Décision

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Droit de la famille — 112845

2011 QCCA 1646

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-021696-117

 

(700-04-013994-055)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

15 septembre 2011

 

CORAM:  LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

ANDRÉ ROCHON, J.C.A.

JACQUES A. LÉGER, J.C.A.

 

APPELANTE

AVOCAT(S)

Q… P…

Me Jacques Trudeau

GAUTHIER, PAQUETTE, TRUDEAU, BÉLANGER

 

 

 

INTIMÉ

AVOCAT(S)

M… A…

Absent

 

 

MIS EN CAUSE

AVOCAT(S)

DIRECTEUR DE L'ÉTAT CIVIL

 

 

 

 

En appel d'un jugement rendu le 15 avril 2011 par l'honorable Benoit  Émery de la Cour supérieure, district de Terrebonne.

 

NATURE DE L'APPEL:

Déchéance d'autorité parentale - changement de nom.

 

Greffière: Marcelle Desmarais

Salle: Pierre-Basile-Mignault

 


 

 

AUDITION

 

 

9 h 32 Monsieur M... A... dûment appelé fait défaut de se présenter.

9h 33 L'avocat de l'appelante informe la Cour que sa cliente n'a pas eu de nouvelle de monsieur A....

Me Jacques Trudeau n'a rien à ajouter à son mémoire.

PAR LA COUR:

Arrêt - voir page 3.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcelle Desmarais

Greffière d'audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L'appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure du district de Terrebonne, rendu le 15 avril 2011 (l'honorable Benoît Emery), qui a refusé de prononcer la déchéance de l'autorité parentale à l'égard de l'intimé et d'autoriser le changement de nom de leur enfant.

[2]           Le juge de première instance conclut qu'il n'y a pas de preuve de « motifs graves » et qu'on ne lui a pas fait la preuve qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de prononcer la déchéance de l'autorité parentale.

[3]           L'appelante lui fait grief d'avoir erré en concluant à l'absence de motifs graves, au sens de l'article 606 C.c.Q. Pour l'essentiel, elle plaide que l'abandon de l'enfant par l'intimé, quelques mois après sa naissance le [...] 2005, et son omission d'avoir apporté quelque soutien affectif ou financier depuis qu'il a quitté l'appelante en juin 2005 constituent de tels motifs. Selon elle, la preuve présentée démontre qu'il est dans l'intérêt de sa fille de voir son père déchu de l'autorité parentale et que la demande de changement de nom est justifiée.

[4]           Pour les raisons qui suivent, la Cour est d'avis qu'il y a lieu d'accueillir le pourvoi.

[5]           Premièrement, la jurisprudence admet que le parent qui abandonne son enfant pendant plusieurs années et qui néglige de le nourrir, de l'entretenir et de voir à sa garde, à sa surveillance et à son éducation, manque gravement à ses devoirs de parent et peut être déchu de l'autorité parentale. Ainsi, dans l'arrêt J.S. c. D.D.[1] rendu en 2001, le juge Rothman écrit :

[27]      The jurisprudence, in recent years, has been not lacking in examples where parents have been deprived of parental authority by reason of abandonment and serious failure to fulfil the obligations required of a parent. (For example, see: Droit de la Famille - 2147, R.D.F. 213 (C.S.); Jean-Baptiste v. Jean-Gilles, J.E. 95-1990 (C.A.) C.A.M. no. 500-09-000600-916, 13 October 1995, Vallerand, Chouinard and Nuss; Droit de la Famille - 2592, [1997] R.L. 90 (C.S. - Sénécal, J.); B. v. G, [1996] R.L. 214 (C.S.)).

[…]

[41]      With great respect, after four or five years of total abandonment and disinterest, and given the negative profile of respondent in the psychologist's report, I do not see how we can conclude that it would now be in the child's interest to renew contact with respondent. […]

[…]

[6]           Deuxièmement, la question de savoir si les faits mis en preuve soutiennent ou non la conclusion de déchoir un parent de son autorité parentale n'est pas une simple question de fait ou d'appréciation de la preuve : il s'agit plutôt d'une question de qualification, sujette au contrôle de notre Cour[2]. Le juge d'instance a erré dans la qualification des faits mis en preuve devant lui et sa conclusion que l'abandon par l'intimé de son enfant ne constituait pas en l'espèce un motif grave au sens de l'article 606 C.c.Q. est erronée.

[7]           L'absence prolongée de l'intimé et les circonstances s'y rapportant constituent clairement des motifs graves. Il a abandonné son enfant dès les premiers instants de sa vie, n'a exercé depuis qu'un seul contact supervisé en 2006 et il n'a offert aucun soutien financier à l'éducation de son enfant. Au demeurant, il n'a pas contesté la requête initiale de l'appelante, ne s'est pas présenté en première instance, n'a pas produit de mémoire en appel et ne s'est pas présenté à l'audience devant la Cour. C'est dire qu'à tout moment pertinent durant le processus judiciaire recherchant la déchéance de son autorité parentale et le changement de patronyme de son enfant, l'intimé n'a pas manifesté le moindre intérêt pour son enfant.

[8]           Troisièmement, avec pareil constat et à la lumière de la jurisprudence, force est de conclure qu'il serait dans l'intérêt de cette enfant de prononcer la déchéance de l'autorité parentale. Maintenant âgée de six ans, elle n'a vu son père qu'une seule fois, ne peut en avoir aucun souvenir et ne saurait dès lors l'identifier comme une figure parentale. En revanche, l'enfant identifie le nouveau conjoint de sa mère comme une figure paternelle[3] et ce dernier, avec l'appelante et leur enfant à naître, formeront vraisemblablement une cellule familiale qu'elle aurait avantage à intégrer.

[9]           Finalement, vu la déchéance de l'autorité parentale, l'absence d'identification de l'enfant envers l'intimé et les tracasseries que représenterait pour elle le fait de porter un nom différent de celui des autres membres de sa cellule familiale, la Cour estime que le nom de l'enfant doit être modifié pour qu'en soit retiré le patronyme « A... ».

[10]        POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[11]        ACCUEILLE l'appel;

[12]        INFIRME le jugement prononcé le 15 avril 2011 et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être prononcé;

[13]        ACCORDE la garde de l'enfant mineure X P... A... à l'appelante;

[14]        PRONONCE la déchéance totale de l'autorité parentale de l'intimé M... A... à l'égard de X P... A..., née le [...] 2005;

[15]        DISPENSE l'enfant mineure X P... A... de son obligation alimentaire à l'égard de l'intimé;

[16]        AUTORISE le changement de nom attribué à X P... A... dans son acte de naissance;

[17]        ORDONNE la rectification de l'acte de naissance de X P... A..., numéro d'inscription [...] dans le registre de l'état civil, afin que cette enfant porte dorénavant le nom de X P...;

[18]        ORDONNE au mis en cause, le directeur de l'état civil, de procéder aux modifications des registres concernés, suivant les prescriptions de la loi;

[19]        LE TOUT sans frais, vu l'absence de contestation et la nature de l'affaire.

 

 

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 

 

 

ANDRÉ ROCHON, J.C.A.

 

 

 

JACQUES A. LÉGER, J.C.A.

 

 



[1]     J.S. c. D.D., [2001] R.J.Q. 329 .

[2]     Droit de la famille - 1738, J.E. 95-180 , [1995] R.J.Q. 2328 , p. 9; J.S. c. D.D., ibid., paragr. 24 et M.C. c. C.B., J.E. 2001-450 , [2001] R.J.Q. 356 , paragr. 8.

[3]     S.L. c. J.T. [2004] R.D.F 440 , paragr. 9.

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