emplois, les membres du comité d’évaluation devaient-elles obtenir davantage de renseignements en outre de ceux fournis par Mme Boutin, afin de procéder à une analyse adéquate du niveau de ses attributions? Le commissaire Hardy suggère que le comité d’évaluation devrait vérifier davantage les renseignements fournis par Mme Boutin en obtenant les renseignements appropriés auprès de ses supérieurs ou d’autres personnes en mesure de confirmer ou d’infirmer ceux qu’elle avait déjà transmis.

[75]        Pour soutenir que les membres du comité d’évaluation ont failli à leur obligation de requérir des renseignements additionnels de Mme Boutin, le commissaire Hardy, après avoir mentionné l’article 21 du Règlement, aborde ensuite la notion du doute qu’une personne raisonnable devrait avoir dans le contexte de l’examen d’une inscription à un concours. Cette notion du doute provient d’un principe énoncé par la Commission dans l’affaire Chouinard et repris dans la Politique. Le commissaire Hardy s’appuie également sur le Guide pour formuler certaines observations sur la phase de l’admission à un concours.

[76]        Sur la question du devoir de vérification des membres du comité, il faut tout d’abord se référer à l’article 21 du Règlement qui énonce le cheminement à suivre pour les membres du comité lors de la vérification de l’admissibilité d’un candidat. Cette disposition se lit comme suit :

« 21. Une personne est admise à un concours ou à une réserve de candidatures si, à un moment donné pendant la période d'inscription, elle satisfait aux conditions d'admission énoncées dans l'appel de candidatures.

Son admissibilité est vérifiée par l'examen de sa formule d'inscription et des documents exigés et produits à son appui. »

[77]        Ainsi, en application de cette disposition, la vérification de l’admissibilité se fait en tout premier lieu par l’examen de la formule d’inscription du candidat et des documents exigés et produits à son appui. La base de l’examen du comité d’évaluation réside dans l’offre de service soumise par un candidat. Il est possible de critiquer le libellé de cette disposition, comme le fait le commissaire Hutchison dans l’affaire Thériault et al.[19] citée par le commissaire Hardy, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de la volonté exprimée dans le Règlement.

[78]        Par ailleurs, le commissaire Hardy souligne avec justesse l’article 7 de la Politique qui traite de la vérification de l’admissibilité. Cette disposition consacre en quelque sorte les principes dégagés très tôt dans la jurisprudence de la Commission au sujet de la vérification de l’admissibilité. Cette disposition se lit comme suit :

« 7. La vérification de l'admissibilité consiste à s'assurer qu'une personne satisfait de façon minimale aux conditions d'admission à un concours énoncées à l'appel de candidatures. Si, après les vérifications appropriées, il subsiste un doute raisonnable quant à l'admissibilité d'une personne, cette dernière devrait être admise au concours. »

[79]        Une lecture conjointe de l’article 21 du Règlement et de cette disposition de la Politique permet d’établir que le comité d’évaluation s’adonne dans un premier temps à l’examen de l’offre de service soumise par un candidat. Si un doute se présente sur l’admissibilité du candidat, le comité doit alors procéder aux vérifications appropriées, comme requérir des informations complémentaires du candidat. Si après avoir effectué ces vérifications supplémentaires, le doute subsiste, le comité devrait alors admettre le candidat. En contrepartie, il appartient aux candidats de faire valoir leur candidature et de fournir les éléments permettant de les évaluer adéquatement. Voilà le cheminement que devaient suivre les membres du comité d’évaluation.

[80]        Il appert, dans les circonstances présentes, que le comité d’évaluation a effectué son analyse des tâches d’agente de bureau, pour la période de 1995 à 2009, à partir des informations que Mme Boutin avait fournies dans son offre de service et qu’il n’a pas demandé d’informations supplémentaires. La preuve fait en outre ressortir que le format de présentation des attributions décrites par Mme Boutin dans son offre de service  avait une facture qui correspond aux descriptions d’emplois comme celles qu’on trouve généralement dans la fonction publique. Par ailleurs, le comité d’évaluation a consulté le dossier d’employé de Mme Boutin et a retracé une description de son emploi réalisée le 3 février 2005 (I-14). Le commissaire Hardy souligne qu’une comparaison entre la description fournie par Mme Boutin dans son offre de service et celle réalisée en 2005 permet de constater des différences relativement minimes entre les deux documents (paragraphe 20 de la décision). De plus, il faut savoir que les descriptions d’emplois, tout comme celle de Mme Boutin de 2005 (I-14), contiennent une approbation de leur contenu par le supérieur hiérarchique.

[81]        Il n’y avait pas de litige au sujet des tâches que Mme Boutin prétend exercer, tout porte sur leur niveau. D’ailleurs, le comité d’évaluation fonde son analyse sur les tâches que Mme Boutin décrit dans son offre de service et il n’apparaît pas les avoir remises en question.

[82]        Dans ces circonstances, la conclusion du commissaire Hardy visant à requérir que le comité d’évaluation effectue des vérifications supplémentaires afin de confirmer ou d’infirmer les informations que Mme Boutin avait fournies dans son offre de service ne trouve aucun appui dans la preuve.

[83]        Le comité d’évaluation du concours n’avait pas de doute au sujet des tâches de Mme Boutin puisqu’il avait en main une description détaillée de celles-ci dans son offre de service comportant une cinquantaine de tâches, de même que sa description d’emploi de 2005.

[84]        Pour ces raisons, de l’avis de la Commission en révision, la deuxième irrégularité constatée par le commissaire Hardy concernant la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires apparaît injustifiée. Premièrement, elle s’appuie sur une fausse prémisse au regard de la compétence du comité d’évaluation puisqu’il devait analyser le niveau des attributions de Mme Boutin. En tenant compte de l’objet de cette analyse et de l’absence de contestation concernant les attributions de Mme Boutin, le comité d’évaluation avait en main toute l’information utile pour effectuer adéquatement son travail. Le doute que le comité d’évaluation aurait dû avoir selon le commissaire Hardy le conduit à se substituer à ce comité, ce qui n’est pas le rôle de la Commission en matière d’appel dans le cadre d’un concours.

[85]        En conséquence, plutôt que d’ordonner de reprendre l’étude de l’admissibilité de Mme Boutin au concours, le commissaire Hardy aurait dû statuer sur son admissibilité, à la lumière de la preuve administrée et des conditions fixées à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie, qui porte sur la condition minimale d’admission de posséder 10 années d’expérience dans l’exercice des attributions de ce corps d’emploi, à ce titre ou à un titre équivalent. Selon la décision du MRNF que Mme Boutin conteste, elle ne satisfait pas à cette condition.

[86]        La Commission en révision considère qu’elle doit réformer entièrement la décision du commissaire Hardy et rendre la décision qui s’imposait sur le sort de l’appel de Mme Boutin, au regard de la preuve administrée.

[87]        Curieusement, compte tenu des conclusions de sa décision qui font en sorte qu’il ne statue pas sur l’admissibilité de Mme Boutin en ordonnant de reprendre l’étude de son dossier, le commissaire Hardy procède quand même à une interprétation de l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie aux paragraphes 139 à 155 de sa décision.

[88]        Le MRNF soulève deux erreurs de droit du commissaire Hardy concernant son interprétation de cette disposition. De toute évidence, ces erreurs n’ont pu avoir un effet déterminant sur les conclusions de sa décision en raison du fait qu’il ne décide pas de l’admissibilité de Mme Boutin au concours. Il n’applique donc pas son interprétation de l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie au regard des prétentions de Mme Boutin concernant son admissibilité. D’ailleurs, à l’issue de ce qu’on pourrait désigner comme des observations du commissaire Hardy sur l’interprétation de cette disposition, il résume ainsi sa pensée qui prend plutôt la forme, comme on peut le constater à leur lecture, de conseils qu’il dispense pour l’application future de cet article :

« 155.   En résumé, sur la question de la notion d’ "à titre équivalent", il faut prendre garde d’avoir recours au seul niveau de mobilité d’un emploi dans l’analyse de l’expérience pertinente. C’est assurément un indice important, mais il sert en premier lieu à déterminer le taux de traitement à attribuer à l’emploi, ainsi qu’à l’identification d’un mouvement de personnel dans lequel son détenteur peut être impliqué. Mais le seul niveau de mobilité ne dévoile pas nécessairement tout relativement à l’expérience pertinente qu’on a à évaluer à l’occasion de l’admissibilité d’un candidat à un concours. »

[89]        Le commissaire Hardy suggère en quelque sorte une nouvelle approche qui s’éloigne de celle développée jusqu’à présent dans la jurisprudence de la Commission quant aux trois conditions à satisfaire pour démontrer que les années d’expérience correspondent aux exigences fixées à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie.

[90]        Le MRNF voit dans cette approche deux erreurs de droit commises par le commissaire Hardy. Bien que ces erreurs n’aient pas eu d’effet déterminant sur sa conclusion, comme nous l’avons vu précédemment, la Commission en révision croit utile d’examiner quand même ces erreurs pour déterminer s’il est opportun de revoir son interprétation de cette disposition et d’appliquer la nouvelle thèse du commissaire Hardy à la situation de Mme Boutin.

4.            l’article 9 de la directive sur LES techniciens en foresterie

[91]        L’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie se lit comme suit :

« 9. Aux fins de l'avancement de classe à l'intérieur de ce corps d'emploi, les conditions d'admission à la classe de technicien principal en foresterie et en gestion du territoire sont les suivantes :

a) appartenir à la classe de technicien en foresterie et en gestion du territoire;

b) avoir au moins 10 années d'expérience reconnue par l'autorité compétente et additionnelle à celle exigée à l'une ou l'autre des conditions d'admission prescrites aux articles 6 et 7 dans l'exercice d'attributions de la classe de technicien en foresterie et en gestion du territoire, à ce titre ou à un titre équivalent. »

[Nous soulignons]

[92]        Les trois exigences qui sont appliquées et reconnues par la jurisprudence prépondérante[20] de la Commission à l’égard de cette condition d’admission pour qu’une expérience soit considérée à titre équivalent sont les suivantes : les emplois doivent exiger le même niveau de scolarité; les classes d’emplois doivent avoir le même niveau de mobilité pour permettre un reclassement, sinon cela constitue une promotion; les attributions doivent être similaires et exercées dans un domaine d’activité rapproché de celui de l’emploi dont l’exercice est requis aux conditions d’admission.

4.1      Argumentation du MRNF

[93]        Au regard de l’approche développée par le commissaire Hardy, le MRNF soutient que celui-ci aurait commis deux erreurs de droit dans l’interprétation de cette disposition en dissociant à titre équivalent de la mention relative à l’exercice d’attributions de la classe de technicien en foresterie et en gestion du territoire également présente dans cette disposition. De plus, le commissaire Hardy confond l’exercice des attributions avec la notion d’expérience pertinente.

[94]        Au sujet plus particulièrement de l’expérience pertinente, le commissaire Hardy insiste sur l’article 9 de la Directive concernant la classification des emplois de la fonction publique et sa gestion[21] (ci-après appelée la « Directive sur la classification des emplois ») qui définit la notion d’expérience pertinente. Or, cette notion de la pertinence de l’expérience est différente des critères fixés à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie. De plus, lorsque dans une directive on veut appliquer la notion d’expérience pertinente, on y réfère précisément, comme notamment au paragraphe b) de l’article 7 de la Directive sur les techniciens en foresterie qui réfère à cette notion.

[95]        Quant à l’application des trois conditions généralement reconnues, le MRNF reprend son argumentation exposée au commissaire Hardy. Il a été démontré que les emplois d’agents de bureau et de techniciens en foresterie et en gestion du territoire ne sont pas équivalents puisque le niveau de scolarité pour les agents de bureau est inférieur à celui exigé pour les techniciens. De plus, au sujet du niveau de mobilité, le MRNF cite l’article 8 de la Directive concernant la dotation des emplois dans la fonction publique[22] qui définit une promotion de la façon suivante : la promotion permet de pourvoir à un emploi vacant par un fonctionnaire déclaré apte à une classe d’emploi de niveau de mobilité supérieure à celle à laquelle il appartient. En conséquence, il n’est pas permis de reconnaître que l’emploi de Mme Boutin comme agente de bureau peut être équivalent à celui d’un technicien puisque cela équivaudrait à lui attribuer une promotion. De plus, le recours en appel exercé en vertu de l’article 35 de la Loi ne permet pas à la Commission de se prononcer sur la conformité d’un classement d’un candidat à un concours. Par ailleurs, les attributions d’un agent de bureau ne correspondent pas aux attributions d’un technicien en foresterie et en gestion du territoire. En conclusion, le MRNF est d’avis que l’on ne doit pas dissocier les mots à titre équivalent de ceux dans l’exercice d’attributions qui amènent obligatoirement à référer au niveau de mobilité des attributions exercées.

[96]        L’erreur manifeste commise par le commissaire Hardy réside dans le fait que, globalement, lorsqu’il interprète l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie, il ramène le concept utilisé dans cette disposition à celui de l’expérience pertinente tout en faisant abstraction des conditions minimales exigées dans cette disposition.

4.2      Argumentation de Mme Boutin

[97]        Mme Boutin est d’accord avec le raisonnement appliqué par le commissaire Hardy dans son interprétation de l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie lorsqu’il s’appuie sur la Directive sur la classification des emplois et sur la Directive concernant l’attribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires[23] ainsi que sur la jurisprudence à laquelle fait référence le commissaire Hardy et qu’elle avait soumise lors de son argumentation. Elle met plus particulièrement en lumière la disposition de la Directive sur la classification des emplois qui définit ce que constitue la notion d’expérience pertinente. Ainsi, c’est l’expérience d’un candidat qui doit d’abord être appréciée concrètement.

[98]        Quant à la notion du niveau de mobilité, elle rappelle l’énoncé du commissaire Hardy au paragraphe 145 de sa décision voulant qu’il n’est indiqué nulle part dans les directives qu’il cite que les niveaux de mobilité doivent servir à l’établissement de l’expérience pertinente à un titre ou à un titre équivalent.

[99]        De plus, elle souligne qu’il est inexact de prétendre que le commissaire Hardy a interprété la notion d’à titre équivalent sans tenir compte de l’expression dans l’exercice d’attributions puisqu’il exprime au paragraphe 150 de la décision que la notion d’à titre équivalent se vérifie avec l’appariement des attributions, pas simplement avec le titre de la classe d’emplois dans laquelle l’expérience a été accumulée.

[100]     Au sujet de la confusion créée par le commissaire entre la notion de l’exercice d’attributions de la classe d’emplois avec la notion d’expérience pertinente, Mme Boutin souligne que cette affirmation équivaut à soutenir que la définition de la notion d’expérience pertinente à l’article 9 de la Directive concernant la classification des emplois ne s’appliquerait pas aux techniciens en foresterie, alors qu’il s’agit d’une directive d’application générale.

[101]     Mme Boutin soutient que la notion de pertinence de l’expérience doit s’appliquer de concert avec l’expression à titre équivalent. Le commissaire Hardy ne commettait aucune erreur en considérant que le seul niveau de mobilité ne doit pas l’emporter dans l’analyse de la pertinence de l’expérience comme il l’exprime au paragraphe 155 de sa décision.

4.3      Analyse

[102]     Comme elle l’a exprimé précédemment, la Commission en révision a cru utile de résumer les argumentations des parties pour déterminer s’il est opportun d’adhérer à la nouvelle approche développée par le commissaire Hardy.

[103]     À l’instar de l’argumentation soumise par le MRNF, la Commission en révision constate que le commissaire Hardy introduit la notion d’expérience pertinente dans l’interprétation de l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie. Or, cette notion ne se trouve pas dans cette disposition. Il s’agit d’un concept distinct qui s’applique lorsque les directives y réfèrent. C’est le cas notamment à l’article 7 de la Directive sur les techniciens en foresterie.

[104]     Pour qu’une expérience soit considérée à titre équivalent, il faut en premier lieu que les emplois exigent le même niveau de scolarité.

[105]     Pour ce qui est de la condition relative à la mobilité, qui semble être celle que le commissaire Hardy voudrait plus particulièrement mettre à l’écart, la Commission en révision souligne tout d’abord qu’il ne s’agit pas de la seule qui est appliquée, comme il le laisse entendre au paragraphe 155 de sa décision. De plus, la notion du niveau de mobilité d’un emploi dans l’analyse des années d’expérience exigées à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie sert à déterminer si les attributions du candidat sont exercées à titre équivalent, comme l’exige cette disposition. La suggestion du commissaire Hardy de ne voir dans le niveau de mobilité qu’un indice aurait pour effet de faire abstraction du niveau des attributions qui doit être équivalent à celui du niveau des techniciens.

[106]     Il y a enfin la troisième condition voulant que les attributions doivent être similaires et exercées dans un domaine d’activité rapproché de celui des attributions des techniciens en foresterie et en gestion du territoire.

[107]     Pour la Commission en révision, ces trois conditions répondent tout à fait aux exigences posées à l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie. Il n’y a pas lieu de s’en écarter.

[108]     Voyons maintenant si la preuve administrée devant le commissaire Hardy permet à Mme Boutin de satisfaire à ces trois conditions. Au cours de la période de 1995 à 2009, Mme Boutin occupait un emploi d’agente de bureau qui constitue un corps d’emploi d’un niveau de mobilité inférieur à celui des techniciens en foresterie et en gestion du territoire, en plus d’exiger un niveau de scolarité moins élevé. Malgré le constat que le titre de son emploi ne soit pas équivalent à celui d’un technicien, le comité d’évaluation du concours s’est quand même assuré de déterminer, au-delà du niveau inférieur de son titre, que la cinquantaine de tâches qu’elle dit avoir exécutées au cours de cette période correspondaient bien au niveau de son emploi.

[109]     Après cet examen, les trois conseillères en gestion des ressources humaines composant le comité d’évaluation, qui procèdent quotidiennement à l’évaluation d’emplois, comme la preuve non contredite l’a démontré, ont évalué qu’un faible pourcentage des tâches décrites par Mme Boutin dans son offre de service était de niveau technique, soit 1/6 de 10 % pour la tâche qu’elle décrit comme celle d’établir des procédures relativement aux transactions foncières. Même en arrondissant ce pourcentage à 10 %, cela ne lui permettait pas d’atteindre les 10 années d’expérience exigées.

[110]     De plus, la preuve a aussi démontré qu’en 2005, alors que vraisemblablement, si l’on se réfère à ses propos rapportés par le commissaire Hardy, Mme Boutin cherchait à obtenir un classement supérieur, son emploi est demeuré au même niveau d’agent de bureau (paragraphes 39 et 40 de la décision).

[111]     Par ailleurs, Mme Boutin a déposé en preuve une évaluation (A-2) de ses tâches réalisées en 2005 qui détermine un pourcentage de 35 % de niveau technique de celles-ci, en précisant les tâches concernées. Il faut noter que cette évaluation coïncide avec l’élaboration de la nouvelle description d’emploi (I-14) dont le niveau d’emploi a été établi à celui d’agente de bureau, classe nominale. De plus, la tâche retenue par le comité d’évaluation comme étant de niveau technique ne se trouve pas dans cette description d’emploi.

[112]     La Commission en révision considère qu’il faut prendre cette preuve pour ce qu’elle démontre, ni plus ni moins, et qu’elle n’est pas de la nature qui permettrait d’établir une présomption. À cet égard, les propos du commissaire Hardy aux paragraphes 164 et 165 de sa décision lorsqu’il traite de cette question, et qui incidemment faisait l’objet d’un motif de révision, ne peuvent être retenus puisqu’il s’agit somme toute d’une supposition.

[113]     Ainsi, même en considérant cette preuve qui démontre un pourcentage de 35 % de niveau technique de ses attributions reconnu en 2005, comme le MRNF l’avait d’ailleurs plaidé devant le commissaire Hardy, ce serait toujours insuffisant pour atteindre le seuil d’expérience requis (paragraphe 60 de la décision).

[114]     La Commission en révision en arrive donc à la seule conclusion qui s’impose, compte tenu de la preuve administrée et des conditions d’application de l’article 9 de la Directive sur les techniciens en foresterie. Mme Boutin n’a pas démontré, selon la règle de la prépondérance de la preuve, que son expérience d’agente de bureau, au cours de la période de 1995 à 2009, était à un titre équivalent à celui des techniciens en foresterie et en gestion du territoire.

[115]     En terminant, la Commission en révision considère qu’il n’est pas utile de traiter des deux autres motifs de révision soulevés par le MRNF. Le premier porte sur le fait que le commissaire induit qu’une spécialisation dans un domaine conduit à exercer un emploi de niveau supérieur (paragraphe 113 de la décision). Le second concerne les observations du commissaire Hardy qui attribuerait à la Politique la même valeur légale que les directives sur la classification des emplois (paragraphes 102 à 105 de la décision). Bien que la détermination du bien-fondé de ces motifs puisse avoir un certain intérêt, il n’en demeure pas moins que l’objet de ces deux motifs présente une importance mineure dans le raisonnement du commissaire Hardy. De plus, même si la Commission en révision les avait retenus, ils n’ont pu avoir un effet déterminant sur ses conclusions.


[116]     POUR CES MOTIFS, la Commission en révision :

·           ACCUEILLE la requête en révision;

·           RÉVISE la décision rendue par le commissaire Hardy le 22 février 2013 dans le dossier 1300996;

·           ANNULE les ordonnances rendues le 22 février 2013;

·           REJETTE l’appel de Mme Marlène Boutin.

 

                                                                                Original signé par :

 

_____________________________

Me Denise Cardinal,

Commissaire

_____________________________

Mme Christiane Barbe,

Présidente

 

 

Me Sandra Landry

Procureure pour le ministère des Ressources naturelles

Requérant-intimé

 

Me Geneviève Baillargeon-Bouchard

Procureur pour Mme Marlène Boutin

 

Requête prise en délibéré : 16 mai 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]     Ce ministère est maintenant désigné le « ministère des Ressources naturelles ».

[2]     Concours d’avancement de classe no : 269A-6003010 - Technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire, classe principale.

[3]     Boutin c. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, SOQUIJ AZ-50941569.

[4]     C.T. 154600 du 29 janvier 1985.

[5]     C.T. 183021 du 11 mai 1993.

[6]     L.R.Q., c. F-3.1.1.

[7]     Casandroiu c. Ministère du Revenu, [2004] 21 n° 1 R.D.C.F.P. 209, p. 222-223; Ministère des Transports c. Bérubé, [2011] 28 n°1 R.D.C.F.P. 149, par. 17; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., [2011] 28 n° 2 R.D.C.F.P. 28, p. 505, par. 25-26.

[8]     Loi sur la justice administrative, L.R.Q., c. J-3, art. 154; Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, art. 429.56.

[9]     Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 136; Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] R.J.Q. 2411, par. 22.

[10]    Rona inc. c. Commission des lésions professionnelles 2012 QCCS 3949, par. 94.

[11]    Roy c. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, SOQUIJ AZ-50392265; Soulières c. Société de l’assurance automobile du Québec, SOQUIJ AZ-50711029, par. 33; Lefebvre c. Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, SOQUIJ AZ-50760697, par. 50.

[12]    C.T. 190572 du 25 juin 1997, art. 4 par. b).

[13]    C.T. 170717 du 9 mai 1989 et sa modification.

[14]    Thériault et al. c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, [1983] 5 n°1 R.D.C.F.P. 25, p. 26-28.

[15]    Chouinard c. Office des ressources humaines, [1986] 3 n° 2 R.D.C .F.P. 211.

[16]    C.T. 192499 du 6 octobre 1998, art. 7.

[17]    Secrétariat du Conseil du trésor, juillet 1999 et ses modifications.

[18]    L.R.Q., c. F-3.1.1., r. 6.

[19]    Précitée, note 14.

[20]    Collin et al. c. Ministère de la Justice, décision du 22 mars 2006, dossiers nos 1273581 et 1273589, SOQUIJ AZ-50392267, p. 2, 3, 6, 7 et 9; Houle c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, décision du 23 juin 2010, dossier no 1300082, SOQUIJ AZ-50650679, par. 76 et 86; Rivard et al. c. Société de l’assurance automobile du Québec, décision du 18 janvier 2011, dossiers nos 1300375, 1300377 et 1300381, SOQUIJ AZ-50708596, par. 102 à 109; Lefebvre c. Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, précitée, note 2, par. 50.

[21]    C.T. 192193 du 2 juillet 1998 et ses modifications.

[22]    C.T. 193340 du 4 mai 1999 et sa modification.

[23]    C.T. 194419 du 14 mars 2000 et ses modifications.

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