[1] L'appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 1er mars 2012 par la Cour supérieure, district de Québec (honorable Robert Legris), qui a rejeté sa requête introductive d'instance par laquelle elle demandait la radiation d'un bail publié par l'intimé au bureau de la publicité et une condamnation à des dommages-intérêts de 152 724 $[1].
* * *
[2] Les faits sont simples. L'appelante, une société de prêt oeuvrant dans l'industrie agricole, a consenti un prêt de 2,5 millions de dollars à la mise en cause. Pour garantir le remboursement du prêt, cette dernière a accordé à l'appelante une hypothèque sur certains immeubles. L'acte hypothécaire a été publié au bureau de la publicité, le 6 juillet 2005.
[3] La mise a cause a loué à l'intimé certains immeubles hypothéqués. Un premier bail de 5 ans est intervenu le 25 mars 2005. En septembre 2005, l'intimé cherchait à obtenir du financement pour une « batteuse ». Son prêteur hypothécaire a exigé qu'il détienne un bail de dix ans. Dans ce contexte, un bail de dix ans a été conclu entre l'intimé et la mise en cause :
Le vendredi 24 septembre 2005
Promesse de location de terrain :
Entente entre Élevage du Bas Ste-Anne inc., représentée par Mme Doris Genest et M. Bruno Urscheler, sur la location de terrain lot # 560, 561, 341, 548, 362, 342, 386, 316, 575, 540, 541, 349, 349A, 557. Cette location s’étendra sur une période de 10 années du 2 avril 2005 au 2 avril 2016. De plus, M. Bruno Urscheler s’engage à épandre le purin sur ces terres ainsi qu’à fournir un PAEF conforme.
/S/ Doris Genest, Locateur /S/ Bruno Urscheler, locataire
Élevage du Bas Ste-Anne inc
[4] Le bail a été publié au bureau de la publicité, le 3 mai 2011. L'appelante a publié son préavis de vente sous contrôle de justice de gré à gré ou par appel d'offres, le 18 mai 2011. Elle a obtenu un jugement, le 22 septembre 2011, qui l'autorisait à vendre sous contrôle de justice, de gré à gré ou par appel d'offres, les immeubles qui y sont décrits.
[5] Le 1er février 2012, l'appelante a déposé sa requête introductive d'instance dans laquelle elle demande la radiation du bail publié par l'intimé et une condamnation à des dommages-intérêts.
* * *
[6]
Le juge de première instance a rejeté la requête de l'appelante. Il a
appliqué l'arrêt rendu par la Cour dans Compagnie Trust Royal c. Pinkerton
Flowers Limited[2]
(ci-après Pinkerton), et référé aux articles
[7] Il a conclu que le bail publié par l'intimé sur l'immeuble visé avant son aliénation ne peut être résilié.
[8]
Il a aussi décidé que l'appelante, sur qui reposait ce fardeau, n'avait
pas établi que le bail de dix ans intervenu entre l'intimé et la mise en cause
le 24 septembre 2005 constituait une simulation au sens de l'article
[9] Enfin, le juge a refusé de condamner l'intimé à payer des dommages et intérêts pour le préjudice que ce dernier lui aurait causé en convenant d'un bail de dix ans avec la mise en cause. Il a décidé que, d'une part, l'obligation hypothécaire n'était pas éteinte et que, d'autre part, le dommage réclamé était indirect et incertain.
* * *
[10] L'appelante propose quatre moyens en appel :
1- Le caractère erroné de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Pinkerton justifierait sa mise à l'écart;
2- Le bail de dix ans a résulté d'une opération de simulation;
3- Le bail a été résilié par l'avènement d'une condition résolutoire;
4- De façon subsidiaire, le bail expirait le 2 avril 2015.
* * *
[11] Il convient de rejeter de façon sommaire les trois derniers moyens de l'appelante.
[12] Pour l'allégation de simulation, le juge de première instance a apprécié la preuve et conclu à l'inexistence d'un acte simulé. Cette conclusion ne recèle aucune erreur révisable. L'appelante n'a pas établi une erreur manifeste et dominante dans l'appréciation de la preuve par le juge de première instance. En conséquence, le moyen est rejeté.
[13]
Avant d'aborder la question de la résiliation du bail en raison de
l'avènement d'une condition résolutoire, rappelons les termes de l'article
1497. L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en suspendant sa naissance jusqu'à ce que l'événement arrive ou qu'il devienne certain qu'il n'arrivera pas, soit en subordonnant son extinction au fait que l'événement arrive ou n'arrive pas. |
1497. An obligation is conditional where it is made to depend upon a future and uncertain event, either by suspending it until the event occurs or is certain not to occur, or by making its extinction dependent on whether or not the event occurs.
|
[14] Le bail du 24 septembre 2005 ne contient aucune clause de la nature d'une clause résolutoire, c'est-à-dire une clause qui stipule une condition dont dépend l'obligation. En conséquence, le moyen est rejeté.
[15] Selon les termes du bail intervenu entre l'intimé et la mise en cause le 24 septembre 2005, celui-ci prend fin en avril 2016. Le document précise que le bail est conclu pour dix ans débutant le 2 avril 2005, ce qui mènerait, en principe, au 2 avril 2015. Le juge n'a pas erré en décidant que le bail se terminait le 2 avril 2016 plutôt que le 2 avril 2015. Le prêteur exigeait en septembre 2005 un bail de dix ans. Donc, il ne pouvait prendre fin avant septembre 2015. Or, le mois de septembre ne correspond pas aux usages établis entre les parties puisque l'épandage du purin se fait après la saison des récoltes. Au paragraphe 37 de son jugement, le juge écrit :
[o]n comprendra qu’en septembre 2015, la saison des récoltes sera loin d’être terminée et c’est pourquoi, les parties ont différé la fin du bail au printemps suivant, avril 2016. Il n’y a donc pas d’erreur.[3]
[Notre soulignement]
[16] L’appelante plaide que l’intimé a admis que la date du 2 avril 2016 avait été indiquée par erreur. Elle tire cet argument de l'extrait suivant du témoignage de l’intimé :
Q Vous rappelez-vous le pourquoi de l’année 2016? On parle de dix (10) ans. Avril 2005, normalement, ça se serait terminé en avril 2015. Pourquoi c’est marqué 2016?
R Mais en tout cas, ça il faut peut-être… demander à madame Doris Genest, c’est elle qui l’a fait, là.
Q Okay.
R Moi, j’ai… je n’ai pas recalculé ça non plus, là. C’est sûr, réellement, c’est faux, là.
[17] L’aveu, pour être valide, doit être clair, sans ambiguïté et sans équivoque[4]. En l’espèce, l’intimé admettait-il que la date (2 avril 2016) était erronée ou encore voulait-il signifier que la durée entre les deux dates n’était pas de 10 ans ? Dans la mesure où il précise ne pas avoir fait les calculs, on ne peut pas conclure à l'existence d'un aveu judiciaire de sa part. En conséquence, le quatrième moyen est rejeté.
* * *
[18]
Examinons maintenant le premier moyen
de l'appelante suivant lequel l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Pinkerton
est erroné et qu'il doit être mis de côté. La question soulevée dans cette
dernière affaire était exactement la même que celle posée ici. Le bail publié
avant un transfert du droit de propriété découlant de l'exercice d'un recours
hypothécaire peut-il être résilié de façon unilatérale par le nouvel acquéreur?
La réponse a nécessité l'interprétation et l'application des articles
[19] Dans l'affaire Pinkerton, la Cour a fait une analyse historique des textes législatifs en traitant de la période antérieure à 1973 (paragr. [16] à [26]), de la réforme de 1973 (paragr. [27] à [34]) et de la réforme de 1994 (paragr. [35] à [45]).
[20] Après l'analyse des modifications apportées en 1973 et 1994, la Cour a estimé que celles-ci visaient à accroître la protection des locataires et à affermir la stabilité des baux commerciaux. Dans ce contexte, la Cour a conclu que « favoriser la conservation des droits du créancier hypothécaire […] semble contraire à l'intention du législateur ».
[21] La Cour s'est ensuite livrée à un exercice d'interprétation du texte des articles précités (paragr. [46] à [51]). Elle a retenu que le législateur n'avait pas utilisé l'expression « vente volontaire ou forcée », mais bien celle d'« aliénation volontaire ou forcée » qui doit, selon les dictionnaires d'usage et spécialisés, recevoir une interprétation plus large.
[22]
La Cour a conclu que la vente de gré à
gré par un créancier dans l'exercice de son recours hypothécaire constitue une
« aliénation forcée » au sens des articles
[23] Or, la doctrine consultée sur le sujet, loin de qualifier la position retenue par la Cour dans l'affaire Pinkerton d'opinion erronée, reconnaît que les textes étudiés sont susceptibles de recevoir trois interprétations. Dans son ouvrage Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, l'auteur Payette expose ces trois thèses, identifie celle qu'il préfère et précise que la Cour d'appel en a retenu une autre :
1620.
S'il s'agit d'un bail immobilier à durée fixe, dont il reste plus de
douze mois à courir après l'aliénation de l'immeuble ou l'extinction du titre
du locateur, la résiliation est ouverte au nouveau propriétaire, sauf s'il
s'agit d'un bail inscrit avant l'inscription de l'acte d'aliénation ou de
l'acte à l'origine de l'extinction du titre. Le deuxième alinéa de l'article
1621.
Suivant la première, seul le recours hypothécaire de prise en
paiement donne lieu à la résiliation d'un bail inscrit après l'inscription de
l'acte d'hypothèque, car seul ce recours entraîne une « extinction du
titre » du locateur et seul le preneur en paiement « bénéficie de
l'extinction de ce titre ». Les autres recours mènent à une
« aliénation », or l'article
1622.
Suivant la deuxième, tous les recours hypothécaires (hormis celui de
prise de possession pour fins d'administration) permettent soit au preneur en
paiement soit à l'acquéreur lors d'une vente provoquée par le créancier
hypothécaire, de résilier le bail inscrit après l'inscription de l'acte
d'hypothèque. En effet, tant la vente faite par le créancier ou celle faite
sous contrôle de justice que la prise en paiement entraîne la perte du titre du
locateur et cette perte, peu importe le recours hypothécaire exercé, prend son
origine dans l'acte d'hypothèque. Cela ne fait pas de doute pour la prise en
paiement, ni pour la vente: en effet la vente s'est effectuée en vertu du
pouvoir de vendre conféré par l'hypothèque; un créancier ordinaire n'a pas ce
pouvoir: il a plutôt le droit d'obtenir un jugement (art.
1623. Suivant la troisième, aucun recours hypothécaire ne donne lieu à une situation permettant au créancier hypothécaire, ou à son ayant droit, de résilier du bail inscrit après l'inscription de l'acte d'hypothèque. En effet, aucun de ces recours n'a vraiment pour effet « d'éteindre le titre » de l'auteur du bail, tous aboutissant plutôt à une transmission de son titre de propriété soit au créancier, s'il prend en paiement, soit à l'acquéreur s'il s'agit d'un recours de vente. Sous le Code civil du Québec, en effet, la prise en paiement ne s'articule plus, comme sous le droit antérieur, autour des concepts de condition suspensive et de condition résolutoire, dont la survenance avait pour effet de résoudre ou d'éteindre le titre du locateur; elle ne résulte plus comme autrefois d'une transmission sous condition suspensive: elle constitue plutôt un recours, d'une nature autonome, attaché à l'hypothèque et en découlant, permettant au créancier de s'approprier le bien, c'est-à-dire de requérir la transmission en sa faveur de la propriété du bien en paiement de la dette. Dans ce contexte, tous les recours hypothécaires (sauf celui de prise de possession pour fins d'administration) mènent à l'aliénation du bien; cette aliénation a lieu à la date du titre volontairement consenti en faveur du preneur en paiement ou à celle du jugement prononçant la prise en paiement, ou à la date de la vente, s'il s'agit d'un recours de vente. En conséquence, le nouveau propriétaire n'a pas la faculté de résilier le bail inscrit avant l'inscription de l'une ou l'autre de ces aliénations.
1624. De ces trois interprétations, nous aurions préféré la seconde. La première interprétation fait en quelque sorte survivre dans le Code un concept qui n'y est plus: la prise en paiement ne s'explique plus comme l'ancienne dation en paiement par l'arrivée d'une condition et par la résolution consécutive du titre. Au sens strict, aucun recours hypothécaire « n'éteint » le titre de propriété du débiteur; la troisième interprétation se fonde sur ce constat et mène à une rupture avec le droit antérieur - du moins lorsque le créancier hypothécaire exerçait ses droits en vertu d'une clause de dation en paiement.
Au sens figuré, tous les recours hypothécaires (sauf le recours de prise de possession pour fins d'administration) « éteignent » le titre du locateur; la deuxième interprétation repose sur cette idée; si elle s'autorise d'une interprétation libérale de l'expression « celui qui bénéficie de l'extinction du titre » pour y inclure l'acquéreur dans le contexte de l'exercice d'un recours de vente, elle s'inscrit, il nous semble, dans le sens de la continuité avec le droit prévalant avant 1994.
La Cour supérieure et la Cour du Québec s'étaient
prononcées en faveur du droit du preneur en paiement ou de l'acquéreur dans le
contexte d'une vente sous contrôle de justice, de résilier le bail inscrit
après l'inscription de l'hypothèque. Cependant, la Cour d'appel a pris un parti
différent: elle a préféré la troisième interprétation. Suivant elle, les
réformes de 1973 visaient à protéger les locataires et la stabilité des baux et
aucun recours hypothécaire ne mène à une « extinction du titre » du
constituant mais, au contraire, ces recours (hormis le recours de prise de
possession pour fins d'administration) aboutissent dans un transfert du droit
de propriété du constituant, c'est-à-dire à une « aliénation forcée »
au sens de l'article
[24] L'appelante n'est pas d'accord avec l'interprétation retenue par la Cour dans l'affaire Pinkerton et nous demande de l'écarter. Elle suggère une approche différente, sans proposer des arguments nouveaux, sauf pour nous référer à un commentaire fait par l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice de l'époque, en sous-commission des institutions, qui expliquait la raison d'une modification proposée à l'article 1875 du Projet de Loi 125 qui se lisait ainsi :
1875. L'acquéreur ou celui qui bénéficie de l'extinction du titre peut résilier le bail à durée indéterminée en suivant les règles ordinaires de résiliation prévues à la présente section.
S'il s'agit d'un bail immobilier à durée fixe et qu'il reste à courir plus de douze mois à compter de l'aliénation ou de l'extinction du titre, il peut le résilier en donnant un avis écrit de douze mois au locataire, à compter de l'aliénation ou de l'extinction du titre; cependant, si le bail a été inscrit au bureau de la publicité des droits avant que l'ait été l'acte d'aliénation ou l'acte en vertu duquel le titre a été accordé, il ne peut résilier le bail.
[Notre soulignement]
|
1875. The acquirer or the person who benefits from the extinguishment of title may resiliate the lease, if it is a lease with an indeterminate term, in accordance with the ordinary rules pertaining to resiliation contained in this section.
In the case of the lease of an immovable with a fixed term and if more than twelve months remain from the date of alienation or extinguishment of title, he may resiliate it by giving the lessee written notice of twelve months from the date of alienation or extinguishment of title; he cannot resiliate the lease, however, if it was registered in the registry office before the deed of alienation or the deed under which the title was granted was so registered.
In the case of the lease of a movable with a fixed term, notice of one month must be given. |
[25] L'amendement proposé était le suivant : Remplacer, à la sixième ligne du deuxième alinéa, les mots « l'acte en vertu duquel le titre a été accordé » par « l'acte à l'origine de l'extinction du titre ».
[26] Le commentaire fait pour justifier l'amendement est le suivant :
[l]e second amendement tient compte du fait que la prise en paiement ne résultera plus d’une clause de l’acte hypothécaire, mais plutôt d’une disposition du Code civil. Il est donc juste de se référer à l’acte qui est à l’origine de l’extinction du titre, plutôt qu’à l’acte en vertu duquel le titre a été accordé.[8]
[27] L'appelante déduit de ce commentaire que, lorsque la vente découle de l'exercice d'un recours hypothécaire, le bail publié après l'acte hypothécaire peut être résilié puisque sa publication est postérieure à « l'acte qui est à l'origine de l'extinction du titre ».
[28]
Pour comprendre la portée de
l'amendement précité, il faut reproduire l'article
1646 L'aliénation volontaire ou judiciaire de l'immeuble, de même que l'extinction du titre du locateur notamment par l'achèvement d'une condition résolutoire, l'exercice d'un droit de rachat ou d'une clause de dation en paiement emportant résolution, la fin d'un usufruit ou l'ouverture d'une substitution, ne met pas fin de plein droit au bail à durée fixe.
Toutefois, si le bail n'est pas enregistré ou est enregistré après l'enregistrement de l'acte d'aliénation ou de l'acte en vertu duquel le titre a été consenti et qu'il reste à courir plus de douze mois à compter de l'aliénation ou de l'extinction du titre, l'acquéreur ou celui qui bénéficie de l'extinction du titre peut y mettre fin à l'expiration des douze mois en donnant préalablement un avis écrit au locataire.
Cet avis est de six mois dans le cas d'un local servant à des fins industrielles, commerciales, profession-nelles ou artisanales et trois mois dans les autres cas. [Notre soulignement]
|
1646 Voluntary or judicial alienation of an immoveable, or extinction of the lessor's title particularly by the accomplishment of a resolutive condition, the exercise of a right of redemption or a clause of giving in payment causing resolution, the termination of usufruct or the opening of a substitution, does not of right terminate a lease with a fixed term.
However, if the lease is not registered or is registered after the registration of the deed of alienation or of the deed under which title is granted and there remain more than twelve months of the term from the alienation or extinction of the title, the purchaser or the person who benefits by the extinction of the title may terminate it at the expiry of such twelve months by previously giving a notice in writing to the lessee.
Such notice is of six months in the case of premises used for industrial, commercial, professional or handicraft purposes and three months in other cases.
|
[29] Cette disposition énumère les cas où le législateur considérait, à l'époque, qu'il y avait « extinction » du titre du locateur (la liste n'est pas exhaustive). Dans chacun de ces cas, le titre du locateur n'était pas transféré à une autre personne à la suite d'une aliénation, mais le législateur considérait qu'il y avait « extinction du titre », comme si le détenteur ne l'avait jamais détenu.
[30] Les mêmes cas d'extinction existent toujours, sauf que dans le cas d'exercice d'un recours hypothécaire de prise en paiement, il n'y a plus « extinction du titre » comme le législateur le décrétait lors de l'exercice d'une clause de dation en paiement contenue dans un acte hypothécaire. Cette nuance a peut-être échappé à l'adjoint parlementaire et induit une méprise. La dation en paiement, selon le texte de 1646 C.c.B.-C., emportait l'extinction du titre du locateur. La prise en paiement et la vente sous contrôle de justice faits sous le Code civil du Québec n'ont pas cet effet. En conséquence, on ne peut voir dans l'intervention de l'adjoint parlementaire l'expression claire et définitive de l'intention du législateur et faire abstraction des règles d'interprétation appliquées par la Cour dans l'affaire Pinkerton.
[31] L'appelante affirme que l'arrêt Pinkerton cause préjudice aux prêteurs hypothécaires. Une affirmation aussi absolue est inexacte. L'interprétation retenue par la Cour dans l'arrêt précité n'a pas cet effet sur l'industrie du prêt hypothécaire. Au contraire, examinés dans un contexte d'affaires, les objectifs de protection du locataire et de la stabilité des baux commerciaux, promus par l'affaire Pinkerton, permettent tout autant de préserver la valeur des immeubles sur lesquels portent les hypothèques et d'en assurer une réalisation optimale.
[32] Il n'y a donc aucune raison justifiant la Cour de se distancer de l'interprétation retenue dans l'affaire Pinkerton.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[33] REJETTE l'appel, avec dépens.
[1] Financement agricole Canada c. Urscheler, C.S. Québec, no 200-17-015305-113, 1er mars 2012, j. Legris.
[2]
[3] Jugement dont appel, supra, note 1, paragr. 37.
[4] Voir Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, nº 486, p. 764.
[5]
Syndicat de l'enseignement de Champlain (SEC) c. Commission scolaire des
Patriotes (CSP),
[6] Louis Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, 4e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, nos 1620-1624, p. 832-835.
[7] P.L. 125, Code civil du Québec, 1re sess., 34e lég.; Québec, 1990 (Version lors de la présentation du 18 décembre 1990).
[8] Québec, Assemblée nationale, Sous-commission des institutions, Étude détaillée du projet de loi 125 - Code civil du Québec dans Journal des débats de la Sous-commission des institutions, 6 novembre 1991, p. SCI-426.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.