Gestion Gloucester, s.e.c. c. Dangau inc. |
2014 QCCS 38 |
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JS 1319 (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-066552-111 |
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DATE : |
Le 14 janvier 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE MARK SCHRAGER, J.C.S. |
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Gestion Gloucester « Société en commandite » |
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Demanderesse |
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c. |
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DANGAU INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une action en passation de titre par la demanderesse Gestion Gloucester «Société en commandite » (« Gloucester ») qui était le vendeur en vertu d'une offre d'achat faite par la défenderesse Dangau Inc. (« Dangau ») en 2011 pour acquérir l'immeuble de Gloucester situé à Varennes.
[2] La demanderesse est propriétaire d'un immeuble à vocation industrielle comprenant un bâtiment de 110 000 pieds carrés sur un terrain de 350 000 pieds carrés situé au 580, boul. Lionel-Boulet à Varennes (la « propriété »).
[3] L'immeuble a été acquis au début de janvier 2008 d'une compagnie du groupe Chagnon et immédiatement loué à ce même groupe (transaction connue sous le nom « sale and lease back »).
[4] L'occupant de l'immeuble faisait l'assemblage et les réparations des camions de collecte de déchets. L'histoire de l'édifice depuis sa construction en 1974 constatée par des experts au fil des ans en matière environnementale démontre que l'assemblage et l'entretien des camions comprennent l'usinage et le sablage des pièces métalliques, la peinture et la galvanisation, la soudure et la coupure du métal, ainsi que le changement d'huile. Aussi, parmi des substances qui se trouvaient sur le terrain à différentes périodes, il y avait des déchets biomédicaux ainsi que des produits industriels (huiles usées, produits chimiques). Donc, le passé de la propriété impliquait la possibilité de la présence de contaminants.
[5] Gloucester est représentée en tout moment pertinent au présent litige par son principal dirigeant, M. Sal Fratino, qui est un homme d'expérience en matière de transactions immobilières.
[6] En décembre 2010, l'immeuble était vacant suite à la faillite du locataire. M. Fratino a donné mandat à un courtier en matière immobilière de vendre l'immeuble. Même qu'aucune pancarte n'était encore affichée, M. Fratino a été contacté en janvier 2011 par M. Johnny Izzi, le directeur général du Groupe Gaudreau qui était intéressé à acquérir l'immeuble. Le Groupe Gaudreau comprenait des entreprises oeuvrant en matière de récupération et de recyclage. Par l'entremise de la compagnie Klareco, le Groupe Gaudreau exploitait à Longueuil une usine de recyclage du verre. La défenderesse Dangau Inc. est la compagnie du Groupe Gaudreau qui détient les titres des immeubles que les compagnies d'exploitation (comme Klareco) occupent et dans lesquelles elles exercent leurs activités industrielles et commerciales.
[7] Même si l'usine de Longueuil du Groupe Gaudreau était conforme au zonage, la proximité d'un secteur résidentiel faisait en sorte que la Ville de Longueuil a exprimé sa préférence à ce que Dangau vende à la Ville son usine et déménage ailleurs. Pour le Groupe Gaudreau, une relocalisation a représenté la possibilité de moderniser son équipement. Donc, une recherche a été faite pour trouver une nouvelle usine, de préférence sur la Rive-Sud, pour être près de ses matériaux bruts (du verre récupéré dans les centres de la population de Montréal et de la Rive-Sud) et près de son équipe de main-d'oeuvre existante.
[8] Dangau était représentée en tout moment pertinent au présent litige par M. Johnny Izzi, son directeur général, qui est un homme d'affaires d'expérience. Quoique les transactions immobilières ne font pas partie de son travail quotidien, il a été impliqué dans quelques-unes.
[9] En janvier 2012, M. Izzi apprend que l'immeuble est disponible. Il contacte M. Fratino et leur discussion a abouti dans un échange de courriels le 8 février 2011 qui a prévu un achat de la propriété pour le prix de 5 175 000 $ sujet à quatre conditions, à savoir :
9.1. Financement
9.2. État environnemental conforme aux normes et acceptable au créancier hypothécaire;
9.3. Confirmation de la Ville de Varennes qu'une usine du verre similaire à celle de Longueuil est permise, et
9.4. Confirmation de la Ville de Longueuil de son exigence que l'usine existante déménage.
[10] Les délais indiqués pour satisfaire à ces quatre conditions était de trente (30) jours et il y avait un autre trente (30) jours pour signer l'acte de vente chez le notaire.
[11] Ainsi, une offre formelle a été rédigée par le notaire de Dangau et présentée à la demanderesse le 9 février 2011. Les clauses importantes sont les suivantes:
« OFFRE D'ACHAT D'UN IMMEUBLE
CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ SITUÉE AU:
580, boul., Lionel-Boulet, Varennes, Québec, J3X 1P7
[ … ]
2. CONDITIONS DE L'OFFRE
◦ OFFRE CONDITIONNELLE À L'OBTENTION D'UN FINANCEMENT
2.1 L'offre d'achat est conditionnelle à ce que l'OFFRANT obtienne un emprunt hypothécaire d'un montant nécessaire à la réalisation de l'acquisition. Il s'engage à solliciter immédiatement cet emprunt, à ses frais.
Le produit de cet emprunt sera remis au notaire de l'OFFRANT et sera appliqué sur le prix de vente de l'immeuble. Si, dans les trente (30) jours suivant l'acceptation de son offre d'achat l'OFFRANT échouait dans l'obtention d'un tel emprunt, il s'engage à en aviser immédiatement le VENDEUR.
Dans un tel cas, la présente offre deviendra nulle et non avenue, sans autre délai ni compensation de part et d'autre, chaque partie demeurant responsable des frais qu'elle aura engagés.
◦ OFFRE CONDITIONNELLE À LA CONFORMITÉ ENVIRONNEMENTALE
2.2 Cette offre d'achat est conditionnelle à ce que le VENDEUR fournisse à ses frais, une évaluation environnementale de type PHASE 1 dans les QUARANTE-CINQ (45) jours suivant l'acceptation de la présente offre d'achat. Si cette évaluation recommande une évaluation environnementale de type PHASE 2 en vertu de l'historique ou l'état des lieux, le VENDEUR devra procéder à cette évaluation à ses frais exclusifs.
- Si les résultats font état que l'immeuble ne respecte pas les normes environnementales édictées par le créancier hypothécaire de l'OFFRANT OU celles normalement prescrites en zone industrielle, les PARTIES appliqueront alors les articles 4.4 et 4.5 de la présente offre d'achat.
◦ CONDITIONS SUPPLÉMENTAIRES DE L'OFFRE
2.3.1 Cette offre d'achat est conditionnelle à ce que l'OFFRANT obtienne une confirmation de la Ville de Varennes qu'il pourra ériger une usine de récupération et/ou traitement du verre similaire à cette qu'il possède déjà à Longueuil.
2.3.2 Cette offre d'achat est également conditionnelle à ce que la Ville de Longueuil confirme à l'OFFRANT qu'il doit cesser les activités qu'il exerce actuellement dans les installations de ladite Ville.
2.3.3 Si, dans un délai ne dépassant pas trente (30) jours suivant l'acceptation de l'offre d'achat, une (1) seule des conditions ci-dessus énumérées aux paragraphes 2.3.1 et 2.3.2 n'était pas remplie, l'OFFRANT s'engage à en aviser immédiatement le VENDEUR.
Dans un tel cas, la présente offre deviendra nulle et non avenue, sans autre délai ni compensation de part et d'autre, chaque partie demeurant responsable des frais qu'elle aura engagés.
[ … ]
4. OBLIGATIONS DU VENDEUR
[ … ]
4.4 Au cas de dénonciation aux parties de vices ou irrégularités entachant les titres ou au cas de non-conformité à quelque garantie du VENDEUR contenue aux présentes, le VENDEUR aura un délai de quarante-huit (48) heures à compter de l'avis écrit qu'il aura reçu à cet effet, pour avertir par écrit l'OFFRANT;
4.4.1 qu'il remédiera ou a remédié à ses frais aux vices, aux irrégularités ou à la non-conformité soulevés; ou
4.4.2 qu'il ne pourra ou ne voudra y remédier.
4.5 L'OFFRANT, sur réception de l'avis prévu au paragraphe 4.4.2, devra, dans un délai de quarante-huit (48) heures de la réception de tel avis, aviser par écrit le VENDEUR : soit qu'il choisit d'acheter avec les vices ou irrégularités allégués, auquel cas la garantie du VENDEUR sera diminuée d'autant, soit qu'il décide de ne pas donner suite à l'offre d'achat, auquel cas son dépôt, le cas échéant, lui sera retourné sans autres recours de part et d'autre. Les frais, honoraires et déboursés encourus par l'OFFRANT jusqu'à ce moment seront alors à la charge du VENDEUR.
4.7 Le VENDEUR devra vendre avec les garanties légales.
5. AUTRES CONDITIONS
5.1 L'acte de vente devra être reçu par le notaire Jean BOUDREAU ou l'un de ses associés, au plus tard le trentième jour suivant la date de la réalisation de toutes les conditions énoncées à la section 2 des présentes, à la pleine et entière satisfaction de l'OFFRANT.
[ … ]
6. DÉCLARATION DU VENDEUR
Le VENDEUR fait les déclarations suivantes et s'en porte garant:
[ … ]
6.4 L'immeuble n'est affecté d'aucun problème de contamination du sol. »
[12] Des discussions entre MM. Fratino et Izzi suivent la présentation de l'offre d'achat. Parmi d'autres points, M. Fratino déclare concernant la clause 2.2 qu'il détient déjà des études environnementales de Phase I et Phase II, et il s'engage à les livrer à M. Izzi dans les dix (10) jours.
[13] Une contre-offre est préparée au bureau de Gloucester le ou vers le 14 février 2011 et acceptée le 16 février 2011 par Dangau sous la signature de M. Izzi. Les clauses saillantes de la contre-offre sont les suivantes:
« CONTRE-PROPOSITION À L'OFFRE D'ACHAT D'UN IMMEUBLE EN
DATE DU 14 FÉVRIER 2011
CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ SITUÉE AU:
580, boul, Lionel-Boulet, Varennes, Québec, J3X 1P7
[ … ]
2. CONDITIONS DE L'OFFRE
- Offre conditionnelle à l'obtention d'un financement
Le deuxième paragraphe de l'article 2.1 est modifié comme suit:
« Le produit de cet emprunt sera remis au notaire de l'Offrant et sera appliqué au prix de vente de l'immeuble. Si, au plus tard le 17 mars 2011, l'Offrant échouait dans l'obtention d'un tel emprunt, il s'engage à en aviser immédiatement le Vendeur. »
Il faut également ajouter qu'en cas de non-réalisation de la condition de financement, le Dépôt sera remis à l'Offrant.
- Offre conditionnelle à la conformité environnementale
Le premier paragraphe de l'article 2.2 de l'Offre est modifié comme suit:
« Le Vendeur fournira à l'Offrant les évaluations environnementales de type Phase I et Phase II dans les dix (10) jours suivant l'Acceptation de l'Offre. »
- Conditions supplémentaires de l'Offre
L'article 2.3.3 est modifié comme suit:
« Si, au plus tard, le 17 mars 2011, une (1) seule des conditions ci - dessus énumérées aux paragraphes 2.3.1 et 2.3.2 n'était pas remplie, l'Offrant s'engage à aviser immédiatement le Vendeur. »
[ … ]
4. OBLIGATIONS DU VENDEUR
[ … ]
L'article 4.7 de l'Offre est remplacé par ce qui suit:
« La vente sera faite sans garantie de qualité légale ni conventionnelle, sur une base « tel quel » et aux seuls risques et périls de l'Offrant, SAUF pour la qualité du titre de propriété, pour lesquels la garantie légale du Vendeur demeurera pleine et entière. »
[ … ]
6. DÉCLARATION DU VENDEUR
Il faut ajouter à l'article 6 de l'Offre que c'est au meilleur de sa connaissance que le Vendeur fait toutes et chacune des déclarations qui y sont énoncées. »
[ … ] »
[14] M. Fratino explique que l'exclusion de la garantie légale (clause 4.7) est motivée par ses mauvaises expériences dans d'autres transactions de vente où il a eu des réclamations pour des vices cachés.
[15] L'ajout à l'article 6 de l'offre originale des mots « au meilleur de sa connaissance » affecte, entre autres, la Déclaration du Vendeur (clause 6.4) que :
« L'immeuble n'est affecté d'aucun problème de contamination du sol ».
[16] Tel que convenu, dans les dix (10) jours, M. Fratino expédie à M. Izzi deux (2) rapports environnementaux préparés par la firme Terrapex, de Phase I daté de juin 2003 et de Phase II daté d'août 2006. Le deuxième rapport a été préparé pour M. Fratino aux soins de Gloucester, même que M. Fratino a témoigné qu'il a acquis l'immeuble en 2008 tel que confirmé par l'acte d'achat déposé en preuve. Ce rapport fait état de l'enquête qui consistait à examiner certains aspects soulignés dans l'étude de Phase I de 2003, y inclus la présence, présente et passée, des réservoirs d'huiles usées ainsi que les résidus des activités de sablage à l'extérieur du bâtiment.
[17] La conclusion de la Phase II était que la présence de certains contaminants ne dépassait pas les normes pour une propriété industrielle et qu'aucuns travaux ni mesures remédiatrices n'étaient exigés.
[18] Le 16 mars 2011, suivant une discussion avec M. Fratino, M. Izzi envoit un document (P-4) qui se lit ainsi:
« Addendum à la contre-proposition de Gestion Gloucester Inc. datée du 14 février 2011 acceptée par Dangau Inc. le 16 février 2011 (la contre-proposition)
Attendu que les parties ont prévu à la contre-proposition une date de clôture au plus tard le 17 mars 2011.
Les parties conviennent de reporter la date de clôture au 15 avril 2011.
Toutes les autres dispositions de la contre-proposition demeurent inchangées. »
Le document est signé par Dangau Inc., le 14 mars 2011; il n'a jamais été signé par M. Fratino, même s'il a indiqué son consentement dans un courriel.
[19] Dans ses courriels, M. Fratino explique qu'il s'agit pour lui d'une extension du délai pour la séance d'exécution de l'acte de vente chez le notaire, malgré que l'offre telle que rédigée prévoit déjà que la signature aura lieu à la mi-avril. M. Izzi explique dans son témoignage qu'il prévoyait travailler avec les dates limites « en parallèle » de sorte que la date limite de la levée des trois (3) conditions serait prorogée du du 6 mars au 17 avril 2011, soit le même moment fixé pour l'exécution de l'acte de vente devant le notaire.
[20] M. Izzi a continué ses démarches, à savoir que son équipe rencontrait les représentants de la Ville de Varennes pour apprendre que l'usage proposé est permis vu certains droits acquis.
[21] La Ville de Longueuil confirme sous forme de résolution de son conseil municipal (datée du 17 mai 2011), la décision d'acheter l'immeuble à Longueuil où se trouvait l'usine de Klareco.
[22] Le différend entre les parties concerne plutôt l'état environnemental de l'immeuble et l'obtention de financement.
[23] Dès la réception de la contre-offre, M. Izzi contacte les deux (2) institutions financières avec lesquelles Groupe Gaudreau fait affaires, afin d'obtenir un prêt hypothécaire pour financer l'achat de la propriété. La Banque Nationale émet une offre écrite le 4 avril 2011 qui est assujettie à la condition (entre autres) de la « remise d'un rapport environnemental de Phase I satisfaisant ».
[24] M. Izzi entame aussi des discussions avec la Banque de développement du Canada (« B.D.C. »). Leur offre formelle n'est confirmée par écrit que le 14 juin 2011, mais le document interne confirme que la succursale demande au département du crédit l'autorisation du prêt en question le 11 mai 2011. De manière plus importante, le gérant avec qui M. Izzi fait affaires, M. Martin Champagne, confirme dans son témoignage qu'il a informé M. Izzi que même si la décision finale restait avec son département du crédit, qu'il n'irait jamais de l'avant avec un financement basé sur le rapport environnemental de Phase I de 2003. Un rapport plus récent (maximum deux (2) à trois (3) ans) sera requis.
[25] M. Izzi informe M. Fratino de cette demande de la B.D.C. vers la fin avril - début mai, ce qui incite M. Fratino à remettre deux (2) autres rapports environnementaux concernant l'immeuble qui sont en sa possession. Ainsi, M. Fratino envoit un rapport sous forme de lettre datée du 2 mai 2010 adressée à son attention par la firme Terrapex qui fait état des tests effectués sur une ligne de conduite d'huiles usées sous le plancher du bâtiment. La ligne n'est plus en usage, mais une fuite a été détectée par un test de pression. Vu que le plancher contient un système de chauffage électrique qui serait potentiellement endommagé par des mesures correctives, Terrapex recommande d'attendre et d'effectuer des mesures correctives lorsque d'autres constructions seront entreprises dans le bâtiment. Une réserve de 10 000 $ pour ces mesures correctives est recommandée.
[26] L'autre rapport qui est daté du 9 juin 2010, aussi émanant de la firme Terrapex, fait état de certaines mesures correctives apportées à une partie du terrain dû à l'entreposage du résidu de sablage au jet. M. Fratino a expliqué que ce rapport et les travaux de décontamination étaient exigés en relation avec la vente d'une partie du terrain à une entreprise voisine.
[27] Par coïncidence, selon le témoignage de M. Izzi, à la même période, il a obtenu de M. Chagnon, le principal dirigeant du groupe de compagnies du même nom et qui était occupant de l'immeuble, un autre rapport environnemental concernant la propriété, préparé aussi par Terrapex à la demande de M. Chagnon.
[28] Ce rapport qui, selon la preuve, n'était pas en la possession de M. Fratino constate certains problèmes environnementaux et la présence de certains contaminants.
[29] Après l'expédition des deux (2) rapports environnementaux de Terrapex datés durant l'année 2010 par M. Fratino à M. Izzi, une réunion est convoquée pour le 6 mai 2011. M. Fratino est présent avec, entre autres, MM. Izzi, Chagnon et Champagne, le banquier.
[30] M. Champagne réitère que la B.D.C. ne financerait pas sur la base d'un rapport environnemental de Phase I qui date de 8 ans. M. Fratino refuse de mandater ou de payer pour une étude de Phase I prenant la position que, dans les circonstances, il n'était pas obligé d'en faire une. Il a déjà exécuté ses obligations, les délais sont expirés et il n'est obligé à rien d'autre que de signer un acte de vente. Pour mettre fin à l'impasse, B.D.C. accepte de mandater Terrapex et de payer pour la préparation d'une étude de Phase I. B.D.C. était en possession d'un dépôt de 20 500 $ reçu de Dangau à titre de frais d'étude du dossier.
[31] Les parties espéraient avoir l'étude complétée en main dans les deux (2) semaines pour pouvoir aller de l'avant avec la transaction. Donc, M. Fratino initie une série de courriels le 20 mai 2011, vu qu'il n'a reçu ni les rapports ni une mise à jour. Aucun rapport n'est reçu de Terrapex. Pour la première fois, dans un de ses courriels, soit celui du 24 mai 2011, M. Fratino prend position que :
« […]
The closing has been delayed on numerous occasions. The delays are not our fault. I have to remind you that all conditions have been waived by you and closing is not conditional on anything anymore. I have worked with you and that is why I have tolerated the delays. »
[32] M. Izzi répond dans les 15 minutes :
« Correction, I have never waved (sic) any conditions. The condition of obtaining the financing is still in effect, as it always was. I do not control this either. I asked you to confirm that you accepted the last delays, but never got an answer. You have, in effect, tolerated the delays and we thank you. But, we are not responsible for the delays. B.D.C. has requested a Phase 1 before accepting the financing. In fact, you could have cancelled the deal if you wished since the offer as (sic) expires (sic) a long time ago. Salutations sincères. »
[33] M. Fratino a répondu en demandant une copie du projet de l'acte de vente. À son tour, M. Izzi a répondu qu'il n'y aura pas d'acte de vente signé tant qu'ils n'auront pas reçu un rapport environnemental acceptable à lui et à la banque.
[34] Suivant la différence d'opinions quant à l'état des obligations des parties, M. Fratino a exprimé clairement dans un courriel du 24 mai 2011, qu'il était d'accord avec une extension jusqu'au 30 mai 2011.
[35] Le 2 juin 2011, M. Fratino a envoyé un autre courriel demandant que la préparation d'un rapport environnemental de Phase I soit expédiée.
[36] Finalement, Terrapex a produit son rapport daté du 11 juin 2011, que M. Izzi a reçu tard en après-midi du 14 juin 2011 et lu le matin du 15 juin 2011. Le rapport exigeait qu'une étude de Phase II soit préparée vu la présence de deux (2) problèmes, soit celui de la fuite de la ligne d'huiles usées ainsi que certains signes de contaminants près d'un poste de lavage de camions.
[37] Dans les circonstances, B.D.C. était non seulement d'accord mais a insisté pour qu'un rapport environnemental plus détaillé, soit de Phase II, soit préparé.
[38] Alors, le 20 juin 2011, M. Izzi a appelé M. Fratino pour l'informer que Dangau ne voulait pas poursuivre la transaction.
[39] Le 21 juin 2011, Dangau a envoyé une lettre formelle à Gloucester à l'effet que l'offre était retirée. Les avocats de Gloucester ont immédiatement envoyé une mise en demeure qui sommait Dangau de signer un acte de vente pour donner effet à leurs obligations en vertu de l'offre et de la contre-offre.
[40] La position de la demanderesse, Gloucester, est basée sur sa stricte lecture et adhérence aux termes et conditions de l'offre et de la contre-offre.
[41] Ainsi, le délai pour satisfaire aux conditions était de trente (30) jours, expirant le ou vers le 16 mars 2011.
[42] Même si Dangau a raison de prétendre que ce délai était prolongé au 16 avril 2011, aucun avis prévu par l'offre à l'effet qu'une ou plusieurs des conditions échouaient n'a été envoyé dans les trente (30) jours. En conséquence, il y a eu renonciation par Dangau aux conditions, ou tout au moins Dangau a empêché la réalisation de la condition en retardant le processus.
[43] En conséquence, selon Gloucester, en application de l'article 1503 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), l'obligation de Dangau de signer un acte de vente et de payer le prix d'achat n'était plus assujettie à des conditions.
[44] Le consentement de Gloucester à des extensions était uniquement pour des extensions de la date de la séance de clôture pour signer l'acte de vente chez le notaire; et non pas pour des extensions pour satisfaire aux conditions. Ces indulgences et coopérations ne devraient pas être interprétées contre Gloucester.
[45] Gloucester ajoute qu'une fois que Dangau a reçu le rapport de Phase II le 20 juin 2011, au lieu de simplement se retirer de la transaction comme elle l'a fait, Dangau était obligé de donner l'avis prévu à l'article 4.4 de l'offre à Gloucester pour que cette dernière puisse prendre position quant à la correction du problème environnemental soulevé dans ledit rapport.
[46] Gloucester soutient avoir prouvé au procès par le témoignage de son expert Kevin Donovan, que le soi-disant problème environnemental soulevé n'était pas grave. Donc, Gloucester prétend que l'état environnemental n'était qu'un prétexte pour permettre à Dangau de répudier l'offre d'achat. L'étendue des travaux correctifs documentés par M. Donovan dans ses rapports et expliqués dans son témoignage validaient la réserve de 10 000 $ établie par Terrapex en juin 2010 à l'effet que le problème était relativement mineur. En fait, les travaux correctifs exécutés après l'intention de la présente action ont coûté 16 000 $. Gloucester a mis en preuve que Dangau (avec sa compagnie mère Groupe Gaudreau) faisait face à l'époque à des problèmes financiers et l'exigence d'un rapport de Phase II en juin 2011 n'était qu'un prétexte pour se soustraire de ses obligations d'acheter la propriété. Gloucester était ainsi en défaut de ses obligations légales de coopération et de bonne foi.
[47] La résolution du litige repose sur certains principes juridiques de base.
[48] Les délais stipulés dans les contrats (y compris l'offre et la contre-offre dans la présente cause) ne sont pas en principe de rigueur, sauf si l'entente le prévoit (ce qui n'est pas le cas ici) ou sauf si le comportement des parties exige une telle interprétation de leur entente.[1]
[49] Pour insister sur la passation du titre, Gloucester doit respecter chacune de ses propres obligations (1591 C.c.Q.). Même la mauvaise foi de l'autre partie n'est pas une excuse.[2]
[50] Toutes les parties à un contrat sont obligées d'exercer leurs droits de bonne foi (article 6 C.c.Q.) et d'une manière raisonnable (article 7 C.c.Q.).
[51] L'obligation de Dangau d'obtenir un financement était une obligation de moyen et non de résultat.[3] Donc, Dangau avait l'obligation de prendre des mesures raisonnables pour obtenir le financement sans être tenue au résultat.
[52] Le contrat entre les parties est interprété dans son ensemble (article 1427 C.c.Q.) en fonction des circonstances et de l'interprétation donnée par les parties elles-mêmes (article 1426 C.c.Q.). L'intention commune des parties doit être recherchée plutôt que de s'arrêter au sens littéral (article 1425 C.c.Q.).
[53] L'obligation d'envoyer un avis (en vertu d'un contrat) ou de donner une mise en demeure en vertu de la loi (l'article 1597 C.c.Q.) à l'autre partie peut être atténuée parce que la partie qui n'a pas reçu d'avis y a renoncé tacitement[4], ou a manifesté son intention de ne pas corriger le défaut[5]. Aussi, il se peut qu'un avis formel ne soit pas requis dans les circonstances parce que la personne connaissait bien la situation et ne faisait rien pour corriger ladite situation ou pour poursuivre l'entente.[6]
[54] Gloucester a été obligée par les termes de la contre-offre de fournir les évaluations environnementales des Phases I et II. La délivrance du rapport de Phase I de 2003, soit un rapport qui datait de 8 ans, est inadéquate pour exécuter cette obligation de bonne foi et d'une manière raisonnable. Ceci était la position de la B.D.C. et les découvertes subséquentes, à savoir la fuite dans la ligne d'huiles usées, prouve que la position était justifiée. L'usage de la propriété était tel que l'état relatif à la présence des contaminants exigeait une mise à jour continuelle.
[55] Il n'est pas illusoire d'imaginer que si Gloucester avait fourni un rapport de Phase I récent qui constatait aucun indice de la présence des contaminants, le sort de l'histoire aurait été différent.
[56] Ce qui est plus grave, c'est que dans le même contrat, formé par l'offre et la contre-offre, Gloucester représentait qu' « au meilleur de sa connaissance », « […] l'immeuble n'est pas affecté d'aucun problème de contaminants du sol ». Les deux (2) rapports de Terrapex de 2010 en la possession de Gloucester en février 2011 démontrent que cette représentation était fausse. Même si Gloucester a remédié aux contaminants lors de la vente d'une parcelle de terrain à sa voisine, le problème (même mineur) de la fuite de la ligne d'huiles usées était toujours présent. Une exécution de bonne foi de son obligation aurait exigé qu'elle délivrât une copie de ces deux (2) rapports au début du processus, soit en février 2011. Ces rapports ajoutaient un élément très pertinent.
[57] En conséquence, faute d'avoir rempli son obligation de livrer un rapport de Phase I de façon raisonnable, à savoir une Phase I à jour, et faute d'avoir déclaré des sources de contamination du sol dont elle avait connaissance, Gloucester et M. Fratino n'étaient pas en mesure d'exiger de l'autre partie une adhérence stricte à ses obligations.
[58] De toute façon, la rédaction de l'offre et de la contre-offre n'est pas claire à l'effet que le défaut par Dangau de donner un avis de l'insatisfaction de l'état environnemental ou de non-obtention de financement équivalait à une renonciation à ces conditions, d'autant plus que le délai n'est pas rédigé comme un délai de rigueur. Le comportement des deux (2) parties au moins jusqu'à la troisième semaine de mai en 2011 confirme que le délai n'était pas de rigueur. Les parties ont manifesté l'intention de travailler ensemble vers une clôture de la transaction au moins jusqu'à la troisième semaine de mai 2011.
[59] C'est dans un courriel du 24 mai 2011 que M. Fratino invoque que Dangau est liée; position que M. Izzi a répliqué immédiatement:
« There will be no signing of a deed of sale until we get the confirmation from B.D.C. and Terrapex indicating that the site is environmentally acceptable. »
[60] À ce moment, M. Fratino aurait pu envoyer une mise en demeure, mais il a apparemment décidé d'attendre le rapport de Terrapex, évidemment dans l'espoir que Dangau et B.D.C. seraient satisfaits et prêts à signer l'acte de vente.
[61] Une fois que le rapport de Terrapex est émis et que Dangau avise Gloucester de ceci et que les conditions de l'offre ne sont pas satisfaites, Gloucester prétend avoir droit à l'avis prévu par l'article 4.4 de l'offre pour décider oui ou non de corriger le problème.
[62] Selon la version de M. Izzi, M. Fratino a refusé de corriger la situation. Selon M. Fratino, il n'a pas refusé parce qu'il n'a pas reçu une demande de le faire. Dans la mesure où un choix de version doit être fait, le Tribunal préfère celle de M. Izzi.
[63] Dès la réunion du 6 mai 2011, ou au moins depuis son courriel du 24 mai 2011, M. Fratino prenait la position qu'il n'était pas obligé de faire faire des études ou d'entreprendre des mesures correctives. Sa position exprimée par ses avocats dans leur lettre du 21 juin 2011 était la même. En effet, les avocats répondaient à la lettre de Dangau. Dangau prétendait que l'offre était nulle. Les avocats de Gloucester répétaient la position que par l'expiration des délais, Dangau était liée. Donc, c'était clair par la position de Gloucester tant après qu'avant la lettre de Dangau, que Gloucester n'avait pas l'intention de remédier à la situation et, de toute manière, en répétant cette position par l'entremise de ses avocats, Gloucester avait renoncé à ses droits de recevoir une telle mise en demeure de remédier à la condition environnementale soulevée par Dangau.
[64] Quant à la bonne foi de Dangau, vu les commentaires du soussigné ci-devant concernant le défaut de Gloucester de divulguer les deux (2) rapports environnementaux de Terrapex de 2010, Gloucester est mal placée pour invoquer la mauvaise foi de l'autre partie, Dangau.
[65] De toute manière, si les travaux correctifs subséquents concernant la ligne d'huiles usées confirment (malgré les critiques de l'expert de Dangau à l'audition) que le problème n'était pas si grave, la preuve prise ensemble du point de vue d'un acheteur à l'époque ne démontre pas que les préoccupations de Dangau et de son banquier B.D.C. quant à l'état environnemental étaient des prétextes pour se soustraire de la transaction. Ils n'étaient que prudents.
[66] En dernier lieu, concernant la capacité de Gloucester de remplir ses propres obligations en vertu de l'offre et de la contre-offre, M. Fratino, témoignant en contre-preuve, a mentionné que pour mitiger ses dommages il avait loué la propriété à deux (2) locataires pour une période de cinq (5) ans, mais que les baux étaient sujets à des ententes de résiliation à n'importe quel moment.
[67] Suite à un questionnement du président du Tribunal, M. Fratino a confirmé que les ententes de résiliation étaient verbales. Bien qu'il n'y ait pas de preuve contraire, le Tribunal n'est pas obligé de simplement accepter et il n'accepte pas ce témoignage sans une explication des modalités des ententes de résiliation. Il aurait fallu au moins avoir la confirmation des locataires en question de ces ententes de résiliation verbales.
[68] Donc, Gloucester n'est pas en mesure de livrer l'occupation de l'immeuble sur une passation du titre par jugement, tel qu'exigé par les termes de l'acte de vente préparé et signifié par Gloucester ainsi que par l'article 6.7 de l'offre qui prévoit que l'immeuble est libre de tout bail, sauf un en faveur du Groupe Lague du 23 juin 2010 concernant une partie de terrain.
[69] En conséquence de tout ce qui précède, Dangau n'était pas, en juin 2011 ni subséquemment, obligée en vertu de l'offre et de la contre-offre de signer un acte de vente et de payer le prix d'achat pour l'immeuble en question.
[70] L'action en passation sera en conséquence rejetée.
[71] Les parties ont informé le soussigné que le notaire Boudreau, à qui Dangau a remis le dépôt de 50 000 $, détient toujours ce montant d'argent. En conséquence, il sera déclaré que la somme appartient à Dangau et il sera ordonné que ladite somme de 50 000 $ plus les intérêts accumulés, s'il y a lieu, devra être remise à Dangau.
[72] Les frais d'expertise seront accordés à Dangau selon la preuve des factures déposées lors de l'audition.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[73] REJETTE la requête introductive d'instance de la demanderesse Gestion Gloucester « Société en commandite » avec dépens, y inclus, les frais d'expert de M. R. St-Germain de la firme Hudon Desbiens St-Germain Environnement Inc., fixés au montant de 13 915,07 $, taxes applicables incluses.
[74] ORDONNE que le dépôt de 50 000 $ plus intérêts, s'il y en a, soit remis à la défenderesse Dangau Inc.
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__________________________________ MARK SCHRAGER, J.C.S. |
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Maître Alain Gutkin LAFRAMBOISE GUTKIN Procureurs de la Demanderesse |
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Maître Mathieu Renaud Maître Jean-Maxim LeBrun DUNTON RAINVILLE Procureurs de la Défenderesse |
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Dates d’audience : |
Les 10, 11, 12 et 13 décembre 2013 |
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[1] Bareil-Stea c. Piasentier, J.E. 95-1975 (C.A.); JCorp c. 2991292 Canada, 2011 QCCA 533.
[2] Penterman c. Ferme Brune des Alpes, 2006 QCCA 1318, para. 50 et ss.
[3] Bordage c. Entreprises R.D.G. Beaulieu Inc., 2005 QCCA 701.
[4] Marché de la Tuile Inc. c. Fata, 2012 QCCA 62.
[5] Guérin, Éditeur Ltée c. Harcourt Brace & Company Ltd., 2002 CanLII 62382 (QCCA).
[6] Borex Inc. c. Trac Lease Inc., 2012 QCCA 1012, para 8.
AVIS :
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