Droit de la famille — 111924 |
2011 QCCA 1236 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No : |
200-09-007311-118 |
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(150-04-005351-106) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE : |
6 juillet 2011 |
CORAM : LES HONORABLES |
FRANCE THIBAULT, J.C.A. |
PARTIE APPELANTE |
AVOCAT |
R... R...
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Me RICHARD POITRAS (Dumais, Poitras)
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PARTIE INTIMÉE |
AVOCATE |
C... B...
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Me GITANE SMITH (Durocher, Girard)
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PARTIES MISES EN CAUSE |
AVOCATE |
X
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Me THÉRÈSE DESGAGNÉ (Gaudreault, Desgagné)
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LE DIRECTEUR DE L'ÉTAT CIVIL
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En appel d'un jugement rendu le 24 janvier 2011 par l'honorable J. Roger Banford de la Cour supérieure, district de Chicoutimi. |
NATURE DE L'APPEL : |
Déchéance de l'autorité parentale |
Greffière : Michèle Blanchette (TB3352) |
Salle : 4.33 - VISIOCONFÉRENCE |
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AUDITION |
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11 h 35 |
Observations de Me Poitras; |
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Observations de la Cour; |
12 h 05 |
Suspension; |
12 h 10 |
La Cour déclare qu'il n'est pas nécessaire d'entendre Me Smith et Me Desgagné; |
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Arrêt. |
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(s) |
Greffière audiencière |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1] L'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure du 24 janvier 2011 prononçant la déchéance de son autorité parentale à l'égard de l'enfant X, né le [...] 1998, dont il est le père biologique.
[2] L'appelant soutient d'abord que le juge de première instance a erré en retenant qu'il a abandonné son fils depuis au moins huit ans. Il plaide que la preuve a démontré que c'est en raison des nombreux déménagements de l'intimée qu'il n'a pas pu garder contact avec son fils. Elle s'est établie successivement à ville A, ville B, ville C, ville D et ville E et elle ne lui a jamais communiqué ses coordonnées.
[3] En outre, l'appelant plaide qu'il souffre de schizophrénie et fut hospitalisé à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il était d'ailleurs hospitalisé lorsque la requête fut entendue en première instance. Cette condition constitue une « certaine excuse » lorsqu'il faut déterminer s'il y a eu abandon au sens de l'article 606 C.c.Q.
[4] Enfin, l'appelant fait valoir que l'intimée a demandé la déchéance de son autorité parentale parce que son conjoint veut adopter X, ce qui ne saurait justifier cette demande.
[5] L'appel doit être rejeté.
[6] Le juge de première instance expose très bien les principes de droit applicables lorsqu'une demande de déchéance d'autorité parentale est présentée au tribunal. Il s'agit d'une mesure extrêmement grave, radicale et tout à fait exceptionnelle. Comme le mentionne le juge, « [e]lle n'a pas pour but de permettre le changement de nom de l'enfant ni de favoriser son adoption »[1].
[7] En vertu de l'article 606 C.c.Q., il faut établir des motifs graves pour justifier une telle mesure. En outre, la déchéance de l'autorité parentale doit être prononcée dans l'intérêt de l'enfant.
[8] En l'espèce, le motif au soutien de la demande est l'abandon de l'enfant par l'appelant. Or, le juge conclut qu’il a abandonné l'enfant depuis au moins huit ans et cette détermination trouve amplement appui dans la preuve. Il s'agit d'un « pur cas de désintéressement, d'insouciance, de négligence … ». Le juge s'exprime ainsi :
[27] Il ne fait pas de doute que le défendeur a totalement abandonné son enfant depuis au moins huit ans, possiblement plus, si l'on retient l'été 2001 comme moment de la dernière rencontre père-enfant.
[28] De plus, le père n'a donné aucun signe de vie à son fils. Pas de tentative de prise de contact, pas de téléphone, pas de lettre ou carte postale, pas de cadeau d'anniversaire ou pour la fête de Noël, rien.
[29] Le père a ainsi négligé d'exercer envers son enfant tous les droits et devoirs que lui reconnaissent les articles 647 et 651 C.c.Q., soit tous les attributs de l'autorité parentale, tels le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation, de nourrir et d'entretenir l'enfant.
[30] Pourtant, le père bénéficiait d'un jugement datant du 6 novembre 2000, lui reconnaissant des droits d'accès à l'enfant. Rien dans la preuve n'indique qu'il a tenté d'exécuter ce jugement avant l'institution d'une procédure en fixation de droits d'accès, en décembre 2009.
[31] Bien plus, rien dans la preuve ne permet de conclure que le défendeur a manifesté un intérêt quelconque envers l'enfant depuis, à tout le moins, l'été 2002. Pourtant, il reconnaît avoir rencontré la grand-mère maternelle et les sœurs de la demanderesse à l'occasion de séances de magasinage.
[32] Il n'a toutefois pas tenté d'obtenir d'elles des informations qui lui auraient permis de renouer ses relations avec son fils au cours de toutes ces années.
[33] Il est vrai que la demanderesse a changé d'adresse à plusieurs reprises depuis l'année 2000. Toutefois, rien n'indique qu'elle a interdit à quiconque parmi ses proches de révéler son adresse ou numéro de téléphone au défendeur. Au contraire, ce dernier ne les a jamais approchés pour obtenir ces informations.
[34] En outre, depuis l'automne 2004, la demanderesse et ses enfants sont établis dans la région, à ville E, un arrondissement de la municipalité F qu'habite le défendeur. La demanderesse soutient que le numéro de téléphone de sa résidence était publié à son nom.
[35] Bien plus, le défendeur reconnaît qu'il savait que madame habitait à ville E. Il aurait sans doute réussi à la rejoindre, entre 2004 et 2009, s'il avait eu la moindre envie de revoir son fils. D'ailleurs, il n'a eu aucun problème à faire signifier rapidement sa nouvelle procédure pour droits d'accès en 2009.
[36] Bien sûr, le défendeur n'était pas toujours disponible pendant toutes ces années. Son régime de vie désorganisé et sa consommation de drogues, l'ont conduit derrière les barreaux à diverses reprises. Son état psychologique s'est détérioré et les troubles de comportement qu'il a connus l'ont contraint à des séjours en institution plus ou moins prolongés. Il était à nouveau hospitalisé en date de l'audition.
[37] Toutefois, ses passages en maison d'incarcération ou d'internement ont été entrecoupés de périodes de liberté plus ou moins longues. Par exemple, en 2005, le défendeur a même pu opérer une entreprise qui comptait jusqu'à cinq employés, dit-il. Pourtant, pendant cette année-là, il n'a pas trouvé le temps de s'intéresser à son enfant et encore moins de chercher à contribuer à ses besoins matériels.
[38] En somme, nous nous trouvons ici devant un cas de pur désintéressement, d'insouciance, de négligence résultant d'une conduite déréglée ou répréhensible bien différent de ceux que l'on retrouve dans les jugements cités par le défendeur à l'appui de sa cause.
[9] Dans les circonstances, l'abandon de l'enfant par l'appelant, et ce, pendant une période d'au moins huit ans, constitue « des motifs graves » au sens de l'article 606 C.c.Q.
[10] En outre, la preuve établit qu'il est dans l'intérêt de l'enfant que la déchéance de l'autorité parentale soit prononcée. X n'a aucun souvenir de son père. Pour lui, tel que le relate le juge, « sa famille, c'est celle regroupée autour du mari de la demanderesse… ». C'est ce dernier qui assume le rôle de père depuis plusieurs années.
[11] Par ailleurs, le juge estime qu'il y a lieu de favoriser la stabilité de l'enfant et de le soustraire « à la culture marginale qui semble le lot de [l'appelant] et qui contraste avec celle de la famille reconstituée de [l'intimée] »[2].
[12] En somme, l’appelant n’a pas démontré d’erreur révisable par la Cour.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[13] REJETTE l'appel, sans frais vu la nature du litige.
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FRANCE THIBAULT, J.C.A. |
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JULIE DUTIL, J.C.A. |
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LORNE GIROUX, J.C.A. |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.