Bond et Québec (Ministère de la Sécurité publique) |
2013 QCCFP 24 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIERS Nos : |
1301203, 1301210 et 1301211 |
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DATE : |
19 décembre 2013 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Louise Caron |
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DALE BOND GAÉTAN DUPUIS DANIEL THÉRIAULT
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Appelants
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Et
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MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 127, Loi sur la fonction publique, L.R.Q., c. F-3.1.1) |
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[1] MM. Dale Bond, Gaétan Dupuis et Daniel Thériault occupent des postes de cadre dans des établissements de détention du ministère de la Sécurité publique (ci-après appelé le « MSP »). Leurs conditions de travail sont prévues à la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agents de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements de détention[1] (ci-après appelée la « Directive »). Ils sont tous les trois chefs d’unité et sont assujettis à des horaires particuliers que la Commission qualifie, pour les besoins de la décision, d’horaires atypiques.
[2] Les trois appelants contestent, par un appel en vertu de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique[2], la décision du MSP de refuser de leur verser, pour la journée du 24 juin 2013, une indemnité égale à 1/20 de leur salaire gagné au cours des quatre semaines complètes de paie précédant la semaine du 24 juin, en application de l’article 4 de la Loi sur la fête nationale[3] (ci-après appelée la « Loi »). Les appelants étaient, conformément à leur horaire de travail, en congé à cette date.
[3] Le MSP refuse de payer cette indemnité, au motif que les montants réclamés par les appelants sont déjà inclus dans leur traitement annuel, et s’appuie sur l’article 132 de la Directive.
[4] La question en litige est donc de déterminer si les appelants ont le droit de recevoir l’indemnité qu’ils réclament en s’appuyant sur l’article 4 de la Loi.
[5] Afin de faciliter la compréhension de la décision, la Commission reproduit immédiatement les dispositions pertinentes de la Loi et de la Directive.
[6] L’article 2 de la Loi prévoit que le 24 juin est un jour férié et chômé :
« 2. Le 24 juin est un jour férié et chômé.
Toutefois, lorsque cette date tombe un dimanche, le 25 juin est, à l'égard du salarié pour qui le dimanche n'est pas normalement un jour ouvrable, un jour chômé pour l'application des articles 4 à 6, lesquels doivent alors se lire en substituant ce jour au 24 juin. »
[7] Pour sa part, l’article 4 détermine l’indemnité que reçoit le travailleur pour ce jour férié et chômé :
« 4. L'employeur doit verser au salarié une indemnité égale à 1/20 du salaire gagné au cours des quatre semaines complètes de paie précédant la semaine du 24 juin, sans tenir compte des heures supplémentaires. Toutefois, l'indemnité du salarié rémunéré en tout ou en partie à commission doit être égale à 1/60 du salaire gagné au cours des 12 semaines complètes de paie précédant la semaine du 24 juin.
Toutefois, dans le cas d'un salarié qui est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), cette indemnité se calcule sur le salaire augmenté des pourboires attribués en vertu de cet article 42.11 ou déclarés en vertu de cet article 1019.4. »
[8] L’article 6 prévoit que l’employeur doit accorder un congé compensatoire à l’employé pour qui le 24 juin tombe un jour qui n’est pas normalement ouvrable pou lui :
« 6. L'employeur doit accorder un congé compensatoire d'une durée égale à une journée normale de travail lorsque le 24 juin tombe un jour qui n'est pas normalement ouvrable pour le salarié.
Si le salarié est rémunéré au temps ou au rendement ou sur une autre base, l'employeur doit lui accorder un congé compensatoire ou lui verser l'indemnité prévue à l'article 4.
Le congé compensatoire doit, dans tous les cas, être pris le jour ouvrable précédant ou suivant le 24 juin. Toutefois, si le salarié est en congé annuel à ce moment, le congé est pris à une date convenue entre l'employeur et le salarié. »
[9] Enfin, l’article 8 de la Loi prescrit que celle-ci est d’ordre public, mais qu’elle ne peut être interprétée comme interdisant une indemnité supérieure ou un congé compensatoire d’une plus longue durée que ce qui est prévu à la loi :
« 8. La présente loi est d'ordre public.
Toutefois, elle ne doit pas être interprétée de manière à prohiber une entente comportant pour le salarié:
a) une indemnité supérieure à celles prévues aux articles 4, 5 et 6 ou un congé compensatoire d'une plus longue durée que ceux prévus aux articles 5 et 6;
b) (paragraphe abrogé). »
[10] Pour sa part, la Directive établit, à l’article 27, que pour des fins de calcul, une année correspond à 52,18 semaines :
« 27. La durée de la semaine régulière de travail et de la journée régulière de travail du cadre est celle que le sous-ministre juge nécessaire pour qu’il s’acquitte des devoirs de sa charge. La durée de la semaine régulière de travail comporte généralement 40 heures.
Les jours de travail et de congé du cadre sont établis sur un cycle de 3 semaines de la façon suivante : 7 jours de travail suivis de 7 jours de congé et 5 jours de travail suivis de 2 jours de congé. Les horaires ainsi établis sont affichés 21 jours à l’avance.
Le cadre conserve le même quart de travail soit de jour, soit de soir ou soit de nuit pendant toute période de 7 ou de 5 jours de travail, selon le cas, à moins d’entente à l’effet contraire entre le cadre et le supérieur immédiat.
La rotation sur les quarts et les postes de travail est établie de façon juste et équitable en tenant compte des nécessités du service.
Les modalités d’application d’un horaire de travail doivent faire l’objet d’un protocole d’entente entre le sous-ministre et la Fraternité. À défaut d’entente entre les parties, le sous-ministre détermine ces modalités.
Malgré ce qui précède, lorsque les nécessités du service le permettent, la semaine régulière de travail établie par le sous-ministre peut être de 5 jours de travail répartis du lundi au vendredi inclusivement.
Aux fins de calcul, une année correspond à 52,18 semaines. »
[11] La Directive prescrit, à l’article 30, que le nombre d’heures à travailler par un cadre assujetti à un horaire atypique, c’est-à-dire à un horaire autre qu’un horaire de cinq jours de travail répartis du lundi au vendredi inclusivement, ne peut être inférieur à 1 946,6 heures par année :
« 30. Le nombre d’heures à travailler par le cadre assujetti à un horaire de travail autre que l’horaire prévu au sixième alinéa de l’article 27 ne peut être inférieur à 1946,6 heures par année. »
[12] Pour ces cadres assujettis à un horaire atypique, comme c’est le cas des appelants, l’article 132 de la Directive prescrit que les jours fériés et chômés prévus à l’annexe 3, dont le 24 juin, sont considérés être pris à même les jours de congé prévus à leur séquence de jours de travail et de jours de congé :
« 132. Le présent chapitre s’applique uniquement au cadre visé au sixième alinéa de l’article 27 et dont la semaine régulière de travail comporte 5 jours de travail du lundi au vendredi inclusivement. Quant au cadre assujetti à un autre horaire, les jours fériés et chômés sont considérés être pris à même les jours de congé prévus à sa séquence de jours de travail et de jours de congé. »
[13] Deux protocoles d’entente intervenus entre le MSP et la Fraternité des Cadres Agents de la Paix complètent la Directive. Un premier Protocole, daté du 1er mars 2012, établit les modalités de l’horaire de travail 7/7, 5/2[4] (ci-après appelé le « Protocole 7/7, 5/2 »). Un deuxième Protocole, daté du 24 janvier 2013, concerne l’horaire de travail 7/7, quart de nuit[5] (ci-après appelé le « Protocole 7/7 »). Ces protocoles établissent notamment les modalités selon lesquelles un employé doit effectuer la remise annuelle du nombre d’heures requises pour atteindre les 1 946,6 heures qu’il doit travailler en vertu de l’article 30 de la Directive.
[14] M. Bond explique qu’il est assujetti présentement à un horaire 7/7, quart de nuit. Cet horaire est établi sur un cycle de 14 jours, de la façon suivante : 5 nuits de 8 ½ heures, soit de 23 h à 7 h 30, suivi de 2 nuits de 12 heures, soit de 19 h à 7 h, suivi de sept jours de congé.
[15] M. Dupuis explique, pour sa part, qu’il est présentement assujetti à un horaire 7/7, 5/2. Cet horaire est établi sur un cycle de 21 jours, de la façon suivante : 7 jours de travail à raison de 8 ½ heures, pendant cinq jours, du lundi au vendredi et 2 jours de fin de semaine de 12 heures, suivis de 7 jours de congé, puis 5 soirs de travail de 8 ½ heures, suivis de 2 jours de congé.
[16] M. Dupuis mentionne qu’il a déjà été assujetti à un horaire régulier 5/2 et qu’il avait alors droit à un congé payé pour la journée du 24 juin. L’horaire 5/2 est établi comme suit : 5 jours de travail, du lundi au vendredi, suivis de 2 jours de congé, le samedi et le dimanche.
[17] M. Thériault est absent lors de l’audience, mais il ressort de la preuve qu’il est assujetti à un horaire 7/7, 5/2.
[18] En application de leur horaire respectif, les trois appelants étaient en congé le 24 juin 2013. MM. Bond et Dupuis expliquent que ce n’est pas la première fois qu’ils sont en congé le jour de la fête nationale et qu’ils n’ont pas reçu par les années passées l’indemnité prévue à l’article 4 de la Loi, dans un tel cas.
[19] Mme Mireille Guay est conseillère en relations professionnelles au MSP depuis le mois de juillet 2007. À ce titre, elle conseille les gestionnaires, notamment, sur l’interprétation et l’application des conventions collectives, des directives et des ententes.
[20] Mme Guay précise que la Directive contient l’ensemble des conditions de travail, dont des dispositions relatives aux jours fériés, aux conditions de rémunération et aux horaires de travail.
[21] Mme Guay explique que tous les cadres, peu importe à quel horaire ils sont assujettis (5/2; 7/7, 5/2; 7/7), reçoivent la même rémunération. Ils sont payés aux deux semaines sur une base de 40 heures par semaine (2 087,2 heures annuellement), soit 8 heures par jour pour un total de 52,18 semaines[6], sans tenir compte des heures réellement travaillées.
[22] La Directive établit, à l’article 30, que les chefs d’unité assujettis à l’horaire 7/7, 5/2 ou à l’horaire 7/7 doivent travailler un minimum de 1 946,6 heures par année.
[23] Mme Guay dépose deux tableaux qu’elle a préparés à partir de la Directive et des deux protocoles d’entente. Le premier tableau explique la comparaison du nombre d’heures à travailler selon les horaires de chef d’unité :
« Comparaison du nombre d’heures à travailler selon les horaires de chef d’unité
Horaire 5 x 2 :
Nombre d’heures rémunérées : |
2087,2 |
(52,18 semaines x 40 h) |
Jours fériés : |
104 |
(13 jours x 8 heures) |
Nombre d’heures à travailler* : |
1983,2 |
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1983,2 |
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Horaire : 7 7, 5 x 2 :
Nombre de cycles / année : 17,38 |
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17,38 cycles x 10 jours x 8,5 heures= |
1477,3 |
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17,38 cycles x 2 jours x 12 heures= |
417,12 |
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Total des heures travaillées selon l’horaire= |
1894,42 |
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Heures à travailler* (art. 30 et protocole d’horaire)= |
1946,56 |
|
Heures à remettre (1946,56-1894,42) |
52,14 |
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Remboursement réel en heures= |
52 heures |
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Horaire 7 x 7 :
Nombre de cycles / année : 26,09 |
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26,09 cycles x 5 jours x 8,5 heures= |
1108,83 |
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26,09 cycles x 2 jours x 12 heures= |
626,16 |
|
Total des heures travaillées selon l’horaire= |
1734,99 |
|
Heures à travailler* (art. 30 et protocole) |
1946,6 |
|
Heures à remettre (1946,6-1734,99) |
211,61 |
|
Remboursement réel en heures= |
211,61 |
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* Note : Le nombre d’heures à travailler sera réduit annuellement des vacances, congés mobiles et autres congés prévus aux conditions de travail. Ces congés sont applicables à tous les types d’horaires, c’est pourquoi, ils n’ont pas été considérés dans la comparaison entre les horaires. »
[24] Ce tableau illustre que les chefs d’unité assujettis à un horaire 7/7, 5/2, travaillent 1 894,42 heures annuellement. Puisqu’ils doivent travailler un minimum de 1 946,6 heures par année, ils doivent remettre 52 heures payées en trop.
[25] Les chefs d’unité assujettis à un horaire 7/7 travaillent pour leur part 1 734,99 heures par année. Puisqu’ils doivent eux aussi travailler un minimum de 1 946,6 heures par année, ils doivent remettre 211,61 heures payées en trop.
[26] Mme Guay explique que les deux protocoles d’entente qui complètent la Directive précisent les modalités selon lesquelles un employé doit effectuer la remise annuelle de ces heures payées en trop dans leur traitement[7].
[27] Mme Guay dépose un deuxième tableau qui illustre le nombre d’heures minimum à travailler annuellement pour les cadres assujettis à un horaire atypique (1 946,6 heures) par rapport au nombre d’heures rémunérées annuellement (2 087,2 heures). Il en ressort que ces cadres reçoivent une rémunération supplémentaire pour 140,6 heures par année. Elle explique qu’en conséquence l’article 132 de la Directive prévoit que les jours fériés et chômés, dont le 24 juin, sont considérés être pris à même les jours de congé prévus à la séquence de travail et de jours de congé du cadre. En déduisant les 13 jours fériés et chômés prévus à l’annexe 3 de la Directive, qui représentent 104 heures (13 jours x 8 heures), il en ressort que les cadres ayant un horaire atypique reçoivent en outre une rémunération supplémentaire de 36,6 heures.
Explications du nombre d’heures minimum à travailler pour les horaires autres que 5 x 2 :
Nombre d’heures annuelles rémunérées : |
2087,2 |
(52,18 semaines x 40 h) |
Nombre d’heures à travailler : |
1946,6 |
(article 30) |
Différence : |
140,6 |
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Jours fériés (13 jours x 8 heures) |
104 |
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Congés hebdomadaires supplémentaires |
36,6 |
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[28] Mme Guay explique que compte tenu des heures rémunérées annuellement par rapport aux heures réellement travaillées et compte tenu de l’article 132 de la Directive, le MSP considère qu’il ne doit aux appelants aucune indemnité en vertu de l’article 4 de la Loi, pour la journée du 24 juin 2013, ceux-ci recevant déjà une rémunération pour cette journée. Les appelants étaient, le jour de la fête nationale, en congé férié, chômé et payé.
[29] Une fois les journées remises par les chefs d’unité conformément aux deux protocoles d’entente précités (voir le tableau au paragraphe 23) et après la déduction des jours fériés et chômés (voir le tableau au paragraphe 27), les chefs d’unité assujettis à un horaire atypique bénéficient d’un solde de 36,6 heures rémunérées et non travaillées. Mme Guay ne peut toutefois expliquer pourquoi les cadres ayant un horaire atypique bénéficient annuellement de ces 36,6 heures de congés supplémentaires payées.
[30] Lors d’un contre-interrogatoire, Mme Guay mentionne par ailleurs que les chefs d’unité qui ont travaillé le 24 juin 2013 ont reçu l’indemnité prévue à l’article 4 de la Loi, car ils n’étaient pas en congé le jour même de la fête nationale.
[31] Les appelants sont d’avis, en s’appuyant sur l’article 4 de la Loi, qu’ils ont droit, pour la journée non travaillée du 24 juin 2013, à une indemnité.
[32] Les appelants soutiennent que la jurisprudence a reconnu que, de par les particularités de leur horaire de travail, tous les jours de l’année étaient pour eux des jours normalement ouvrables[8]. Ce faisant, ils ne peuvent bénéficier d’une journée compensatoire en vertu de l’article 6 de la Loi, le premier alinéa de cet article s’appliquant au salarié pour qui le 24 juin tombe un jour qui n’est pas normalement ouvrable. Ils prétendent alors que la seule possibilité qui leur est offerte en vertu de la Loi est l’indemnité prescrite à l’article 4.
[33] Les appelants soutiennent par ailleurs que l’article 132 de la Directive qui prévoit que, pour le cadre assujetti à un horaire atypique, « les jours fériés et chômés sont considérés être pris à même les jours de congé prévus à la séquence de jours de travail et de jours de congé », contrevient à la Loi puisque la compensation prévue à l’article 6 ne peut pas s’appliquer aux appelants. La Loi étant d’ordre public, la règle énoncée à l’article 132 ne peut s’appliquer au congé de la fête nationale.
[34] Au surplus, les appelants soulignent qu’en cas de jour compensé, celui-ci ne peut être reporté que le jour ouvrable précédant ou suivant le 24 juin, en vertu de la Loi[9].
[35] Les appelants prétendent de plus que les cadres qui travaillent le 24 juin ont un avantage sur les cadres en congé puisqu’ils reçoivent une indemnité tout en bénéficiant du même nombre de jours de congé que ces derniers.
[36] Les appelants soulignent que, compte tenu du traitement différent fait par la Loi pour le congé de la fête nationale par rapport aux autres congés fériés et chômés énumérés à la Loi sur les normes du travail[10], il faut en conclure que la Loi doit donner un avantage aux salariés en leur accordant un congé compensatoire ou une indemnité[11].
[37] Les appelants reviennent aussi sur le fait qu’ils bénéficient de 36,6 heures de congés payés pour lesquelles aucune explication n’a pu être apportée et soulignent que ces heures ne peuvent être utilisées pour la fête nationale.
[38] Enfin, les appelants allèguent que leurs conditions de travail constituent en réalité un contrat d’adhésion et doivent donc être interprétées en leur faveur.
[39] Le MSP rappelle le témoignage de Mme Guay et le lien qu’il faut faire entre l’article 132 de la Directive et la fête nationale et il revient sur les tableaux explicatifs déposés.
[40] Le MSP répond aux prétentions des appelants eu égard à l’article 6 de la Loi et soutient que l’employeur ne prétend pas avoir donné un congé compensatoire aux appelants en vertu de l’article 6 de la Loi. Pas plus qu’il ne prétend que la fête nationale est incluse dans les 36,6 heures payées et non travaillées dont bénéficient les appelants.
[41] Le MSP distingue les faits particuliers en l’espèce des faits examinés dans les décisions déposées par les appelants. Ces décisions font suite à un refus des employeurs d’accorder un congé compensatoire à leurs employés en vertu de l’article 6 de la Loi et dans aucun des cas soumis, la preuve n’a démontré que la rémunération des jours fériés était incluse dans leur traitement.
[42] Le MSP soutient que la décision prise de ne pas accorder d’indemnité aux appelants l’a été sur la base de l’article 132 de la Directive. Il rappelle que les appelants étaient en congé hebdomadaire le 24 juin 2013, que les jours chômés et fériés, dont le 24 juin, sont inclus dans leur traitement annuel et qu’en conséquence ils ont été rémunérés pour cette journée de congé, tel que le démontre le deuxième tableau préparé par Mme Guay. La Loi est ainsi respectée. Le 24 juin était pour les appelants un jour chômé et férié, c’est-à-dire un congé payé.
[43] Selon le MSP, il est donc faux de prétendre que les appelants n’ont reçu aucune rémunération pour le 24 juin 2013.
[44] Au surplus, le MSP prétend que cette façon de faire ne crée aucune iniquité puisque les chefs d’unité assujettis à un horaire atypique reçoivent le même traitement annuel que les cadres assujettis à un horaire 5/2, pour un nombre moindre d’heures réellement travaillées.
[45] Les appelants prétendent qu’ils auraient dû recevoir une rémunération additionnelle en plus de leur rémunération régulière, pour la journée du 24 juin 2013, alors que, compte tenu des particularités de leur horaire de travail, ils étaient en congé cette journée-là.
[46] Ils fondent leurs prétentions sur les articles 4, 6 et 8 de la Loi.
[47] Le MSP prétend pour sa part que les appelants bénéficiaient d’un jour férié et chômé le 24 juin 2013 et que l’indemnité est déjà incluse à leur traitement, tel que la preuve l’a démontré. Il s’appuie sur les articles 30 et 132 de la Directive.
[48] À la lumière de la preuve soumise, il ressort que les cadres peuvent être assujettis à trois types d’horaire différents, en vertu de la Directive, soit l’horaire 5/2, l’horaire 7/7 et l’horaire 7/7, 5/2. Dans le présent appel, seuls les horaires atypiques sont mis en cause. M. Bond est assujetti à l’horaire 7/7 et MM. Dupuis et Thériault à l’horaire 7/7, 5/2.
[49] Les appelants prétendent que les cadres qui ont travaillé le 24 juin 2103 ont bénéficié d’un traitement plus avantageux pour la journée de la fête nationale. C’est peut-être vrai, mais l’élément fondamental qui distingue ces deux groupes est le fait que ces cadres ont travaillé le 24 juin. La Commission n’a pas à statuer à l’égard des cadres qui ont travaillé cette journée-là.
[50] La Commission doit uniquement déterminer si les appelants, en congé le 24 juin 2013, ont le droit de recevoir l’indemnité qu’ils réclament en s’appuyant sur l’article 4 de la Loi, en plus de leur traitement annuel.
[51] Il est admis que les appelants ont reçu, pour la période de paie couvrant le 24 juin 2013, une paie basée sur 80 heures pour deux semaines.
[52] Toutefois, il ressort de la preuve que l’horaire de travail 7/7, 5/2 correspond à une semaine de travail moyenne de 36,3 heures et l’horaire de travail 7/7 correspond à une semaine de travail moyenne de 33,25 heures.
[53] La preuve a clairement démontré que le traitement annuel des appelants équivaut à 2 087,2 heures travaillées (52,18 semaines x 40 heures), alors que le nombre d’heures minimal à travailler est de 1 946,6 heures (art. 30 de la Directive). Les appelants reçoivent donc, à même leur traitement annuel, une rémunération supplémentaire équivalant à 140,6 heures non travaillées (2 087,2 heures - 1 946,6 heures).
[54] L’article 132 de la Directive prévoit que les jours fériés et chômés, dont le 24 juin, sont considérés être pris à même les jours de congé prévus à la séquence de jours de travail et de jours de congé des appelants.
[55] À la lumière des tableaux déposés, la preuve a démontré qu’en prenant globalement le traitement annuel des appelants, ces derniers reçoivent à même leur traitement annuel une compensation monétaire équivalant aux 13 jours fériés et chômés prévus à la Directive, ce qui représente 104 heures (13 jours x 8 heures).
[56] Quant à la Loi, la règle principale énoncée à l’article 2 veut que le 24 juin soit un jour férié et chômé pour tous les travailleurs. La Loi vise notamment à permettre au plus grand nombre possible de salariés de bénéficier du congé de la fête nationale, le 24 juin, et de recevoir pour ce congé l’indemnité prévue à l’article 4.
[57] Comme il a été souligné par la jurisprudence, la Loi sur la fête nationale prévoit des règles différentes de la Loi sur les normes du travail pour les jours fériés et chômés « afin de s’assurer que ceux qui sont tenus à une prestation de travail aient un congé chômé le 24 juin ou à une journée qui lui est assimilée ou encore obtienne le versement d’une indemnité selon les règles prévues à cette loi[12]. »
[58] À cet effet, l’article 6 de la Loi oblige l’employeur à accorder un congé compensatoire dans le seul cas où le 24 juin tombe un jour qui n’est pas normalement ouvrable pour le travailleur. Dans les autres cas, l’employeur peut verser une indemnité ou accorder un congé compensatoire, qui doit être pris le jour ouvrable précédant ou suivant le 24 juin.
[59] La Commission reconnaît, à la lumière de la jurisprudence et de la preuve soumises, que les appelants, par les horaires atypiques auxquels ils sont assujettis, n’ont pas de jour qui ne sont pas « normalement ouvrables », au sens de l’article 6. Tous les jours sont des jours potentiellement ouvrables pour eux. Cet article ne s’applique donc pas en l’espèce.
[60] La Commission croit toutefois que les appelants errent lorsqu’ils concluent que l’employeur, ne pouvant appliquer l’article 6 de la Loi à leur cas, devait leur verser une indemnité en vertu de l’article 4.
[61] La Commission conclut, à la lumière de la preuve soumise, que les appelants bénéficiaient d’un jour férié et chômé le 24 juin 2013 et qu’ils ne peuvent prétendre à une indemnité additionnelle en vertu de l’article 4 de la Loi, puisqu’elle est déjà incluse dans leur traitement.
[62] Le fait que leur paie soit demeurée la même que pour toutes les autres paies s’explique par le fait qu’ils reçoivent à même leur traitement une rémunération supérieure à celle qu’ils devraient recevoir pour le nombre d’heures réellement travaillées. Il n’a pas été démontré à la Commission que le paiement de l’indemnité rattachée à ce jour férié à même leur traitement annuel était interdit par la Loi.
[63] La Loi a été respectée.
[64] Enfin, les appelants invoquent l’article 1432 du Code civil du Québec[13] qui prévoit qu’un contrat d’adhésion s’interprète en faveur de celui qui a contracté en présence d’un doute. Sans se prononcer sur la nature du contrat, la Commission considère que la preuve administrée par les appelants ne permet pas de soulever un doute quant à l’interprétation de la Directive.
[65] POUR CES MOTIFS, la Commission rejette les appels de MM. Dale Bond, Gaétan Dupuis et Daniel Thériault.
Original signé par :
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_____________________________ Louise Caron, avocate Commissaire |
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Dale Bond |
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Gaétan Dupuis |
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Daniel Thériault |
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Me Christine Beaulieu |
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Procureure pour les appelants |
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Me Émilie Lessard |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Québec |
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Date de l’audience : |
24 octobre 2013 |
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[1] C.T. 194823 du 16 mai 2000 et ses modifications.
[2] c. F-3.1.1.
[3] c. F-1.1.
[4] Ministère de la Sécurité publique et La Fraternité des Cadres Agents de la Paix. Protocole établissant les modalités de l’horaire de travail 7 x 7, 5 x 2, Modalités d’application de l’article 27 des conditions de travail des Cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’Agents de la Paix du réseau correctionnel du Québec, ministère de la Sécurité publique, Québec, 1er mars 2012, 8 p.
[5] Ministère de la Sécurité publique et La Fraternité des Cadres Agents de la Paix. Horaire de travail 7 x 7, quart de nuit. La directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agent de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements (7.1.3.5), ministère de la Sécurité publique, Québec, 24 janvier 2013, 6 p.
[6] Directive, précitée, note 1, art. 27.
[7] Précité, note 4, art. 8; précité, note 5, art. 9.
[8] Syndicat des employé-e-s de métiers d’Hydro-Québec, S.C.F.P. - Section locale et Hydro-Québec, Tribunal d’arbitrage, AZ-50976170, 7 juin 2013, Me Robert Choquette, arbitre; Syndicat des travailleurs et travailleuses des pâtes et papiers d’East Angus inc. CSN - F.T.P.F. et Cascades East Angus inc., Tribunal d’arbitrage, AZ-50597301, 17 novembre 2009, Me Jean Barrette, arbitre; Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 149 et Goodyear Canada inc. (Manufacture de la Cité de Québec), Sentence arbitrale, AZ-50296426, 13 janvier 2005, Me Jean-Guy Ménard, arbitre.
[9] Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ) (CSQ) et Centre de santé et de services sociaux de Trois-Rivières, tribunal d’arbitrage, AZ-50656223, 15 juin 2010, Me Diane Fortier, arbitre.
[10] c. N-1.1., art. 59.1 à 65.
[11] La Fraternité des policiers et policières de Montréal c. La Ville de Montréal, Tribunal d’arbitrage, AZ-50860674, 28 mai 2012, Me Denis Provençal, arbitre.
[12] Précitée, note 11, par. 37.
[13] L.R.Q., c. C-1991.
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