[1] L'appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 20 avril 2010 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l'honorable Louis Crête), qui a rejeté sa requête en révision judiciaire d'une décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP) qui a déterminé qu'elle ne pouvait tirer bénéfice, en l'espèce, d'un retrait préventif pour recevoir des indemnités de remplacement de revenus.
[2] Pour les motifs du juge Wagner, auxquels souscrit le juge Giroux;
LA COUR :
[3] REJETTE l'appel, avec dépens.
[4] Dissident pour les motifs ci-joints, le juge Dalphond aurait accueilli l'appel, infirmé le jugement de la Cour supérieure et accueilli la requête en révision judiciaire.
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MOTIFS DU JUGE DALPHOND (DISSIDENT) |
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[5] Les lois québécoises édictent diverses mesures pour faciliter la décision d’avoir un enfant, notamment le droit aux travailleuses enceintes à des conditions de travail appropriées et l'accès au Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) qui prévoit le versement de prestations à l'un ou l'autre des parents, ou au deux, calculées en fonction des revenus gagnés précédemment à l'accouchement.
[6] Les art. 40 et 41 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., ch. S-2.1 (LSST), accordent le droit à une travailleuse enceinte d’exiger une modification de ses tâches pour éviter tout risque à sa santé ou celle de l’enfant à naître et, à défaut, le droit de cesser de travailler tout en recevant une prestation de la CSST.
[7] Quant au RQAP, il est institué par la Loi sur l'assurance parentale, L.R.Q., ch. A-29.011, art. 1. Cette loi prévoit le paiement de prestations équivalentes à 75 %, 70 % ou 55 %, selon le cas, du revenu hebdomadaire durant les 52 semaines précédant la période de prestations.
[8] Selon la logique interprétative de la décision attaquée de la CLP, les milliers[1] d'enseignantes suppléantes occasionnelles québécoises se voient privées du plein accès à ces mesures. À mon avis, un tel résultat est si manifestement contraire à l’intention du législateur qu’il démontre le caractère déraisonnable de la décision de la CLP. Avec égards pour la position contraire, je crois fermement que la Cour supérieure aurait dû intervenir, d’où cette dissidence.
[9] L'appelante possède toutes les qualifications voulues pour enseigner au préscolaire et au primaire depuis décembre 2005. La commission scolaire intimée l'a reconnu en mettant son nom dans la banque des personnes disponibles pour faire du remplacement, sur appel, au gré des besoins. Elle est, au sens de la convention collective applicable, une « enseignante suppléante occasionnelle », inscrite sur une liste maintenue par la commission scolaire et utilisée par elle pour faire des appels en cas de besoin. Si la convention collective exige la tenue de cette liste, oblige l’employeur à l’utiliser et prévoit le salaire et autres avantages payables aux enseignantes appelées, elle ne précise pas un ordre à suivre. Le choix des enseignantes appelées relève donc du pouvoir de gérance de l’employeur.
[10] Durant l'année scolaire 2005-2006, la commission scolaire a fait appel aux services de l'appelante pour un total d’environ 90 jours. Durant l'année scolaire suivante, 2006-2007, cette dernière a effectué des journées de suppléance les 14, 20 et 21 septembre 2006.
[11] Le 24 septembre 2006, l'appelante apprend qu'elle est enceinte. Elle contacte alors le centre d’appel pour signaler son nouvel état et se déclarer non disponible le temps de vérifier si elle est immunisée contre certaines maladies contagieuses. Elle entreprend ensuite des démarches pour l'obtention des conseils appropriés de son médecin. Le 23 octobre, celui-ci lui délivre un « certificat visant le retrait préventif de la travailleuse enceinte »[2] en raison, notamment, du danger de contracter le Parvovirus B-19[3].
[12] Copie de ce certificat est remise à la CSST qui informe l'appelante, le 3 novembre 2006, qu'elle est admissible au programme « Pour une maternité sans danger ». La lettre de la CSST est ainsi rédigée :
Madame,
Nous avons bien reçu votre « Certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite ». Nous vous informons que vous êtes admissible au programme « Pour une maternité sans danger ».
Cependant, étant donné que vous êtes une travailleuse contractuelle, et dans l’alternative où votre employeur est dans l’impossibilité de respecter les dangers émis dans le rapport de CLSC, votre retrait préventif débutera le jour où vous serez appelée au travail par votre employeur pour effectuer un contrat. Votre employeur devra nous communiquer cette date en temps et lieu.
Vous trouverez ci-joint des renseignements sur les indemnités.
Si votre situation change, vous devrez remplir le formulaire ci-joint et nous le retourner. Il est important que vous en preniez connaissance dès maintenant pour savoir dans quels cas il faut l’utiliser.
Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires au sujet de cette décision ou pour toute autre question. Vous ou votre employeur pouvez demander la révision de la décision dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre.
Vous devez conserver cette lettre pour présenter votre demande de prestations du RQAP.
Nous vous prions d’accepter, Madame, nos salutations distinguées.
[signature non reproduite]
c.c. Commission scolaire Des Patriotes
p.j. Formulaire et encart
[je souligne]
[13] En vertu de ce programme, une travailleuse disponible pour le travail, qui demande de cesser de remplir sa tâche usuelle pour éviter tout risque à l'enfant à naître, a droit, si son employeur ne peut lui offrir un poste compatible avec sa condition, à une prestation équivalente à 90 % de son salaire, payée par la CSST à même un fonds auquel tous les employeurs québécois contribuent, sauf les cinq premiers jours qui sont à la charge de l'employeur (art. 45 LSST). Cette prestation est calculée en fonction des revenus gagnés par la travailleuse pendant l'année précédant la grossesse avec un ou plusieurs employeurs. En l'espèce, l'appelante n'a travaillé que pour l'intimée pendant l’année précédente, et ce, pour un total de 90 jours.
[14] Le 16 novembre 2006, elle obtient un deuxième certificat en relation avec le risque de contracter la rubéole.
[15] La commission scolaire est tenue informée de ces développements par l'appelante qui lui a communiqué une copie des certificats. Malgré cela, son centre d'appel lui offre des suppléances, notamment les 13, 14, 16 et 17 novembre 2006. À chaque occasion, l’appelante accepte, puis fait valoir son droit au retrait préventif, comme le souligne la décision de la CLP :
[15] [...] qui lui offre une suppléance pour la journée. Madame Dionne accepte l’offre [...] Dix offres de suppléance ont été faites à madame Dionne entre le 13 et le 30 novembre 2006. À chaque fois, madame Dionne s’est dite disponible [...].
[38] [...] Ainsi, les dix fois, en novembre 2006, où madame Dionne accepte une offre de suppléance [...].
[16] Le 27 novembre 2006, la CSST détermine que le droit aux indemnités débute le 13 novembre 2006, premier jour où une suppléance lui a été offerte, et se termine le 28 avril 2007, date prévue de l'accouchement.
[17] En désaccord avec les décisions de la CSST, la commission scolaire les conteste, d'abord à l'interne (révision administrative), puis devant la CLP (contestation). Selon elle, au jour de la remise du certificat de retrait, le 23 octobre 2006, l'appelante n'était pas une de ses employées, ni ne l'est devenue par la suite. Elle fait valoir que le contrat de travail d’une enseignante suppléante occasionnelle ne dure que le temps du remplacement. En d'autres mots, chaque fois qu'une telle enseignante est appelée à effectuer un remplacement, un nouveau contrat naît; entre-temps, l'appelante ne peut être considérée comme une travailleuse à son emploi aux fins de la LSST. Or, le 23 octobre, elle n'était pas sous contrat avec la commission ni ne l'a été par la suite, puisqu'elle a refusé les offres subséquentes de remplacement, faisant valoir sa situation personnelle pour décliner d'exécuter les tâches offertes. N'étant pas sous contrat le 23 octobre ou par la suite, l'appelante ne peut réclamer de prestations puisque celles-ci découlent du statut de travailleuse.
[18] Les dispositions pertinentes de la LSST sont ainsi rédigées :
1. Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« travailleur » : une personne qui exécute, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, même sans rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement, à l’exception :
1o d’une personne qui est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs;
2o d’un administrateur ou dirigeant d’une personne morale, sauf si la personne agit à ce titre à l’égard de son employeur après avoir été désignée par les travailleurs ou une association accréditée.
40. Une travailleuse enceinte qui fournit à l’employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l’enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d’être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir.
La forme et la teneur de ce certificat sont déterminées par règlement et l’article 33 s’applique à sa délivrance.
41. Si l’affectation demandée n’est pas effectuée immédiatement, la travailleuse peut cesser de travailler jusqu’à ce que l’affectation soit faite ou jusqu’à la date de son accouchement.
On entend par « accouchement », la fin d'une grossesse par la mise au monde d'un enfant viable ou non, naturellement ou par provocation médicale légale.
[19] Il en ressort que l’art. 40 accorde à une travailleuse enceinte, le droit d’être affectée à des tâches sans risque pour elle et l’enfant à naître si elle a fourni à son employeur le certificat prescrit. Quant à l’art. 41, il énonce une obligation pour l’employeur d’affecter immédiatement à des tâches sécuritaires; à défaut, la travailleuse peut cesser de travailler et recevoir des prestations compensatoires pour le salaire non gagné.
[20] Dans une décision écrite justifiée, transparente et intelligible, la commissaire Hélène Marchand résume d'abord ses conclusions factuelles quant à la séquence des événements en novembre 2006 :
[15] Dès le 13 novembre 2006, puisque c’est cette journée-là que madame Dionne apprend qu’elle n’est pas immunisée contre la rubéole, elle communique avec le centre d’appels qui lui offre une suppléance pour la journée. Madame Dionne accepte l’offre mais déclare qu’elle ne peut effectuer cette suppléance parce qu’elle est en retrait préventif. Dix offres de suppléance ont été faites à madame Dionne entre le 13 et le 30 novembre 2006. À chaque fois, madame Dionne s’est dite disponible mais incapable d’effectuer la suppléance offerte en raison de son retrait préventif. [je souligne]
[21] Puis, elle s'attaque à la question au cœur du litige, à savoir si l'appelante était une travailleuse au sens de la LSST au moment où elle a invoqué son retrait préventif, ce qui l'amène à traiter de la qualification des rapports entre une commission scolaire et une enseignante suppléante occasionnelle :
[36] Il a été établi que lorsqu’une personne inscrite sur la liste d’appel effectue une suppléance, il y a formation d’un contrat de travail, même verbal. Cependant, entre chacun de ces contrats, et ce, conformément à la sentence arbitrale et au jugement de la Cour d’appel cités plus haut[4], il n’y a plus de lien d’emploi.
[37] Partant, pour qu’il y ait formation d’un nouveau contrat, il faut que la personne soit en mesure de s’obliger à effectuer un travail sous la subordination d’un employeur et qu’elle soit rémunérée en conséquence, selon les termes de l’article 2085 C.c.Q.
[38] Le tribunal ne peut donc partager l’opinion de la procureure de madame Dionne quand elle allègue qu’une seule offre de suppléance acceptée par madame Dionne entraîne la formation d’un contrat. En effet, il manque une cause essentielle à ce contrat, soit une prestation de travail. Ainsi, les dix fois, en novembre 2006, où madame Dionne accepte une offre de suppléance, il n’y a pas formation de contrat puisque aucune prestation de travail n’est offerte ou ne peut être offerte par elle. D’ailleurs, la procureure de madame Dionne reconnaît implicitement cette situation de fait lorsqu’elle allègue que par son comportement, la Commission scolaire prive madame Dionne de « l’obtention d’un contrat de travail », ce qui a pour conséquence, selon elle, de la priver d’un droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte.
[39] Le tribunal est d’avis que reconnaître que la Commission scolaire « prive madame Dionne de l’obtention d’un contrat de travail », alors que cette dernière n’est pas en mesure d’offrir une prestation, implique nécessairement qu’entre deux suppléances, il n’a plus de lien d’emploi.
[...]
[47] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que madame Dionne est une travailleuse au sens de la LSST. C’est pourquoi elle ne peut bénéficier du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte prévu aux articles 40 et suivants de la LSST. [je souligne]
[22] Sur l’argument subsidiaire que l’appelante serait ainsi victime de discrimination en raison de sa grossesse, ce qui est prohibé par les art. 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (Charte), la commissaire est d’avis « que la Commission scolaire ne saurait être accusée de discrimination en regard d’une personne qui n’est pas son employée en dehors des contrats à durée déterminée qu’elle est susceptible d’exécuter ».
[23] Après avoir traité des principes applicables à la révision judiciaire des décisions de la CLP pour établir la norme de contrôle, le juge retient que l’interprétation de l’art. 1 de la LSST et son application aux faits sont soumises à la norme de la décision raisonnable. Il conclut ensuite que la décision de la CLP est raisonnable, s’exprimant ainsi :
[51] Dans son argumentation, l'avocat de Mme Dionne plaide que la commissaire Marchand a commis une erreur révisable en refusant de considérer qu'il y a eu contrat de travail dès le moment où Mme Dionne a accepté les offres de suppléance qui lui ont été faites par la commission scolaire entre le 13 novembre et le 1er décembre 2006. En effet, pour qu'il y ait conclusion d'un contrat de travail, dit Me Lavoie, aucune autre formalité n'est exigée que l'échange de consentements de personnes capables de contracter. Dans ses notes de plaidoirie, l'avocat cite - en le tronquant malheureusement - un passage tiré d'un article publié en 1993 par la professeure Marie-France Bich, maintenant juge à la Cour d'appel. Or, la professeure Bich écrivait:
"Il faut donc, comme le prescrivent et l'article 1670 C.c.B.-C. et l'article 1377 C.c.Q., appliquer en la matière les règles ordinaires du droit des obligations (capacité des co-contractants, consentement, objet, cause, etc.)."
[52] Selon ce que la preuve a révélé devant la CLP, on sait qu'après avoir reçu son certificat de retrait préventif de la CSST, Mme Dionne a offert ses services comme suppléante à la commission scolaire, qui les a acceptés. Une fois la "poignée de main téléphonique" échangée, la commission scolaire se fait alors dire par Mme Dionne qu'elle ne peut pas exécuter sa prestation de travail (celle qu'elle vient d'offrir l'instant d'avant), car elle est enceinte et a un certificat de retrait préventif[5].. On mesure bien ici l'importance de l'objet d'une obligation qui est la prestation de travail elle-même. Comment quelqu'un peut-il, de bonne foi, offrir ses services à un éventuel employeur en sachant à l'avance qu'il ne pourra aucunement exécuter le travail qu'il offre pourtant d'accomplir et puis exiger, dans l'instant de raison qui suit, d'être rémunéré[6] pour ce travail qu'il n'effectuera pas, mais pour lequel il s'est offert sans pouvoir le faire? C'est pourtant ce que Mme Dionne a fait.
[53] En interprétant comme elle l'a fait le concept de contrat de travail, concept nécessaire à la définition de "travailleuse" au sens de la loi et qui est indissociable de l'objet et de la cause d'un contrat, dont le Code civil du Québec dit à son article 1385 qu'ils sont de son essence, la commissaire Marchand n'a certainement pas commis d'erreur déraisonnable, bien au contraire. [je souligne]
[24] Quant à l’argument de discrimination, il le rejette d’avis que la Charte ne confère pas à toute femme enceinte le statut de travailleuse au sens de la LSST. Il faut l’existence d’un contrat de travail, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il ajoute : « De plus, nulle part n’a-t-on sérieusement prétendu que la commission scolaire aurait refusé d’embaucher Mme Dionne du fait qu’elle était enceinte et en retrait préventif ».
I. La norme de contrôle
[25] La CLP était appelée à interpréter la notion de « travailleur » au sens de l'art. 1 de la LSST. Elle était alors clairement au cœur de la mission que lui a confiée le législateur. Ce genre de décision ne peut être infirmée que si déraisonnable comme le démontre de façon convaincante l'analyse sur la norme de contrôle du juge de la Cour supérieure et notre arrêt dans Agropur, Coopérative (division Natrel) c. Rancourt, J.E. 2010-869 , 2010 QCCA 749 , où la CLP devait interpréter le concept de travailleur aux fins d'application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., ch. A-3.001 (LATMP). Le simple fait que l'exercice requière d'appliquer au besoin des concepts de droit civil n'y change rien (voir notamment : Fraternité des policières et policiers de Gatineau inc. c. Gatineau (Ville de), [2010] R.J.Q. 1845 , 2010 QCCA 1503 ).
[26] La validité de ces principes est confirmée par la Cour suprême dans les arrêts récents Smith c. Alliance Pipeline Ltd., [2011] 1 R.C.S. 160 , 2011 CSC 7 et Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [2011] 3 R.C.S. 471 , 2011 CSC 53 . Dans ce dernier, on peut lire :
[16] [...] la déférence est généralement de mise lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie. La déférence peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé (Dunsmuir, par. 54; Khosa, par. 25).
[27] C'est indéniablement le cas lorsque la CLP est appelée à déterminer si une personne est un « travailleur » au sens de la LSST, une loi étroitement liée à son mandat, ou ce que signifie le droit de retrait préventif.
[28] En l'espèce, puisque la décision de la CLP est justifiée, transparente et intelligible, tel qu’indiqué précédemment, cela signifie que la Cour supérieure, saisie de la demande de contrôle judiciaire, ne pouvait intervenir que sur démonstration de la non-appartenance de la décision de la CLP aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9 , par. 47).
[29] Pour les motifs qui suivent, je suis fermement d'avis, avec égards pour la position contraire de mes collègues, que nous sommes en présence d'une telle situation et que la Cour supérieure se devait d'intervenir, comme l'a fait la Cour suprême dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), précité, après un examen attentif du texte des dispositions de la loi en cause, de leur contexte et de leur objet afin d'établir que l'interprétation de sa loi constitutive retenue par le décideur spécialisé ne faisait pas partie de la gamme d'interprétations raisonnables possibles et, par voie de conséquence, était déraisonnable.
II. Une décision déraisonnable
[30] En l'espèce, ce qui est en jeu est le droit au retrait préventif d'une femme enceinte qui était partie d'une unité d'accréditation et régie par une convention collective prévoyant, notamment, les conditions pour une syndiquée pour être mise sur la liste de rappel, une obligation pour l'employeur de dresser une liste de rappel et de ne faire appel qu'à des personnes sur cette liste, le salaire payable et autres avantages lors de l'exécution de tâches, etc.
[31] Manifestement, Mme Dionne était en tout temps pertinent une « salariée » au sens du Code du travail, L.R.Q., ch. C-27, puisqu'elle était incluse dans l'unité accréditée et bénéficiait de conditions de travail prévues à une convention collective. Le Code du travail définit à son art. 1 le salarié comme étant « une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération », concept d'ailleurs repris à l'art. 2085 C.c.Q. et complété par l'ajout du lien de subordination afin de bien distinguer le contrat de travail du contrat d'entreprise[7].
[32] Il faut ajouter qu'il est désormais bien établi qu'il existe de nombreuses variantes du contrat de travail, dont le contrat de travail occasionnel, sur appel. C'est pourquoi la convention collective liant la commission scolaire intimée reconnaît diverses catégories d'enseignant(e)s. Ces enseignant(e)s sont cependant tous/toutes des salarié(e)s au sens du Code du travail d'où la possibilité de les accréditer et de leur appliquer des conditions de travail négociées collectivement uniquement. Tous et toutes sont donc « des personnes qui travaillent pour un employeur », quoique les conditions et modalités d'exécution de leur travail diffèrent.
[33] Par ailleurs, peut se prévaloir du droit de retrait préventif prévu à l’art. 40 LSST, toute femme enceinte qui se qualifie comme « travailleur » au sens de cette loi, soit : « une personne qui exécute, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, même sans rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement » (art. 1 LSST).
[34] Il saute aux yeux que le législateur a voulu une définition qui englobe celle de « salarié » mais ne s’y limite pas. Contrairement au concept de salarié nécessitant un contrat de travail (soit une prestation contre rémunération), le concept de « travailleur » s'articule autour de l'exécution par une personne d'une prestation en faveur d'une autre. Cette prestation ne se fait pas nécessairement en vertu d'un « contrat de travail » au sens de l'art. 2085 du Code civil du Québec, puisqu'elle ne donne pas nécessairement lieu à une rémunération, comme dans le cas d'un contrat d'apprentissage non rémunéré ou d'un stage étudiant (dans la mesure prévue par un règlement).
[35] Lors de l'adoption de la LSST, on a exclu intentionnellement le concept de salarié. En effet, des intervenants avaient proposé de remplacer le mot « travailleur » par celui de « salarié », mais cela n'a pas été retenu[8].
[36] La LSST peut donc s'appliquer à des situations où il manque un élément essentiel à l'existence d'un « contrat de travail » individuel selon l'art. 2085 du Code civil du Québec ou collectif selon le Code du travail, soit une rémunération. C'est le cas du stagiaire et de l'étudiant.
[37] De plus, une interprétation généreuse du mot « travailleur » s'impose puisque la LSST est une loi d'ordre public (art. 4 LSST) ayant « pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs » (art. 2 LSST). Une telle loi de protection en milieu de travail commande une interprétation libérale et non restrictive (art. 41 de la Loi d'interprétation, L.R.Q., ch. I-16).
[38] Par ailleurs, à son art. 11, la loi énonce que le droit de retrait préventif s'applique aussi aux personnes exclues du concept de « travailleur » par les paragraphes 1o et 2o de la définition de ce mot citée précédemment.
[39] En matière de retrait préventif, la LSST s'applique donc aux salariés, aux apprentis non rémunérés, aux étudiants dans les cas déterminés par règlement, aux contremaîtres et autres cadres et aux dirigeants. Clairement, le législateur a voulu conférer largement ce droit.
[40] Prétendre que les salariés à statut précaire, comme l’appelante, ne peuvent bénéficier du droit de retrait serait donc manifestement contraire au texte et à l’esprit de la LSST. C’est pourtant la conclusion inéluctable de la décision de la CLP, ce qui l’a rend déraisonnable.
[41] En l'espèce, les deux paliers de la CSST ont opté, comme il se doit, pour une interprétation généreuse de la LSST, en concluant que l'appelante pouvait, aux fins de la LSST, être considérée comme partie à un contrat de travail avec la commission scolaire dont l'une des modalités est la fourniture d'une prestation par l'employée, sur appel, et une autre, l'obligation pour l'employeur d'effectuer des remplacements occasionnels avec des enseignant(e)s qui sont sur cette liste sans discrimination à l'égard de celles qui sont enceintes[9]. Était-il alors déraisonnable de conclure, comme l'a fait la CSST, que l'appelante est une travailleuse sur appel aux fins de la LSST? Clairement, non.
[42] La CLP, se rangeant aux arguments de l'intimée, a conclu que le statut de Mme Dionne se résumait plutôt à celui de journalier, soit le contrat de travail le plus précaire que l'on puisse imaginer, plutôt que celui de travailleur sur appel. Tenant pour acquis que cette conclusion fasse partie des issues possibles, donc est raisonnable (ce dont je doute mais je n’ai pas à le décider), cela ne règle pas notre affaire.
[43] En effet, même en reconnaissant à l'appelante un simple statut de journalier, la CLP commet une grave erreur en concluant que le 13 novembre ou par la suite, l'appelante rend impossible la naissance de contrats de travail puisqu'elle a l'intention d'invoquer son certificat de retrait préventif lors de l’acceptation des offres. Cela dit avec les plus grands égards, cette conclusion reflète non seulement une totale incompréhension du droit de retrait conféré par la LSST, mais en constitue de fait une grave négation, rendant la décision doublement déraisonnable.
[44] Parlant du droit d'un « travailleur » de refuser d'effectuer des tâches qui représentent un risque sérieux pour sa santé, le ministre parrain du projet de loi qui deviendra la LSST déclare qu'il n'est que la codification d'un « droit profondément naturel »[10].
[45] Le droit de retrait préventif est ensuite décrit par le regretté juge Beetz dans l'arrêt Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749 , p. 801-804 ainsi :
Les articles 32 à 48, relatifs au retrait préventif du travailleur exposé à un contaminant qui comporte pour lui des dangers et au retrait préventif de la travailleuse enceinte et de la travailleuse qui allaite, confèrent d'abord aux intéressés le droit de demander l'affectation à d'autres tâches, qui est de l'essence même du contrat de travail et qui constitue clairement une condition de travail. Ils confèrent également le droit de refuser la prestation de travail jusqu'à ce que l'affectation ait été accordée ou que le danger ait cessé, ou que la grossesse ou l'allaitement soient terminés.
Dans le cas du retrait préventif et du retrait préventif de la femme enceinte, le travailleur ou la travailleuse enceinte ont quand même droit, en vertu des art. 36 et 42, à cinq jours de salaire quoiqu'ils aient cessé de travailler. Ils ont aussi droit à des prestations équivalant à environ 90 p. 100 de leur salaire. Ces prestations leur sont versées par la C.S.S.T. à même des fonds auxquels les employeurs contribuent. En outre, ils conservent les avantages liés à l'emploi -art. 39 et 43-et ont le droit d'être éventuellement réintégrés à leur emploi régulier: art. 38 et 43.
Quelle que soit la définition que l'on accepte des «conditions de travail», il me paraît impensable qu'elle ne comprenne pas l'obligation pour le travailleur de fournir sa prestation de travail et celle pour l'employeur de lui payer son salaire. Or précisément, le droit de refus, le retrait préventif ainsi que le retrait préventif de la femme enceinte, droits cardinaux conférés au travailleur par la Loi, autorisent le travailleur à ne pas fournir sa prestation de travail.
Si le droit de refuser la prestation de travail, la continuation du droit au salaire et aux autres avantages, la disponibilité, l'affectation à d'autres tâches et le droit de réintégrer son emploi à la fin de l'affectation ou de la cessation de travail ne constituent pas des conditions de travail, je ne vois pas ce qui pourrait bien en constituer. Le fait que ces droits aient pour but de protéger la santé et la sécurité des travailleurs ne change pas la nature de ces conditions.
Mentionnons que le droit de refus n'est pas, sauf dans ses modalités particulières, une innovation de la Loi. Les arbitres de griefs et la jurisprudence l'avaient déjà reconnu: «Difficultés d'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail», par Daniel Rochefort, dans Les aspects juridiques de la santé et de la sécurité au travail (1982), Formation permanente du Barreau du Québec, cours 64, aux pp. 30 à 32. [...]
La présence du droit au retrait préventif tant dans la L.N.T. que dans la Loi est révélatrice à bien des égards. Le procureur de la C.S.S.T. soutient que l'objectif de la «santé» distingue la Loi de la L.N.T. et du Code du travail. Un examen attentif de la L.N.T. démontre que plusieurs des normes qui y sont énoncées ont pour objectif la santé des travailleurs. Il en va ainsi des dispositions qui prescrivent un nombre maximal d'heures de travail, une période minimale de repos hebdomadaire, le droit à un congé de maternité, etc.: […]
Les articles 15 à 35 du Règlement sur les normes du travail, R.R.Q. 1981, chap. N-1.1, r. 3, adoptés en vertu du par. 89(6) de la L.N.T. prévoient que la durée du congé de maternité peut varier en fonction du danger de fausse couche ou du danger pour la santé de la mère ou de l'enfant à naître. Le retour au travail est également subordonné à la santé de la mère.
Il ne peut, sur ces sujets, être fait de distinction utile entre la L.N.T. et la Loi. Ces deux lois prescrivent des normes de sécurité qui ont toutes trait au bien-être du travailleur. L'universitaire Éric David souligne dans le contexte du droit international la parenté de ces normes:
Le droit à la santé, c'est aussi le droit des individus de ne pas voir leur santé mise en péril à la suite de l'exploitation de leur force de travail. De fait, la santé d'un individu est menacée lorsqu'il est contraint de travailler pour un salaire de famine dans n'importe quelle condition. Dès lors, toute norme destinée à protéger les travailleurs contre les excès de cette exploitation relève du droit à la santé même si elle est de caractère plutôt social que «médical». Ainsi en va-t-il des normes qui interdisent le travail forcé, le travail des enfants au- dessous d'un âge fixé par la loi et celui des adolescents à des travaux de nature à compromettre leur santé; ainsi en va-t-il également des normes qui reconnaissent le «droit à une rémunération équitable et satisfaisante», le droit à la sécurité sociale, «le droit au repos et aux loisirs [. . .] et à une limitation raisonnable de la durée de travail et des congés périodiques», etc.
(Éric David, « Le droit à la santé comme droit de la personne humaine » (1985), 2 R.Q.D.I. 63, aux pp. 73 et 74.)
[je souligne] |
Sections 32 to 48, on the protective re-assignment of workers exposed to a contaminant which entails danger to them and the re-assignment of pregnant workers and breast-feeding workers, give those affected the right to request assignment to other duties, which is of the very essence of the contract of employment and is clearly a working condition. They also confer the right to refuse to provide services until the assignment has been given or the danger has ceased, or until the pregnancy or breast-feeding is at an end.
In the case of a protective re-assignment or protective re-assignment of a pregnant woman, the workers are still entitled under ss. 36 and 42 to five days' wages although they have ceased to work. They are also entitled to benefits amounting to about 90 percent of their wages. These benefits are paid to them by the C.S.S.T. from funds contributed by employers. They also retain the benefits connected with the employment -ss. 39 and 43-and are entitled to be eventually returned to their regular jobs: ss. 38 and 43.
Whatever definition is accepted of "working conditions", it seems inconceivable to me that it should not include a worker's obligation to provide his or her services and the employer's obligation to pay his or her wages. Specifically, the rights of refusal, protective re-assignment and re-assignment of pregnant women, cardinal rights conferred on the worker by the Act, authorize workers to withhold their services.
If the right to refuse to work, the continuation of the right to wages and other benefits, availability, assignment to other duties and the right to return to the employment at the end of the assignment or cessation of work are not working conditions, I do not know what is. The fact that the purpose of these rights is to protect workers' health and safety does not change the nature of these conditions.
It may be noted that the right of refusal is not, except in particular details, an innovation of the Act. It had already been recognized by arbitrators and the courts: "Difficultés d'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail", by Daniel Rochefort, in Les aspects juridiques de la santé et de la sécurité au travail (1982), Formation permanente du Barreau du Québec, cours 64, at pp. 30-32. [...]
The presence of the right of protective re-assignment in the A.L.S. and in the Act is significant in many respects. Counsel for the C.S.S.T. argued that the "health" purpose distinguishes the Act from the A.L.S. and the Labour Code. A close reading of the A.L.S. indicates that many of the standards it contains are designed to protect the health of workers. This is true of provisions prescribing the maximum number of working hours, a minimum weekly rest period, the right to maternity leave and so on: […]
Sections 15 to 35 of the Regulation respecting labour standards, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r. 3, adopted pursuant to s. 89(6) of the A.L.S., provide that the length of maternity leave may vary in accordance with the risk of miscarriage or danger to the health of the mother or unborn child. The return to work is also dependent on the mother's health.
No valid distinction can be made on these points between the A.L.S. and the Act. These two statutes prescribe standards of safety which are all concerned with the worker's well-being. In the context of international law, the academic author Éric David notes the interrelationship of these standards:
[TRANSLATION] The right to health is also the right of an individual not to have his or her health threatened by the exploitation of his or her services. In fact, an individual's health is threatened when he or she is required to work for starvation wages whatever the conditions. Accordingly, any standard intended to protect workers against the excesses of such exploitation is part of the right to health even though it may be of a social rather than "medical" nature. This is true of standards prohibiting forced labour, the employment of children under an age fixed by law and of young people in work likely to adversely affect their health; the same is also true of standards which recognize the "right to a fair and adequate wage", the right to social security, "the right to rest and recreation ... and a reasonable limitation on the length of work and periodic leave", and so on.
(Éric David, "Le droit à la santé comme droit de la personne humaine" (1985), 2 R.Q.D.I. 63, at pp. 73-74.)
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[46] En d’autres mots, le retrait préventif de la femme enceinte est un droit cardinal en matière de santé conféré par la LSST. En l'exerçant, la travailleuse enceinte n'indique pas qu'elle refuse de fournir sa prestation de travail, mais demande simplement d'être affectée à des tâches compatibles avec sa situation comme, en l'espèce, des tâches impliquant moins de cinq enfants en même temps, de la correction, de la préparation de programme ou des tâches administratives. L'exercice du droit de retrait n’entraîne pas la résiliation du contrat de travail, mais permet à la travailleuse d'exiger une modification temporaire du contenu de son contrat de travail.
[47] Je rappelle que selon la CLP, l’appelante a accepté l’offre de la commission scolaire, puis a invoqué son droit au retrait préventif, scénario qui s’est reproduit pas moins de dix fois entre le 13 et le 30 novembre 2006. Je cite à nouveau la décision de la CLP :
[15] Dès le 13 novembre 2006, puisque c’est cette journée-là que madame Dionne apprend qu’elle n’est pas immunisée contre la rubéole, elle communique avec le centre d’appels qui lui offre une suppléance pour la journée. Madame Dionne accepte l’offre mais déclare qu’elle ne peut effectuer cette suppléance parce qu’elle est en retrait préventif. Dix offres de suppléance ont été faites à madame Dionne entre le 13 et le 30 novembre 2006. À chaque fois, madame Dionne s’est dite disponible mais incapable d’effectuer la suppléance offerte en raison de son retrait préventif. [je souligne]
[48] En somme, les offres de la commission scolaire ont été acceptées 10 fois en novembre 2006, ce qui a fait naître dix contrats de travail journaliers selon la logique de la CLP[11]. Par la suite, l’appelante a fait valoir son certificat de retrait préventif de travailleuse enceinte (art. 40 LSST), et ce, dans l’intérêt de l’enfant à naître. Elle exerçait alors un droit fondamental, voire naturel, et on ne peut la taxer d'une quelconque mauvaise foi. Cela l'autorisait à exiger de l'employeur qu'il l'affecte pour chacune de ces journées à des tâches compatibles avec sa situation (art. 41 LSST), mais ne mettait aucunement fin au contrat journalier ni n'en permettait la résolution par la commission scolaire (art. 30 LSST). Il revenait alors à la commission scolaire de lui offrir immédiatement une tâche compatible avec sa condition (par exemple : corriger des devoirs, aider à la préparation des programmes, remplir des fonctions non en contact avec des étudiants, s'occuper de 5 élèves ou moins, etc.). La commission scolaire n’a en aucun temps envisagé cette possibilité et encore moins fait une offre en conséquence.
[49] Il s’ensuit que Mme Dionne avait droit à des prestations ou indemnités, versées par la CSST et assumées par l'ensemble des employeurs (art. 45 LSST, sauf pour les cinq premiers contrats journaliers à être payés par l'intimée).
[50] J’ajoute que la prétention de la commission scolaire qu’il n’y a pas eu naissance de contrats journaliers au motif de l’indisponibilité de l’appelante est contraire à la conclusion de fait de la CLP et à la preuve. En effet, l’appelante a démontré sa disponibilité en tout temps pertinent (nombreux appels et acceptions des offres), tout en exerçant ensuite son droit au retrait préventif.
[51] Par sa décision, la CLP nie aux enseignantes occasionnelles enceintes, des travailleuses au sens de la LSST, le droit de retrait préventif puisque celles-ci pour pouvoir subvenir à leurs besoins, n'ont alors que deux options : accepter l'offre de l'employeur et exposer l’enfant à naître à un risque grave ou se trouver un emploi autre que celui pour lequel elles sont pleinement qualifiées, enseigner.
[52] Ceci dit avec égards, une telle interprétation ne peut faire partie de la gamme d'interprétations raisonnables possibles de la LSST puisque si manifestement contraire à l’intention du législateur. Elle rend, par voie de conséquence, la décision de la CLP déraisonnable. La Cour supérieure aurait dû l'annuler, rétablissant de facto celle de la CSST.
[53] Un dernier commentaire. La commissaire et le juge de la Cour supérieure semblent reprocher à l'appelante de s'être prévalue de son certificat dans les secondes suivant l'acceptation de l'offre d'un contrat de travail. Aurait-il plutôt fallu qu'elle se rende à l'école et qu'une minute avant le moment où elle doit entrer en contact avec les élèves, elle demande une autre affectation en faisant valoir son certificat de retrait préventif pour conclure qu'elle a offert sa prestation et a justifié son droit à une prestation puisque la commission scolaire n'a offert aucune autre affectation (art. 47 LSST)? Je suis d'avis qu'un tel simulacre ne changerait rien en droit. De plus, cela aurait été la source d'un inconvénient majeur pour l'employeur obligé alors, sans préavis, de pourvoir à son remplacement alors que les élèves sont sur place.
III. Subsidiairement, des indices d'une pratique discriminatoire
[54] La commission scolaire a refusé d’honorer sa part de ce qu'elle considère comme des contrats journaliers avec l’appelante, tels que modifiés par la LSST quant à l’obligation d’accomplir des tâches par cette dernière, et ce, en raison de sa grossesse. Un tel comportement par un corps public est non seulement décevant[12], mais contraire à la Charte.
[55] L’art. 16 de la Charte interdit toute forme de discrimination en matière de contrat de travail, de l’embauche à la terminaison, en passant par les promotions et autres incidents possibles en cours d’emploi :
16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement de catégories ou de classifications d'emploi.
[56] L’art. 10 de la Charte interdit toute discrimination en raison, notamment, d’une grossesse :
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. [je souligne]
[57] En adoptant la thèse de la commission scolaire, la CLP permet non seulement la stérilisation d’un droit cardinal en vertu de la LSST, mais encourage une pratique discriminatoire au sens de l’art. 16 de la Charte, soit le refus de conclure un contrat avec l’appelante parce qu’enceinte, soit la résiliation du contrat conclu parce qu’elle est enceinte. Une interprétation si contraire aux valeurs de la Charte rend la décision de la CLP triplement déraisonnable (Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12 ).
[58] J'ajoute que prétendre qu'il faut d'abord un contrat de travail pour que la Charte s'applique est totalement erroné en droit. Ainsi, si la commission ne rappelle pas une personne sur la liste parce qu'elle est noire ou musulmane, il y a violation de la Charte, même si aucun contrat de travail journalier (selon la thèse de l'intimée) n'est né en raison de cette discrimination interdite. Il en irait de même de la décision de la commission scolaire de ne pas appeler des enseignantes sur la liste parce qu'enceintes.
[59] En résumé, nous sommes en présence d'une décision de la CLP qui ne peut faire partie des issues possibles, eu égard aux principes de droit applicables et aux faits pertinents Elle devait donc être annulée.
[60] Pour ces motifs, je suis d'avis d’accueillir l’appel, avec dépens, d’infirmer le jugement de la Cour supérieure et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu, d’accueillir la requête en révision judiciaire, avec dépens, d’annuler la décision de la CLP et de rétablir celle de la CSST en révision rendue le 20 décembre 2006.
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PIERRE J. DALPHOND, J.C.A. |
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MOTIFS DU JUGE WAGNER |
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[61] L'appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 20 avril 2010 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l'honorable Louis Crête), qui a rejeté la requête en révision judiciaire d'une décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP). Cette dernière a décidé que l'appelante ne pouvait recevoir des indemnités de remplacement de revenus sur la foi d'un certificat de retrait préventif en vertu des art. 40 et 41 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[13] (LSST).
[62] L'appelante a obtenu son baccalauréat en éducation et travaille dans le domaine de l'enseignement depuis décembre 2005. Après avoir complété son stage auprès de l'intimée, elle s'est inscrite sur une liste de suppléants occasionnels. À ce titre et même si elle n'est assujettie que partiellement à la convention collective liant l'employeur et le syndicat, elle ne jouit d'aucun droit de rappel ou d'un droit à la priorité d'emploi et son travail est tributaire des demandes de l'intimée qui peut choisir un(e) candidat(e) à son gré, à partir d'une liste de suppléants et de suppléantes, selon les besoins du moment.
[63] Le champ d'application de la convention collective est ainsi limité en vertu de l'art. 2-1.03 :
Malgré la clause 2-1.01, s'appliquent aux personnes suivantes, couvertes par le certificat d'accréditation, les seules clauses où elles sont expressément désignées de même que la procédure de règlement des griefs pour ces clauses :
1) la suppléante ou le suppléant occasionnel;
2) l'enseignante ou l'enseignant à la leçon;
3) l'enseignante ou l'enseignant à l'emploi de la commission qui enseigne en dehors du Québec par suite d'une entente approuvée par la ou le ministre entre cette enseignante ou cet enseignant, la commission, le gouvernement du Canada, le gouvernement d'une autre province ou le gouvernement du Québec.
[64] La rémunération de l'appelante est d'ailleurs précisée à l'art. 6-7.03 de la même entente qui indique que chaque titulaire de suppléance sera payé en fonction de la durée de remplacement dans une journée. L'article 6-7.03 est rédigé ainsi :
A) La suppléante ou le suppléant occasionnel est rémunéré de la façon suivante :
Périodes Concernées
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Durée de remplacement dans une journée
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60 minutes ou moins |
Entre 61 minutes et 150 minutes |
Entre 151 minutes et 210 minutes |
plus de 210 minutes |
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Jusqu'au 140e jour de travail de l'année scolaire 2005-2006 |
33,69 $ |
84,23 $ |
117,92 $ |
168,45 $ |
||||||||||||||||||||
À compter du 141e jour de travail de l'année scolaire 2005-2006
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34,36 $ |
85,90 $ |
120,26 $ |
171,80 $ |
||||||||||||||||||||
À compter du 141e jour de travail de l'année scolaire 2006-2007
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35,05 $ |
87,63 $ |
122,68 $ |
175,25 $ |
||||||||||||||||||||
À compter du 141e jour de travail de l'année scolaire 2007-2008
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35,75 $ |
89,38 $ |
125,13 $ |
178,75 $
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||||||||||||||||||||
À compter du 141e jour de travail de l'année scolaire 2008-2009
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36,47 $ |
91,18 $ |
127,65 $ |
182,35 $ |
[65] Les modalités d'application de la suppléance sont prévues à l'art. 8-7.11 :
SUPPLÉANCE
A) En cas d'absence d'une enseignante ou d'un enseignant, le remplacement est assuré par une enseignante ou un enseignant en disponibilité ou par une enseignante ou un enseignant affecté en totalité ou en partie à la suppléance. À défaut, la Commission fait appel :
soit
B) à une enseignante ou un enseignant détenant un contrat à temps partiel dans l'école moins de 100%;
C) à une suppléante ou suppléant occasionnel inscrit sur une liste maintenue par elle à cet effet;
D) à des enseignantes ou enseignants de l'école qui ont atteint le maximum d'heures de la tâche éducative et qui veulent en faire sur une base volontaire;
soit
E) si aucune ou aucun de ces derniers n'est disponible, aux autres enseignantes ou enseignants de l'école selon le système de dépannage suivant :
[...]
[66] Durant l'année scolaire 2005-2006, l'appelante a effectué 88.15 jours de suppléance occasionnelle et 2.50 jours en septembre 2006.
[67] Le 24 septembre 2006, elle apprend qu'elle est enceinte. Soucieuse de ne pas mettre en danger la santé de son enfant à naître, elle consulte son médecin traitant. Le 25 septembre 2006, elle communique avec le centre d'appels de l'école responsable du remplacement des enseignants absents pour l'aviser de son état et confirmer sa non-disponibilité jusqu'à ce qu'elle obtienne les résultats de sa consultation médicale.
[68] Le 5 octobre 2006, son médecin traitant lui délivre un premier certificat de retrait préventif en raison d'un risque de contagion par exposition au Parvovirus B-19. Elle remet une copie de ce certificat à l'intimée avant de recevoir un deuxième certificat, le 13 novembre 2006, attestant d'un risque d'infection et de contagion par la rubéole.
[69] Le 13 novembre 2006, l'appelante communique une fois de plus avec le centre d'appels de l'intimée, accepte l'offre de suppléance qui lui est faite mais la rejette aussitôt au motif qu'elle exerce ainsi son droit au retrait préventif.
[70] Entre le 13 et le 30 novembre 2006, l'appelante communique avec le centre d'appels de l'intimée, se dit disponible pour accepter les offres de suppléance qui lui sont faites mais les refuse immédiatement pour la même raison.
[71] Le 3 novembre 2006, la Commission de la santé et de la sécurité du Travail (la CSST) informe l'appelante qu'elle est admissible au programme Pour une maternité sans danger. La teneur de cette lettre témoigne du statut particulier alors envisagé par la CSST. Elle s'énonce ainsi :
Cependant, étant donné que vous êtes une travailleuse contractuelle, et dans l'alternative où votre employeur est dans l'impossibilité de respecter les dangers émis dans le rapport de CLSC, votre retrait préventif débutera le jour où vous serez appelée au travail par votre employeur pour effectuer un contrat. Votre employeur devra nous communiquer cette date en temps et lieu.
(je souligne)
[72] Le contenu de la seconde lettre de la CSST du 27 novembre 2006 dans laquelle elle confirme le paiement des prestations est également révélateur en ce qui a trait aux raisons qui l'ont amenée à accorder les indemnités recherchées. L'extrait pertinent de la lettre est rédigé ainsi :
[...] Vous recevrez alors des indemnités si vous répondez toujours à tous les critères suivants : être enceinte; être au travail chez votre employeur actuel; ne pas avoir été affectée à des tâches différentes et être apte à accomplir d'autres tâches que votre employeur pourrait vous proposer.
(je souligne)
[73] L'intimée demande à la CSST de revoir cette décision, invoquant l'absence d'un lien d'emploi puisque, plaide-t-elle, l'appelante, à l'exception des cas où elle accepte une suppléance, n'a pas le statut de travailleur qui détient un contrat d'emploi avec son employeur. La CSST maintient sa décision, le 20 décembre 2006.
[74] L'intimée demande à la CLP de réviser la décision de la CSST. En date du 5 juin 2008, la CLP accueille la requête de l'intimée et déclare que l'appelante n'est pas admissible au programme de retrait préventif en sa qualité de travailleuse enceinte puisqu'elle n'a pas le statut de travailleur au sens de la loi.
[75] L'appelante se pourvoit en révision judiciaire devant la Cour supérieure. Le 20 avril 2010, la requête est rejetée et la décision de la CLP confirmée, d'où le pourvoi devant cette Cour.
[76] L'appelante avance que la question en jeu a une incidence sur toutes les enseignantes suppléantes au Québec qui détiennent un certificat de retrait préventif.
[77] Cependant, la preuve ne permet pas d'apprécier l'impact de la décision de la CLP sur les enseignantes appelées à faire de la suppléance. La seule preuve disponible au dossier démontre que l'intimée dresse une liste d'à peu près 500 noms sur laquelle les enseignants et enseignantes qui souhaitent faire de la suppléance peuvent s'inscrire. Il n'est donc pas possible d'évaluer le nombre d'enseignantes inscrites sur ladite liste qui seraient, par ailleurs, enceintes et qui seraient détentrices du certificat médical nécessaire pour demander le retrait préventif.
DÉCISION DE LA CLP
[78] Le 5 juin 2008, dans une décision fort bien structurée, la CLP s'emploie dans un premier temps à déterminer si l'appelante est admissible au programme Pour une maternité sans danger, dont le cadre législatif s'énonce aux articles 40 et 41 de la LSST :
40. Une travailleuse enceinte qui fournit à l'employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d'être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu'elle est raisonnablement en mesure d'accomplir.
[...]
41. Si l'affectation demandée n'est pas effectuée immédiatement, la travailleuse peut cesser de travailler jusqu'à ce que l'affectation soit faite ou jusqu'à la date de son accouchement.
[79] La LSST définit à son article 1 la notion de travailleur pour les fins de l'application de la loi. Il est rédigé en ces termes :
1. Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
[...]
« travailleur » : une personne qui exécute, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, même sans rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement, à l'exception :
[...]
[80] La CLP s'emploie par la suite à déterminer si l'appelante répond au critère de la travailleuse au sens de la loi. Elle constate que le contrat de travail n'est pas spécifiquement défini. Elle doit alors se référer aux dispositions générales du Code civil du Québec qui le définit à l'art. 2085 C.c.Q. Elle conclut de l'étude des dispositions pertinentes de la LSST et des art. 1385 et 1412 C.c.Q. que l'obligation d'un travailleur est avant tout de fournir une prestation de travail. Elle doit avoir une cause et un objet. Elle note que l'appelante a inscrit son nom sur une liste de suppléants occasionnels, qu'elle n'a pas à se soumettre à une entrevue ni à signer de contrat avec l'intimée et que l'inscription sur une telle liste n'entraîne aucune obligation, ni de la part de l'intimée ni de la part de l'appelante. L'intimée conserve toujours la faculté de choisir, à partir de la liste, la personne dont elle veut retenir les services pour assurer la suppléance du moment.
[81] Il est d'ailleurs établi qu'une personne inscrite sur la liste des suppléants occasionnels demeure sous l'autorité de la direction de l'école et que sa prestation de travail ne dure que le temps requis pour la suppléance.
[82] Voici comment la CLP décrit le programme de suppléance :
[8] Forte de son baccalauréat en éducation, madame Dionne a été inscrite rapidement sur la liste contenant environ 500 noms et a effectué une première suppléance dès le 11 janvier 2006. D'ailleurs, une attestation d'expérience d'enseignement pour l'année scolaire 2005-2006, émise par la Commission scolaire, permet de constater que madame Dionne a effectué 88,15 jours de suppléance occasionnelle durant cette période. Cette attestation permet de constater que certaines autres personnes qui y sont visées peuvent détenir un contrat à temps partiel, d'autres, un contrat à la leçon et d'autres, un remplacement continu de plus de 20 jours.
[9] Il a été établi, notamment par le témoignage de madame Nathalie Lapierre, coordonnatrice au secteur enseignants pour la Commission scolaire, que pour être inscrite sur la liste de priorité d'emploi, une personne détentrice d'un baccalauréat en enseignement doit avoir obtenu, au préalable, un contrat à temps partiel pendant plus de 20 jours consécutifs. De plus, une personne engagée comme suppléante pourrait obtenir un contrat de remplacement si ce contrat est continu pendant plus de trois mois. Pour l'octroi d'un tel contrat, la Commission scolaire a l'obligation de respecter la liste de priorité d'emploi. Or, madame Dionne ne fait pas partie de la liste de priorité d'emploi mais uniquement de la liste des suppléants occasionnels de la Commission scolaire.
[10] Il a également été mis en preuve que le fait d'être sur la liste des suppléants occasionnels n'entraîne aucune obligation de fournir des journées de suppléance de la part de la Commission scolaire non plus qu'il n'entraîne d'obligation d'accepter des offres de suppléance de la part de la personne inscrite sur la liste. De plus, les conditions de travail de ces personnes ne sont pas régies par la convention collective liant la Commission scolaire et ses employés.
[83] De cette analyse, la CLP conclut que lorsqu'une personne est inscrite sur la liste des suppléants occasionnels et effectue une suppléance, il y a alors formation d'un contrat de travail même si ce dernier est de nature verbale. Cependant, entre chacune des suppléances, il n'y a aucun lien d'emploi et, partant, la personne ne peut se qualifier de travailleuse au sens de la loi.
[84] La CLP souligne enfin que l'attestation d'expérience d'enseignement émise par l'intimée réfère à trois types de travail, soit le contrat à temps partiel, le contrat à la leçon et la suppléance occasionnelle. Le dernier type de travail n'est pas présenté comme un contrat et la personne qui y souscrit ne peut prétendre à l'existence d'un contrat d'emploi.
[85] Finalement, la CLP rejette l'argument subsidiaire de l'appelante voulant qu'elle ait été victime de discrimination fondée sur le sexe et la grossesse, en violation de l'art. 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[14]. La CLP souligne que l'appelante n'est pas assujettie à la convention collective de l'intimée, n'est pas une employée de cette dernière et ne peut prétendre avoir subi de la discrimination en raison de son statut.
JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
[86] Dans un jugement également soigné, le juge de première instance reprend essentiellement les principaux faits relevés par la CLP, constate que cette dernière a décidé de questions qui se situent au cœur de sa compétence, qu'elle bénéficie d'une clause privative qui la protège contre les interventions judiciaires et conclut qu'il doit appliquer la norme d'intervention de la décision raisonnable et exercer envers la CLP la plus grande déférence.
[87] Ce constat n'est pas réellement remis en question devant notre Cour même si l'appelante soutient que la décision de la CLP, qui s'inspire de principes de droit général, n'emporte pas le plus haut niveau de déférence habituellement réservé aux organismes spécialisés puisqu'elle s'écarte de son champ d'expertise.
[88] Sur la question de déterminer si l'appelante est une travailleuse au sens de la loi qui peut ainsi bénéficier du programme Pour une maternité sans danger, le juge fait sien le raisonnement mis de l'avant par la CLP. Il souligne la problématique de la théorie de l'appelante en ces termes :
[52] Selon ce que la preuve a révélé devant la CLP, on sait qu'après avoir reçu son certificat de retrait préventif de la CSST, Mme Dionne a offert ses services comme suppléante à la commission scolaire, qui les a acceptés. Une fois la "poignée de main téléphonique" échangée, la commission scolaire se fait alors dire par Mme Dionne qu'elle ne peut pas exécuter sa prestation de travail (celle qu'elle vient d'offrir l'instant d'avant), car elle est enceinte et a un certificat de retrait préventif. On mesure bien l'importance de l'objet d'une obligation qui est la prestation de travail elle-même. Comment quelqu'un peut-il, de bonne foi, offrir ses services à un éventuel employeur en sachant à l'avance qu'il ne pourra aucunement exécuter le travail qu'il offre pourtant d'accomplir et puis exiger, dans l'instant de raison qui suit, d'être rémunéré pour ce travail qu'il n'effectuera pas, mais pour lequel il s'est offert sans pouvoir le faire? C'est pourtant ce que Mme Dionne a fait.
[89] Le juge conclut également que l'appelante ne peut s'autoriser de l'art. 10 de la Charte pour prétendre qu'elle fait l'objet d'une discrimination basée sur le sexe ou sur son statut de femme enceinte. Il conclut ainsi :
[62] Dans un second temps, la commission scolaire ne peut être taxée d'avoir agi de manière discriminatoire à l'égard de Mme Dionne du fait qu'elle est enceinte, alors que le droit que cette dernière réclamait était celui d'être réaffectée à une autre fonction et qu'elle ne pouvait par ailleurs remplir aucune affectation. De plus, nulle part n'a-t-on sérieusement prétendu que la commission scolaire aurait refusé d'embaucher Mme Dionne du fait qu'elle était enceinte et en retrait préventif.
[63] S'il fallait suivre le raisonnement de la requérante, on devrait conclure que la charte lui confère, du fait qu'elle est enceinte, le statut de "travailleuse", afin de lui faire alors bénéficier des prestations liées au retrait préventif au sens de la LSST, statut qu'elle n'a pas "en dehors des contrats à durée déterminée qu'elle est susceptible d'exécuter" pour reprendre les mots de la CLP. Le fait de ne pas la reconnaître comme telle serait-il de la discrimination au sens de la charte? Si tel était le cas, Mme Dionne obtiendrait, de par sa grossesse, un droit garanti par la charte d'être embauchée, droit qu'en temps ordinaire son statut de suppléante occasionnelle ne lui a par ailleurs jamais donné.
[90] Le juge rejette la requête en révision judiciaire, d'où le pourvoi.
ANALYSE
[91] L'appelante plaide essentiellement que, en refusant de lui reconnaître la protection qui découle du certificat de retrait préventif, la CLP l'a privée du bénéfice d'une loi d'ordre public.
[92] Pour sa part, l'intimée soutient que la position de l'appelante relève du sophisme et qu'il faudrait reconnaître que l'appelante est une travailleuse au sens de la loi avant de pouvoir lui permettre de revendiquer le bénéfice du retrait préventif.
[93] J'estime que le sort du pourvoi repose avant tout sur la norme d'intervention que devait appliquer la Cour supérieure dans le cadre de la révision judiciaire. Je m'explique.
[94] Il n'est pas vraiment contesté que la norme de contrôle applicable à l'interprétation par la CLP de la notion de travailleur, qualification au coeur du pourvoi, relève de la norme de la décision raisonnable.
[95] Les décisions de la CLP sont finales, sans appel et protégées par une clause privative étanche[15]. Elle exerce un pouvoir qui lui est conféré de manière exclusive par le législateur et la question à trancher est au coeur de sa compétence : déterminer si l'appelante est une travailleuse au sens de l'art. 1 de la LSST.
[96] L'appelante plaide que la CLP s'est référée à des notions de droit civil pour interpréter la définition de travailleur au sens de la LSST. Partant, sa décision commanderait un degré de déférence beaucoup moindre puisque la CLP se serait écartée de son champ de compétence. J'estime que cette position est erronée.
[97] Dans l'arrêt Société Radio-Canada c. Canada[16], la Cour suprême s'exprime ainsi :
48 D'une manière générale, je souscris à la proposition selon laquelle la retenue judiciaire ne s'impose pas à l'égard de l'interprétation, par un tribunal administratif, d'une loi générale d'intérêt public qui n'est pas sa loi constitutive, tout en reconnaissant qu'une certaine retenue peut être indiquée dans des cas où la loi non constitutive se rapporte au mandat du tribunal et où celui-ci est souvent appelé à l'examiner. Cependant, cela ne veut pas dire que chaque fois qu'un tribunal administratif examine une autre loi en rendant sa décision, celle-ci devient dans l'ensemble sujette à un contrôle fondé sur la norme du caractère correct. S'il en était ainsi, il y aurait un élargissement considérable et injustifié des possibilités de contrôler les décisions administratives. De plus, il y a lieu de souligner que la clause privative n'incluait pas les motifs fondés sur une erreur de droit, dont il est question à l'al. 18.1(4)c) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (modifiée par L.C. 1990, ch. 8, art. 5). Cela tend à indiquer qu'il y a lieu de faire preuve d'une certaine retenue.
49 Bien que le Conseil puisse être soumis à la norme du caractère correct dans l'interprétation isolée d'une loi autre que sa loi constitutive, la norme de contrôle applicable à l'ensemble de la décision, à supposer que celle-ci soit par ailleurs conforme à la compétence du Conseil, sera celle du caractère manifestement déraisonnable. Évidemment, la justesse de l'interprétation de la loi non constitutive pourra influer sur le caractère raisonnable global de la décision, mais cela tiendra à l'effet de la disposition législative en question sur la décision dans son ensemble.
[98] Finalement, dans l'arrêt Agropur c. Rancourt[17], notre Cour a souligné que la décision de la CLP portant sur l'interprétation de la notion de travailleur au sens de la LATMP était soumise à la norme de la décision raisonnable.
[99] Les déterminations de la CLP sont-elles raisonnables au sens de l'arrêt Dunsmuir[18] de la Cour suprême?
[100] N'est pas déraisonnable la décision dont la seule faiblesse serait d'être différente de celle que l'on aurait rendue ou de ne pas coïncider entièrement avec celle que l'on aurait proposée. La Cour suprême énonce ainsi le principe dans l'arrêt Khosa[19] :
[59] [...] Lorsque la norme de raisonnabilité s'applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu'elles jugent elles-mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle-ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d'une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l'issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d'intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l'issue qui serait à son avis préférable.
[101] En l'espèce, forte de sa compétence spécialisée dans le domaine, la CLP s'est employée à déterminer, de façon rationnelle et cohérente, si l'appelante était une travailleuse au sens d'une loi, la LSST, qu'elle doit appliquer et interpréter. Ce n'est que dans l'éventualité où cette loi s'applique que l'appelante peut soulever le droit au retrait préventif pour bénéficier des indemnités prévues par la loi.
[102] La CLP a analysé les précédents qui émanent de son propre organisme en semblable matière. Elle a également révisé les principaux arrêts de notre Cour portant sur les mêmes questions.
[103] Dans l'arrêt Commission des normes du Travail[20], notre Cour, sous la plume de la juge Rousseau-Houle, décidait qu'un enseignant inscrit sur une liste de suppléance, entre deux séances de suppléance, ne pouvait prétendre à l'existence d'un lien d'emploi. Notre Cour s'exprime ainsi :
Enfin, il faut retenir que la liste de suppléants occasionnels tenue à jour par la Commission scolaire intimée ne constitue pas un contrat d'emploi. Cette liste n'est, à toutes fins utiles, qu'une banque de noms disponibles dans laquelle la Commission scolaire doit puiser pour requérir des suppléants. Elle ne crée cependant aucune obligation de fournir du travail, aucun droit de rappel et il n'y a aucune priorité à l'intérieur de la liste, le choix d'un remplaçant étant laissé à la discrétion de l'intimé (Germain c. Commission scolaire Chutes-Montmorency, précité; Syndicat de l'enseignement de Champlain c. Commission scolaire régionale Chambly, T.A., Michel Bergevin, arbitre, 6 juillet 1988; Chamberland et Commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière, précité). Le fait de figurer sur cette liste ne garantit aucunement aux suppléants qu'ils se verront effectivement attribuer des contrats de remplacement dans l'année en cours; d'ailleurs, il est en preuve que sur une liste de 500 à 600 noms, seulement 400 personnes sont appelées, chaque année.
[...]
Ces constatations de faits ne se retrouvent pas en l'espèce. Il ressort de la preuve que les deux suppléantes inscrites sur la liste n'ont aucune obligation de maintenir une disponibilité, elles peuvent se déclarer disponibles auprès de plusieurs employeurs et elles peuvent refuser tout contrat de suppléance qui leur est offert. D'autre part, elles n'ont aucun droit de réclamer un contrat de remplacement et elles ne peuvent s'attendre à obtenir des contrats de suppléance; d'ailleurs plusieurs suppléants n'en obtiennent aucun. Les contrats qui les lient à l'employeur sont véritablement de nature temporaire. Que des besoins de remplacement reviennent à chaque année ne change rien à la situation. Elles ne sont, en effet, pas embauchées comme remplaçantes pour répondre à d'éventuels besoins, pour combler des absences prévisibles d'enseignants, mais pour remplacer un enseignant spécifique pour une durée limitée. C'est le lien d'emploi et non seulement l'exécution du travail qui est interrompu à la fin de chaque contrat (Commission scolaire des Mille-Iles c. Commission des Normes du travail, précité).
[104] En l'espèce, la CLP a conclu que l'appelante ne pouvait revendiquer un statut de travailleuse puisque son contrat de travail, si tant est qu'il existe à un certain moment dans le temps, commence au moment de sa prestation de travail et se termine à la fin de la période de suppléance. Entre les périodes de suppléance, il n'existe aucun lien qui puisse justifier l'existence du statut nécessaire pour réclamer l'indemnité prévue aux modalités du programme lié au retrait préventif.
[105] La proposition de l'appelante selon laquelle un contrat d'emploi est créé dès l'instant où une offre de suppléance lui est soumise relève d'une gymnastique intellectuelle désincarnée. En effet, il faudrait conclure que dès que l'intimée offre à l'appelante une période de suppléance et que cette derrière l'accepte, il y a alors création d'un lien et d'un contrat d'emploi même si l'appelante refuse immédiatement l'offre en raison de l'exercice du droit au retrait préventif. Même une interprétation généreuse de la loi ne peut mener à une telle conclusion.
[106] De plus, je constate que l'appelante a choisi d'offrir ses services à l'intimée sachant qu'elle ne voulait pas en réalité accepter les suppléances qui lui seraient offertes et que cette dernière, en temps normal, n'avait aucune obligation de retenir ses services. Cela ajoute au caractère aléatoire, improbable et artificiel du lien et du contrat d'emploi invoqués.
[107] J'estime que la proposition de l'appelante s'éloigne du sens usuel des termes et des fonctions occupées en réalité par l'appelante. Quoique séduisante et originale, cette théorie n'a pas été avalisée par la CLP, si tant est qu'elle satisfaisait à la condition de la raisonnabilité. À défaut par le législateur de prévoir spécifiquement une telle situation, il ne revient pas non plus à cette Cour de créer de toutes pièces une situation juridique que la réalité ne permet pas de combler.
[108] De plus, il est pertinent de souligner que le programme Pour une maternité sans danger s'articule selon un mécanisme qui prévoit que la personne qui revendique le droit au retrait préventif demande d'être affectée à d'autres tâches et que si l'affectation n'est pas effectuée par l'employeur, la travailleuse peut cesser de travailler jusqu'à ce que l'affectation soit faite ou jusqu'à la date de son accouchement. C'est ce que prévoient les art. 40 et 41 de la loi.
[109] Or, en l'espèce, en raison même de la nature des tâches exercées à l'occasion par l'appelante, l'affectation à d'autres tâches est par définition impossible, ce qui démontre le caractère singulier de l'interprétation prônée par l'appelante. Le dossier révèle que l'appelante n'a même jamais tenté d'exiger une réaffectation, ce constat devant sceller le sort de son recours.
[110] Force est de conclure que la décision de la CLP est tout sauf déraisonnable. Elle s'inscrit clairement dans l'éventail des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit[21].
[111] Cela dit, même si une loi telle que la LSST doit être interprétée de façon généreuse et qu'il serait, dans un monde idéal, permis à toutes les citoyennes de bénéficier d'indemnités de remplacement de revenus lorsque leur occupation présente des risques pour l'enfant à naître, je ne peux me convaincre que les conclusions de la CLP, confirmées par la Cour supérieure, sont déraisonnables.
[112] Dans l'affaire Bell Canada[22], le juge Beetz replace ainsi l'objectif de la loi dans le contexte des relations de travail :
164. Il y a donc une corrélation générale entre les droits et les obligations du travailleur et de l'employeur, ce qui me faire dire que ces dispositions portent sur les relations de travail.
165. Je ne pense donc pas que la Loi vise à protéger la santé et la sécurité des personnes en général dans la province. Elle régit les relations entre travailleur et employeur en tant que telles, sur les lieux du travail ou à l'occasion du travail et dans les cadres d'un contrat de travail qui peut ajouter aux exigences minimales de la Loi, et à propos d'un domaine-clef des relations de travail, celui de la santé et de la sécurité du travailleur.
LA DISCRIMINATION
[113] L'appelante soutient subsidiairement que la décision de la CLP n'a pas reconnu la discrimination dont elle a été victime en raison de sa grossesse, en violation de la Charte.
[114] À l'appui de sa prétention, l'appelante invoque les arrêts de notre Cour, dans les affaires Commission des écoles catholiques de Québec c. Gobeil[23] et Association professionnelle des inhalothérapeutes du Québec c. Ménard[24]. Or, dans ces deux arrêts, les travailleurs impliqués jouissaient d'un statut protégé par leur convention collective. Ils pouvaient s'autoriser de leur qualité de travailleur au sens de loi et les faits n'ont aucune commune mesure avec ceux de l'espèce.
[115] La preuve établit que l'appelante ne peut se prévaloir d'un statut de travailleur au sens de la loi dont l'objectif annoncé par le législateur est de protéger toute personne qui bénéficie d'un lien et d'un contrat d'emploi, pour lui permettre d'obtenir la protection de la loi en cessant de travailler ou en acceptant d'être affectée à d'autres tâches ne comportant pas de dangers pour l'enfant à naître.
[116] Ici, l'appelante n'a aucun contrat de travail entre les périodes de suppléance et ne peut prétendre que l'intimée a fait preuve de discrimination à son égard. Je suis d'avis que la première détermination du statut de l'appelante scelle le sort de son moyen d'appel subsidiaire selon lequel elle a souffert de discrimination en violation des dispositions de la Charte.
[117] La preuve ne permet pas de conclure sérieusement que l'intimée a refusé d'embaucher l'appelante en raison de sa grossesse. Accepter la théorie de l'appelante implique que l'intimée avait l'obligation de retenir ses services pour ne pas commettre de discrimination au sens de la Charte, alors qu'en d'autres circonstances, si l'appelante n'avait pas été enceinte, elle n'aurait eu aucune obligation à son égard. La proposition est intenable. Ce moyen doit être écarté.
CONCLUSION
[118] Les moyens d'appel de l'appelante ne font voir aucune erreur de droit ou de fait manifeste et dominante dans le jugement entrepris. Les déterminations de la CLP font partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[119] Pour ces motifs, je propose de rejeter l'appel avec dépens.
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RICHARD WAGNER, J.C.A. |
[1] Juste à la commission scolaire intimée, il y avait, en 2006-2007, environ 500 noms sur la liste de suppléance. Dans l’arrêt Commission des normes du travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, J.E. 95 - 1527 (C.A.), on peut lire qu'il y avait 500 à 600 noms sur cette liste pour la Commission scolaire des écoles catholiques de Québec. Je souligne qu'il y a au Québec 60 commissions scolaires francophones, 9 commissions scolaires anglophones et 3 commissions scolaires à statut particulier (Décret concernant le découpage du territoire du Québec en territoires de commissions scolaires francophones et en territoires de commissions scolaires anglophones, D. 1014-97, (1997) 129 G.O. II, 5572, adopté en vertu de l'art. 111 de la Loi sur l'instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3). Même s'il est possible qu'un nom se retrouve sur plus d'une liste, c’est donc des milliers de femmes dans l’ensemble de la province qui sont concernées, probablement, en grande majorité de jeunes enseignantes. Il existe aussi des travailleurs sur appel dans d'autres entreprises et institutions gouvernementales.
[2] Un formulaire de la CSST.
[3] On nous informe durant l'audience que le risque de contracter ce virus est absent lors d'une exposition à cinq enfants ou moins, ce qui rend possible certaines tâches auprès des enfants.
[4] Elle réfère alors à l’arrêt Commission des normes du travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, précité, note 1.
[5] Le juge s’en tient, à bon droit, à la détermination factuelle de la CLP.
[6] Hormis les cinq premiers jours, ce n'est pas l'employeur qui verse les prestations de remplacement du salaire, mais la CSST, et ce, sans impact sur le calcul des contributions de cet employeur à la CSST puisque cette dépense est assumée par l'ensemble des employeurs (art. 45 LSST).
[7] Voir les commentaires du ministre de la Justice sous cet article (Québec, Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 1310-1311).
[8] Québec, Assemblée nationale, Commission permanente du travail et de la main-d'œuvre, « Annexe A : Mémoire du Conseil québécois du commerce de détail » dans Journal des débats : commissions parlementaires, no 175 (6 septembre 1979) à la p. B-8209; Québec, Assemblée nationale, Commission permanente du travail et de la main-d'œuvre, « Annexe A : Conseil du Patronat du Québec, mémoire à la commission parlementaire du travail et de la main-d'œuvre sur le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité au travail" » dans Journal des débats : commissions parlementaires, no 179 (12 septembre 1979) à la p. B-8579.
[9] Pour éviter qu'un employeur refuse de faire appel aux femmes enceintes, le législateur a décrété que les prestations payables en cas d'impossibilité de cet employeur d'accommoder la situation de la travailleuse sont imputées à la masse des employeurs (art. 45 LSST; Québec, Assemblée nationale, Commission permanente du travail et de la main-d'œuvre, Journal des débats : commissions parlementaires, no 182 (19 septembre 1979) à la p. B-8784 (M. Marois) et no 242 (14 décembre 1979) à la p. B-11612 (Mme Lavoie-Roux et M. Marois).
[10] Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, vol. 21, n° 79 (12 décembre 1979), à la p. 4330 (le ministre M. Marois).
[11] On ne saurait sérieusement prétendre que le contrat ne naît que lorsque l'enseignante est rendue à l'école désignée. Ainsi, si une personne qui accepte de fournir un travail deux jours plus tard fait défaut de se présenter et que l'employeur en subit des dommages, sa réclamation serait de nature contractuelle et non extracontractuelle.
[12] Je trouve regrettable qu'un corps public tente de nier des droits aussi importants à des enseignantes qui ont opté pour la maternité et qui contribuent ainsi à la clientèle future des réseaux scolaires, et plus largement, à la société québécoise. Je le répète, pour l’employeur, l’application du droit au retrait préventif représente une dépense maximale, équivalente à 5 jours de travail, soit un montant d'argent bien insignifiant comparé à la somme des frais engagés par la commission scolaire devant la CSST, la CLP, la Cour supérieure et notre Cour.
[13] L.R.Q., c. S-2.1.
[14] L.R.Q., c. C-12.
[15] Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.011, art. 429.59.
[16] Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157 .
[17] Agropur, Coopérative (division Natrel) c. Rancourt, [2010] C.L.P. 293 , 2010 QCCA 749 .
[18] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9 .
[19] Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339 , 2009 CSC 12 .
[20] Commission des normes du Travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, JE 95-1527 (C.A.).
[21] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 6, paragr.47.
[22] Bell Canada c. CSST, [1988] 1 R.C.S. 749 .
[23] [1999] R.J.Q. 1883 (C.A.).
[24] J.E. 2001-1155 (C.A.).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.