Rioux et Québec (Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles) |
2013 QCCFP 18 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER No : |
1301078 |
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DATE : |
11 octobre 2013 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Louise Caron |
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CHRISTINE RIOUX
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Appelante
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Et
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MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1) |
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[1] Mme Christine Rioux interjette appel du refus du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (ci-après appelé le « MICC ») d’admettre sa candidature au concours de promotion[1] de cadre, classe 3, tenu pour pourvoir deux emplois vacants à Montréal (directrice ou directeur de la modernisation des services informatiques et directrice ou directeur du développement à la francisation) et pour pourvoir d’éventuels emplois réguliers afin d’assurer le renouvellement de son personnel d’encadrement dans cette classe d’emploi.
[2] La candidature de Mme Rioux n’a pas été retenue pour le motif qu’elle ne possède pas le nombre d’années d’expérience requis dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, comme mentionné dans l’appel de candidatures (I-1).
[3] Dans ses motifs d’appel précisés à la suite de la tenue d’une séance d’échanges et d’information (SEI), Mme Rioux allègue une évaluation inadéquate et inéquitable de son expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Elle précise :
« Bien qu’ayant été propriétaire associée de l’entreprise Les Communicologues, une firme de consultants spécialistes en communication et en recherche sociales, pendant 9 ans à temps complet de 1995 à 2004 et à temps partiel jusqu’en 2007; propriétaire associée, directrice administrative de Carrefour Art, pendant 6 ans et administratrice dans de nombreux conseils d’administration, aucune expérience d’encadrement ne m’a été reconnue. ».
[4] La Commission comprend d’un autre motif soulevé par Mme Rioux qu’elle conteste les critères d’analyse concernant l’ampleur du budget géré et le nombre de personnes supervisées, dans l’application du paragraphe 4º de l’article 20 de la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires[2] (ci-après appelée la « Directive concernant les cadres »).
[5] Les parties déposent de la documentation et présentent des témoignages. La Commission expose ici les éléments pertinents à la décision.
[6] Mme Line Laberge, conseillère en gestion des ressources humaines à la Direction des ressources humaines au MICC, témoigne au sujet du traitement de l’offre de service (I-3) soumise par Mme Rioux. Mme Laberge travaille principalement dans le domaine de la dotation et de la gestion de la main-d’œuvre et est également responsable de l’évaluation des emplois, notamment celle des emplois de complexité supérieure. Elle travaille depuis plus de dix ans au MICC et a travaillé 15 mois comme conseillère en gestion des ressources humaines à la Sûreté du Québec. Elle a agi comme responsable du concours.
[7] En se référant à l’appel de candidatures (I-1), Mme Laberge rappelle les conditions d’admission du concours de promotion :
- être une employée régulière de la fonction publique;
- être titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle qui requiert 16 années d’études ou d’une attestation d’équivalence dûment certifiée par l’autorité compétente;
- posséder neuf années d’expérience de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement comprenant deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 tel que défini à l’article 20 de la Directive concernant les cadres.
[8] Mme Laberge identifie les conditions d’admission remplies par Mme Rioux et les conditions qui sont manquantes, mais pour lesquelles une clause compensatoire s’applique. Elle précise la condition manquante qui ne peut pas faire l’objet d’une compensation et qui, selon le MICC, rendent Mme Rioux non admissible.
[9] Pour le MICC, la seule condition à laquelle Mme Rioux ne satisfait pas est celle exigeant deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[10] Mme Laberge témoigne pour exposer en détail le cadre normatif applicable. Au sujet de la condition d’admission exigeant deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, Mme Laberge précise que celle-ci s’apprécie selon l’article 20 de la Directive concernant les cadres. Ainsi, en vertu du paragraphe 4º de cet article, les activités exercées à l’extérieur de la fonction publique doivent être évaluées en fonction des critères qui y sont énoncés soit l’emplacement hiérarchique de l’emploi, les compétences requises, l’ampleur du budget géré, l’autonomie et le pouvoir décisionnel, l’impact des résultats produits, le niveau et le nombre de personnes supervisées.
[11] Au sujet de la classification des emplois de cadres, Mme Laberge précise qu’elle se fait selon une méthode d’évaluation approuvée par le Conseil du trésor (art. 4 et 25, par. 3º, de la Directive concernant les cadres). La méthode utilisée actuellement est la méthode Hay.
[12] Elle ajoute que la Directive concernant les cadres prévoit que les fonctions d’encadrement s’exercent à partir des volontés gouvernementales (art. 5) et que c’est le sous-ministre qui est responsable de la dotation des emplois de cadres.
[13] Par la suite, Mme Laberge procède à un exercice d’appariement des tâches exercées à l’extérieur de la fonction publique et décrites par Mme Rioux dans son offre de service (I-3), à laquelle est annexé son curriculum vitae.
[14] Mme Laberge analyse tout d’abord chacune des tâches décrites dans l’offre de service de Mme Rioux et exercées au sein de l’entreprise Les Communicologues, de 1991 à 2007, en tant que consultante (1991-1995) et en tant qu’associée et directrice de recherche (1995-2007). Il appert que Mme Rioux a réalisé divers mandats dont des mandats de recherches qualitatives, d’analyse de contenu, d’études exploratoires en éducation et en communication. Il y appert également que le budget moyen de recherche était de 25 000 $ à 35 000 $ et que les équipes sur un projet pouvaient être de 2 à 3 personnes. Mme Laberge effectue un appariement de ces tâches avec les attributions principales et habituelles d’un professionnel, agent de recherche et de planification socio-économique (105), et d’un professionnel, agent d’information (104), prévues à la Directive concernant la classification de la catégorie du personnel professionnel[3] avec un volet chef d’équipe ou chargé de projet au sens des critères énoncés à la Directive concernant la détermination du niveau de complexité des emplois professionnels et la gestion des emplois de complexité supérieure[4].
[15] Mme Laberge procède au même exercice d’appariement avec les tâches décrites dans l’offre de service de Mme Rioux et exercées au sein de Carrefour Art&Art de 1986 à 1992. Il est indiqué dans le curriculum vitae de Mme Rioux qu’elle était coproductrice, agente d’artistes, productrice et diffuseuse d’œuvres d’art contemporain, qu’elle a aussi organisé 30 expositions et événements artistiques à Montréal et à l’étranger, qu’elle a fait la gestion et la promotion de 70 artistes et qu’elle a coordonné 15 employés au cours de ces six années.
[16] Pour Mme Laberge, après analyse, les tâches de Mme Rioux correspondent ici aux attributions principales et habituelles d’un professionnel, agent culturel (107), et d’un professionnel, agent d’information (104), prévues à la Directive concernant la classification de la catégorie du personnel professionnel avec un volet, au niveau complexité, de chef d’équipe ou de chargé de projet au sens des critères énoncés à la Directive concernant la détermination du niveau de complexité des emplois professionnels et la gestion des emplois de complexité supérieure.
[17]
Mme Laberge fait aussi un parallèle des tâches de Mme
Rioux avec les fonctions d’un agent de commercialisation que l’on retrouve
décrites à l’extrait du site Web de l’École du Show-Business (ESB) sous la
rubrique « LCA.3X Agent de commercialisation (incluant la gérance
d’artistes) »
(I-11). Il y est mentionné :
« Le diplômé en "Agent de commercialisation" participe au développement d’événements artistiques et culturels (comédiens, chanteurs, humoristes, musiciens, festivals, tournées artistiques, etc.). Il doit négocier les contrats pour les spectacles et les cachets qui seront versés aux artistes, planifier et organiser les moyens publicitaires, les événements promotionnels (lancements de disque), les tournées, les conférences de presse et autres relations avec les médias et autres interlocuteurs. Il doit également organiser l’agenda de travail des artistes, les conseiller sur toute question concernant le développement marketing et les projets futurs. ».
[18] Mme Laberge mentionne par la suite que l’expérience de Mme Rioux comme présidente (2001-2003) et membre du conseil d’administration (1998-2009) du McGill Women’s Alumnae Association a été considérée comme non pertinente car elle ne correspond pas aux attributions principales et habituelles d’un cadre.
[19] Quant à l’expérience de 2001-2002 à l’Université McGill, Faculty of Management « Cross Cultural Management », Cross-Cultural Internet Project (CCIP), concernant deux cours, Mme Laberge explique qu’il ne s’agit pas d’attributions principales et habituelles d’un cadre, mais plutôt d’attributions principales et habituelles de niveau professionnel du personnel enseignant prévues à la Directive concernant le personnel enseignant (675)[5].
[20] Enfin, Mme Laberge aborde l’expérience acquise par Mme Rioux comme cofondatrice et membre honoraire du réseau d’hébergement et de restauration La Barouche et mentionne que cette expérience a été évaluée comme non pertinente et ne correspondant pas aux attributions principales et habituelles d’un cadre.
[21] Mme Laberge souligne qu’aucune information additionnelle n’a été demandée à Mme Rioux lors de l’analyse de son dossier, l’expérience de celle-ci ayant été clairement exposée dans les documents soumis avec sa candidature.
[22] À la suite de l’analyse de l’ensemble du dossier de Mme Rioux, le MICC a donc conclu que la candidate ne pouvait être retenue puisqu’elle ne possédait pas les deux années d’expérience requise dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[23] À une question de Mme Rioux, Mme Laberge répond que c’est l’ensemble des critères du paragraphe 4º de l’article 20 de la Directive concernant les cadres qui sont évalués et que l’emplacement hiérarchique du propriétaire est évalué en fonction de l’ampleur de l’entreprise, de sa structure, de ses activités et qu’il n’y a pas de réponse unique pour l’évaluation de ce critère.
[24] À la suite d’une autre question, Mme Laberge explique de plus que le critère de la compétence requise a été évalué par rapport à l’envergure de la clientèle et des mandats exécutés; il ne ressortait aucune attribution de cadre dans le dossier de Mme Rioux. On voyait plutôt des attributions de niveau professionnel notamment d’agente de recherche.
[25] Mme Rioux témoigne par la suite avec beaucoup de précisions concernant l’expérience qu’elle a acquise dans ses activités à l’extérieur de la fonction publique et elle explique les différentes tâches qu’elle a accomplies.
[26] Sans reprendre en détail ces différentes tâches, la Commission retient du témoignage de Mme Rioux qu’au sein de la firme Les Communicologues, elle a dû présenter et défendre différents projets dont certains auraient eu des impacts importants. Mme Rioux souligne qu’elle était dans des activités proactives. Elle devait chercher une clientèle, chapeauter et mener à bien différents mandats, se faire payer, négocier les mandats, et tenir une « comptabilité gouvernementale ». Elle considère comme une responsabilité de gestionnaire ses activités exercées au sein de cette entreprise.
[27] Quant à son expérience à Carrefour Art&Art, Mme Rioux fait notamment un historique des expositions que l’entreprise a organisées et elle explique, qu’à titre de directrice administrative, elle voyait à l’embauche d’employés. Elle était responsable de la préparation d’un programme de développement de l’emploi pour Carrefour Art&Art et avait la responsabilité des ententes pour l’engagement des artistes, les lieux d’expositions, la recherche de commandites et la promotion des expositions.
[28] Dans ses activités paraprofessionnelles et communautaires, Mme Rioux explique qu’en tant que membre (1998-2009) ou présidente (2001-2003) du conseil d’administration du McGill Women’s Alumne Association, elle était responsable d’importantes décisions concernant, notamment, les dépenses et la gestion de nombreux fonds.
[29] Elle souligne de plus son rôle sur le conseil d’administration de Vélo Québec et fait état de réalisations importantes de cet organisme.
[30] Enfin, pour son expérience au Réseau d’hébergement et de restauration La Barouche inc., Mme Rioux fait ressortir ses qualités de visionnaire en tant que précurseure dans la création du premier regroupement d’établissements dans le domaine du tourisme au Québec. Elle mentionne aussi qu’elle a exercé des activités de gestionnaire en matière d’établissement de contacts, d’ententes à conclure, de promotion et de publicité.
[31] Mme Rioux revient aussi sur son expérience en enseignement universitaire et sur certaines de ses publications (I-3).
[32] En contre-interrogatoire, Mme Rioux confirme que l’entreprise Les Communicologues n’avait aucun employé régulier; des personnes étaient engagées selon les mandats et les projets. De plus, le Carrefour Art&Art n’avait aucun « salarié »; il employait des occasionnels dont le nombre fluctuait.
[33] Le MICC renvoie la Commission aux articles 35, 43 et 49 de la Loi sur la fonction publique (ci-après appelée la «Loi »). L’article 43 précise qu’il appartient au président du Conseil du trésor de fixer les conditions minimales d’admission à un emploi.
[34] Pour les emplois de cadres, les conditions minimales sont fixées dans la Directive concernant les cadres. Pour la classe 3, il est prévu, parmi les conditions minimales, celle de détenir deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, condition reproduite dans l’appel de candidatures du concours (I-1).
[35] Le MICC estime que l’offre de service de Mme Rioux ne permet pas de lui reconnaître ce type d’expérience.
[36] En vertu de l’article 47 de la Loi, le candidat doit remplir les conditions d’admission pour être admis au concours; a contrario, il ne peut être admis s’il ne satisfait pas à ces conditions.
[37] S’appuyant sur la Directive concernant les cadres et sur l’appel de candidatures (I-1), le MICC souligne la présence d’une clause de compensation par laquelle chaque année de scolarité manquante peut être compensée par deux années d’expérience jugée pertinente aux attributions de l’emploi. Toutefois, cette compensation ne peut s’opérer relativement aux deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à la classe 5.
[38] Le MICC rappelle le témoignage de Mme Laberge et souligne, notamment, en vertu de la Directive concernant les cadres (art. 5), que les cadres ont des fonctions d’encadrement qui s’exercent à partir de volontés gouvernementales, à divers niveaux et dans divers secteurs d’activités. Selon les niveaux hiérarchiques, les secteurs d’activités et à des degrés divers en rapport avec les résultats poursuivis, les moyens pour atteindre leurs objectifs font appel à des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles dont ils assurent la gestion, ainsi qu’à des domaines d’expertise et de connaissances.
[39] Le MICC dépose plusieurs décisions[6] de la Commission. Notamment, il fait référence à l’affaire Simard[7], dans laquelle la Commission rappelle que lorsqu’elle siège en matière d’appel prévu à l’article 35 de la Loi, elle doit examiner si le processus d’admission des candidats a souffert d’une illégalité ou d’une irrégularité.
[40] Le MICC s’appuie sur la décision Martel[8], rendue en révision, pour rappeler l’importance de respecter les paramètres qui sont fixés à l’article 20 de la Directive concernant les cadres.
[41] Toujours dans l’affaire Martel, les commissaires expriment le principe selon lequel le respect des conditions d’admission à un concours constitue une étape tout aussi déterminante, bien que préalable, à la procédure d’évaluation d’un concours.
[42] À l’aide de l’offre de service et des directives pertinentes, le MICC soutient que l’analyse de l’expérience de Mme Rioux démontre que celle-ci s’apparente, selon le cas, à des tâches principales et habituelles de niveau professionnel avec, dans certains cas, un volet de chargé de projet et de chef d’équipe, et non pas à des attributions principales et habituelles de cadre.
[43] Le MICC soutient qu’il appartient au candidat de mettre en évidence les fonctions exercées qu’il juge pertinentes au soutien de sa candidature et fait une mise en garde quant à certains nouveaux documents que Mme Rioux a déposés (A-1, onglets 1, 5, 6, 7 et 8). Il renvoie à la décision Lemieux[9] et à l’article 21 du Règlement sur la tenue de concours[10].
[44] Le MICC fait ensuite un parallèle avec les faits en cause dans la décision Hamel[11].
[45] En conclusion, selon le MICC, aucune preuve prépondérante n’a été apportée par Mme Rioux démontrant qu’elle a accumulé au moins deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Il ressort plutôt de la preuve que son expérience a été dûment évaluée.
[46] Le MICC cite également la décision Chouinard[12] dans laquelle la Commission exprime les obligations respectives des parties impliquées dans le cadre d’un concours.
[47] Le MICC rappelle que l’analyse de la candidature de Mme Rioux a été faite à partir de l’offre de service reçue à l’intérieur de la période d’inscription, que cette offre était rédigée de manière claire et sans ambiguïté et qu’elle permettait au MICC de faire une analyse exhaustive et rigoureuse. Le MICC n’avait aucune raison de pousser plus loin son évaluation puisqu’il n’entretenait aucun doute quant à la nature des expériences décrites.
[48] Le MICC soutient que la décision prise n’est pas déraisonnable, arbitraire, discriminatoire ou abusive et qu’aucune illégalité ou irrégularité n’a été commise.
[49] Mme Rioux apporte d’abord un éclairage sur la situation actuelle du marché du travail et même du travail au sein du MICC afin, dit-elle, d’aider à comprendre les difficultés d’évaluation de dossiers complexes comme le sien.
[50] Mme Rioux revient sur les décisions déposées par le MICC et soutient que ces décisions « nous parlent du passé » alors que le marché du travail au sein des entreprises et du MICC vit un changement dans le mode organisationnel où il y a de la gestion par mandats, par projets.
[51] À la lumière de ces arguments, Mme Rioux soutient que le MICC aurait dû chercher à obtenir de l’information supplémentaire pour permettre l’évaluation de son dossier.
[52] Mme Rioux soutient que l’évaluation de sa candidature n’a pas été faite sur la base de son profil de compétences. Elle revient sur les éléments d’analyse indiqués au paragraphe 4º de l’article 20 de la Directive concernant les cadres et émet des doutes quant au processus suivi, notamment quant à la reconnaissance de son expérience.
[53] Elle mentionne que son expérience a été « décortiquée à la tâche », sans vision d’ensemble, sans tenir compte de son expérience variée, construite au cours des ans, et sans tenir compte de la complexité et de l’envergure de ses tâches dans différentes entreprises.
[54] Elle croit qu’il aurait peut-être été nécessaire d’aller chercher des informations complémentaires pour l’analyse de sa candidature, compte tenu de la diversité et de la complexité de son dossier et des nouvelles pratiques de gestion.
[55] Mme Rioux n’apporte pas de commentaires particuliers sur son motif concernant les critères d’analyse relatifs à l’ampleur du budget géré et au nombre de personnes supervisées.
[56] En s’appuyant sur la décision Chouinard[13], Mme Rioux considère qu’un doute doit jouer en sa faveur, vu la complexité de son dossier.
[57] Selon l’article 35 de la Loi, un candidat peut interjeter appel devant la Commission s’il estime, notamment, que la procédure utilisée pour l’admission des candidats à un concours est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité.
[58] Dans les circonstances présentes, la Commission doit déterminer si la décision du MICC, de refuser d’accepter que les nombreuses tâches exercées par Mme Rioux à l’extérieur de la fonction publique constituent des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, a entaché d’une illégalité ou d’une irrégularité la procédure de son admission au concours.
[59] En l’espèce, le concours vise à pourvoir un emploi de directrice ou de directeur de la modernisation des services informatiques, un emploi de directrice ou de directeur de développement à la francisation et à pourvoir d’éventuels emplois réguliers de cadres, classe 3, dans toutes les régions administratives du Québec desservies par le MICC.
[60] La Directive concernant les cadres prévoit la hiérarchisation des emplois de cadres dans la fonction publique. Ces emplois comportent dix niveaux, le niveau un étant le plus élevé. La classe d’un emploi est déterminée par un système de pointage établi en application d’une méthode d’évaluation approuvée par le Conseil du trésor (art. 4). La méthode utilisée actuellement est la méthode Hay.
[61] La Directive concernant les cadres établit une gradation dans les conditions minimales d’admission, lesquelles deviennent plus exigeantes à mesure de la progression hiérarchique.
[62] C’est à partir de la classe 4 qu’un candidat doit nécessairement posséder de l’expérience d’encadrement, mais l’article 14 de la Directive concernant les cadres ne précise pas de niveau dans lequel ces activités d’encadrement doivent être exercées. L’article 19 de cette directive vient toutefois préciser les activités d’encadrement reconnues comme conditions minimales d’admission à la classe 4, en faisant référence aux activités de supervision ou de coordination de personnel à titre de superviseur immédiat, de chef d’équipe ou de chargé de projet.
[63] C’est seulement à partir de la classe 3 que se trouve l’exigence de posséder de l’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. De plus, il n’est pas possible de compenser cette condition par de la scolarité.
[64] Pour ce qui est de la classe 3, l’exigence de posséder deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 est indiquée à l’article 15 de la Directive concernant les cadres.
[65] L’article 20 de la Directive concernant les cadres vient définir les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 :
« 20. Les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 comprennent l’une ou l’autre des activités suivantes :
1º les activités exercées à titre de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;
2º les activités effectuées à titre de cadre juridique;
3º les activités effectuées à titre provisoire et à titre de remplacement temporaire dans un emploi de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;
ou
4º les activités exercées à l'extérieur de la fonction publique qui doivent être évaluées en se référant aux critères suivants :
L’emplacement hiérarchique de l’emploi, les compétences requises, l’ampleur du budget géré, l’autonomie et le pouvoir décisionnel, l’impact des résultats produits, le niveau et le nombre de personnes supervisées. ».
[Nous soulignons]
[66] Pour les activités exercées à l’extérieur de la fonction publique, l’exigence de posséder deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 s’apprécie donc en vertu des critères énumérés au paragraphe 4º de l’article 20 de la Directive concernant les cadres.
[67] Pour évaluer la candidature de Mme Rioux, le comité d’évaluation doit considérer ces critères et évaluer chacune des tâches effectuées par cette dernière en regard de ceux-ci.
[68] Le comité d’évaluation doit fonder son analyse sur l’ensemble des critères énoncés au paragraphe 4º de l’article 20 de la Directive concernant les cadres, dont le nombre de personnes supervisées et l’ampleur du budget géré.
[69] Le niveau hiérarchique ne peut, à lui seul, être un facteur supposant l’exercice d’attributions du niveau d’encadrement exigé. Comme la Commission l’a déjà énoncé dans la décision Hamel[14], le comité d’évaluation ne peut fonder son analyse sur les titres de fonctions occupées :
« La Commission retient qu’en matière d’évaluation, le comité ne peut fonder son examen sur les titres de fonctions occupées. Il doit lui être démontré que la nature de celles-ci répond aux caractéristiques et aux exigences propres à l’emploi convoité. ».
[Nous soulignons]
[70] Comme il ressort du témoignage de Mme Laberge, la Commission considère que les activités exercées par Mme Rioux s’apparentent plutôt à des activités de professionnels, avec parfois un niveau de complexité de chargé de projet ou de chef d’équipe.
[71] Les nombreuses réalisations professionnelles et paraprofessionnelles de Mme Rioux, de même que les défis relevés par celle-ci et la reconnaissance qu’elle a pu recevoir, ne sont pas ici remis en cause. Elles ne permettent toutefois pas de démontrer que Mme Rioux a exercé des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Le titre d’administratrice sur différents conseils d’administration ne démontre pas non plus l’exercice d’activités d’encadrement de ce niveau.
[72] Comme elle l’a maintes fois rappelé, la Commission n’est pas un organisme de révision. Elle ne peut se substituer au comité d’évaluation qui a refusé d’admettre un candidat à un concours en l’absence d’une preuve démontrant que sa décision est déraisonnable, arbitraire, abusive ou discriminatoire.
[73] La Commission est d’avis que l’offre de service soumise par Mme Rioux contenait tous les renseignements nécessaires et était rédigée de façon claire et non ambigüe. Elle permettait de faire une analyse exhaustive et rigoureuse. La nécessité d’obtenir des renseignements additionnels du candidat se présente uniquement si, après la vérification des documents qu’il a fournis, il y a un doute quant à son admissibilité, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Contrairement à ce que prétend Mme Rioux, la diversité de ses expériences professionnelles et la complexité alléguée de ses tâches ne font pas en sorte qu’il existait un doute quant à son admissibilité lors de l’analyse de son dossier. La Commission estime que le comité d’évaluation n’avait donc pas à communiquer avec Mme Rioux pour obtenir des informations sur des éléments de son offre de service.
[74] Il convient aussi de rappeler qu’il appartient à un candidat à un concours, durant la période d’inscription, de préciser et de mettre en évidence les fonctions qu’il a exercées et qui sont de nature à permettre au comité d’évaluation de les apprécier à leur juste valeur en fonction des conditions d’admission au concours.
[75] Par ailleurs, l’évolution du milieu de travail ne constitue pas un critère pertinent à l’analyse des activités d’encadrement.
[76] En l’espèce, s’appuyant sur la Directive concernant les cadres et après analyse de la preuve soumise et des témoignages fournis, la Commission considère que l’appariement effectué par le MICC à l’égard de chacune des tâches décrites dans l’offre de service de Mme Rioux n’est pas déraisonnable. Mme Rioux n’a pas démontré de manière prépondérante que la procédure d’admission au concours est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.
[77] En conclusion, la décision du MICC de refuser d’admettre Mme Rioux au concours parce qu’elle ne satisfait pas à la condition d’admission de posséder deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 est tout à fait conforme au cadre normatif. Elle n’est pas déraisonnable, discriminatoire, abusive ou arbitraire.
[78] POUR CES MOTIFS, la Commission rejette l’appel de Mme Christine Rioux.
Original signé par : |
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_________________________ Louise Caron, avocate Commissaire |
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Mme Christine Rioux |
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Appelante non représentée |
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Me Sandra Landry |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Montréal |
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Dates de l’audience : |
11 et 12 septembre 2013 |
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[1] Concours no 633D-7706018.
[2] C.T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications.
[3] C.T. 177276 du 28 mai 1991 et ses modifications.
[4] C.T. 204117 du 31 juillet 2006 et ses modifications.
[5] C.T. 206633 du 17 juin 2008.
[6] Asselin et al. c. Secrétariat du Conseil du trésor, [2007] 24 no 1 R.D.C.F.P. 87; Lemieux c. Ministère de la Sécurité publique, [2006] 23 no 3 R.D.C.F.P. 671; Chouinard c. Office des ressources humaines (Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu), [1986] 3 no 2 R.D.C.F.P. 211; Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation c. Martel, SOQUIJ AZ-50922397; Hamel c. Centre de services partagés du Québec, [2010] 27 no 2 R.D.C.F.P. 277; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., [2011] 28 no 2 R.D.C.F.P. 505 et 561.
[7] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport c. Simard et al., précitée, note 6.
[8] Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation c. Martel, précitée, note 6.
[9] Lemieux c. Ministère de la Sécurité publique, précitée, note 6.
[10] c. F-3.1.1, r. 6.
[11] Hamel c. Centre de services partagés du Québec, précitée, note 6.
[12] Chouinard c. Office des ressources humaines (Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu), précitée, note 6.
[13] Précitée, note 10.
[14] Hamel c. Centre de services partagés du Québec, précitée, note 6.
AVIS :
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