Décision

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Dumas et Québec (Ministère des Ressources naturelles)

2013 QCCFP 22

 

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

DOSSIER No :

1301021

 

 

 

DATE :

27 novembre 2013

 

___________________________________________________________

 

 

 

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Robert Hardy

___________________________________________________________

 

 

 

 

 

BERTRAND DUMAS

 

 

Appelant

 

 

Et

 

 

MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES

 

 

Intimé

 

 

 

___________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION

 

(Article 35, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1)

 

___________________________________________________________

 

 

 

L'APPEL

[1]          M. Bertrand Dumas, technicien de la faune, classe nominale, au ministère des Ressources naturelles[1] (ci-après le « MRN »), conteste la décision (I-12) de ce dernier de ne pas avoir retenu sa candidature à la suite de sa participation, en mai 2012, à un concours d’avancement[2] à la classe principale de son corps d’emplois.

[2]          La procédure d’évaluation du concours comprenait deux examens : l’un portait sur les habiletés professionnelles[3] (I-8) et l’autre vérifiait la capacité d’analyse[4] (I-16) des candidats. Le guide d’évaluation du concours (I-4) indique que chaque examen avait une valeur de 100, le second avec un seuil de passage recommandé de 65 %, le premier de 61 %, pour un total de 126 sur 200. Aucun des deux moyens d’évaluation n’étant éliminatoire, il pouvait donc y avoir compensation du résultat inférieur au seuil de passage d’un examen par une note supérieure au seuil de passage de l’autre, l’important étant d’atteindre le seuil global de 126 points.

[3]          À noter que l’examen sur la capacité d’analyse était composé de 32 questions d’une valeur oscillant de 2 à 4 points par question, l’examen étant corrigé globalement sur 100 points. Celui sur les habiletés professionnelles comportait 28 questions d’un point chacune et il était alors corrigé sur 28. Le seuil de réussite de ce dernier étant fixé à 61 %, il fallait pour atteindre ce dernier qu’un candidat réponde correctement à au moins 17 questions : suivant la règle de trois, 17 sur 28 donne un résultat de 60,7 %, arrondi à 61 %. Ces précisions sont apportées pour pouvoir mieux situer plus loin un des motifs d’appel de M. Dumas.

[4]          Quant à celui-ci, il a réussi l’examen d’analyse, mais a échoué celui d’habiletés professionnelles, ainsi que la procédure globale d’évaluation, car le total de ses deux résultats n’a pas atteint le seuil global de 126 points.

[5]          De l’exposé de son appel et des précisions qu’il y a apportées à la demande de la procureure du MRN, il appert que les objets de la contestation de M. Dumas sont principalement de quatre ordres :

-       « l’efficacité de l’examen d’habiletés professionnelles […] à évaluer et mesurer de façon adéquate et impartiale les aptitudes des candidats »;

-       « l’efficacité du processus global d’évaluation du concours d’avancement de classe destiné au technicien de la faune »;

-       le seuil de passage retenu; et

-       les résultats obtenus pour certaines questions de l’examen d’habiletés professionnelles.

LES FAITS

[6]          L’avis de concours (I-2) annonce que celui-ci vise à pourvoir des emplois réguliers de technicien principal de la faune au MRN dans toutes les régions du Québec, ainsi que pour répondre à des besoins actuels et futurs.

[7]          Les attributions des emplois à pourvoir y sont énoncées ainsi :

« Attributions : À titre de chef d’équipe ou de spécialiste, le titulaire aura la responsabilité d’assurer la réalisation de travaux reliés à la faune.

Chef d’équipe - La classe de technicien principal de la faune comprend les employés qui exercent les attributions du technicien de la faune chef d’équipe. À ce titre, la personne titulaire aura entre autres responsabilités de coordonner les activités d’une équipe de techniciens, répartir et vérifier l’exécution du travail, collaborer à l’entraînement des membres de son équipe et donner son avis lors de l’évaluation de ces derniers.

Spécialiste - Cette classe comprend également les employés qui, de façon principale et habituelle, remplissent un emploi hautement spécialisé relatif aux attributions de technicien de la faune. À titre de spécialiste, le titulaire de l’emploi agira comme personne-ressource dans son domaine et sera sollicité pour résoudre les problématiques les plus complexes ou pour valider la qualité d’exécution de travaux techniques connexes à la faune. Il devra fournir une expertise technique spécialisée en évaluant, adaptant ou en développant de nouvelles méthodes, techniques ou processus de travail. Par ses connaissances avancées du domaine, il sera appelé à fournir un support à ses collègues ou à ses clients et à donner de la formation. »

[8]          Les conditions d’admission au concours exigent de faire partie du personnel régulier du MRN, d’appartenir à la classe nominale des techniciens de la faune et d’avoir au moins dix années d’expérience additionnelle à celle exigée aux conditions minimales dans l’exercice d’attributions de cette classe, conditions remplies par M. Dumas.

[9]          Mme Mylène D’Amours, conseillère en gestion des ressources humaines au MRN et responsable du concours, a témoigné sur les diverses étapes de la préparation et de l’administration de celui-ci. C’est elle qui a accompagné le comité d’évaluation (I-3) constitué pour l’occasion.

[10]       Mme D’Amours mentionne que les membres du comité voulaient couvrir autant le volet chef d’équipe que celui de spécialiste de la classe principale.

[11]       Aux fins de déterminer les aptitudes qui seraient mesurées par la procédure d’évaluation, le comité a notamment consulté la directive sur la classification des techniciens de la faune[5], et est allé voir des gens qui occupaient des emplois de chef d’équipe ou de spécialiste. Le comité a aussi analysé des descriptions d’emploi de chaque type dont Mme D’Amours dépose des exemples (spécialiste : I-14; chef d’équipe : I-15).

[12]       En conclusion de son analyse de la directive et des descriptions des emplois à pourvoir, le comité a retenu de mesurer trois aptitudes : la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle. Pour ce faire, le comité a puisé deux examens dans la banque du Centre de services partagés du Québec (ci-après le « CSPQ »), communément appelée la Testothèque, après avoir fait le tour des examens existants et regardé chacun.

[13]       L’examen d’analyse pour le personnel technique a été choisi pour évaluer la capacité d’analyse définie comme suit (I-5) :

« Capacité d’analyse : Capacité à reconnaître et à classifier des éléments ainsi qu’à déceler l’information pertinente parmi plusieurs renseignements; capacité à raisonner et capacité à comprendre et à appliquer des règles en tenant compte des relations qu’elles ont entre elles. »

[14]       L’examen d’habiletés professionnelles a été choisi pour évaluer les deux autres critères (I-6) :

« Esprit d’équipe : Habileté à collaborer avec le groupe en vue de réaliser les objectifs communs en faisant preuve de coopération.

Sens du service à la clientèle : Habileté à fournir des produits et des services de qualité qui comblent les besoins et les exigences des clients internes et externes. »

[15]       Mme D’Amours indique pourquoi ces critères ont été retenus en référant à certains passages des deux descriptions d’emploi qu’elle a déposées et qui ont été analysées par le comité d’évaluation.

[16]       Sur le plan de la répartition des points de la procédure d’évaluation, elle souligne que la compétence d’analyse a été nettement jugée plus importante que les deux autres compétences, ce qui explique la valeur de 100 points qui lui a été attribuée.

[17]       En contre-interrogatoire, Mme D’Amours va reconnaître que malgré cela, théoriquement,  il est possible qu’une personne qui obtiendrait 100 sur 100 à l’examen d’habiletés professionnelles et seulement 26 à l’examen d’analyse, la compétence la plus importante, réussirait tout de même la procédure globale d’évaluation en raison de la mesure de compensation des résultats des deux examens.

[18]       Par ailleurs, tant la compétence d’esprit d’équipe que celle du sens du service à la clientèle vont être l’objet de 14 des 28 questions de l’examen d’habiletés professionnelles et équivaloir à 50 points pour chacune de ces compétences, une fois le résultat transformé en note sur 100.

[19]       En ce qui a trait à la détermination du seuil de passage exposée précédemment, Mme D’Amours précise que le comité d’évaluation a appliqué les quatre critères prévus par l’article 28 du Règlement sur la tenue de concours[6] (ci-après le « Règlement »), soit les recommandations d’une note de passage par les auteurs de chaque examen (notes effectivement retenues), l’analyse des résultats de l’ensemble des personnes qui passent le concours, la valeur de chaque examen par rapport à celle de la procédure globale d’évaluation et le nombre d’emplois à pourvoir.

[20]       Relativement à ce dernier critère, Mme D’Amours mentionne qu’il y avait au MRN huit emplois de technicien de la faune, classe principale, au moment de la tenue du concours. Officiellement, il n’y avait pas d’emploi vacant à pourvoir, mais on anticipait des départs à la retraite et la libération de certains postes par l’effet du roulement habituel de personnel. Or, avec un seuil de passage de 126 sur 200, 29 candidats ont été déclarés aptes, soit suffisamment pour répondre aux besoins appréhendés.

[21]       En contre-interrogatoire, Mme D’Amours reconnaît que, le jour des examens, se sont tenues dans la même salle les séances d’examen pour ce concours-ci et un autre concours d’avancement de classe, mais de technicien en foresterie et gestion du territoire[7]. Cette information est confirmée dans les Directives à l’intention des responsables de l’administration d’examens écrits (I-17), lesquelles permettent de constater que les candidats de chacun des concours passaient les mêmes examens.

[22]       La Commission a retenu l’objection de la procureure du MRN à ce que M. Dumas persiste à mettre en preuve des éléments relatifs à cet autre concours qui n’était pas celui concerné par son appel.

[23]       Par ailleurs, Mme D’Amours raconte qu’elle est entrée en fonction au MRN en 2008, qu’elle a déjà été membre de comité et responsable de plusieurs concours, mais que c’était son premier concours de technicien de la faune, classe principale.

[24]       Relativement au choix des examens retenus, elle mentionne que le comité a d’abord déterminé les compétences à évaluer, puis a choisi les examens en conséquence.

[25]       Citant l’article 48 de la Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F. 3.1.1, (ci-après la « Loi ») qui prévoit que « L’évaluation des candidats se fait sur la base des critères de connaissances, d’expériences ou d’aptitudes qui sont requises pour l’emploi », M. Dumas demande à quel critère de cet article se rattachaient les habiletés d’esprit d’équipe et de service à la clientèle, identifiées par les membres du comité d’évaluation comme étant celles que les examens devaient permettre d’évaluer. Et de répondre Mme D’Amours : « Les aptitudes. »

[26]       À partir d’un extrait (A-8) du rapport intitulé L’effectif de la fonction publique 2010-2011[8], produit par le Secrétariat du Conseil du trésor, M. Dumas constate qu’il y avait, pour cette année-là, 101 techniciens de la faune réguliers dans la fonction publique, dont 16 de classe principale. Mais d’après Mme D’Amours, on ne peut pas déduire de cette statistique que le concours du MRN a été tenu pour répondre à des besoins de ce ministère pour combler la différence entre les huit postes de technicien de classe principale qu’il avait au moment du concours et ce total de 16 pour l’ensemble de la fonction publique. Au moment de son témoignage, à l’automne 2013, le MRN compte toujours seulement 10 techniciens de la faune de classe principale.

[27]       M. Dumas présente un échange de courriels (A-5) entre lui et des personnes du MRN des Directions générales de l’Estrie-Montréal-Montérégie et de Laval-Lanaudière-Laurentides. Dans ces communications, il lui est répondu que ces directions générales, vers l’automne 2011, estimaient leurs besoins en techniciens forestiers et techniciens de la faune « à quelques postes de chaque corps d’emploi, classe principale », mais sans préciser davantage de nombre. Mme D’Amours maintient qu’à sa connaissance, au moment de lancer le concours, il n’y avait pas eu de demande formelle aux ressources humaines pour des techniciens de la faune, classe principale.

[28]       Par ailleurs, dans un des courriels déposés par M. Dumas, il lui est également mentionné que la seule liste de personnes pour des postes de technicien de la faune connue avait été produite en 2004 pour des besoins particuliers du laboratoire d’expertise biolégal et qu’elle était échue depuis 2005. D’après ces renseignements, personne n’avait souvenir qu’il se soit déjà tenu de concours d’avancement de classe pour ce type de technicien. M. Dumas témoignera plus tard que les quelques autres avancements de classe pour des techniciens de la faune survenus par le passé avaient tous été réalisés à la suite de promotions sans concours, ce qui n’a pas été contredit.

[29]       Outre Mme D’Amours, le MRN fait témoigner M. Antoine Devinat, psychologue de formation et détenteur d’une maîtrise et d’un doctorat en psychologie du travail de l’Université de Montréal. Directeur principal pour la firme CFC Dolmen, il s’occupe notamment depuis 12 ans de développer des outils de mesure pour évaluer des candidats.

[30]       Il connaît bien l’examen d’habiletés professionnelles pour le personnel technique HPRT-0510-O4E pour en avoir assuré la conception avec son équipe, en 2004-2005, pour le compte du Secrétariat du Conseil du trésor. L’objectif était de mesurer les deux habiletés spécifiques d’esprit d’équipe et de service à la clientèle à l’aide d’un instrument construit à partir de mises en situation pour lesquelles les participants devaient identifier une bonne réponse parmi les quatre ou cinq suggestions qui leur étaient proposées.

[31]       M. Devinat témoigne dans le détail de la façon dont l’examen a été élaboré pour garantir tant sa validité conceptuelle que sa validité de contenu. La première, c’est, selon M. Devinat, « de s’assurer que l’on mesure bien ce que l’on s’attend de mesurer », alors que la seconde est de s’assurer « qu’on mesure chaque aspect avec suffisamment de précision et de profondeur pour que ce soit représentatif du concept qu’on a mesuré ».

[32]       Il a été procédé ainsi à une vérification des contextes de travail des techniciens de la fonction publique par la lecture de descriptions de tels emplois, par une analyse de concepts bibliographiques empiriques, par une collecte d’incidents critiques auprès d’experts du contenu de ces emplois, soit des exemples de situations vécues par des techniciens et des gestionnaires de techniciens. Un groupe de 38 techniciens, dont des techniciens en foresterie du MRN, a été rencontré, ainsi qu’un autre de 20 gestionnaires, dont un du MRN. Ces opérations ont permis d’identifier les comportements souhaitables et non souhaitables de la part de techniciens et de produire une première version d’examen comportant 50 questions, soit 25 par compétence étudiée. Après une première présentation du projet d’examen au client, au Secrétariat du Conseil du trésor, dix questions ont été retranchées et les 40 restantes ont été testées auprès de 52 personnes, certaines étant les mêmes que celles déjà consultées. Cette étape a permis de vérifier la pertinence, la clarté, la validité des questions en termes de lien entre elles et les compétences à évaluer, ainsi que le temps de réponse attendu pour remplir le questionnaire. Finalement, 28 questions ont été conservées.

[33]       Le test final de l’examen a été son administration, en 2005, à 3 227 candidats dans le cadre du premier concours pour lequel il a été utilisé. Au 6 mars 2012, cet examen, dont les questions sont demeurées inchangées, a été passé par un total de 40 952 personnes et M. Devinat commente une analyse statistique (I-19) des résultats compilés depuis le début de son utilisation. Il en ressort que le profil des réponses tient toujours la route, en ce sens que la moyenne des résultats des candidats au début de l’utilisation de ce test était de 17,67 bonnes réponses sur 28 questions, et qu’elle s’établit à 17,52 sur la base maintenant de plus de 40 000 participants. Selon M. Devinat, pour le candidat qui obtient la moyenne ou plus avec un outil de mesure ainsi développé, on peut avoir la certitude qu’il maîtrise bien les habiletés recherchées.

[34]       À propos des consignes apparaissant au début de l’examen (I-8), M. Devinat en fait ressortir l’importance. Il y est écrit :

« Cet examen a pour objet d’évaluer les habiletés professionnelles de type relationnel. Il contient 28 questions à choix multiple.

Les mises en situation de cet examen sont fictives. Une question vous sera posée pour chaque mise en situation. Pour répondre à chaque question, vous devrez vous reporter aux renseignements contenus dans la mise en situation qui y est associée. »

Bref, il ne faut pas se référer à une autre situation que celle décrite, de préciser M. Devinat.

[35]       Dans la suite de son témoignage, M. Devinat a passé en revue les neuf questions de l’examen d’habiletés professionnelles contestées par M. Dumas, dont cinq portaient sur l’esprit d’équipe et quatre sur le service à la clientèle. En plaidoirie, M. Dumas n’a argumenté qu’à propos de quatre d’entre elles, deux de chaque habileté mesurée.

[36]       En résumé, dans un cas du premier volet de l’examen, la réponse inappropriée de M. Dumas a été de trop insister pour convaincre d’autres personnes, dans un autre de choisir un moyen qui n’était pas le plus en phase avec le comportement d’accompagnement attendu d’un collègue d’équipe. En rapport avec le second volet de l’examen, M. Dumas a dans un cas retenu une réponse qui ne manifestait pas au mieux l’effort attendu par rapport aux récriminations d’un client, alors que dans l’autre cas sa réponse n’était pas celle la plus en mesure de garantir le caractère confidentiel d’une communication à un client.

[37]       En contre-interrogatoire, M. Dumas demande si certaines des réponses qu’il avait choisies ne pouvaient pas permettre de mesurer le leadership. M. Devinat répond que l’outil mesure les compétences d’esprit d’équipe et du service à la clientèle, pas le leadership.

« Le mandat qui nous avait été donné était de développer un test mesurant deux habiletés, outil qui allait être utilisé pour un certain nombre de corps d’emplois, une trentaine [I-18] qui existent à travers plusieurs ministères ou organismes. »

La liste déposée par le MRN ne présente exclusivement qu’une série de corps d’emplois techniques.

[38]       M. Dumas veut savoir également si, en 2005, lorsqu’il a été utilisé pour la première fois auprès de 3 227 personnes, l’examen d’habiletés professionnelles était destiné à un concours de recrutement à la classe nominale. À cet égard, M. Devinat dit qu’il n’a pas de renseignement sur le contexte dans lequel l’outil a été alors utilisé.

[39]       Enfin, M. Dumas présente au témoin des tableaux de sa confection. Dans un premier, il constate que chaque question de l’examen avait une valeur de 3,571 points (valeur globale de l’examen = 100, divisée par 28 questions). Dans son second, M. Dumas expose qu’il y a des résultats sur 100 qui ne correspondent à aucun nombre de bonnes réponses; par exemple, si 16 questions permettent d’obtenir 57 % et 17 questions d’obtenir 61 %, les résultats de 58, 59 ou 60 % ne peuvent être associés à un nombre de bonnes réponses. Selon M. Dumas, au moment d’additionner les résultats des deux examens, celui d’analyse corrigé sur 100 et celui d’habiletés professionnelles corrigé sur 28, mais reporté sur 100, il se crée un flou dans la constitution de la note globale : si les seuils de passage des deux examens sont additionnés, soit 61 pour celui des habiletés professionnelles et 65 pour celui d’analyse, le seuil global est de 126 et il permet de réussir le concours. Si le seuil théorique de 58 pour l’examen d’habiletés professionnelles, soit un résultat supérieur au seuil correspondant à 16 bonnes questions, est additionné au seuil de 65 de l’examen d’analyse, cela ne donne qu’un résultat global de 123 qui ne permet pas de réussir la procédure d’évaluation dans son ensemble. Et de conclure M. Dumas que l’établissement du seuil global d’évaluation a été réalisé de façon incorrecte.

[40]       M. Devinat n’est pas de cet avis. Selon lui, on ne peut pas toujours avoir des examens corrigés sur 100. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut obligatoirement avoir recours à une règle de trois pour reporter le résultat, soit le score brut, ici sur 28, sur la base de la valeur recherchée, soit 100 points. Un résultat individuel est obtenu en divisant le score brut d’un candidat par le total maximal de points possible, dans ce cas-ci 28, et en multipliant le quotient par 100. Si le score brut n’est pas sur 100, c’est impossible d’observer certains intervalles de pourcentage (par exemple, 58, 59 et 60 %), car c’est l’impact incontournable du recours à la règle de trois.

[41]       Par ailleurs, dans sa courte preuve, M. Dumas explique qu’il est technicien pour la région de la Montérégie. Il est spécialisé en faune aquatique, notamment pour les poissons appâts et dans l’attribution des permis dans ce domaine, et ce, en plus d’agir en tant que représentant régional pour le MRN.

[42]       À sa connaissance, depuis la fin du concours, un technicien a été nommé à la classe principale et un autre est en processus de promotion[9]. Étant donné son expertise, si son nom avait été sur la liste de déclaration d’aptitudes, il aurait déjà lui-même été promu.

L’ARGUMENTATION

du MRN

[43]       Mentionnant que M. Dumas conteste la procédure d’évaluation suivie dans le cadre du concours d’avancement à la classe principale de technicien de la faune, la procureure du MRN établit que M. Dumas a le fardeau de faire la démonstration, suivant l’article 35 de la Loi, qu’il est survenu une illégalité ou une irrégularité dans la procédure utilisée pour l’évaluation des candidats.

[44]       Par ailleurs, la Loi prévoit aussi, à ses articles 48 et 49, que l’évaluation doit se faire « sur la base des critères de connaissances, d’expériences ou d’aptitudes qui sont requises pour l’emploi » et que la procédure d’évaluation « doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats ».

[45]       Après avoir souligné que M. Dumas soulevait la question de l’efficacité du processus d’évaluation, la procureure rappelle que Mme D’Amours, responsable du concours, a expliqué comment le comité d’évaluation avait procédé. À partir de descriptions d’emplois, il avait retenu trois aptitudes déterminantes, capacité d’analyse, esprit d’équipe et sens du service à la clientèle, et avait choisi les examens parmi ceux mis à la disposition des ministères et des organismes par le CSPQ.

[46]       Or, dans ce cas-ci, les aptitudes retenues sont requises pour l’emploi à pourvoir, et ce, au sens de l’article 48 de la Loi.

[47]       De plus, selon la procureure, il se peut que des compétences prévues pour la classe nominale soient également requises pour la classe principale.

[48]       Quand M. Dumas aborde la question de l’efficacité de la procédure d’évaluation, cela équivaut, selon la procureure, à parler de la validité de l’examen. Or, M. Devinat a exposé de façon détaillée la façon dont l’examen contesté d’habiletés professionnelles a été élaboré : depuis sa conception avec la collaboration d’experts du contenu, jusqu’à sa validation suivant l’expérience de son utilisation auprès de plus de 40 000 candidats, en passant par des prétests auprès de techniciens et de gestionnaires de techniciens.

[49]       La procureure souligne que l’examen d’habiletés a été préparé pour une panoplie de classes d’emploi et pas spécifiquement pour les techniciens de la faune. Ainsi, la valeur de l’examen tient au fait qu’il met en cause des situations communes aux différents emplois. Il n’a pas été expressément conçu pour un emploi dans un ministère donné.

[50]       Quant aux questions et aux bonnes réponses contestées par M. Dumas, la procureure mentionne que M. Devinat les a passées en revue en justifiant dans chaque cas les réponses attendues.

[51]       L’analyse statistique des résultats, obtenus par les quelque 40 000 personnes à qui l’examen a déjà été administré depuis sa première utilisation en 2005, a permis de confirmer la valeur de ses questions et de ses réponses.

[52]       Il y a des candidats qui négligent certains éléments des mises en situation ou qui en ajoutent et M. Dumas a été un de ceux-là.

[53]       Par rapport au nombre d’emplois à pourvoir qui pourrait avoir été de 16 selon le document déposé par M. Dumas, et ce, pour la période écoulée depuis la tenue du concours, il n’y a pas de données permettant de savoir quels ministères pouvaient être concernés dans ce rapport. Dans le cas du MRN, Mme D’Amours a témoigné qu’au moment du concours aucun besoin particulier n’avait été signalé à la Direction des ressources humaines. Dans ce contexte, le nombre de 29 candidats déclarés aptes, en fixant le seuil de passage global de la procédure d’évaluation à 126, était amplement suffisant pour pourvoir les postes éventuellement disponibles.

[54]       Enfin, la procureure affirme que, selon l’article 48, il n’y a pas de critère qui prédomine; un critère peut prendre le pas sur les deux autres. Elle renvoie à cet effet la Commission à sa décision dans l’affaire Gélinas[10].

« La preuve révèle que les membres du comité d’évaluation, se fondant sur leur propre expérience et sur le profil de compétences attendues des chefs d’équipe de techniciens, a décidé de ne pas évaluer les connaissances du domaine d’activités professionnelles et de retenir les critères qu’ils ont estimés les plus pertinents. Ils se sont donc concentrés sur des habiletés requises chez les chefs d’équipe au regard de thèmes comme l’esprit d’équipe, la mobilisation, le support aux membres de l’équipe et la communication au sein de l’organisation.

[…]

La Commission tient à réaffirmer un principe qui se dégage de sa jurisprudence, selon lequel c’est le comité qui exerce sa discrétion au regard du choix des critères à évaluer et de leur valeur relative dans le processus d’évaluation. La Commission n’a pas à se substituer au comité à moins qu’elle ne constate un écart entre la procédure d’évaluation et le profil de compétence de l’emploi en concours qui l’amène à la conclusion que la règle de la sélection au mérite est compromise. »

[55]       Toujours au plan de la jurisprudence, des neuf autres décisions citées par la procureure, la Commission retient celle de l’affaire Bourgon[11] qui aborde notamment la question de la détermination d’un seuil de passage à un examen dans les termes suivants.

« Le système de sélection au mérite à la base de la promotion et du recrutement dans la fonction publique québécoise vise à discriminer les meilleurs candidats pour pourvoir à des emplois. En ce qui concerne particulièrement la détermination d’un seuil de passage, ce système permet de fixer un seuil par concours en fonction des circonstances qui lui sont propres, dont le nombre d’emplois à pourvoir. Ce seuil, qui doit évidemment être fixé de façon à s’assurer que les candidats déclarés aptes ont démontré qu’ils maîtrisaient les habiletés, aptitudes ou connaissances requises pour l’emploi, peut donc, en tenant compte de ce paramètre, être plus ou moins élevé dépendant des besoins de l’employeur. Le seuil de passage fixé pour un même examen pourrait ainsi être différent dans le cadre d’un concours tenu pour une autre région ou à une période antérieure ou postérieure.

Un candidat n’est pas nécessairement inapte à exécuter adéquatement les fonctions reliées à un emploi en concours parce qu’il n’a pas atteint le seuil de passage requis pour réussir un examen administré dans le cadre de ce concours. Mais comme il ne s’est pas classé parmi les membres d’un bassin de candidats suffisant pour répondre aux besoins de l’employeur, il ne pourra être nommé à cet emploi, et ce, même si le même résultat aurait pu lui permettre de faire partie d’un tel bassin dans d’autres circonstances. »

[56]       En conclusion de sa plaidoirie, la procureure du MRN estime que ce dernier n’a commis aucune illégalité ou irrégularité dans le cadre de la procédure d’évaluation du concours et sa décision de ne pas admettre la candidature de M. Dumas n’est pas abusive, arbitraire, déraisonnable ou injuste, en conséquence de quoi la Commission devrait rejeter son appel.

de M. Dumas

[57]       M. Dumas invoque d’abord l’article 3 de la Loi qui prévoit l’institution d’un mode « d’organisation des ressources humaines destiné à favoriser :

[…]

3° l’égalité d’accès de tous les citoyens à la fonction publique;

4° l’impartialité et l’équité des décisions affectant les fonctionnaires;

[…] »

[58]       Cet article garantit, selon M. Dumas, qu’il faut réellement, dans le cadre d’un concours, offrir à tous l’opportunité d’accéder à la liste de déclaration d’aptitudes, ce qui n’a pas été le cas, selon lui, dans le processus qu’il conteste.

« Lorsqu’on donne des droits à un comité d’évaluation, on lui donne aussi des obligations dont celle d’avoir des exigences justifiées, ce qui m’amène à invoquer l’article 3 [de la Loi]. Si les exigences ne sont pas justifiées, on risque de léser les parties. »

[59]       Mme D’Amours, rappelle M. Dumas, a témoigné que les aptitudes retenues par le comité d’évaluation ont  été l’esprit d’équipe, le service à la clientèle et la capacité d’analyse. Elle a mentionné que 50 % de la valeur totale de la procédure d’évaluation avait été attribué à la capacité d’analyse, soit 100 points, et 25 % à chacune des deux autres habiletés, soit 50 points.

[60]       Pourtant, rappelle-t-il, en contre-interrogatoire Mme D’Amours a reconnu qu’un résultat de seulement 26 à l’examen d’analyse pouvait suffire à réussir le concours, et ce, même si la capacité d’analyse était la compétence la plus importante des trois habiletés évaluées. Cette possibilité, selon M. Dumas, démontre une faiblesse de la procédure d’évaluation et la nécessité d’avoir des balises pour empêcher que l’on puisse descendre à un résultat aussi bas de la compétence jugée principale et réussir quand même le concours. Du groupe des 29 personnes dont les noms ont été inscrits sur la liste de déclaration d’aptitudes (I-21), M. Dumas relève un candidat qui n’a obtenu que 48 % à l’examen d’analyse. Avoir accepté cette situation démontre le caractère fautif de la procédure, car cela a créé, selon lui, une iniquité envers notamment les candidats qui n’ont pas vu leur nom inscrit sur la liste tout en ayant obtenu plus de 50 % pour chaque examen.

[61]       Dans un autre ordre d’idées, d’après la nature des descriptions d’emploi déposées par Mme D’Amours dont M. Dumas cite quelques passages, il ressort qu’il fallait, dans le cadre de l’examen d’habiletés professionnelles, s’attendre à gérer des équipes et non pas à agir comme technicien classe nominale et simplement offrir le soutien technique qu’on donne à un chef d’équipe.

[62]       M. Dumas en conclut qu’on pouvait s’attendre à ce que le critère d’évaluation retenu, les aptitudes, tienne compte à la fois de la capacité de gérer des équipes, de faire preuve de leadership et d’esprit d’initiative parce que le technicien principal va notamment proposer de nouvelles technologies, gérer du personnel, fournir des avis. Il en déduit que l’examen d’habiletés professionnelles n’a pas été conçu pour un concours de promotion à la classe de technicien principal, mais pour le recrutement de techniciens, classe nominale. Utiliser un examen à des fins pour lesquelles il n’a pas été conçu a lésé des candidats.

[63]       Il en veut également pour preuve que lorsque l’examen a été élaboré en 2005, sa première utilisation a visé 3 227 candidats, visiblement, selon lui, étant donné le nombre si élevé de participants, à l’occasion d’un concours de recrutement et non de promotion à la classe principale, chef d’équipe. L’examen a été revalidé à 40 000 reprises et, toujours selon lui, on n’a jamais observé autant de candidats à des concours de promotion.

[64]       Il rappelle que lorsqu’il a demandé à M. Devinat si, pour une mise en situation impliquant une discussion de groupe, la question ne faisait pas effectivement référence à des notions de leadership et d’esprit d’initiative, celui-là avait répondu que ces deux aspects n’étaient pas visés par l’examen.

[65]       Et M. Dumas de conclure que lorsqu’un candidat répondait comme technicien principal, ce à quoi il devait s’attendre étant donné que c’était un concours de chef d’équipe, il était pénalisé et n’obtenait aucun point. Pour toutes les raisons qu’il a invoquées, M. Dumas demande à la Commission d’accueillir son appel.

Réplique du MRN

[66]       Relativement à l’article 3 de la Loi auquel a référé M. Dumas, la procureure du MRN fait remarquer qu’il s’agit d’un article proposant les objectifs de la Loi. Les dispositions qu’on y retrouve n’ont pas à être sanctionnées comme telles. Ce sont les articles 35, 48 et 49 de la Loi qui sont à appliquer pour cet appel.

[67]       Les remarques de M. Dumas en rapport avec le résultat minimal théorique de l’examen d’habiletés professionnelles sont hypothétiques : personne n’a obtenu la note de 26 sur 100 pour cet examen. Par ailleurs, pour répondre à l’objectif de M. Dumas d’ajouter des balises à l’examen, il faudrait que tous les examens soient éliminatoires. On n’en est pas là souligne la procureure et de toute façon l’approche de la compensation de résultats de deux examens n’est pas interdite ni par la Loi, ni par le Règlement.

[68]       La procureure reconnaît avoir dit, en commentant le fait que l’examen d’habiletés professionnelles avait été administré en premier à 3 227 personnes, que c’était probablement à l’occasion d’un concours de recrutement. Mais cela ne change rien selon elle. Les examens ne sont pas faits pour un type ou l’autre de concours, mais pour évaluer notamment des habiletés. Cet examen est conçu pour être utilisé autant pour des concours de promotion que de recrutement. « Il n’est pas dit, soutient-elle, qu’on ne peut plus évaluer en promotion, ce qui a pu être évalué au recrutement. Ici, l’examen est conçu pour les deux. »

[69]       Quant à l’examen lui-même, poursuit la procureure, « il ne dit pas que vous êtes technicien principal. M. Dumas a modifié des questions en introduisant la notion de leadership qui n’est pas évaluée ici. »

[70]       En analysant les descriptions d’emplois, Mme D’Amours a mentionné les tâches qui justifiaient d’évaluer la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle. Reconnaissant que les spécialistes ne sont pas habituellement des chefs d’équipe, si on regarde notamment la directive sur la classification des techniciens de la faune, la procureure précise que toutefois dans ce cas-ci on visait ce qui était requis pour l’emploi.

« On ne peut pas nier, soutient-elle, qu’un spécialiste et un chef d’équipe ont dans leur emploi un service à la clientèle à fournir. »

[71]       La procureure souligne encore que la jurisprudence a reconnu que ce qui est indiqué, en termes de compétences requises dans les descriptions d’emploi, les listes de ce qui y est demandé, les habiletés, etc., ce n’est pas un cadre qui contraint le comité d’évaluation.

« Le comité doit toujours analyser cela et déterminer ce qui est requis pour l’emploi de façon dominante, pour la réussite de l’emploi. Et c’est ce qui a été fait ici. »

MOTIFS

[72]       L’appel de M. Dumas a été interjeté suivant l’article 35 de la Loi qui prévoit notamment ce qui suit :

« 35.    Un candidat peut, s’il estime que la procédure utilisée pour l’admission ou l’évaluation des candidats, lors d’un concours de promotion ou lors de la constitution d’une réserve de candidatures à la promotion, a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité, interjeter appel devant la Commission de la fonction publique […]. »

[73]       Il s’agit d’une matière administrative et le fardeau de la preuve incombe à M. Dumas qui doit prouver ce qu’il avance selon la règle de la balance des probabilités, à savoir qu’il est plus probable qu’improbable que la procédure contestée ait été entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.

[74]       M. Dumas soutient que l’examen d’habiletés professionnelles, utilisé dans le cadre de la procédure d’évaluation du concours de promotion à la classe principale des agents de la faune du MRN, n’a pas évalué et mesuré de façon adéquate et impartiale les aptitudes des candidats. Il conteste l’efficacité du processus global d’évaluation du concours, son seuil de passage et certaines réponses attendues de l’examen d’habiletés professionnelles.

[75]       La Commission souligne tout de suite qu’elle retient l’approche de M. Devinat et considère que le seuil global de la procédure d’évaluation du concours a été correctement établi par le MRN. La Commission estime que l’on ne peut pas utiliser un résultat uniquement théorique, mathématiquement parlant (58), d’un examen pour l’additionner à un résultat réel d’un autre examen (65) pour démontrer un défaut dans la détermination du seuil de passage d’une procédure globale d’évaluation établi autrement et d’une façon tout à fait raisonnable. Voyons maintenant ce qui en est des autres aspects de l’appel de M. Dumas.

Le droit applicable

La Loi

[76]       Les articles 48 et 49 de la Loi sont les principales dispositions de cet ordre qu’il convient de retenir.

« 48.    L’évaluation des candidats se fait sur la base des critères de connaissances, d’expériences ou d’aptitudes qui sont requises pour l’emploi.

49.       Le président du Conseil du trésor détermine la procédure d’évaluation; celle-ci doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats. »

[77]       L’article 3 de la Loi, auquel réfère M. Dumas, fait partie de la section II du chapitre I de la Loi qui traite de l’« Objet de la Loi ». Il ne prévoit pas d’obligations qui peuvent être sanctionnées sans égard aux normes que la Commission a le devoir de faire respecter de par les limites de sa compétence énoncées à divers endroits dans la Loi. Toutefois, dans la mesure où la Commission a la compétence pour se prononcer sur une décision de l’administration, elle peut à cette occasion apprécier notamment si la décision rendue l’a été ou non de façon conforme à l’objet de la Loi.

[78]       Dans cet esprit, il convient de retenir ici de l’article 3 que la Loi :

« […] institue un mode d’organisation des ressources humaines destiné à favoriser :

[…]

4° l’impartialité et l’équité des décisions affectant les fonctionnaires;

[…] »

La politique

[79]       La sous-section 6 de la Politique concernant la tenue de concours de recrutement et de promotion dans la fonction publique[12] met en relief l’importance de la phase d’évaluation d’un concours. Elle précise à cet effet ce qui attendu d’une telle procédure.

« 8.      La procédure d’évaluation doit reposer uniquement sur les exigences de l’emploi. Pour ce faire, il doit exister une relation étroite entre, d’une part, les tâches significatives de l’emploi et, d’autre part, les exigences requises ainsi que les moyens d’évaluation élaborés pour mesurer si les candidates et candidats satisfont à ces exigences. Cette relation représente les assises de la procédure d’évaluation. Les critères d’évaluation reçoivent une valeur proportionnelle à leur importance relative dans l’exercice des tâches de l’emploi. »

La directive

[80]       Comme les autres corps d’emplois prévus au mode d’organisation des ressources humaines dans la fonction publique, celui des techniciens de la faune est l’objet d’une directive sur la classification où il est mentionné, dans la section I, que :

« 2.      Ce corps d’emploi comprend 2 classes, la classe de technicien de la faune et la classe de technicien principal de la faune. »

[81]       À l’article 4 de la section II consacrée aux attributions générales de ces employés, on peut lire notamment celles-ci  au sujet du technicien de la faune :

« […] il informe le public et collabore à la réalisation de programmes éducatifs et culturels du domaine de la faune; […]

il informe le public sur les méthodes et pratiques de la chasse et de la pêche sportives, sur la prévention des accidents, sur l’exploitation rationnelle et la conservation des ressources fauniques.

Le technicien de la faune conseille et oriente les exploitants de pêche commerciale particulièrement sur l’emploi de l’équipement et les méthodes de pêche commerciale, sur l’utilisation des produits de la mer et sur leur préparation pour les fins commerciales; […]

Dans l’accomplissement de ses attributions, le technicien de la faune peut être appelé à initier au travail les nouveaux techniciens de la faune, à diriger du personnel de soutien, à collaborer à son entraînement, à répartir le travail, à en vérifier l’exécution et, à la demande du notateur, à donner son avis lors de la notation. »

[82]       De cet article, on comprend aisément l’importance du sens du service à la clientèle pour  un technicien de la faune qui doit informer le public ou des exploitants de la pêche.

[83]       Mais il s’agit là d’attributions générales du technicien dit communément de classe nominale.

[84]       L’article 5 de la directive expose plutôt les attributions du technicien de la classe principale.

« 5.      La classe de technicien principal de la faune comprend les employés dont les attributions principales et habituelles consistent à exercer, en application de l’article 3, les attributions du technicien de la faune chef d’équipe; il dirige une équipe de techniciens de la faune; il répartit le travail entre les membres de son équipe; il vérifie l’exécution du travail; il donne, à la demande du notateur, son avis lors de la notation des membres de son équipe; il collabore à l’entraînement des membres de son équipe; il exécute, à l’occasion avec les membres de son équipe, les attributions de la classe précédente [la classe nominale] et effectue, au besoin, les travaux les plus difficiles.

Cette classe comprend également les employés qui, de façon principale et habituelle, remplissent un emploi hautement spécialisé dans le cadre des attributions de la classe de technicien de la faune. Ces emplois sont caractérisés par les 4 critères suivants :

a)    La complexité des travaux

Ce critère réfère aux :

i)        travaux exigeant des connaissances particulières et additionnelles à celles normalement requises du technicien;

ii)       travaux ayant par rapport à l’ensemble du programme d’activités un caractère unique, essentiel et déterminant à sa réalisation;

iii)      travaux qui en raison de leur complexité font de ceux qui les exécutent les collaborateurs les plus immédiats des professionnels [autre catégorie d’emploi] ou de la direction.

b)    La créativité

Ce critère réfère aux :

i)       travaux exigeant la conception de nouvelles méthodes de travail et l’adaptation de procédés techniques;

ii)      travaux exigeant un choix parmi plusieurs lignes de conduite possibles;

iii)     travaux exigeant de ceux qui les exécutent une facilité d’adaptation afin de tenir compte de facteurs nouveaux ou de constatations imprévues;

iv)     travaux exigeant la recherche de solutions originales.

c)    Les communications

Ce critère réfère aux :

i)       travaux exigeant une coordination avec d’autres unités administratives et nécessitant des échanges d’informations techniques et des discussions pour la réalisation d’objectifs communs ou complémentaires

OU

ii)      travaux ayant pour effet de déterminer ou de normaliser les activités d’autres secteurs.

d)    La surveillance reçue

Ce critère réfère aux :

i)       travaux effectués sous la surveillance d’un professionnel d’expérience; celui qui les exécute ne peut être sous les ordres d’un autre technicien principal de la faune;

ii)      travaux définis compte tenu des priorités et d’objectifs généraux et exécutés avec une grande latitude d’action. »

[85]       À partir de la description des attributions du technicien de la faune, classe principale, on peut constater qu’elle renferme deux types d’emploi différents, le chef d’équipe et le spécialiste.

[86]       À ce stade de son analyse, la Commission constate aussi qu’il y a adéquation entre les attributions décrites à la directive sur la classification et celles décrites dans l’avis de concours, reprises au paragraphe 7 de cette décision, pour les deux mêmes types d’emploi.

[87]       Il reste maintenant à voir s’il est exact, comme le prétend M. Dumas, que la procédure d’évaluation et l’examen d’habiletés professionnelles en particulier n’ont pas permis d’évaluer de façon adéquate et impartiale les aptitudes des candidats au concours à l’étude.

L’analyse des faits

[88]       En introduction de la fiche d’information (I-7) jointe à la convocation adressée aux candidats et  relative à la tenue de la procédure d’évaluation, on peut lire ce qui suit au sujet de l’examen d’habiletés professionnelles :

« Cet examen a pour objet d’évaluer certaines habiletés professionnelles de type relationnel. »

Un renseignement du même type apparaît au début des consignes (I-8) remises aux candidats au moment de l’examen :

« Cet examen a pour objet d’évaluer les habiletés professionnelles de type relationnel. Il contient 28 questions à choix multiple. »

[89]       Aucune mise en situation de ces questions ne concerne ou ne met en scène un chef d’équipe. Toutes les mises en situation ne traitent que de relations entre techniciens d’une même équipe et aucune ne précise ou ne suggère que cette équipe a un chef d’équipe. Lorsque des mises en situation impliquent un supérieur, elles mentionnent qu’il s’agit d’un directeur.

[90]       Cette constatation est en accord avec ce que soutient le MRN, voulant que M. Dumas a ajouté aux mises en situation lorsqu’il s’est placé dans le rôle d’un chef d’équipe pour répondre à certaines questions pour lesquelles ses réponses se sont avérées erronées. Cette façon de procéder allait à l’encontre d’une autre consigne qui précisait que pour « répondre à chaque question, vous devrez vous reporter aux renseignements contenus dans la mise en situation qui y est associée. »

[91]       À cette approche, M. Dumas répond qu’il s’agissait d’un concours de promotion pour devenir chef d’équipe et que les examens devaient nécessairement permettre d’évaluer, suivant l’article 48 de la Loi, les aptitudes pour le devenir, notamment le sens du leadership et l’esprit d’initiative.

[92]       Le MRN rétorque qu’il appartient à un comité d’évaluation de décider des critères à évaluer. Dans ce cas-ci, le comité a consulté des personnes occupant des fonctions de chef d’équipe ou qui en dirigent et également des descriptions d’emplois de technicien chef d’équipe et de technicien spécialiste. Puis, dans sa discrétion, il a retenu de faire évaluer les aptitudes relatives à l’esprit d’analyse, à celui d’équipe et au sens du service à la clientèle, des aptitudes que son analyse des descriptions d’emploi lui avait permis de constater qu’elles étaient requises pour l’emploi de technicien, classe principale. S’appuyant sur la décision de la Commission dans l’affaire Gélinas, le MRN plaide qu’il n’y a pas de critère de l’article 48 de la Loi qui prédomine; il revient au comité d’évaluation de déterminer ce qu’il veut voir être évalué et il se peut que des compétences exigées pour la classe nominale soient également évaluées pour accéder à la classe principale. Conséquemment, il a choisi dans la Testotèque du CSPQ les examens en conséquence des aptitudes qu’il avait retenues.

L’analyse de la jurisprudence

[93]       Une lecture complète de la décision Gélinas nous apprend qu’il s’agissait dans cette affaire d’un concours de promotion à la classe principale de technicien en administration. Dans ce cas, la procédure d’évaluation avait comporté deux examens.

« Le premier examen (HTCE-0303-01E) évaluait des habiletés à effectuer des tâches de technicienne ou de technicien de classe principale, chef d’équipe. Cet examen sera désigné ci-après comme l’examen d’habiletés HTCE. Le second examen (HAPRO-0105-02E) évaluait certaines habiletés de type relationnel. Cet examen sera désigné ci-après comme l’examen HAPRO. Ce dernier examen provient du Secrétariat du Conseil du trésor (I-25). Il s’agit d’un examen à choix multiple corrigé par un lecteur optique. Il contient 30 questions ou mises en situation dont 15 évaluent l’esprit d’équipe et 15 autres, le service à la clientèle. La clientèle cible de cet examen est constituée des candidats à des emplois de niveau technique et professionnel[13]. […] »

[94]       Si l’on doit retenir que dans l’affaire Gélinas, le comité d’évaluation avait choisi d’évaluer l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle, il avait également retenu un examen pour évaluer les habiletés à effectuer des tâches de chef d'équipe.

[95]       Dans la décision Sylvestre[14], la Commission a eu l’occasion de se prononcer sur une autre affaire de concours de promotion, cette fois à la classe principale d’agent d’aide socio-économique. Dans ce cas, la Régie de l’assurance maladie avait procédé à deux concours distincts, un pour l’emploi de classe principale, chef d’équipe, l’autre pour l’emploi de classe principale, spécialiste.

[96]       Fait particulier, dans cette affaire l’appelant contestait d’une part « la pertinence d’utiliser l’examen GCE-9805 visant à évaluer l’habileté à effectuer des tâches de technicienne ou de technicien, chef d’équipe, pour évaluer les candidats au concours de chef d’équipe compte tenu des fonctions effectivement exercées dans cet emploi[15]. » En fait, l’appelant avait occupé les fonctions de chef d’équipe pendant environ deux ans et demi avant la tenue du concours qu’il devait malheureusement échouer et, sans contester la validité de l’examen en soi, il considérait que celui-ci n’avait pas évalué les tâches que, lui, il avait eu l’occasion d’exercer.

[97]       D’autre part, M. Sylvestre contestait également la décision du comité d’évaluation d’avoir choisi de mesurer les habiletés d’analyse, d’esprit d’équipe et du sens du service à la clientèle. Après avoir cité l’article 5 de la directive sur classification applicable dans ce cas-là, dont le texte et le sens sont similaires à ceux de l’article 5 de la directive sur la classification des techniciens de la faune, la Commission disait :

« […] qu’il était justifié de décider d’évaluer, dans le cas du concours de chef d’équipe, les habiletés de chef d’équipe ainsi que les habiletés professionnelles d’esprit d’équipe et de sens du service à la clientèle, et dans le cas du concours de spécialiste, ces mêmes habiletés professionnelles et l’habileté d’analyse[16]. »

[98]       Enfin, dans l’affaire Sylvestre, la Commission rapportait des passages de la décision Bissonnette[17], dont celui-ci abordant les articles 48 et 49 de la Loi.

« La Commission considère que toute personne classée dans un corps d’emploi doit être en mesure d’en remplir toutes les attributions, ce qui se traduit, en matière de concours, par la conformité aux articles 48 et 49 de la Loi sur la fonction publique. Il s’ensuit qu’il est tout à fait normal qu’un même examen soit utilisé en promotion et au recrutement lorsqu’il sert à évaluer des connaissances, expériences ou aptitudes requises pour un emploi qui est le même. »

[99]       De l’affaire Sylvestre, on doit retenir qu’il est tout à fait correct d’utiliser également en promotion un examen destiné à évaluer des aptitudes nécessaires au recrutement pour la classe nominale du même emploi. On remarque également que dans cette autre affaire, on avait eu aussi, en plus, recours à un examen vérifiant spécifiquement les aptitudes pour être chef d’équipe, ce qui était l’objet premier du concours.

Application au dossier

[100]    Dans ce dossier-ci, la preuve a démontré, suivant le témoignage de Mme D’Amours, que le MRN avait choisi, parmi les trois critères énoncés à l’article 48 de la Loi, d’évaluer celui des aptitudes requises pour l’emploi.

[101]    Au sens de cet article, les aptitudes requises pour l’emploi sont celles qui réfèrent aux attributions de l’emploi annoncées dans l’avis de concours, attributions nécessairement correspondantes à certaines de celles prévues à la directive sur la classification des techniciens de la faune pour les emplois de chef d’équipe et de spécialiste.

[102]    Pour l’emploi de chef d’équipe, l’avis de concours précise que « la personne titulaire aura entre autres responsabilités de coordonner les activités d’une équipe de techniciens, répartir et vérifier l’exécution du travail, collaborer à l’entraînement des membres de son équipe et donner son avis lors de l’évaluation de ces derniers. »

[103]    Donc, les aptitudes à évaluer pour l’emploi de chef d’équipe sont au premier chef celles en rapport avec :

-       la coordination d’activités d’une équipe de techniciens;

-       la répartition du travail aux membres de l’équipe;

-       la vérification de l’exécution du travail par ces derniers;

-       la collaboration à leur entraînement; et

-       l’aptitude à donner son avis lors de leur évaluation.

[104]    Et on pourrait décortiquer semblablement l’emploi de spécialiste.

[105]    Si l’on revient à l’emploi de chef d’équipe, l’exercice d’évaluation des candidats auquel un comité doit se prêter, suivant les attributions annoncées dans l’avis de concours, n’exclut pas l’opportunité d’évaluer d’autres aptitudes pertinentes à cet emploi, comme l’esprit d’équipe ou d’analyse et le sens du service à la clientèle. Comme il l’a été signalé dans des décisions de la Commission, le comité d’évaluation a toute la discrétion pour évaluer, même en matière de promotion, des aptitudes déjà mesurées au stade du recrutement pour la classe nominale du même emploi, comme dans ce cas-ci l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle.

[106]    Mais cette discrétion du comité d’évaluation ne peut pas autoriser de passer outre au premier objectif de la procédure d’évaluation mise sur pied pour mesurer les « aptitudes qui sont requises » pour l’emploi à pourvoir, soit d’évaluer celles en lien avec les attributions annoncées dans l’avis de concours.

[107]    Pour en arriver à déterminer si les examens retenus ont permis une évaluation adéquate des candidats, il faut que la Commission puisse, ce qui n’est pas le cas ici, constater que le comité d’évaluation en retenant ses moyens d’évaluation a fait un parallèle significatif entre ces instruments de mesure et les attributions annoncées de l’emploi.  

[108]    C’est en ce sens qu’il faut comprendre la réserve que la Commission émettait dans l’affaire Gélinas, tout en reconnaissant la latitude du pouvoir de décision d’un comité d’évaluation :

« La Commission n’a pas à se substituer au comité à moins qu’elle ne constate un écart entre la procédure d’évaluation et le profil de compétence de l’emploi en concours qui l’amène à la conclusion que la règle de la sélection au mérite est compromise. »

[109]    Or, la règle de la sélection au mérite est compromise lorsqu’on constate que les aptitudes nécessaires pour exercer les activités principales requises pour l’emploi à pourvoir n’ont pas été mesurées.

[110]    Coordonner, répartir et vérifier l’exécution du travail, comme collaborer à l’entraînement des membres de son équipe sont toutes des activités dont on ne peut pas voir de quelle façon l’examen d’habiletés professionnelles pourrait permettre d’évaluer les aptitudes à les exercer. On peut très bien concevoir que les aptitudes d’esprit d’équipe et du sens du service à la clientèle, mesurées par l’examen d’habiletés professionnelles, peuvent être utiles à l’exercice de l’emploi de chef d’équipe. On ne peut affirmer toutefois qu’elles sont déterminantes au point de ne même pas avoir à mesurer les aptitudes à exercer les activités décrites dans les attributions de l’emploi.

[111]    La pertinence du contenu de l’ensemble d’une procédure d’évaluation doit pouvoir se vérifier par rapport à la spécificité de l’emploi à pourvoir et ce n’est pas le cas ici.

[112]    Dans son Rapport de vérification sur les promotions sans concours[18], paru en avril 2011, la Commission a eu l’occasion de commenter, au fil de son analyse de ce mode de dotation, le processus d’accession à une classe d’emploi principale, volet spécialiste, analyse avec laquelle il est instructif de faire un parallèle ici. La Commission disait ceci :

« Pour qu’une personne puisse accéder à une classe d’emplois principale, volet spécialiste, les procédures d’évaluation doivent tenir compte des caractéristiques de l’emploi et des habiletés nouvelles qui sont nécessaires pour l’exercer.

[…] En effet, étant donné qu’une promotion à la classe principale se fait à l’intérieur d’un même corps d’emploi, ce sont les connaissances spécifiques de la classe d’emplois qui différencient la classe nominale de la classe principale. De plus, les moyens d’évaluation du CSPQ sont conçus pour évaluer des habiletés de base de la classe nominale et non des habiletés de "type spécialiste". Bref, les ministères et organismes disposent de peu d’examens écrits leur permettant d’évaluer les habiletés de spécialiste de la classe principale, d’où la nécessité pour eux de concevoir des examens écrits ou des entrevues spécifiques. La Commission a observé qu’il existe dans la Testothèque informatisée du CSPQ des examens conçus pour la classe principale des employés de bureau et des techniciens, volet chef d’équipe, alors qu’aucun examen n’est disponible pour les classes principales, volet spécialiste.

Dans cette vérification, il y avait 19 dossiers de technicien ou de personnel de bureau, classe principale, volet spécialiste. Parmi eux, 2 à la FADQ et un au MFQ ne comportaient que des examens écrits du CSPQ mesurant les habiletés de base requises pour la classe nominale. La Commission est d’avis que cette pratique n’est pas appropriée puisque les candidats n’ont pas été évalués selon les exigences requises pour la classe principale. De toute évidence, il aurait fallu ici ajouter un autre outil d’évaluation portant sur des habiletés ou des connaissances en lien avec le caractère plus complexe de la classe spécialiste. »

[Nous soulignons]

[113]    Dans ce dossier-ci, la Commission constate que le comité d’évaluation, dans son choix des examens n’a pas tenu compte des habiletés nouvelles nécessaires à l’exercice des activités différentes que comporte l’emploi de chef d’équipe. En utilisant l’examen d’habiletés professionnelles, le comité a évalué des habiletés mesurées également pour la classe nominale. Il n’a pas mesuré les aptitudes requises pour exercer les attributions de la classe principale qu’il avait pourtant identifiées dans l’avis de concours. Le même raisonnement s’applique à l’examen d’analyse, dûment identifié (I-5) comme un examen pour le personnel technique, pas pour du personnel spécifiquement appelé à être chef d’équipe.

[114]    La preuve n’a pas révélé si, au moment de la tenue du concours ici à l’étude, la Testothèque renfermait toujours un ou des examens permettant d’évaluer les aptitudes spécifiques au volet chef d’équipe de la classe principale des techniciens. De toute façon, un comité d’évaluation n’est pas obligé de s’en tenir au choix offert par la banque d’examens du CSPQ.

[115]    Mais le fait demeure qu’il aurait fallu ajouter, aux examens retenus, un moyen d’évaluation portant sur les habiletés en lien avec les activités du chef d’équipe, comme il l’avait été fait d’ailleurs dans les cas similaires de concours de promotion à la classe principale, chef d’équipe, rapportés dans la jurisprudence.

[116]    Il faut nécessairement que la procédure d’évaluation pour un avancement à la classe principale d’un corps d’emplois comporte quelque chose de distinct, d’additionnel à évaluer en termes d’aptitudes par rapport à la procédure de recrutement à la classe nominale, sinon la procédure d’évaluation du concours de chef d’équipe ou de spécialiste ne serait essentiellement qu’une reprise de celle d’un concours de recrutement à la classe nominale.

[117]    Comme le prévoit la Politique concernant la tenue de concours citée au paragraphe 79 de cette décision, il faut qu’il existe une relation étroite entre d’une part, les tâches significatives de l’emploi, celles décrites dans l’avis de concours, « et d’autre part, les exigences requises ainsi que les moyens d’évaluation élaborés pour mesurer si les candidates et candidats satisfont à ces exigences. Cette relation représente les assises de la procédure d’évaluation. […] »

[118]    Si nous revenons maintenant à l’appel de M. Dumas, la Commission constate que ses réponses erronées à l’examen d’habiletés professionnelles ont été correctement corrigées. Il a reconnu lui-même à demi-mot qu’il justifiait certaines réponses en expliquant que son choix s’était fondé sur ce qu’on devait s’attendre d’un chef d’équipe dans les circonstances de la mise en situation. À cet égard, le MRN a raison de prétendre que rien dans les consignes, ni dans le libellé des mises en situation ne mentionnait qu’il fallait se placer dans le rôle d’un chef d’équipe pour cet examen. L’examen d’habiletés professionnelles ne servait pas à mesurer les aptitudes à exercer ce rôle, comme l’a bien démontré M. Devinat, le concepteur du moyen d’évaluation.

[119]    Mais à la décharge de M. Dumas, l’arrimage entre l’avis de concours, pour pourvoir des emplois notamment de chef d’équipe, et les examens retenus, qui n’ont pas vérifié les aptitudes à exercer les attributions spécifiques de cet emploi énoncées dans l’avis de concours, a fait défaut. Ce défaut a entaché la procédure d’évaluation d’un manque d’équité entre les candidats, selon qu’ils avaient, pour répondre à certaines questions de l’examen d’habiletés professionnelles, à choisir de s’en tenir aux consignes ou d’y répondre en fonction des attributions annoncées pour les personnes à recruter.

[120]    Si M. Dumas ne peut revendiquer de points additionnels pour l’examen d’habiletés professionnelles parce qu’il n’a pas suivi les consignes, il a par ailleurs raison de prétendre que la procédure globale d’évaluation n’a pas mesuré de façon adéquate, et avec l’équité attendue selon l’objet de la Loi prévu à son article 3, les aptitudes des candidats au concours de promotion dont il conteste l’efficacité à les évaluer.

[121]    Contrairement à l’article 48 de la Loi, l’évaluation des candidats ne s’est pas faite sur la base du critère retenu par le MRN, soit les aptitudes requises pour l’emploi, ces aptitudes étant minimalement celles requises « pour l’emploi de façon dominante » pour reprendre une expression plaidée par le MRN, soit celles pour être chef d’équipe. Mais ce ne sont pas celles que ce dernier a évaluées : selon la preuve, il a utilisé un examen conçu d’abord pour mesurer deux aptitudes pour être technicien, classe nominale.

[122]    Autrement et simplement résumé, il n’est pas raisonnable que la procédure d’évaluation pour un concours d’avancement à la classe principale, volet chef d’équipe, ne comporte pas de moyen pour évaluer les aptitudes à être chef d’équipe. Il peut être requis pour tous les techniciens d’avoir l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle, mais il est nécessairement requis d’avoir des aptitudes additionnelles pour être chef d’équipe et ce sont celles-là qu’il importait d’abord d’évaluer chez les candidats.

[123]    Dans les circonstances de ce dossier, la Commission doit annuler le concours faute pour la procédure d’évaluation utilisée d’avoir pu évaluer correctement les candidats.

[124]    Par ailleurs, la Commission remarque qu’il n’est pas judicieux de tenir un même concours pour deux types d’emploi différents. Tout en n’étant pas nommément interdite par la Loi, le Règlement ou les directives, il demeure que cette pratique s’harmonise difficilement avec le fait qu’un candidat à un des deux emplois concernés n’est pas nécessairement intéressé ou apte pour l’autre. À moins que l’on soit à la recherche de personnes qui auraient à occuper simultanément un emploi de chef d’équipe et un autre de spécialiste, ce que la directive sur la classification ne laisse pas entrevoir comme possibilité et ce qui n’était pas annoncé dans l’avis de concours, on peut se demander dans quelle mesure cette approche d’évaluer, dans un même concours, les aptitudes d’un candidat pour deux emplois, dont un qu’il n’aura pas à occuper, constitue encore là un exercice impartial et équitable.

[125]    POUR CES MOTIFS, la Commission :

·      ACCUEILLE EN PARTIE l’appel de M. Bertrand Dumas;

·      DÉCLARE que la procédure d’évaluation utilisée à l’occasion du concours d’avancement à la classe principale de technicien de la faune, tenu par le ministère des Ressources naturelles, est illégale en ce qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article 48 de la Loi;

·      ANNULE en conséquence le concours n° 259A-6003001.

 

                                                                                 Original signé par :

 

_____________________________

Robert Hardy, avocat

Commissaire

 

 

M. Bertrand Dumas

Appelant non représenté

 

Me Claire Lapointe

Procureure pour l’intimé

 

 

Lieu de l’audience :

Québec

 

 

Dates de l’audience :

10, 11 et 12 septembre et 28 octobre 2013

 

 



[1]     Au moment de l’affichage du concours dont traite cette décision, le nom complet de cette entité administrative était « ministère des Ressources naturelles et de la Faune ». Le changement d’appellation du ministère survenu depuis n’a pas d’incidence sur le litige.

[2]     Concours n° 259A-6003001.

[3]     HABILETÉS PROFESSIONNELLES - PERSONNEL TECHNIQUE, n° d’examen : HPRT-0510-04E.

[4]     EXAMEN D’ANALYSE - PERSONNEL TECHNIQUE, n° d’examen : ANATO-0209-04E.

[5]     C.T. 154600 du 29 janvier 1985.

[6]     c. F-3.1.1, r.6.

[7]     Concours n° 269A-6003010.

[8]     L’effectif de la fonction publique 2010-2011, Analyse comparative des cinq dernières années, Secrétariat du Conseil du trésor, p. 143.

[9]     L’avancement de classe constitue une promotion.

[10]    Gélinas et al. c. Ministère du Revenu, [2003] 20 n° 3 R.D.C.F.P. 551, p. 565-566.

[11]    Bourgon et al. c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, [2002] 19 n° 1 R.D.C.F.P. 197, p. 216.

[12] C.T. 192499 du 6 octobre 1998.

[13]    Précitée, note 8, p. 555.

[14]    Sylvestre c. Régie de l’assurance maladie du Québec, [2004] 21 n° 1 R.D.C.F.P. 9. Cette décision a été confirmée en révision administrative [2004] 21 n° 2 R.D.C.F.P. 311.

[15]    Id., p. 29.

[16]    Précitée, note 13, p. 31.

[17]    Bissonnette c. Ministère de la Sécurité publique, [2000] 17 n° 2 R.D.C.F.P. 403, p. 408, précitée dans Sylvestre, note 11, p. 34.

[18]    Rapport de vérification sur les promotions sans concours, Commission de la fonction publique, 2011, 73 p., p. 35-36.

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