Décision

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Gabarit CFP

Doyon et Québec (Ministère des Ressources naturelles)

2013 QCCFP 20

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1301020

 

DATE :

25 octobre 2013

___________________________________________________________

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Louise Caron

___________________________________________________________

 

 

ROBERT DOYON

 

Appelant

 

Et

 

MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES

 

Intimé

 

___________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 35, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1)

___________________________________________________________

 

L'APPEL

[1]           M. Robert Doyon dépose un appel à la Commission à la suite de son échec au concours d’avancement de classe, technicienne ou technicien en foresterie et en gestion du territoire, classe principale[1], tenu pour pourvoir des emplois réguliers au ministère des Ressources naturelles et de la Faune, aujourd’hui le ministère des Ressources naturelles, (ci-après le « MRN »), dans toutes les régions administratives du Québec afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre actuels et futurs de cette classe d’emploi.

[2]           La candidature de M. Doyon n’a pas été retenue au motif que son résultat aux examens est inférieur au minimum requis.

[3]           À la suite de la tenue d’une séance d’échanges et d’information (SEI), M. Doyon a précisé ses deux motifs d’appel.

[4]           M. Doyon prétend que le seuil de passage de la procédure d’évaluation aurait dû être plus bas que celui qui a été fixé par le comité d’évaluation en regard du nombre d’emplois à pourvoir, un des quatre critères dont doit tenir compte le comité d’évaluation pour déterminer ce seuil en vertu de l’article 28 du Règlement sur la tenue de concours[2] (ci-après appelé le « Règlement »).

[5]           M. Doyon conteste aussi la méthode d’évaluation de l’examen sur les habiletés professionnelles. Il allègue que la conversion des résultats de cet examen sur un total de 100 faisait en sorte que toutes les questions de cet examen n’avaient pas une valeur égale, contrairement à ce qui était indiqué sur les consignes de l’examen.

LES FAITS

[6]           Mme Mylène D’Amours, conseillère en gestion des ressources humaines au MRN, a agi comme responsable du concours et témoigne au sujet de sa tenue.

[7]           Mme D’Amours mentionne que deux moyens d’évaluation ont été administrés dans le cadre de ce concours, un examen d’analyse et un examen d’habiletés professionnelles.

[8]           Mme D’Amours apporte par la suite des précisions sur la provenance des examens retenus et sur leur valeur respective. Les examens proviennent de la banque d’examens détenus par le Centre de services partagés du Québec (ci-après appelé le « CSPQ »). La valeur de chacune des questions est déterminée à l’avance par le CSPQ. L’examen d’analyse était corrigé sur un total de 100 et l’examen sur les habiletés professionnelles, qui contient 28 questions, était corrigé sur un total de 28.

[9]           Mme D’Amours précise que le comité d’évaluation a pour sa part décidé de donner une valeur de 100 à chacun des examens et a ainsi fixé à 200 le nombre total de points de la procédure d’évaluation. Le comité a déterminé à 126 sur 200 le seuil global de passage de ces deux moyens d’évaluation.

[10]        En regard de l’examen sur les habiletés professionnelles, Mme D’Amours ajoute que le résultat obtenu par les candidats sur un total de 28 était par la suite converti sur un total de 100 avant d’être transmis au comité d’évaluation.

[11]        Mme D’Amours mentionne que M. Doyon a obtenu une note globale de 125 sur 200, soit 54 % pour l’examen d’analyse et 71 % pour l’examen sur les habiletés professionnelles.

Le seuil de passage

[12]        Mme D’Amours mentionne que le comité d’évaluation a tenu compte des quatre critères prévus à l’article 28 du Règlement pour fixer le seuil de passage à 126 sur 200.

[13]        Pour le premier critère relatif à la recommandation concernant le seuil de passage soumis avant l’utilisation du moyen d’évaluation, elle précise qu’il a été établi à 126 sur 200 par les spécialistes du CSPQ, soit 65 % pour l’examen d’analyse et 61 % pour l’examen d’habiletés professionnelles.

[14]        Pour le second critère portant sur l’analyse des résultats de l’ensemble des personnes aux moyens d’évaluation, Mme D’Amours mentionne que la moyenne du groupe se situe à 131.41 sur 200 (65,7 %), le résultat le plus faible étant de 54 sur 200 (27 %) et le plus élevé se situant à 179 sur 200 (89,5 %) pour les 139 personnes qui se sont présentées à la séance d’examens.

[15]        Le troisième critère est celui de la valeur du moyen d’évaluation par rapport à la valeur de la procédure d’évaluation qui est de 100 %.

[16]        Quant au quatrième critère qui porte sur le nombre d’emplois à pourvoir, Mme D’Amours précise qu’au moment de la tenue du concours, il y avait cinq emplois vacants et que le MRN évaluait à une dizaine le nombre de postes à pourvoir dans les mois suivant le concours, compte tenu notamment du roulement du personnel et des retraites. Elle ajoute que deux demandes officielles avaient été présentées par des gestionnaires pour pourvoir des postes.

[17]        En prenant en compte ces quatre critères et à partir des résultats du groupe, le comité d’évaluation a fixé le seuil de passage à 126 sur 200. Ce seuil, qui est identique au seuil recommandé, permettait à 86 personnes sur 139 de réussir la procédure d’évaluation. Ce bassin de candidatures est apparu suffisant pour répondre aux besoins à court et à moyen terme du MRN.

[18]        Mme D’Amours ajoute que la liste de déclaration d’aptitudes a été approuvée le 28 juin 2012.

[19]        M. Doyon prétend que le seuil de passage aurait dû être inférieur à celui déterminé par le comité d’évaluation puisque, plus d’un an après la tenue du concours, six offres d’emploi ont paru dans l’Info-carrière, pour des emplois de technicien en foresterie et en gestion de territoire, classe principale, au MRN, alors que Mme D’Amours prétendait que cinq emplois devraient être comblés. Il dépose à l’appui de ses prétentions les offres d’emploi parues entre octobre 2012 et septembre 2013.

La méthode d’évaluation de l’examen d’habiletés professionnelles

[20]        Mme D’Amours explique que l’examen d’habiletés professionnelles a été corrigé sur 28, chaque question valant un point, puis a été converti sur 100 par une « règle de trois », soit le nombre de bonnes réponses obtenues divisé par 28 et multiplié par 100. M. Doyon ayant réussi 20 questions, il a donc obtenu une note de 71,42857 %. Par la suite, ce résultat a été arrondi à 71 %. En effet, Mme D’Amours précise que les décimales sont toujours arrondies à l’unité supérieure si l’on obtient une décimale de 0,5 et plus, et à l’unité inférieure si l’on obtient une décimale de moins de 0,5.

[21]        Mme D’Amours soumet que chaque question était toujours de valeur égale, soit 3,57142857 (100 divisé par 28).

[22]        M. Doyon dépose pour sa part un tableau qu’il a confectionné pour démontrer que chaque question n’avait pas la même valeur dans le résultat final converti sur 100. Par exemple, en vertu des données apparaissant à ce tableau, pour un résultat de 71 %, chaque question a une valeur de 3,55 et pour un résultat de 68 % chaque question a une valeur de 3,58.

L’ARGUMENTATION

du MRN

[23]        Le MRN rappelle tout d’abord les articles 35 et 49 de la Loi sur la fonction publique (ci-après appelée la « Loi »). L’article 35 de la Loi permet à un candidat d’interjeter appel devant la Commission s’il estime que la procédure d’évaluation des candidats utilisée lors d’un concours de promotion est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. L’article 49 de la Loi établit que la procédure d’évaluation doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats.

[24]        Au sujet du seuil de passage, le MRN en s’appuyant sur le témoignage de Mme D’Amours, soutient que les quatre critères indiqués à l’article 28 du Règlement ont été considérés par le comité d’évaluation afin de déterminer le seuil de passage.

[25]        Le MRN soutient que les offres d’emploi déposées par M. Doyon, pour la période d’octobre 2012 à septembre 2013, n’apportent aucune information contradictoire avec l’estimation faite voulant que cinq emplois étaient vacants et qu’une dizaine seraient vacants à court ou à moyen terme. Le MRN ajoute que la liste de déclaration d’aptitudes, approuvée le 28 juin 2012 et valide pour un an, avait été prolongée pour une période d’une autre année, soit au-delà de la période où furent publiées ces offres d’emploi.

[26]        Le MRN soutient que la preuve ne démontre pas de motif justifiant la Commission d’intervenir à l’égard du scénario retenu. Les membres du comité d’évaluation ont une certaine latitude dans l’application de ces critères. Leur décision n’est pas déraisonnable dans les circonstances présentes, en considérant le nombre de postes à pourvoir actuel et futur et le nombre de candidats ayant réussi la procédure d’évaluation. Le MRN réfère à cet égard à certaines décisions de la Commission[3].

[27]        Au sujet de la valeur des questions dans l’examen d’habiletés professionnelles, le MRN précise que peu importe la manière de calculer, chaque réponse a une valeur égale de 3,57142857. Que l’on divise le nombre de bonnes réponses obtenues par M. Doyon par 28 pour ensuite le multiplier par 100 [(20/28) x 100)] ou que l’on divise 100 par 28 pour ensuite le multiplier par le nombre de bonnes réponses [(100/28) x 20)], on arrive toujours au même résultat, soit 71,42857 %. Puis, en divisant 71,4 % par 20 ou en divisant 100 par 28, on obtient 3,57.

[28]        En réponse au tableau déposé par M. Doyon, le MRN soutient que les écarts inégaux entre les résultats quant à la valeur des questions s’expliquent par le fait que les calculs de M. Doyon sont faits à partir de résultats rapportés sur 100 et arrondis. On perd ainsi de la précision dans les résultats. Par exemple, en divisant 71 % et non 71,4 % (résultat obtenu pour 20 bonnes réponses) par 20, on obtient 3,55 et en divisant 68 et non 67,86 % (résultat obtenu pour 19 bonnes réponses) par 19, on obtient 3,5789. Toutefois, si on divise 71,4 % par 20 ou 67,86 % par 19, on obtient toujours la même valeur pour chaque question, soit 3,57.

[29]        Le MRN prétend que la preuve ne démontre aucune illégalité ou irrégularité dans la méthode d’évaluation de l’examen d’habiletés professionnelles. Il réfère à cet égard à deux décisions de la Commission[4].

de M. Doyon

[30]        Au sujet du seuil de passage, M. Doyon prétend que l’application du critère du nombre d’emplois à pourvoir, dont doit tenir compte le comité d’évaluation pour fixer le seuil de passage en vertu de l’article 28 du Règlement, est très aléatoire.

[31]        Il est d’avis que le comité d’évaluation a toute la latitude dans l’application des critères fixés à ce règlement et qu’une méthode précise et claire devrait être prévue, par exemple, à l’aide d’une formule mathématique ou de balises.

[32]        Quant à la méthode d’évaluation de l’examen d’habiletés professionnelles, M. Doyon revient sur son tableau et sa méthode de calcul et allègue qu’il est faux de prétendre que chaque question de l’examen avait une valeur égale.

ANALYSE ET MOTIFS

[33]        M. Doyon soulève deux motifs d’appel qui auraient entaché d’une illégalité ou d’une irrégularité la procédure d’évaluation du concours. M. Doyon doit démontrer selon la prépondérance de la preuve le bien-fondé de ses motifs.

[34]        Au sujet du seuil de passage, M. Doyon remet en question l’évaluation du critère relatif au nombre d’emplois à pourvoir, l’un des quatre critères fixés à l’article 28 du Règlement dont doit tenir compte le comité d’évaluation pour déterminer le seuil de passage. À l’appui de ses prétentions, il dépose uniquement six offres d’emploi parues dans l’Info-carrière entre octobre 2012 et septembre 2013 pour des emplois de technicien en foresterie et en gestion du territoire, classe principale, au MRN.

[35]        De son côté, le MRN a démontré par le témoignage de Mme D’Amours que l’ensemble des critères fixés à l’article 28 du Règlement a été pris en considération par le comité d’évaluation pour déterminer le seuil de passage.

[36]        La Commission considère que la fixation du seuil de passage à 126 sur 200 n’est pas excessive en considérant le nombre de candidats ayant réussi l’examen (86 sur 139) et le nombre d’emplois à pourvoir à court et à moyen terme. Ce seuil de passage n’apparaît pas déraisonnable. La preuve démontre que le comité d’évaluation a déterminé ce seuil de passage en prenant en compte les faits pertinents au regard du concours qu’il a administré. Les offres d’emploi déposées par M. Doyon ne viennent pas contredire l’estimation faite par le MRN pour le nombre d’emplois à pourvoir.

[37]        Au sujet de la méthode d’évaluation de l’examen d’habiletés professionnelles, de l’avis de la Commission, le MRN a démontré que chaque question de cet examen avait une valeur égale de 3,57142857. M. Doyon n’a pas convaincu la Commission du contraire. La Commission considère que la preuve a démontré que les calculs de M. Doyon perdent de la précision du fait qu’il établit la valeur de chacune des questions à partir des résultats convertis sur 100 et arrondis.

[38]        Au surplus, la Commission constate que les résultats des candidats pour cet examen ont tous été convertis de façon impartiale, à partir d’une « règle de trois ».

[39]        Comme elle l’a déjà mentionné, la Commission rappelle qu’elle ne doit pas se substituer au comité d’évaluation, car elle ne siège pas en révision de sa décision. Elle n’intervient qu’en présence d’une décision prise de façon arbitraire, déraisonnable ou de mauvaise foi[5].

[40]        Bien qu’elle comprenne la frustration que peut ressentir M. Doyon qui échoue par un seul point, la Commission ne décèle aucune irrégularité ou illégalité dans le processus d’évaluation.

[41]        En conclusion, la Commission est d’avis que M. Doyon n’a pas apporté de preuve prépondérante que la décision du comité d’évaluation de fixer le seuil de passage à 126 sur 200 et que la méthode d’évaluation de l’examen d’habiletés professionnelles sont déraisonnables, arbitraires, abusives ou prises de mauvaise foi.

[42]        POUR CES MOTIFS, la Commission rejette l’appel de M. Robert Doyon.

                                                                                Original signé par :

           

 

_________________________

Louise Caron, avocate

Commissaire

 

 

M. Robert Doyon

Appelant non représenté

 

Me Claire Lapointe

Procureure pour l’intimé

 

 

Lieu de l’audience :

Québec

 

 

Date de l’audience :

25 septembre 2013

 

 

 

 

 



[1]     Concours d’avancement de classe no 269A-6003010.

[2]     c. F-3.1.1, r. 6.

[3]     Gélinas et al. c. Ministère du Revenu, [2003] 20 no 3 R.D.C.F.P. 551; Bourgon et al. c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2002] 19 no 1 R.D.C.F.P. 197; Alie c. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, [2006] 23 no 1 R.D.C.F.P. 105; Gagnon c. Ministère des Transports, [2007] 24 no 1 R.D.C.F.P. 163; Gallisch et al. c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2010] 27 no 2 R.D.C.F.P. 263; Hélie et al. c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2010] 27 no 2 R.D.C.F.P. 339; Massicotte et al. c. Secrétariat du Conseil du trésor, [2006] 23 no 1 R.D.C.F.P. 13; Schwende c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, SOQUIJ AZ-50976213.

[4]     Gélinas et al. c. Ministère du Revenu; Massicotte et al. c. Secrétariat du Conseil du trésor, précitées, note 5.

[5]     Lefebvre c. Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, [2011] 28 no 2 R.D.C.F.P. 259; Schwende c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, précitée, note 5.

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