Décision

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Droit de la famille — 10194

Droit de la famille — 10194

2010 QCCA 166

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-019825-090

(760-04-006624-044)

 

DATE :

 3 FÉVRIER 2010

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

M... C...,

APPELANTE - Défenderesse

c.

 

S... BE...,

INTIMÉ - Demandeur

et

C... B...,

N... H...,

MIS EN CAUSE - Tiers intervenants

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                LA COUR; - Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 9 juin 2009 par la Cour supérieure, district de Beauharnois (l'honorable Pierre Béliveau), qui a statué sur les droits d'accès de l'appelante, les attributs de son autorité parentale et la pension alimentaire pour ses enfants;

[2]                Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3]                Pour les motifs du juge Forget, auxquels souscrivent les juges Chamberland et Morissette;

[4]                ACCUEILLE le pourvoi sans frais;

[5]                ANNULE les conclusions 201, 208, 209, 211, 213, 214, 215 et 216 du jugement de première instance;

[6]                ACCORDE à M... C... un droit d'accès non supervisé un jour par semaine de 10h00 à 17h00 le samedi durant une semaine, le dimanche la semaine suivante et ainsi de suite; M... C... devra aller chercher et reconduire les enfants au domicile de S... Be....  M... C... pourra également téléphoner aux enfants deux fois par semaine pour une durée de 15 minutes entre 18h45 et 19h15 le mardi et le jeudi de chaque semaine.  Elle pourra également échanger des courriels avec les enfants étant entendu qu'ils utiliseront l'adresse courriel de S... Be....

[7]                DÉCLARE que les droits d'accès de M... C... seront révisés dans un délai de six mois ou à tout autre moment, s'il survient des faits nouveaux;

[8]                SUGGÈRE que si une nouvelle audition doit être tenue, elle devra l'être par un juge autre que celui qui a rendu le jugement faisant l'objet du présent pourvoi.

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 

 

 

 

 

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

 

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

Me Karine Spénard et Me Jean-François Rousseau

Rousseau Spénard s.a.

Pour l'appelante

 

Me Brigitte Brunet et Me Philippe Bégin

Brigitte Brunet, Avocats

Pour l'intimé

 

Date d’audience :

15 décembre 2009


 

 

MOTIFS DU JUGE FORGET

 

 

[9]                Le jugement de première instance confirme la garde des enfants, âgés de 10 ans et 9 ans, au père et « interdit à la mère tout accès avec les enfants, même par voie téléphonique, de courrier ou de courriel ».  De plus, le jugement « retire à la mère l'exercice de tous les attributs de son autorité parentale à l'égard de ses enfants ».

[10]           En bref - et j'y reviendrai en détail - la conclusion du premier juge à l'égard de la mère est fondé sur son comportement qui aurait pour but d'entraver les liens du père avec les enfants dans ce qu'il est convenu de nommer « l'aliénation parentale ».  Le résultat final est le suivant : pour permettre au père d'avoir une relation harmonieuse avec ses enfants, ces derniers sont privés de tout contact avec leur mère, et ce, pour une période indéterminée qui ne devrait pas être de courte durée selon le premier juge[1].

[11]           Le jugement comporte également des conclusions pour fixer la pension alimentaire pour les enfants et pour interdire tout contact avec les grands-parents maternels[2].

[12]           M... C... se pourvoit et allègue principalement la partialité du juge de première instance; elle requiert la tenue d'un nouveau procès.

 

CONTEXTE GÉNÉRAL

[13]           M... C... et S... Be... font vie commune de 1995 à septembre 2004.  De leur union naissent deux enfants : X, le [...] 1999, et Y, le [...] 2000.

[14]           À la suite de la séparation, M... C... conserve la garde des enfants.  S... Be... obtient des droits d'accès malgré diverses objections de la part de M... C....

[15]           Le litige entre les parties se poursuit au cours des années subséquentes principalement sur les modalités d'exercice des droits d'accès de S... Be..., mais également sur le partage de biens communs.

[16]           Le 8 mai 2008, le juge Pierre Béliveau modifie la garde des enfants pour l'octroyer à S... Be....

[17]           Par la suite et successivement, le juge suspend les droits d'accès de la mère, lui accorde des droits d'accès supervisés, lui accorde des droits d'accès non supervisés et, enfin, lui interdit tout contact avec ses enfants aux termes du jugement qui fait l'objet du pourvoi.

 

LES PROCÉDURES

[18]           Les premières démarches concernant la garde et les droits d'accès des enfants interviennent en septembre 2004.  M... C... allègue que S... Be... est violent envers elle-même et les enfants et demande que les droits d'accès soient supervisés.  Selon le juge Pierre Béliveau, ces allégations sont sans fondement; le 30 septembre 2004, il rend une ordonnance intérimaire autorisant des droits d'accès d'une fin de semaine sur deux à S... Be....

[19]           Le 15 décembre 2004, S... Be... fait l'objet de cinq accusations d'agression sexuelle sur des employées d'un commerce de dépanneur exploité auparavant par M... C... et S... Be....  Vu cette nouvelle situation, M... C... demande la suspension des droits d'accès de S... Be..., ce que refuse la juge Carole Hallée.  En octobre 2006, S... Be... est acquitté par le juge Michel Mercier de la Cour du Québec de toutes les accusations d'agressions sexuelles.

[20]           En décembre 2004, S... Be... dépose une requête introductive d'instance afin de faire constater une société tacite entre lui et M... C... quant à l'exploitation d'un commerce de dépanneur.  M... C... a unilatéralement vendu l'entreprise et S... Be... réclame sa part des profits.  Le 14 juin 2006, le juge Pierre Béliveau condamne M... C... à payer 170 303,12 $ à S... Be... en plus de lui rendre la propriété d'une automobile[3].  Le 24 janvier 2007, notre Cour (les juges Forget, Pelletier et Rayle) confirme cette décision, sauf pour un chef de dommage de 10 000 $[4].

[21]           M... C... et sa mère ne se conforment pas à la décision du juge Béliveau et se départissent de certaines sommes d'argent, ce qui vaudra à la mère de M... C... une procédure en outrage au tribunal introduite par S... Be....  Le 21 juin 2007[5], la juge Marie St-Pierre rejette la requête en outrage en raison d'un doute sur la mens rea, mais avec dépens contre la mère de M... C....

[22]           En mai 2005, M... C... fait un signalement à la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ) afin de dénoncer des attouchements sexuels sur ses enfants de la part de S... Be....  La DPJ procède à une enquête, mais ne retient pas le signalement.

[23]           L'ordonnance intérimaire concernant la garde des enfants est renouvelée à plusieurs reprises en 2005 avec le consentement des parties.  Le 23 juin 2005, la psychologue Manon Déry procède à une expertise psychosociale des parties et de leurs enfants.  Selon elle, les deux parties ont une capacité parentale adéquate, toutefois M... C... tente d'entraver la relation entre le père et les enfants :

Enfin, Madame est très attachée à ses enfants.  Il existe d'ailleurs entre elle et ces derniers un lien d'attachement important.  Nous sommes en présence d'une maman aimante et soucieuse du bien-être de ses enfants.  Cependant, les blessures observées chez Madame nous laissent croire que cette dernière pourrait en venir à voir ses enfants à travers ses propres blessures et frustrations, comme si ces derniers étaient son prolongement.  Particulièrement lorsqu'elle se retrouve blessée ou confrontée, Madame pourrait avoir de la difficulté à dissocier ses besoins de ceux de ses enfants.  Comme Madame est très inquiète face à Monsieur, il demeure également possible que les enfants sentent la détresse et les craintes de leur mère.  De plus, Madame ne reconnaît pas du tout le lien d'attachement qui unit Monsieur à ses enfants.

[…]

Monsieur garde de son vécu conjugal blessures, tristesse et amertume.  Monsieur a été très ébranlé par les événements entourant la séparation.  En mai dernier, Monsieur a été accusé d'avoir abusé sexuellement de son petit garçon; accusations qui n'ont pas été reconnues par la Direction de la Protection de la Jeunesse.  De plus, quatre femmes adultes, employées du dépanneur de son ex-conjointe, accuseraient Monsieur d'agression sexuelle.  Monsieur aurait plaidé non-coupable à trois chefs d'accusation et ce dernier nie les accusations et nous affirme être victime d'un coup monté par Madame C... qui, à ses dires, souhaite le voir disparaître de la vie de leurs enfants par toutes sortes de façons.  ainsi, Monsieur demeure blessé et méfiant face à Madame.

Enfin, Monsieur demeure attaché à ses enfants.  Il nous parle avec affection et émotion de ses deux enfants. Monsieur nous dit qu'il souhaite s'investir dans sa relation avec ses enfants mais que Madame lui laisse peu de place pour le faire.  D'autre part, nous avons pu observer une relation père-enfants teintée d'affection, voire de proximité.  Nous avons noté que les deux enfants cherchaient l'attention et l'affection de leur père.  Monsieur aime ses deux enfants et nous croyons qu'il est en mesure de voir au quotidien de ces derniers.  de plus, l'analyse de nos tests ne nous permet pas d'émettre l'hypothèse que Monsieur est un danger pour ses enfants (pédophilie) ni que les enfants ont été victimes d'abus sexuels de la part de ce dernier.

[…]

Enfin, Madame est une dame très vulnérable, souffrante des tensions qui existent autour d'elle.  De plus, les relations père-enfants sont perçues comme une menace pour l'équilibre de ses enfants.  Ce qui est aussi problématique, c'est que Madame ne reconnaît pas le lien d'attachement qui unit Monsieur aux enfants.  Ainsi, toutes tentatives de rapprochement de Monsieur vis-à-vis ses enfants sont perçues avec une grande anxiété et peut-être comme une trahison.  Étant donné les blessures de Madame et sa perception de Monsieur, il est peu probable que celle-ci montre de l'ouverture face à Monsieur.

De son côté, Monsieur est aussi amer et blessé des attitudes de Madame mais il semble plus ouvert face à celle-ci.  Monsieur reconnaît Madame dans son rôle de mère et il reconnaît le lien d'attachement qui unit Madame à leurs enfants.  ainsi, dans un premier temps, il est essentiel que les parents développent de meilleurs outils de communication.  Ces derniers pourraient consulter un médiateur afin de réapprendre à communiquer adéquatement, sans que cela ne soit teinté d'amertume et de colère.

Ainsi, nous recommandons, avec certaines réserves, de confier la garde des enfants à la mère et d'accorder les droits d'accès élargis suivants à Monsieur, à savoir :

[…]

Par ailleurs, nos réserves citées plus haut sont à l'effet que le parent-gardien devrait toujours être celui qui est le plus ouvert à l'autre parent.  Ainsi, dans le dossier présent, si Monsieur continue et ce, sans raison valable, à avoir de la difficulté à exercer ses droits d'accès, le tribunal devrait alors envisager un changement de garde en faveur de Monsieur Be....

[24]           Le 19 octobre 2005, S... Be... allègue des difficultés lors des échanges des enfants; le 10 novembre 2005, le juge Richard Nadeau reconduit l'ordonnance prévoyant un autre lieu d'échange.

[25]           Le 8 novembre 2005, S... Be... dépose une requête pour changement de garde en alléguant des manœuvres d'aliénation parentale de la part de M... C....  L'audition est remise à plusieurs reprises et la demande est entendue les 7 et 8 décembre 2006.  Finalement, les parties s'entendent et le juge Jean-Pierre Chrétien entérine le consentement prévoyant des droits d'accès élargis pour S... Be..., M... C... conservant la garde des enfants.

[26]           En mars 2007, M... C... déclare faillite.

[27]           Le 7 juin 2007, M... C..., alléguant une détérioration de sa situation financière, présente une requête pour obtenir une augmentation de la pension alimentaire.  Le 28 septembre 2007, S... Be... présente une nouvelle requête en changement de garde en invoquant l'aliénation parentale exercée par l'appelante avec la complicité de ses parents.

[28]           En mai 2008, le psychologue Daniel Fortier remet un rapport d'évaluation psychosociale à propos des parties et de leurs enfants.  Il conclut que la situation ne s'est guère améliorée depuis 2005, que les enfants sont en conflit d'affection en raison de l'aliénation parentale exercée par leur mère et que cela nécessite un changement de garde en faveur de l'intimé tout en reconnaissant que M... C... aurait une capacité parentale adéquate si ce n'était de son refus de permettre au père une relation harmonieuse avec les enfants :

Dans ce cadre, nous n'avons pas d'indices à l'effet que madame C... ne puisse voir aux divers besoins physiques, cognitifs et affectifs de ses enfants.  Il n'y a guère de signes de négligence, mauvais traitements ou rejet affectif évidents, ce dont monsieur Be... tend à convenir.  C'est davantage dans la place que madame est prête à faire au père que les inquiétudes sont les plus grandes.  À ce titre, les propos de madame à divers égards, le contrôle exercé, tout comme des efforts au fil des ans pour nuire à la relation père-enfants nous semblent être suffisamment significatifs dans ce cas.  De plus, les propos des enfants sont transparents et dénotent tout au moins la perception qu'ils ont de leur mère comme n'étant guère ouverte aux contacts qu'ils peuvent avoir avec leur père.  Madame C... souligne d'ailleurs à quelques reprises non pas comment elle encourage les enfants à voir monsieur de façon positive et à le visiter, mais insiste plutôt pour dire qu'ils n'ont pas le choix ce qui ne manque sans doute pas de cultiver l'animosité à l'endroit de monsieur comme éventuellement des instances judiciaires.

Bref, et alors que l'observation de la relation mère-enfants souligne la qualité du lien, il appert que l'effort aliénant est évident dans ce cas.  L'attitude en entrevue et le propos des enfants lorsqu'ils sont amenés par l'un ou par l'autre tendent à vouloir en témoigner également.  L'effort était apparemment présent déjà en 2005 et souligné.  Il est donc évident que les enfants ne se sentent pas beaucoup le droit d'investir la relation au père ou aux grands-parents paternels.

[…]

Dans ce cadre, nous n'avons pas d'indices à l'effet que monsieur Be... ne puisse voir aux divers besoins physiques, cognitifs et affectifs de ses enfants.  Il n'y a pas de signes de négligence, de mauvais traitements ou même de rejet affectif, les enfants se plaignant tout au plus d'avoir déjà été mis à genoux en guise de punition, mais rien de clairement inadéquat.  Du reste, l'observation de la relation père-enfants vient mettre en évidence une fille et un garçon qui semblent être proches de leur père, surtout Y qui manifeste plus clairement des marques d'affections, le tout détonnant du discours rejetant tenu en entrevue individuelle.  En ce qui a trait à X, celle-ci est moins démonstrative et en demande d'attention de son père, mais n'est pas hostile dans le contact avec celui-ci.  Y paraît en général plus anxieux lorsqu'il retrouve son père après l'entrevue, cherchant visiblement le rapprochement.  À ce chapitre, monsieur Be... s'est avéré être chaleureux, à l'écoute et adéquat dans les circonstances, manifestant aussi certaines habitudes de jeu.

Enfin, il n'y a pas eu de discours aliénant ou discréditant en présence des enfants bien que nous comprenions que les petits n'ont sans doute pas toujours été pleinement protégés des conflits entre adultes à travers tout ce qui a été vécu.  Aux dires des enfants, les propos négatifs tenus ne sont pas spécifiquement récents.

[…]

Dans ce cadre, à la lumière de l'information disponible et à moins d'éléments complémentaires significatifs, nous voyons mal comment il nous serait possible de maintenir le statu quo dans le présent cadre même si nous reconnaissons que la relation de madame avec ses enfants est bonne et qu'un changement de milieu ne sera pas sans impact.  Malgré cela, nous sommes d'avis de recommander dans les circonstances et avec tout le respect que nous devons à chacun :

que la garde des enfants puisse être confiée au père, monsieur Be..., à partir de la fin des classes bien que les deux parents restent considérés comme égaux dans en regard de l'exercice de leur autorité.  Cela ne devrait donc pas relever monsieur de son obligation de consulter la mère pour toutes décisions importantes, ni de la tenir informée relativement à ce qui concerne la vie des enfants (école, consultations médicales, etc.).  Un livre de bord pourra être maintenu ou des échanges par courriels afin de favoriser le tout si nécessaire;

que madame C... puisse bénéficier des droits d'accès suivants ou selon toute autre entente jugée acceptable par les parties :

une fin de semaine sur deux du vendredi soir au dimanche soir, pouvant être étendue afin d'inclure les congés fériés ou pédagogiques qui précèdent ou qui suivent.  Ultimement, les parents pourraient s'entendre aussi pour une modalité incluant une troisième fin de semaine dans le mois du vendredi soir au samedi midi afin de ne pas trop pénaliser la relation mère-enfants;

quatre semaines, par blocs d'un ou deux semaines, durant la période de vacances estivales;

une semaine durant la période des fêtes, incluant Noël ou le jour de l'An en alternance entre les parties;

à la fête des Mères, de même que la moitié du congé de Pâques et de la période de relâche scolaire éventuelle;

tout autre accès aux enfants selon entente à l'amiable entre les parties

des contacts téléphoniques de la mère aux enfants deux fois par semaine, selon une durée déterminée.

Enfin, des mesures complémentaires devront être prises si jamais certains messages venaient à se poursuivre.  Nous espérons par ailleurs que les parties puissent éventuellement en venir à mettre de côté les tensions qui existent entre eux et mettent en place un minimum de communication.

[29]           Ces requêtes sont entendues les 8 et 9 mai 2008 par le juge Pierre Béliveau.  Le 14 mai 2008, il rend jugement et conclut qu'il y a lieu de procéder à un changement de garde; il accorde à M... C... les droits d'accès suivants :

QUANT AUX DROITS D'ACCÈS

[67]      ACCORDE à la défenderesse, à titre intérimaire, les droits d'accès suivants:

Jusqu'au 13 juin 2008, deux appels téléphoniques par semaine d'une durée maximale de quinze minutes entre 18h45 et 19h15, les jeudis et dimanches, étant entendu que le demandeur pourra déplacer le moment de la conversation suite à un préavis de douze heures;

Des échanges par courriel, à la volonté de la défenderesse et des enfants, étant entendu qu'ils utiliseront l'adresse courriel du demandeur;

À partir du 14 juin 2008, les mêmes droits ainsi que deux heures par semaine chaque samedi ou dimanche, sauf deux durant la période de vacances du demandeur suite à un avis d'un mois à la défenderesse, sous la supervision d'un organisme à être déterminé le 22 mai 2008, lequel fera rapport à la Cour.  Pour plus de certitude, la Cour déclare que les frais de ces accès seront défrayés par la défenderesse.

[68]      DÉCLARE que la Cour révisera cette décision le 18 septembre 2008;

[69]      SUGGÈRE FORTEMENT À LA DÉFENDERESSE D'ENTREPRENDRE UNE SÉRIEUSE DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE RELATIVEMENT AU PROBLÈME D'ALIÉNATION PARENTALE QUE LA COUR A CONSTATÉ DANS LE PRÉSENT JUGEMENT;

[…]

[76]      ORDONNE aux parties de communiquer entre elles par courriel;

(le caractère gras est dans le texte du jugement)

[30]           On constate que si le juge Béliveau s'est appuyé sur le récent rapport d'expertise du psychologue Daniel Fortier pour changer la garde, il s'est éloigné de ses recommandations quant aux droits d'accès; il s'en explique ainsi :

LES DROITS D'ACCÈS

[33] CONSIDÉRANT que la défenderesse, s'appuyant sur les conclusions énoncées par M. Fortier dans son rapport, demande des droits d'accès de deux fins de semaine sur trois ainsi que la garde physique partagée l'été;

[34] CONSIDÉRANT que le demandeur suggère l'absence de droits d'accès immédiatement après le changement de garde et des droits supervisés par la suite, jusqu'à ce qu'on puisse être assuré que la défenderesse n'aura pas une attitude de nature à déstabiliser les enfants;

[35] CONSIDÉRANT qu'à cet égard, la procureure du demandeur invoque la décision de la juge Claudette Picard dans l'affaire C.C. c. J.L., confirmée par la Cour d'appel, alors que cette dernière avait déclaré ce qui suit:

Quant aux droits d'accès de C., il est dans l'intérêt d'É., à cause de ce qui s'est passé depuis l'audition de mars 2002, que ceux-ci soient supervisés pour une période préliminaire de quatre mois, afin de tenter d'endiguer le discours négatif à l'égard de L. et de permettre à É. d'aimer librement son père. Le tribunal restera saisi du dossier aux fins d'évaluer le comportement de C. vis-à-vis É. […]

[36] CONSIDÉRANT que lors d'un second témoignage livré après le témoignage de M. Fortier, la défenderesse a reconnu qu'elle s'était trompée dans le passé;

[37] CONSIDÉRANT qu'elle n'a pu reconnaître spontanément avoir eu un comportement aliénant, se limitant à admettre qu'elle a dû dire des choses qui ont pu faire mal et indiquant qu'elle ne croit pas que le demandeur soit violent, sans toutefois le nier, et admettant finalement qu'il n'a jamais eu un comportement violent envers les enfants, sauf leur avoir donné des tapes sur les fesses à quelques reprises;

[38] CONSIDÉRANT que même s'il a pu être livré de bonne foi, ce deuxième témoignage de la défenderesse ne révèle nullement une prise de conscience véritable, mais est plutôt le reflet de la panique qui s'est emparée de cette dernière lorsqu'elle a vu son monde s'écrouler devant l'inéluctable résultat de l'audition;

[39] CONSIDÉRANT que l'attitude de la défenderesse est comparable à celle de l'alcoolique à qui son/sa conjoint(e) annonce qu'il/elle a décidé de mettre fin à leur relation et qui, même de bonne foi, s'engage à cesser toute consommation, alors qu'il/elle ne pourra résister, à la première occasion venue, à l'odeur de l'alcool;

[40] CONSIDÉRANT que cela indique que le problème de la défenderesse est très profond;

[41] CONSIDÉRANT QUE LA DÉFENDERESSE N'A PAS PRIS CONSCIENCE QUE SON COMPORTEMENT EST SUSCEPTIBLE DE CAUSER UN TORT IRRÉPARABLE AUX PERSONNES QU'ELLE AIME LE PLUS AU MONDE, SOIT X ET Y;

[42] CONSIDÉRANT que son environnement immédiat, plus particulièrement ses parents, n'est pas propice à une prise de conscience véritable;

[43] CONSIDÉRANT que l'opinion de M. Fortier a été formulée sans avoir pu apprécier l'attitude de la défenderesse lors de son deuxième témoignage;

[44] CONSIDÉRANT que lors de son propre témoignage, M. Fortier n'a pas vraiment insisté sur l'octroi de droits d'accès élargis et qu'il s'est montré très préoccupé par le pronostic;

[45] CONSIDÉRANT que même si chaque cas est un cas d'espèce en droit familial, la Cour considère opportun de suivre l'approche de la juge Picard et de la Cour d'appel dans l'affaire C.C. c. J.L.;

[46] La Cour CONCLUT donc que dans le meilleur intérêt des enfants, il y a lieu d'ordonner une interruption des contacts, sauf par voie téléphonique et courriel, et des droits d'accès supervisés pour une période de quelques mois par la suite

[47] CONSIDÉRANT qu'en conséquence, la Cour ne saurait rendre une ordonnance définitive en matière de droits d'accès, qu'il y a plutôt lieu de rendre un jugement intérimaire;

[48] CONSIDÉRANT QU'IL EST IMPÉRIEUX QUE LA DÉFENDERESSE ENTREPRENNE UNE SÉRIEUSE DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE;

[49] CONSIDÉRANT QU'À DÉFAUT D'ENTREPRENDRE UNE TELLE DÉMARCHE, IL EST À TOUTES FINS PRATIQUES CERTAIN QUE DE NOUVEAUX PROBLÈMES SURGIRONT, QUI POURRAIENT ULTIMEMENT CONDUIRE À UNE ANNULATION COMPLÈTE DES DROITS D'ACCÈS, ALORS QU'À L'INVERSE, SI UNE DÉMARCHE EST ENTREPRISE, ON POURRAIT ENVISAGER DES DROITS D'ACCÈS ÉLARGIS, COMME SUGGÉRÉ PAR M. FORTIER, SANS COMPTER QUE D'AUTRES SOLUTIONS POURRAIENT ÊTRE RETENUES À PLUS LONG TERME;

(le caractère gras est dans le texte du jugement)

[31]           Le 22 mai 2008, le juge Béliveau entend les parties sur les modalités de supervision des droits d'accès de M... C....  Le 10 juillet 2008, il entend également la requête des parents de M... C... et leur accorde, de façon intérimaire, les mêmes droits d'accès supervisés qu'à celle-ci.  Après diverses remises, l'audition est fixée aux 10, 11 et 12 novembre 2008 pour compléter la preuve relativement aux droits d'accès de M... C... et pour déterminer la pension alimentaire payable par cette dernière.

[32]           Le 2 octobre 2008, M... C... signifie au juge Béliveau une requête en récusation; elle est rejetée le 14 octobre 2008.  Je reviendrai plus loin sur les motifs invoqués à l'appui de cette demande et sur la teneur du jugement.

[33]           Le 3 octobre 2008, S... Be... dépose une requête en réclamation pour tous les dommages subis dans les divers dossiers entre les parties.

[34]           Les 10, 11 et 12 novembre 2008, l'audition se poursuit sur les droits d'accès de M... C... et également sur la requête de S... Be... en réclamation de dommages-intérêts.  Le tout se termine par une entente du 13 novembre 2008, entérinée le 14 novembre 2008 par le juge Béliveau.  L'entente prévoit notamment :

Les parties assistées de leurs procureurs respectifs conviennent de ce qui suit:

            1.         […]

2.         Les droits d'accès de la défenderesse auprès des enfants s'exerceront de la façon suivante :

a)                  jusqu'au 31 décembre 2008, de façon supervisée comme actuellement par le Centre A, à savoir un dimanche sur deux, de 9h00 à 16h00, à compter du 23 novembre 2008;

b)                  exceptionnellement, pour le 25 décembre 2008, de 15h00 à 19h00, de façon non supervisée, la défenderesse devant faire le transport;

c)                  pour le mois de janvier 2009, un dimanche sur deux, pour une durée de sept (7) heures, soit deux (2) heures non supervisées et cinq (5) heures supervisées par le Centre A, la défenderesse devant aller chercher les enfants au Centre et les ramener au Centre aux heures convenues;

d)                  pour le mois de février 2009, un dimanche sur deux, pour une durée de sept (7) heures, soit trois (3) heures non supervisées, et quatre (4) heures supervisées par le Centre A, selon les mêmes modalités que celles prévues au paragraphe 2c) quant au transport;

e)                  pour le mois de mars 2009, un dimanche sur deux, pour une durée de sept (7) heures, soit quatre 94) heures non supervisées et trois (3) heures supervisées par le Centre A, selon les mêmes modalités quant au transport;

f)                    pour les mois d'avril 2009 et mai 2009, un dimanche sur deux, pour une durée de sept (7) heures non supervisées, la défenderesse devant aller chercher et reconduire les enfants au domicile du demandeur;

Il est entendu que les frais relatifs aux accès supervisés sont à la charge de la défenderesse;

g)                  de tout autre façon selon entente à l'amiable entre les parties;

3.         Le demandeur aura la tâche de trouver un psychologue afin que les enfants puissent bénéficier de l'aide et du suivi psychologique dont ils pourraient avoir besoin, lequel psychologue devra signaler aux deux parents toutes inquiétudes relatives aux droits d'accès notamment; le demandeur devra également faire les démarches auprès de Santé mentale jeunesse pour les enfants.

4.         La question des droits d'accès devra être réévaluée au début du mois de juin 2009 ou en tout temps dans l'éventualité d'une quelconque problématique; si aucun événement n'est soulevé à ce moment, les parties s'engagent à convenir durant le mois de mai 2009 de modalités progressivement élargies comprenant couchers chez la défenderesse, alors que dans l'inverse le demandeur demandera l'annulation complète des droits d'accès;

5.         La défenderesse pourra téléphoner en tout temps, de façon raisonnable, pour parler aux enfants de façon à ce que la conversation soit terminée au plus tard à 20h00, plus spécifiquement le mardi, et les enfants pourront également téléphoner à la défenderesse en tout temps; en cas d'absence du demandeur le mardi, ce dernier enverra un courriel à la défenderesse pour l'en aviser.

6.         À titre de pension alimentaire globale pour les enfants pour le passé, le présent et jusqu'à ce que la situation financière de la défenderesse ne soit supérieure à trente mille dollars (30 000,00 $) de revenus annuels, la défenderesse et/ou N... H... paiera une somme forfaitaire totale et finale de quarante-deux mille dollars (42 000,00 $) au demandeur le ou avant le 8 décembre 2008;

            La défenderesse s'engage à informer le demandeur lorsque sa situation financière sera conforme à ce qui précède en lui communiquant les coordonnées de son employeur;

7.         À compter de la signature du présent consentement, les parents de la défenderesse, à savoir Madame C... B... et Monsieur N... H..., pourront bénéficier des mêmes droits d'accès que la défenderesse;

8.         Les parties ne devront faire aucun dénigrement à l'égard de l'autre parent ni tolérer que quelqu'un d'autre le fasse et ne devront en aucun temps tenter de diminuer l'affection que les enfants ont à l'égard de chacune d'elle;

9.         La défenderesse s'engage à continuer son suivi psychologique et/ou thérapie;

10.       Les parties reconnaissent que la présente entente leur a été expliquée et qu'elle représente l'expression de leur volonté librement exprimée sans contrainte ni pression;

11.       Les parties reconnaissent qu'elles ont été conseillées et qu'elles sont parfaitement aptes à signer la présente entente dont elles comprennent la portée.

[35]           Le 19 mai 2009, S... Be... signifie une requête en déchéance de l'autorité parentale de M... C... et en annulation de ses droits d'accès dont les conclusions recherchées sont les suivantes :

DÉCHOIR       totalement la défenderesse de son autorité parentale à l'égard des enfants X et Y;

Subsidiairement

SUSPENDRE l'autorité parentale de la défenderesse pour une période à être déterminée par le tribunal;

Dans tous les cas

ANNULER      les droits d'accès de la défenderesse auprès des enfants X et Y;

Subsidiairement

ORDONNER  la supervision des droits d'accès de la défenderesse auprès des enfants X et Y selon des modalités à être déterminées par le tribunal;

Dans tous les cas

PERMETTRE            au demandeur de choisir seul le psychologue devant assurer le suivi des enfants X et Y, PERMETTRE au demandeur d'inscrire les enfants et de commencer le suivi auprès du psychologue choisi et CONDAMNER solidairement la défenderesse et les tiers-intervenants à payer les frais ainsi que les 100,00$ déjà déboursés par le demandeur;

LE TOUT        avec dépens.

[36]           Cette requête est entendue du 1er au 4 juin et, le 9 juin, le juge Béliveau prononce le jugement qui fait l'objet du pourvoi dont les conclusions concernant M... C... sont les suivantes :

QUANT AU STATUT DES ENFANTS

[199]    REJETTE la requête pour expertise psychosociale;

[200]    CONFIRME la garde au demandeur des enfants X et Y;

[201]    INTERDIT à la défenderesse tout accès avec les enfants, même par voie téléphonique, de courrier ou de courriel;

[202]    INTERDIT à la défenderesse de communiquer avec le demandeur, sauf par courriel;

[…]

QUANT À L'AUTORITÉ PARENTALE

[208]    RETIRE à la défenderesse l'exercice de tous les attributs de son autorité parentale à l'égard de ses enfants X et Y;

[209]    DÉCLARE, pour plus de certitude mais sans restreindre d'aucune manière la portée de l'ordonnance rendue au paragraphe précédent, que le demandeur peut exercer seul et sans avoir d'aucune manière à consulter la défenderesse, les prérogatives suivantes:

1.                  Le choix du lieu de résidence des enfants;

2.                  Le choix de l'école des enfants et toutes les décisions relatives à leur éducation;

3.                  Le choix de la religion des enfants;

4.                  Le choix des activités sportives, culturelles et autres des enfants;

5.                  Le droit de consentir seul à tout traitement médical, chirurgical, dentaire, psychologique ou autre à l'égard des enfants;

6.                  Le droit de demander et d'obtenir un passeport pour les enfants sans l'autorisation de la défenderesse;

7.                  Le droit de voyager hors du Canada avec les enfants sans l'autorisation de la défenderesse;

[210]    ORDONNE au demandeur d'aviser la défenderesse si un des enfants devait avoir un problème de santé de nature à mettre sa vie en danger, étant bien entendu que cela ne restreindrait d'aucune manière son droit de prendre seul et sans consultation toutes les décisions nécessaires à son état;

[211]    RÉSERVE les droits du demandeur de demander la déchéance de l'autorité parentale de la défenderesse;

QUANT À LA PENSION ALIMENTAIRE POUR LES ENFANTS

[212]    PREND ACTE que le demandeur a des revenus annuels de 71 000$;

[213]    PREND ACTE qu'il y a lieu d'imputer à la défenderesse des revenus annuels de 30 000$;

[214]    PREND ACTE que les frais de garderie et autres frais particuliers pour les enfants sont de 4 170$ par année;

[215]    ORDONNE à la défenderesse de payer au demandeur, à compter de ce jour, une pension alimentaire pour les enfants de 280,56$ par mois, payable conformément à la loi;

[216]    ORDONNE à la défenderesse de payer, dans les trente jours de la réception de copie de reçus à cet effet, 24,62% des frais de psychologue que le demandeur aura assumé pour les enfants, une fois remboursement obtenu de ses assureurs;

[217]    ORDONNE à la défenderesse d'aviser le demandeur dans les trente jours de toute modification significative de sa situation économique;

[218]    ORDONNE à la défenderesse de faire parvenir au demandeur, avant le 30 juin de chaque année, incluant la présente, une copie de ses rapports d'impôts et de ses avis de cotisation, ainsi qu'un état assermenté de ses revenus et dépenses et de ses actifs et passifs;

[219]    ORDONNE l'exécution provisoire nonobstant appel;

[220]    Le tout, SANS FRAIS.

[37]           De façon concomitante, plus particulièrement le 3 juin 2009, le juge Pierre Béliveau entend la demande de libération de sa faillite par M... C....  Dans sa décision également rendue le 9 juin 2009, il rejette cette demande et déclare que M... C... ne sera libérée qu'après avoir versé une somme supplémentaire de 50 000 $ à la masse des créanciers.  Dans ses motifs, Il fait référence à son jugement qui interdit à M... C... tout contact avec les enfants et lui retire tous les attributs de son autorité parentale.  Il ajoute que la cession de biens a été faite en fraude des créanciers, plus particulièrement de S... Be....  Ce jugement a été porté en appel et l'appel est toujours pendant.

 

LES ALLÉGATIONS D'APPARENCE DE PARTIALITÉ DU PREMIER JUGE

[38]           M... C... a invoqué à quelques reprises l'apparence de partialité du juge Béliveau.

[39]           Dans son mémoire d'appel du 21 septembre 2006, dans le dossier relatif à la société tacite entre les parties, M... C... reproche au juge d'avoir « fait preuve de partialité en faveur de l'intimé, affectant ainsi l'équité du procès ».  L'avocat de M... C... reprochait au juge Béliveau « de n'avoir eu de cesse que d'emprunter des éléments du dossier familial pour justifier sa position, de manière à colorer le dossier civil ».

[40]           Notre Cour, dans un jugement prononcé à l'audience, n'a pas retenu ce moyen d'appel pour les motifs suivants :

[2] En l'espèce, le juge est intervenu à de multiples reprises, notamment pour faire préciser certains éléments de preuve, pour encadrer le débat, ou, en certaines occasions, pour exprimer le cheminement de son analyse du dossier.  Il a pu arriver que ses interventions n'aient pas facilité la progression de la preuve.  En toute honnêteté pour lui cependant il convient d'ajouter que le comportement de l'avocat de l'appelante[6] a parfois pu contribuer également au déroulement désordonné de l'enquête.

[3] Sur le tout, la Cour estime que c'est à tort que l'appelante avance que l'équité du procès a été compromise et que l'attitude du juge a fait naître chez elle une crainte raisonnable de partialité.  Chaque partie a amplement eu l'occasion de défendre ses thèses et celles prônées par l'intimé n'ont pas toutes reçues l'aval du juge.

[41]           M... C... est revenue à la charge dans une déclaration de récusation du juge Béliveau du 2 octobre 2008 comportant les allégations suivantes :

1.         Suivant l'article 234 , paragraphe 10 du Code de Procédure civile, il existe une crainte raisonnable que le juge puisse être partial;

2.                  Le juge Béliveau a d'abord agi dans le présent dossier en matière familiale en 2004;

3.                  Il a ensuite entendu une cause en matière civile de partage de société, entre les mêmes deux parties, dont jugement a été rendu le 14 juin 2006;

4.                  Il a rendu jugement dans le présent dossier, en matière familiale, les 9 et 14 mai 2008;

5.                  Pour appuyer son jugement, le juge Béliveau se réfère à la connaissance personnelle qu'il a eu des parties et témoins en juin 2006, en matière civile, se référant à son propre jugement de juin 2006;

6.                  Le juge Béliveau a jugé ultra petita dans ce jugement de mai 2008 en matière familiale, en se qu'il s'est prononcé au-delà des conclusions qui lui étaient demandées;

7.                  Le juge s'est appuyé sur la crédibilité de tiers impliqués en juin 2006 en matière civile, tiers qui n'ont pas été entendus dans la cause civile, pour appuyer une partie de son jugement de mai 2008;

8.                  Le juge Béliveau cite les motifs d'un jugement en matière criminelle portant sur le demandeur de la présente instance familiale, rendu par l'honorable juge Mercier, pour appuyer ses conclusions en matière familiale dans le jugement de mai 2008;

9.                  Le juge a insisté auprès de la procureure d'une des parties, le 18 septembre 2008 pour que cette dernière dépose une action dans un nouveau dossier contre l'autre partie;

10.              Une personne raisonnable, bien informée qui serait au courant de l'ensemble des circonstances et qui étudierait la situation de façon pratique et réaliste conclurait que la conduite du juge fait naître une crainte raisonnable de partialité.

[42]           Le 14 octobre 2008, le juge Béliveau rejette cette requête en récusation.  Il fait état des procédures dans le dossier civil, dans le dossier de faillite et dans le dossier familial; il conclut que la requête est tardive et que les reproches qui lui sont adressés ne sont pas fondés.

[43]           M... C... reprend ces reproches dans le présent appel et requiert la tenue d'un nouveau procès.  Elle prétend qu'il y a une apparence de partialité et que le juge n'a pas respecté la règle audi alteram partem :

[57] Le juge de première instance a permis à l'Intimé, pendant son témoignage, de donner une opinion personnelle plutôt que de le limiter aux faits, alors qu'il n'est pas témoin expert, affirmant qu'il « comprenait que monsieur se plaigne », alors qu'on parlait d'une pièce qui n'a pas été admise en preuve en raison de double ouï dire, et qu'il « comprenait le témoignage de Monsieur »; le juge de première instance répond également plusieurs fois à la place du témoin, notamment en contre-interrogatoire, lorsque la procureure de l'Appelante confronte l'Intimé avec ses réponses.  Cette attitude du juge de première instance laisse entrevoir une apparence de partialité en faveur d'une des parties, ce qui est contraire aux règles fondamentales de justice et au Code de déontologie de la magistrature.

[58] Le juge a également noté dans son jugement, au paragraphe 137, qu'à aucun moment, l'Intimé n'a semblé charger l'Appelante, alors que tant le témoignage en chef que le contre-interrogatoire de l'Intimé est montré l'inverse.


Violation de la règle audi alteram partem et apparence de partialité

[59] Le juge de première instance a erré en droit lorsqu'il interrompt de façon fréquente la procureure de l'Appelante pendant sa plaidoirie.  En effet, trente-six (36) interruptions du juge de première instance ont été relevées pendant les vingt-six (26) premières minutes de la plaidoirie de la procureure de l'Appelante, notamment, ce qui ne lui a pas permis une défense pleine et entière, sa procureure peinant à maintenir le fil de ses idées, et ne parvenant pas à verbaliser ses arguments.  Cette attitude du juge de première instance constitue un déni de la règle fondamentale audi alteram partem, prévue à l'article 5 du Code de procédure civile, permettant à l'Appelante d'exprimer l'ensemble de sa preuve et de ses arguments, des interruptions trop fréquentes ne permettant pas au décideur d'entendre la plaidoirie et donc d'en prendre connaissance.

 

DÉCISIONS RENDUES PAR LE JUGE BÉLIVEAU

[44]           Entre le 30 septembre 2004 et le 9 juin 2009, le juge Béliveau intervient à dix reprises dans le litige entre les parties tant dans le dossier familial que dans les dossiers de réclamations civile et de faillite.  Cependant, il faut dire que certaines de ces décisions consistent simplement à entériner le consentement des parties.

[45]           Il y a lieu également de noter que le 17 octobre 2008, le juge en chef adjoint, André Wéry, nomme le juge Béliveau pour la gestion particulière de toutes les instances actuellement pendantes et à venir entre les parties.

[46]           J'ai déjà fait état de plusieurs des décisions du juge Béliveau, pour fin de commodité, j'en reprends la liste :

 

1.  2004-09-30          Dossier familial : malgré les allégations de violence conjugale par M... C..., ordonnance intérimaire prévoyant des droits d'accès non supervisés pour S... Be....

 

2.  2006-06-14          Dossier civil : décision sur le partage de la vente du dépanneur condamnant M... C... à payer 170 303,12 $ à S... Be....

 

3.  2008-05-09          Dossier familial : changement de garde en faveur de S... Be..., en annulation de la pension alimentaire qu'il payait, octroi de droits d'accès supervisés à M... C... et interdiction de contact de la part des grands-parents maternels.

 

4.  2008-07-10          Dossier familial : de consentement, élargissement des droits d'accès supervisés de M... C... et droits identiques accordés aux grands-parents maternels.

5.  2008-09-18          Dossier familial : suspension, à titre intérimaire, des droits d'accès des grands-parents maternels à la suite d'une intervention inappropriée de M. H....

 

6.  2008-10-14          Dossier familial : rejet de la requête en récusation.

 

7.  2008-11-14          Dossier de responsabilité civile : entente des parties entérinée par le juge.

 

8.  2008-11-14          Dossier familial : entente entérinée par le juge. Levée de la supervision des droits d'accès de M... C... à titre d'essai.  Engagement de la part de cette dernière de payer des soins psychologiques pour les enfants.

 

9. 2009-06-09           Dossier de faillite : Refus de la demande de libération tant que M... C... n'aura pas versé 50 000 $ en sus à la masse.

 

10. 2009-06-09         Dossier familial : déchéance de tous les attributs de l'autorité parentale de M... C..., interdiction de tout contact avec les enfants, paiement d'une pension alimentaire en fonction d'un revenu de 30 000 $, interdiction de tout contact avec les grands-parents maternels.

[47]           Le nombre de décisions rendues par le même juge dans un dossier n'est pas en soi significatif; il faut plutôt en examiner la portée.

[48]           M... C... ne reproche pas au juge Béliveau d'avoir eu des motifs de récusation lorsqu'il est intervenu pour la première fois au dossier en 2004; elle prétend plutôt qu'en cours de route il a perdu son objectivité puisqu'il était influencé par ses décisions antérieures.  L'avocat de l'appelante attire d'ailleurs l'attention sur les trente premières pages du jugement en appel qui reprennent toutes et chacune des étapes antérieures des procédures, y compris dans le dossier civil et dans le dossier de faillite.  Il est utile de procéder à un survol de ces décisions.

[49]           Le 14 juillet 2006, le juge Béliveau prononce un jugement dans le dossier relatif à la société tacite; il apprécie ainsi la crédibilité de M... C... :

[44] La crédibilité des parties est donc au cœur du litige. À cet égard, la Cour mentionne que celle de la défenderesse est à toutes fins pratiques nulle. Son témoignage a été truffé d’hésitations, d’incohérences et de contradictions. De même, certains aspects de sa conduite laissent songeur relativement à son intégrité. Soulignons notamment les éléments suivants:

(Le juge commente ici 13 éléments sur lesquels il rejette la version de M... C... pour préférer celle de S... Be...)

[45] Par ailleurs, la Cour retient pour l’essentiel le témoignage de M. Be....  Il a déposé d’une manière claire, sans hésitation, répondant de façon précise aux questions posées.  En sus, son témoignage est globalement compatible avec l’ensemble de la preuve.  À cet égard, il faut plus particulièrement mentionner que le demandeur a démontré une très bonne connaissance de l’entreprise, ce qui confirme son implication dans l’affaire.  Enfin, la Cour mentionne que pendant le long contre-interrogatoire auquel il a été soumis, M. Be... n’a à aucun moment été confronté à quelque contradiction significative ou élément de nature en mettre en doute sa crédibilité, si tant est qu’il y ait eu quelque contradiction ou facteur discréditant.

[46] En conséquence, la Cour rejette sans hésitation la thèse de la défenderesse.  À cet égard, elle prend acte des facteurs suivants:

1.         L’absence de crédibilité de la défenderesse et la crédibilité globale du demandeur;  (je souligne)

[…]

[50]           Les 9 et 14 mai 2008, le juge Béliveau change la garde des enfants et l'attribue à S... Be...; il tient les commentaires suivants au sujet de M... C... :

[1] CONSIDÉRANT les manœuvres de la défenderesse depuis l'institution des procédures, notamment:

1.         La demande d'accès supervisés non justifiée en date du 30 septembre 2004;

2.         La contravention à l'ordonnance de la Cour du 30 septembre 2004, par la destruction du logiciel du demandeur, lequel a donné lieu à une condamnation de 10 000$ maintenue par la Cour d'appel;

3.         Les cinq accusations d'agression sexuelle, dont une rejetée à l'enquête préliminaire et quatre rejetées au procès, sur lesquelles on s'est fondé pour demander des accès supervisés le 20 décembre 2004.  Les plaignantes, dont certaines étaient des amies de la défenderesse, étaient des employées de l'entreprise commune des parties, dont la défenderesse était devenue la seule gestionnaire après la séparation des parties.  À cet égard, la Cour note que même si le juge Mercier a indiqué qu'il n'«[a] pas à être convaincu qu'il y a eu collusion entre les victimes et/ou d'autres personnes», il a «considér[é] ici que la chronologie des événements dépasse cependant le stade de pure coïncidence»;

4.         Les obstacles posés dans la préparation de la cause du demandeur, constatés dans le jugement du 14 juin 2006, lesquels ont donné lieu à une condamnation de 10 000$ pour souffrances et inconvénients maintenue par la Cour d'appel;

5.         Le signalement à la DPJ, pour abus sexuels sur les enfants, considéré non fondé dans la décision du 11 mai 2005.  La Cour note que les intervenants ont indiqué que «les craintes, à notre avis non justifiées de la mère, démontrent à quel point l'intérêt de l'enfant n'est au centre des préoccupations de la mère»;

6.         La plainte pour enlèvement, à laquelle la police n'a pas jugé bon de donner suite.

7.         Les manœuvres pour faire disparaître le produit de la vente du dépanneur, expliquées au jugement du 14 juin 2006, suivies de la faillite de la défenderesse immédiatement après le jugement de la Cour d'appel et le fait que presque tout l'argent obtenu suite à la vente du dépanneur avait alors disparu, ce qui jette des doutes sérieux sur la régularité de la faillite;

8.         Les témoignages de Mme Su... P... et de M. R... S..., par ailleurs comptables et amis des parents de la défenderesse, dont le but était d'obtenir des informations sur les revenus de cette dernière et de la société qu'elle avait créée, étaient remplis de réticences, de contradictions et d'incohérences qui indiquaient une volonté manifeste de cacher la vérité à la Cour.  À cet égard, il faut plus particulièrement mentionner les explications de M. S... sur l'attribution du dividende à la mère de la défenderesse, immédiatement avant la faillite personnelle de cette dernière;

[2] CONSIDÉRANT que cela démontre que la défenderesse n'a aucun scrupule et ne recule devant rien pour atteindre ses fins;

[51]           J'ouvre ici une parenthèse.  Parmi les reproches adressés à M... C... - et le juge Béliveau y reviendra plus tard - on peut noter les accusations d'agression sexuelle portées contre S... Be... par d'ex-employées du commerce de dépanneur.  Dans sa décision du 9 juin 2009, au paragraphe 18 il écrira qu'il « tient à souligner qu'un an plus tard, elle [la Cour] estime probable, à la lumière de tous les éléments de preuve qui sont venus s'ajouter, que les plaintes portées aient été totalement non fondées » (paragr. 18).

[52]           Pour faire ce reproche à M... C..., il faut présumer qu'elle a comploté avec les plaignantes pour porter des accusations non fondées contre S... Be....  Le juge Béliveau cite un extrait de la décision du juge Mercier qui réfère au contexte familial contemporain au dépôt des plaintes.  Cela étant, la lecture complète de son jugement permet de constater que le juge Mercier conclut qu'il n'a pas de motif de ne pas croire les plaignantes ni de motif de ne pas croire S... Be..., d'où il en résulte que ce dernier doit bénéficier du doute raisonnable.  À mon avis, et avec beaucoup d'égards, il n'est pas suffisant d'avoir des soupçons sur la participation de M... C... à la commission d'un acte criminel - un complot pour méfait public - pour laisser entendre, en l'absence de toute preuve, qu'elle a commis un acte criminel.  M... C... n'a pas été accusée de quoi que ce soit dans cette affaire.

[53]           Le 18 septembre 2008, le juge Béliveau retire les droits d'accès des grands-parents maternels; sa décision, reproduite au procès-verbal, comporte également des commentaires quant à M... C... :

Prend acte, quant à la mère, qu'il n'y a eu aucune prise de conscience.  Son attitude à l'égard de la remise des biens des enfants que ceux-ci corroborent, indique bien qu'elle n'a aucunement cheminé.  La Cour lui rappelle que les droits d'accès supervisés sont en principe une étape vers des droits d'accès normaux ou leur suspension totale;

[54]           Le 14 octobre 2008, le juge Béliveau rejette la requête en récusation pour les motifs suivants :

[…]

[2] Le 22 septembre 2004, le demandeur a institué des procédures pour obtenir des droits d'accès aux enfants, invoquant que la défenderesse lui refusait tout accès sauf à la résidence familiale que cette dernière avait continué d'occuper.  Le 30 septembre 2004, le soussigné a rendu une ordonnance intérimaire accordant au demandeur des droits d'accès non supervisés.

[3] Cela a été le début d'une guerre judiciaire implacable entre les parties, comme l'indique notamment le fait qu'en date du 2 octobre 2008, il y avait eu 176 entrées au plumitif dans le présent dossier.  Mentionnons également les faits suivants :

1.         La défenderesse a par la suite déposé contre le demandeur un signalement à la DPJ pour abus sexuels qui a été rejeté, et une plainte pour enlèvement d'enfants à laquelle la police n'a pas donné suite;

2.         Cinq employées du dépanneur que la défenderesse a continué d'administrer suite à la séparation des parties, dont certaines étaient des amies de cette dernière, ont déposé des plaintes pour agression sexuelle contre le demandeur, lequel a été libéré d'une d'entre elles lors de l'enquête préliminaire et acquitté des autres lors du procès. À cet égard, la Cour note que même si le juge Mercier a indiqué qu'il n'«[a] pas à être convaincu qu'il y a eu collusion entre les victimes et/ou d'autres personnes», il a «considér[é] ici que la chronologie des événements dépasse cependant le stade de pure coïncidence»

[4] Le demandeur a par la suite institué un recours pour qu'il soit constaté qu'il y avait eu société tacite entre conjoints et être déclaré copropriétaire du dépanneur, dont la défenderesse apparaissait comme la seule propriétaire.  Le soussigné a entendu cette cause les 5, 6, 7 et 8 juin 2006 et rendu jugement le 14 juin 2006.  Il a accueilli l'action du demandeur et ordonné à la défenderesse de lui payer 170 303,12$ (1) pour sa part dans le produit de la vente du commerce, dont celle-ci avait disposé après l'institution de l'action sans en aviser le demandeur, (2) en compensation pour certains biens qu'elle avait conservés et en remboursement de certaines mises de fond (3) ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour divers postes, notamment trois sommes de 10 000$ pour avoir détruit un logiciel du demandeur, pour souffrances et inconvénients et abus d'ester en justice.

[5] Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel le 24 janvier 2007, sauf quant à la somme de 10 000$ pour abus d'ester en justice vu «l'absence de preuve des dommages matériels qui auraient été subis».

[6] Dans les jours qui ont suivi le jugement de la Cour d'appel, la défenderesse a fait cession de ses biens. Cette faillite n'est toujours pas réglée.

[7] Le 7 juin 2007, le demandeur a présenté une requête pour obtenir la garde des enfants.  Cette requête a été entendue par le soussigné les 8 et 9 mai 2008.

[8] Le 9 mai 2008, le soussigné a rendu jugement confiant la garde des enfants au demandeur.  La Cour a notamment tenu compte de la preuve incontestable de manœuvres de la défenderesse et de ses parents, les intervenants B... et H..., pour aliéner l'affection des enfants.  Ce jugement n'a pas fait l'objet d'appel.

[55]           J'ai déjà mentionné que, de façon concomitante à l'audition qui a mené au jugement frappé d'appel, le juge Béliveau a entendu la demande de M... C... relative à la libération de sa faillite.  Il fait, à son sujet, les commentaires suivants :

[10] A priori, cela justifie la Cour de conclure que la cession de biens a été faite en fraude des créanciers, plus particulièrement de M.Be... qui était à toutes fins pratiques le seul créancier.  […]

[…]

[15] Ayant constaté que la débitrice-faillie s'est rendu coupable d'une fraude en vertu de l'alinéa 173(1)k) de la loi, la Cour peut refuser la libération, la suspendre pour une période qu'il juge convenable ou la rendre conditionnelle.  Le soussigné retient cette dernière option pour que la présente affaire puisse prendre fin.

[56]           Enfin, dans le jugement frappé d'appel, le juge Béliveau reprend toutes les étapes antérieures.  Dans un premier temps, il relate :

1)         son jugement du 14 juin 2006 sur la société tacite (paragr. 5);

 

2)         la faillite de M... C... et sa décision sur la demande de libération (paragr. 8 à 10);

 

3)         les interdictions qu'il a prononcées contre la mère de M... C..., le fait que cette dernière ne s'y est pas conformée et à la décision de la juge St-Pierre sur l'accusation d'outrage au tribunal qui avait été portée contre elle (paragr. 9 à 14);

 

4)         la réclamation en dommages de S... Be... contre les parents de M... C... qui s'est terminée par une entente (paragr. 15);

 

5)         les accusations criminelles portées contre S... Be... (paragr. 16 à 18);

 

6)         sa décision du 22 septembre 2004 de ne pas exiger que les droits d'accès de S... Be... soient supervisés (paragr. 20);

 

7)         le défaut par M... C... de remettre à S... Be... un ordinateur (paragr. 21);

 

8)         la décision de la juge Hallée qui maintient les droits d'accès malgré les accusations criminelles portées contre S... Be... (paragr. 23 et 24);

 

9)         les jugements des juges Delorme, De Wever, Nadeau, Jolin et Chrétien (paragr. 25 à 32);

 

10)      sa décision du 9 mai 2008 accordant la garde des enfants à S... Be... et dont il reprend de larges extraits (paragr. 34 à 40).

 

ANALYSE DU MOYEN D'APPEL FONDÉ SUR LA PARTIALITÉ

[57]           Cette revue de la preuve suffit-elle à expliquer le malaise invoqué par l'avocate de l'appelante et à justifier sa prétention de partialité du juge de première instance?

[58]           Tout justiciable, quelles que soient ses fautes passées, a droit à une audition impartiale sur ses prétentions qu'il estime légitimes par un juge qui n'a pas une idée préconçue.

[59]           Je veux être bien compris.

[60]           Je n'affirme nullement qu'un juge ne peut intervenir à plus d'une reprise dans un dossier quelles que soient les questions en litige, et ce, même dans un dossier en matière familiale; l'administration efficace de la justice commande souvent, au contraire, que le même juge traite les diverses questions soulevées dans un dossier.  D'ailleurs, dans la majorité des cas, les parties en tirent avantage.

[61]           Je ne conteste aucunement le pouvoir administratif des juges en autorité de la Cour supérieure de confier au même juge la gestion d'un dossier comprenant tous les incidents.  Je sais également que cette Cour doit s'abstenir d'intervenir dans ces décisions administratives, sauf circonstances exceptionnelles s'apparentant à une forme de déni de justice.

[62]           Je sais également que si la dernière requête relative au retrait de l'autorité parentale et des droits d'accès de M... C... avait été entendue par un juge différent, celui-ci aurait sans doute pris connaissance des jugements antérieurs de ses collègues et, s'il ne l'avait pas fait de sa propre initiative, l'avocate de S... Be... se serait chargée de lui en rappeler la teneur.

[63]           Je ne doute pas que le juge Béliveau, à toutes les étapes, était sincèrement préoccupé par l'intérêt des enfants.

[64]           Malgré tout cela, l'efficacité de l'administration de la justice ne doit pas obscurcir les règles fondamentales prévoyant que « toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toutes accusations portées contre elle » (Charte des droits et liberté de la personne, art. 23)[7].

[65]           Le malaise dont j'ai fait état constitue-t-il une cause de récusation au sens du critère établi par la dissidence du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty[8] et repris dans R. c. R.D.S.  La règle est ainsi énoncée :

[31] […]

… la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [. . .]  [C]e critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.  Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?»

Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieux et je [. . .] refuse d’admettre que le critère doit être celui d’«une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne». [9]

[66]           Au surplus, il ne faut pas perdre de vue que le remède requis exige la reprise du procès avec de graves inconvénients tant de nature monétaire que de nature émotive pour toutes les parties, y compris les enfants.

[67]           En bref, il est sans doute possible de penser qu'il eût été préférable que l'audition sur la requête pour retirer à M... C... l'autorité parentale et tout droit d'accès à ses enfants soit entendue par un juge qui pouvait poser un regard neuf sur la situation, mais, ceci dit, je ne crois pas qu'une personne sensée et raisonnable, bien renseignée et qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait à une crainte de partialité du juge de première instance.  Je propose donc de rejeter le motif d'appel fondé sur la crainte de partialité du premier juge.

 

AUTRES MOTIFS

[68]           Je dois maintenant examiner les autres moyens d'appel de M... C... : en d'autres mots, le premier juge avait-il des motifs suffisants pour lui retirer tous les attributs de l'autorité parentale et lui interdire tout contact avec ses enfants.

[69]           À ce stade, je suis bien conscient des embûches qui se dressent sur ma route.  Je n'ignore pas la retenue qui s'impose à une cour d'appel en pareille situation[10].  Je sais également que je n'ai pas eu, comme le premier juge, le privilège de voir et d'entendre les témoins.  Je sais également que toute la preuve n'a pas été transcrite, et ce, même si l'avocate de l'intimé n'en a pas fait grief à l'appelante dans son exposé ou lors de sa présentation à l'audition.

[70]           Avant de procéder à une analyse de la preuve et du jugement, je me permets deux commentaires.

[71]           Premièrement, je sais que M... C... revendique toujours la garde de ses enfants.  Toutefois, il n'y a pas au dossier de procédures de sa part pour modifier le jugement sur la garde prononcé les 9 et 14 mai 2008.  Bien plus, il n'y a pas d'éléments de preuve qui justifieraient une modification de la garde des enfants dans le cadre du présent pourvoi.

[72]           Deuxièmement, il paraît incontestable que M... C... a eu dans le passé un comportement déplorable qui a été dénoncé à juste titre par le premier juge.

[73]           Tout cela justifie-t-il un retrait de tous les attributs de l'autorité parentale et une interdiction totale des droits d'accès de M... C...?

 

AUTORITÉ PARENTALE ET DROITS D'ACCÈS

[74]           Par le jugement des 9 et 14 mai 2008, M... C... obtient des droits de visite supervisés par l'entremise de l'organisme A.

[75]           Dans le cadre d'une convention du 13 novembre 2008, entérinée le 14 novembre 2008, les parties prévoient le maintien des droits d'accès supervisés au Centre A jusqu'au 31 décembre 2008, sauf pour une visite non supervisée le 25 décembre 2008, et, à compter de janvier 2009, M... C... obtient des droits d'accès non supervisés qui progresseront de mois en mois jusqu'au mois de mai 2009.

[76]           S... Be... a reconnu que, dans l'ensemble, la situation était acceptable jusqu'au 31 décembre 2008 :

ME BRIGITTE BRUNET

Q.        Parlons maintenant de l'évolution des droits d'accès.  Mis à part le choix du psychologue, comment s'est déroulé les droits d'accès depuis le consentement intérimaire signé le treize (13) novembre deux mille huit (2008)?

R.        Bien, il y a eu plusieurs petits points.  Tant que les droits d'accès ont été supervisés, c'était maintenable.

[77]           D'ailleurs, Mme Manon Hubert, responsable du Centre A, confirme que les rencontres supervisées se sont bien déroulées :

Q.        Madame Hubert, est-ce que vous pouvez expliquer au Tribunal, dans le cas de monsieur Be..., madame C..., X et Y, comment ça se passait les visites d'abord entre juin deux mille huit (2008) et novembre deux mille huit (2008), de façon générale?

            LA COUR :     

Bien, j'ai tous les rapports.  J'ai tous les rapports.  Est-ce qu'elle a quelque chose à ajouter aux rapports?  J'ai tous les rapports.  Écoutez, si vous voulez mon opinion, ça s'est bien passé.

            ME KARINE SPÉNARD :

            Bien oui, moi aussi.

            LA COUR :

            Bon alors, moi…

            ME KARINE SPÉNARD :

            Bien, c'est mon témoin expert.

            LA COUR :

… j'ai vu tous les rapports.  Non, non, mais ce que je veux dire, si c'est ça, je veux dire, puis il n'y a rien, sauf l'affaire du trente et un (31) août, il n'y a rien d'irrégulier…  Ce n'est pas que je veux que ça aille vite, si c'est ça que vous voulez mettre en preuve, on les a tous lus, les rapports.

            ME KARINE SPÉNARD :

            O.K.  Je vais sauter une couple de questions.

            LA COUR :

            Je ne veux pas vous empêcher, mais on les a tous lus.

            ME KARINE SPÉNARD :

Q.        Madame Hubert, je vais vous demander votre opinion à vous, votre opinion de professionnel, de directrice de centre, sur les capacités parentales de madame C..., de façon générale?

R.        Écoutez, de façon générale, elle a de très belles capacités.  Là, je parle de faits qu'on a vus.  Je ne parle pas dans le cas d'échange où est-ce qu'on n'est pas présent.  Lorsqu'on est présent, je peux vous dire que les capacités sont bonnes et les besoins primaires des enfants sont comblés.  Ça, c'est ce qui regarde, si on parle de compétence parentale.  Je ne parle pas de capacité, ça, je ne peux pas en parler, parce qu'une capacité…

[…]

            ME KARINE SPÉNARD :

Q.        Je vais vous demander si vous croyez que madame C... a de l'intérêt pour ses enfants?

R.        Écoutez, et je réponds personnellement, au nom de la compétence, ça fait longtemps, avec la cause que je vois présentement, puis que le nombre d'accès que j'ai, et si je compare au nombre de familles qu'on a, elle n'a jamais abandonné.  Elle a été assidue aux rencontres, autant supervisées qu'en échange.  Ça inclut aussi le père, qui est présent.  J'ai rarement vu des accès aussi assidus que ça.  Effectivement si on parle de parent qui a un bien-être d'un enfant, écoutez, normalement, il y en a qui en manque, dans ces cas-ci, il n'y a même pas eu… l'assiduité était présente continuellement.  Ce qu'on peut observer des échanges, ce que moi, je peux vous dire, c'est que j'ai eu des enfants un petit peu timides à l'arrivée.  Je vous dirais que ça dure peut-être entre deux (2) et trois (3) minutes.  Par la suite, ce sont des enfants excités.  Surtout Y va reprendre de la vie, va embarquer.

Au retour, ça a été la même situation.  Quand ils ont été joués au bowling, on n'a même pas eu de questions à poser : Regarde, j'ai gagné une partie, regarde ce qui s'est passé.  Et lorsqu'on rencontrait les enfants, ils n'avaient pas une attitude négative à la rencontre.  D'aucun temps, à part une seule fois où est-ce que j'ai eu X qui m'a mentionné pour l'histoire d'un cadeau qu'elle aurait aimé.  Et je lui ai répété et à chaque échange, nous, on prenait le temps avec les enfants de leur dire spécifiquement : S'il y a quelque chose que vous n'aimez pas, que ça soit de maman, que ça soit de papa, c'est important de le faire valoir.  Mais ils arrivaient enthousiastes.  Écoutez, un enfant, à l'âge qu'ils ont, c'est ŝur et certain, dites non à l'âge qu'ils ont, je peux vous dire que le visage change et tout vient avec.  Ce n'est pas le cas.  Je n'ai pas eu ce cas-là.

[78]           Que s'est-il passé à compter de janvier 2009 de si important pour que le premier juge décide en juin 2009 de lui retirer tous les attributs de l'autorité parentale ainsi que tout accès aux enfants?

[79]           Je suis disposé à examiner la situation sur la base des prétentions de S... Be....  Dans son témoignage, il s'exprime ainsi :

Q.        Pourquoi vous demandez la déchéance de l'autorité parentale?

R.        Parce que je me rends compte qu'il n'y a rien qui change.  Ça fait cinq (5) ans que ça dure, ça fait…  Je me rends compte que là, ça commence à avoir des effets sur les enfants, que…  Puis tous les témoignages qui ont été dits ici, c'est clair que des enfants qui sont pris dans un conflit de loyauté comme ça, puis dans un conflit comme ça, ils vont finir, ils vont avoir des problèmes.  Ça commence à… on commence à voir les problèmes qui apparaissent.

            LA COUR :

Q.        Mais je vais vous poser une chose, votre avocate vous a expliqué juridiquement ce que ça veut dire, je présume?

R.        Oui.

Q.        Ce que vous demandez, couper tous les droits d'accès, mais ça, c'est une chose, mais pourquoi la déchéance de l'autorité parentale?  Parce que ça, ça a des conséquences juridiques?

R.        Oui.

Q.        Bon.  Si à la limite, ce que j'ai invoqué hier soir, là, bon, je veux dire, s'il y avait retrait de l'exercice de l'autorité, mais la déchoir, ça, je ne comprends pas.  Qu'est-ce que ça va vous donner de plus?

R.        Regardez, Votre Honneur, moi, je suis à bout, je ne suis plus capable.  Je suis rendu…

Q.        Oui, je comprends ce que vous dites.  vous dites, moi, je comprends parfaitement, là, bon, vous dites : Il faut que ça cesse.  Bon, c'est votre témoignage, puis j'apprécierai tout ça.  Mais déchoir madame de l'autorité parentale, donc pour l'avenir, si elle est déchue, c'est terminé, bon, ça va donner quoi de plus?

R.        Regardez, Votre Honneur, ça fait des années que je me bats, Votre Honneur, pour essayer de protéger les enfants qui…  J'ai beau avoir des consentements, des jugements, il n'y a rien de respecté, Votre Honneur.  À chaque fois, oui, on peut très bien dire : Bon, ce n'est pas si grave que ça, ils n'ont pas payé le cent piastres (100 $), ah, ce n'est pas si grave que ça, ils ont parlé, ils n'ont pas voulu remettre les ceintures, ah ce n'est pas si grave que ça, ils n'ont pas voulu remettre les cassettes de PSP, ah ce n'est pas si grave…  Mais un moment donné, Votre Honneur, ça fait énorme.  C'est que madame ne respecte rien.  Il n'y a jamais moyen qu'il y ait quoi que ce soit qui soit respecté, c'est toujours de chercher la guerre continuellement, toujours d'essayer de trouver un moyen de raviver le feu tout le temps.  Regardez les démarches que j'ai faites pour le psychologue, Votre Honneur, j'ai beau… moi j'ai fait mes démarches clairement, j'ai donné les informations clairement pour être certain que madame, elle a toutes les informations nécessaires, que ça soit clair.  Et non pas comme madame, dire : Je ne veux pas dire le nom, je ne veux pas te dire rien.  Puis là, malgré que…

Q.        Non, mais je vais vous dire une chose, là.  S'il y avait retrait, une suspension, ce qui est l'autre conclusion demandée, ça, vous avez tout fait les démarches pour le psychologue, ce que je veux savoir, c'est pourquoi, parce que je l'ai évoqué hier soir, puis l'avocate, j'en ai parlé à… en fait, j'ai posé… je l'ai demandé à la cour, là, bon, elle a la même restriction que moi, ça aurait donné quoi de plus?  Parce que là, s'il y avait eu retrait de l'exercice, vous auriez pu faire toutes les démarches tout seul pour le psychologue.  Ça aurait quoi de plus que madame soit déchue?

R.        Bien, Votre Honneur, ça fait des années que je… si on fait juste déchoir, pas déchu, je veux dire, juste suspendre les droits d'accès, ça va être encore à recommencer.

Q.        Non, non, non, non, suspendre les droits d'accès et suspendre ses droits à l'exercice de l'autorité parentale, c'est autre chose.  Ça, si c'est suspendu, ça veut dire que le parent gardien n'a plus de consultation à faire, même pour les grandes décisions.  Il agit tout seul.  Ça va vous donner… ça donnerait quoi de plus qu'elle soit déchue?  Vous me faites cette demande-là, là.

R.        Bien, ce que ça changerait, c'est que…

Q.        Là, vous en avez discuté avec votre procureur, donc…

R.        Ce que ça changerait, Votre Honneur, c'est que madame continuerait à avoir des droits d'accès pareil…

[…]

[80]           D'ailleurs, tous les reproches adressés à M... C... durant cette période sont mentionnés à l'exposé de l'intimé :

Évènements entre le 13 novembre 2008 et le jugement frappé d'appel :

11.              Lors des quelques accès non supervisés de l'appelante et de ses parents, les enfants ont rapporté une réapparition des manœuvres aliénantes;

12.              Les enfants ont rapporté que C... B... leur aurait dit en présence de l'appelante que l'intimé n'avait pas le droit de leur demander de faire leur lit, d'aider à débarrasser la table, d'aider à nettoyer les besoins de leur chien, bref, de contribuer aux tâches ménagères;

13.              Malgré le consentement intérimaire signé par les parties le 13 novembre 2008, l'appelante a refusé d'accepter les choix de l'intimé quant à la sélection d'un psychologue pour les enfants malgré ses nombreuses tentatives et le père de l'appelante a refusé de payer les frais, le tout malgré le jugement intérimaire qui entérinait un consentement à cet effet;

14.              Parallèlement aux démarches de l'intimé pour trouver un psychologue pour les enfants, l'appelante a tenté d'imposer le choix d'un psychologue à l'intimé et elle a fait des démarches auprès d'un CLSC en inventant une fausse problématique comportementale des enfants, en niant la réelle raison de la nécessité d'un suivi psychologique et en dénigrant l'intimé, le tout dans le seul but de gagner du temps et d'empêcher les enfants d'avoir un suivi psychologique puisque les mêmes démarches avaient déjà été faites par l'intimé et que l'appelante connaissait déjà le résultat d'une telle démarche;

15.              X a rapporté que lors des visites non supervisées, l'appelante lui demandait de parler d'elle.  X manifestait des maux de ventre lorsqu'elle revenait des accès non supervisés avec l'appelante et ses grands-parents maternels;

16.              Les enfants ont aussi rapporté que l'appelante avait encouragé les enfants à ne pas faire leurs travaux scolaires;

17.              Un soir où l'intimé avait donné une dictée supplémentaire à Y pour n'avoir pas fait ses devoirs et avoir menti à ce sujet, X a rapporté que l'appelante l'a engueulée lors d'un appel téléphonique parce qu'elle était d'accord avec la punition de Y;

18.              Lors d'un accès téléphonique, l'appelante a aussi dit à Y que les devoirs n'étaient pas importants;

19.              La procureure aux enfants a rapporté que X désirait le retour de la supervision des visites puisque l'appelante et ses parents n'agissaient pas pareil sans supervision;

20.              Y a démontré des problèmes à l'école en ce qui a trait à ses efforts scolaires et de l'incontinence suite à la levée des supervisions en avril 2009;

[81]           Après avoir repris tous les événements antérieurs (paragr. 1 à 90), le premier juge se penche sur les faits survenus depuis janvier 2009 dans le cadre de la requête de S... Be... du 19 mai 2009 visant à déchoir M... C... de l'autorité parentale, ou subsidiairement de suspendre son autorité parentale, et d'annuler tous les droits d'accès, ou subsidiairement de permettre des droits d'accès supervisés.

[82]           Dans un premier temps, le juge expose 1) l'absence de collaboration de M... C... pour participer au choix d'un psychologue et la négligence du grand-père maternel d'en acquitter les honoraires (paragr. 91 à 98), 2) le rejet d'une demande d'expertise psychosociale par M... C... (paragr. 101 à 105), 3) le rejet d'une requête pour exclusion d'une preuve résultant d'un enregistrement de conversation téléphonique à l'insu de M... C... (paragr. 56).

[83]           Dans un deuxième temps, le juge examine ce qu'il qualifie de « position des enfants » (paragr. 107 à 126).  Il résume ainsi les dires des enfants selon ce qu'en rapporte leur avocate :

[114] X a indiqué que les visites non supervisées depuis le 5 mai 2009 se sont bien déroulées. Ils sont notamment allés une fois au cirque du Soleil.

[115] Dans son témoignage, le demandeur, suite à une question posée par la procureure des enfants, avait indiqué que selon lui, les enfants comprennent que leur mère ne respecte pas ses obligations, qu'elle est menteuse, qu'elle ne leur remet pas leurs biens.  X a confirmé cette assertion de M. Be....  Elle a déclaré à sa procureure que parfois, sa mère dit des choses qui n'ont pas de sens, comme lorsqu'elle a indiqué qu'elle avait vendu leurs ceintures de Tae Kwon Do parce qu'elles étaient trop petites.  Ceux-ci ont même dû recommencer au bas de l'échelle leurs cours dans cette discipline à cause de cela.  De même, Y a indiqué qu'il ne comprend pas qu'on ne lui ait pas remis sa ceinture.

[116] Par ailleurs, X a confirmé la version de la défenderesse, voulant que lorsqu'elle a acheté une nouvelle montre à Y, cette dernière ne lui ait pas remis l'ancienne en lui disant qu'elle était trop usée et qu'elle la garderait dans son livre de souvenirs.  De même, elle a indiqué que sa mère avait refusé de lui remettre des biens qu'elle avait achetés avec son argent, comme un porte-feuille, ce qu'elle avait oublié de dire lors de son témoignage du mois de novembre 2008.

[117] La procureure a ensuite demandé à X de lui indiquer ce que sa mère dit au sujet de son père.  L'enfant a précisé que la défenderesse lui a indiqué qu'avant, lorsqu'elle n'aimait pas son père, elle ne lui faisait pas des cartes.  La procureure a supposé que X référait au fait que le demandeur avait dit, durant son témoignage, qu'il avait insisté pour qu'elle fasse une carte pour la fête des mères 2009.  L'enfant a confirmé que cela était exact.

[118] X a également confirmé, et Y en a fait de même, que la défenderesse a demandé qu'elle parle d'elle à leur école, que cela était très important pour leur mère.  La procureure est revenue sur la partie de son rapport du 20 mai 2009, où X lui avait indiqué que sa mère voulait qu'elle dise des choses à sa procureure.  Cela confirme le témoignage du demandeur à cet effet, qui a indiqué que cela traumatisait les enfants.

[119] L'enfant lui a dit que sa mère lui avait demandé si elle avait dit à sa procureure qu'elle voulait dormir chez la défenderesse.  À ce sujet, elle a indiqué que ce serait le cas, qu'elle aimerait dormir dans son lit et retrouver ses toutous.  Elle en a décrit certains.

[120] Par ailleurs, X a confirmé le témoignage de sa mère, voulant qu'elle ne lui ait pas parlé de projets de vacances durant l'été.

[84]           Dans un troisième temps, le premier juge fait état du témoignage de Mme Stéphanie Lapointe, infirmière clinicienne au CLSC St-Eustache (paragr. 127 à 136).  Le juge fait état de propos dénigrants de la part de M... C... :

[134] Mme Lapointe a déposé son rapport.  Elle y indique qu'elle voit un risque d'aliénation parentale à la lumière du «discours très dénigrant sur le père pendant toute l'entrevue».  Lors de son contre-interrogatoire, on a confronté Mme Lapointe avec un passage de son rapport où il est dit que selon le demandeur, la défenderesse «n'a qu'une envie c'est de détruire monsieur».  On lui a demandé si cela ne constitue pas du dénigrement.  Mme Lapointe a été légèrement déstabilisée par la question, et a semblé hésitante dans ses réponses, mentionnant qu'elle avait tiré cela du dossier antérieur.  À cet égard, elle référait aux divers jugements du soussigné qu'elle avait avec elle.

[135] En fait, la Cour comprend que Mme Lapointe a noté un discours dénigrant chez la défenderesse, alors qu'elle n'avait pas considéré dénigrant le fait que le demandeur s'appuie sur des jugements pour signaler le comportement de cette dernière.  Vu la crédibilité qu'elle accorde à Mme Lapointe, qui a manifestement témoigné avec honnêteté et objectivité, la Cour n'a aucune hésitation à retenir le fait que Mme C... a dénigré M. Be... lors de la rencontre avec l'intervenante, alors que l'inverse n'est pas vrai.

[85]           L'avocate de M... C... prétend que Mme Stéphanie Lapointe n'a pas constaté de propos dénigrants chez M... C..., mais c'est plutôt S... Be... qui lui en aurait fait mention; elle réfère au témoignage de Mme Lapointe dont on peut reproduire les extraits suivants :

[…]

Q.        O.K.  Si je lis vos notes à vous, là, treize (13) mars, en fait, je pense que c'est ça, c'est votre pré-évaluation?

R.        Oui.

Q.        O.K.  C'est à la pièce P-56, la première page :

«Selon le discours du père, depuis la séparation, la mère refusait que le père ait des droits d'accès avec lui.  Depuis le divorce, madame n'a qu'une envie, c'est de détruire monsieur.»

            C'est le discours du père, ça?

[…]

            LA COUR:

Q.        Juste un instant, je veux bien comprendre, là.  C'est quand même des réponses importantes, là.  Qu'est-ce qui est en lien avec ce que vous aviez lu?  D'abord, quand vous dites : Un rapport que j'ai lu; vous vous référez à quoi?

R.        Écoutez, je n'arrive pas à réciter exactement, mais je l'ai lu.

Q.        O.K.  Et vous aviez lu quoi?

R.        Qu'il y avait eu de l'aliénation parentale.

Q.        Aliénation parentale.  Ça, vous aviez lu ça?

R.        Oui.

Q.        Et donc, je comprends que c'est ça qui vous a amenée à mettre ça…

R.        Oui, c'est ça.

Q.        O.K., je comprends.  Bon, puis là, je veux être sûr que je comprends bien, là, puis ce n'est pas parce que je vous le dis, je ne veux pas vous mettre les paroles dans la bouche, je vais vous dire ce que je comprends.

R.        Oui.

Q.        Si je comprends mal, vous me le dites.

R.        Oui.

Q.        Bon.  Ça, vous l'avez tiré du dossier?

R.        Le déclencheur, je demande tout le temps : C'est quoi qui fait que vous… qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, vous avez besoin de quelque chose qu'avant, vous n'en aviez pas besoin.

Q.        O.K.  Ça, monsieur vous a dit ça et vous l'avez tiré du dossier?  Moi, je vais vous dire ce que je comprends.  Si ce n'est pas ça, je vous en prie de me le dire.

R.        Oui.

Q.        Bon, c'est… il faut que… Que des réponses que vous avez données suite à votre contre-interrogatoire, là, si je mets ça ensemble, je vais vous dire ce que je comprends, c'est que, évidemment si on… quand on dit de quelqu'un, que madame refusait des droits d'accès et tout, c'est dénigrant.  Bon, ce que je comprends, mais si ce n'est pas ça, dites moi le, c'est que ça, vous avez tiré ça du dossier essentiellement?

R.        Oui.

Q.        Bon.  Tandis que quand vous dites à 35.11… à 35.15, que madame tient un discours dénigrant, ça, c'est ce qui a eu lieu devant vous, est-ce que je comprends bien?

R.        Oui, vous comprenez bien.

Q.        Parfait.

            ME KARINE SPÉNARD:

Q.        Donc, le discours du père vient des dossiers antérieurs?

R.        Des dossiers antérieurs.

Q.        «Selon le discours du père», ça, ça vient des discours… des dossiers…

R.        Des dossiers antérieurs.

Q.        Élément déclencheur : «Selon le discours du père, depuis la séparation, la mère refusait que le père ait», c'est selon le discours du père, ça ne vient pas de qu'est-ce qu'on vous a dit, ça?

R.        Non.  Le discours du… ça ici, selon le discours du père, c'est le père qui m'a dit ça.

[86]           Par la suite, le juge fait état du témoignage de S... Be... (paragr. 137 à 149) à qui il accorde toute crédibilité :

[137] D'entrée de jeu, la Cour indique qu'elle accorde pleine crédibilité au témoignage du demandeur.  Son témoignage ne comporte ni incohérence ni contradiction sérieuse, si tant est qu'il y en ait eue, il est corroboré à maints égards par les déclarations des enfants à leur procureure et compatible avec l'ensemble de la preuve.  Enfin, la Cour prend acte qu'à aucun moment, il n'a semblé «charger» la défenderesse.  D'ailleurs, on notera que malgré l'avis de sa procureure et de la directrice du Centre A, il a même accordé des droits d'accès supplémentaires à Mme C....  La preuve a également démontré qu'il a incité ses enfants à préparer une carte de fête des Mères à l'intention de la défenderesse.

[87]           Le juge aborde alors la preuve de la défense.  Il reproche à M... C... qui aurait entrepris une thérapie de ne pas avoir fait entendre sa thérapeute.

[88]           Par la suite, il exclut totalement le témoignage de M... C....

[89]           Le juge écarte également le témoignage de Mme Manon Hubert, directrice du Centre A.  L'indépendance de ce témoin n'est pas en cause, mais le juge lui reproche un manque de connaissance du dossier, notamment de ne pas avoir pris connaissance de son jugement des 9 et 14 mai 2008 :

[164] La défenderesse a fait entendre Mme Manon Hubert, directrice du Centre A, à titre de témoin expert.  Cela étant, l'expertise de cette dernière est d'une pertinence très limitée dans le présent dossier.  En effet, Mme Hubert a indiqué qu'elle n'avait pas pris connaissance du jugement de la Cour rendu les 9 et 14 mai 2008, relativement à la garde des enfants.  Elle a précisé que c'est la politique du Centre de ne pas s'informer de la problématique justifiant la supervision des accès.

 

[165] En conséquence, la Cour ne peut accorder aucun poids au témoignage de Mme Hubert lorsqu'elle affirme qu'il y aurait lieu de lever la supervision des accès, précisant que la présence des intervenants nuirait éventuellement aux enfants.  Le soussigné tient à souligner que cette dernière remarque ne doit pas être interprétée comme une critique à l'égard de ce témoin.  Il s'agit plutôt de constater qu'elle a fait cette recommandation sans avoir été informée de la problématique du présent dossier.

[90]           À ce stade, je crois nécessaire de reproduire intégralement l'analyse de la preuve par le premier juge :

[170] L'analyse de la situation est assez simple.  Il suffit de prendre connaissance du cheminement des procédures, des expertises, des témoignages, des rapports de toutes sortes et des jugements rendus antérieurement pour constater une évidence.  Depuis la séparation des parties, la défenderesse, avec l'aide de ses parents, n'a eu de cesse de faire tout ce qu'elle pouvait pour aliéner l'affection des enfants à l'égard de leur père et pour tenter de détruire ce dernier en ne reculant devant aucune manœuvre.

[171] En sus, elle est parfaitement inconsciente de ce qu'elle fait et de la gravité de son comportement, de sorte qu'elle n'a entrepris aucune démarche thérapeutique pertinente.  Tous les avertissements, par les experts et par la Cour, toutes les procédures et toutes les tentatives n'ont eu aucun effet.

[172] Peut-on espérer un redressement dans un avenir rapproché?  La réponse est non, le passé étant garant de l'avenir.

[173] Revenons sommairement sur les différents aspects de cette problématique.

1.         La défenderesse a tout fait, par de multiples allégations et plaintes non fondées d'agression sexuelle et de violence qui ont toutes été rejetées et dont l'expert Fortier n'a vu aucune trace dans ses tests, pour priver le défendeur de tout droit d'accès normal avec ses enfants.  Une telle attitude est totalement contraire à l'intérêt des enfants.  En sus, elle met en cause la capacité de la mère de placer cet intérêt de ceux-ci au-dessus de tout.

2.         Toutes ces manœuvres, jointes aux tactiques de harcèlement, judiciaire et autre, avaient pour objectif de détruire le défendeur moralement et financièrement dans le but de l'amener à capituler et de se retirer complètement de la vie de ses enfants, comme le père biologique de Mme C... l'a fait.  Une telle attitude est totalement contraire à l'intérêt des enfants.

3.         La défenderesse n'a cessé de dénigrer le demandeur, face à ses enfants et aux personnes impliquées dans le dossier.  Depuis le jugement du mois de novembre 2008, la Cour rappelle plus particulièrement le témoignage de Mme Lapointe, la déclaration de X en date du 5 mai 2009 et l'intervention inappropriée auprès de cette dernière et de Y suite à la punition justifiée qu'avait méritée celui-ci.  Une telle attitude est totalement contraire à l'intérêt des enfants.

4.         La défenderesse a tout fait pour capter l'affection des enfants en les comblant de biens matériels et de sorties de toute sorte.  Cela se continue depuis le mois de novembre 2008, alors qu'elle a fait sentir à ceux-ci, explicitement ou implicitement, l'«intérêt» qu'ils pourraient avoir à venir faire des «dodos» chez elle.  Par ailleurs, elle a privé les enfants de ce dont ils avaient le plus besoin, du support psychologique nécessaire.  Une telle attitude est totalement contraire à l'intérêt des enfants.

5.         La défenderesse n'a aucun respect pour la justice, rendant continuellement des témoignages totalement mensongers et faisant tout pour se soustraire aux ordonnances de la Cour.  Cela se continue depuis novembre 2008, alors que Mme C... a de nouveau rendu un témoignage comportant de nombreuses contradictions et réticences, qu'elle n'a pas respecté l'engagement qu'elle avait souscrit confiant au demandeur la responsabilité de choisir le psychologue pour les enfants et en continuant de ne pas remettre tous les biens des enfants, malgré la menace dûment expliquée d'être citée pour outrage au tribunal criminel.

6.         La défenderesse a continuellement tenté de manipuler les enfants pour tenter de les amener à la favoriser devant les experts et les intervenants du système judiciaire.  Cela s'est poursuivi depuis le mois de novembre 2008, comme l'ont indiqué les enfants à leur procureure.  De même, la déclaration à Mme Lapointe, lors de l'ouverture du dossier du CLSC, participe de la même logique.

7.         La défenderesse a persisté dans son attitude malgré quatre avis formels, soit dans l'expertise du 23 juin 2005, dans l'expertise du 5 mai 2008, dans le jugement des 9 et 14 mai 2008 et lorsque la Cour a entériné l'entente du 13 novembre 2008.

8.         La défenderesse a toujours été totalement inconsciente de la gravité du problème, comme en témoignent les expertises, sa déclaration à la Cour le 11 novembre 2008 et le fait qu'après deux incitations du soussigné, dans le jugement des 9 et 14 mai 2008 et le 11 novembre 2008, elle n'ait entrepris aucune démarche thérapeutique visant à résoudre son attitude à l'égard de ses enfants.

[174] À la lumière de tous ces faits, peut-on être surpris que la situation des enfants se soit détériorée suite à la levée de la supervision?  À cet égard, la Cour note que depuis la levée totale de la supervision des droits d'accès, Y a montré des difficultés de comportement et à l'école.  De même, X a commencé à manifester des problèmes divers, quoique légers.

[175] En fait, depuis que la défenderesse n'est plus contrôlée, on peut constater son incapacité parentale et qu'elle met les enfants en danger.  Au contraire, ceux-ci sont mieux lorsqu'ils ne la voient pas.  Les interventions de la défenderesse détruisent l'œuvre éducative du père, ce qu'il bâtit et qui est positif pour eux.  En sus, elle met les enfants en danger lorsqu'elle leur transmet des valeurs négatives, par exemple relative à l'école, lorsqu'elle ne respecte pas les diverses ordonnances qui sont dans le meilleur intérêt des enfants et ultimement met en cause leur développement.  Enfin, le résultat de l'expérience mise en place au mois de novembre démontre d'une façon spectaculaire qu'on ne peut d'aucune manière lui faire confiance.

[176] Tout cela ne peut que rejaillir à long terme sur les enfants et leur causer de sérieux problèmes.

[177] La Cour mentionne également une autre attitude de la défenderesse, que n'ont pas soulevée les procureures mais qui est très significative.  Depuis que le demandeur a la garde des enfants, Mme C... n'a d'aucune manière contribué à leur entretien, arguant de sa situation financière.  Vivant grâce au support de ses parents, qui lui permettent de tenter d'«acheter» l'affection de ses enfants, elle se contente de l'aide sociale et d'un travail à temps partiel alors qu'elle a la compétence requise pour trouver un emploi rémunérateur.  Cela ne semble pas en voie de changer dans l'avenir, alors qu'elle a décidé de retourner aux études plutôt que d'assumer ses responsabilités financières, laissant le défendeur seul responsable de l'entretien des enfants tout en ne cessant par ailleurs de le harceler et de lui réclamer des accès supplémentaires.  Une telle attitude est totalement contraire à l'intérêt de ceux-ci et la Cour estime qu'elle doit imputer un revenu à Mme C... et rendre une ordonnance alimentaire en faveur des enfants.

[178] En fait, la défenderesse ne semble pas avoir compris qu'être parent n'implique pas que des droits, que cela comporte aussi des obligations.  Bien qu'elle professe aimer ses enfants et que personne n'ait remis en cause sa capacité parentale, la Cour est d'avis que cela ne doit pas être pris pour acquis.  En effet, tenter d'aliéner l'affection de ses enfants, tenter de détruire leur père, dénigrer continuellement celui-ci, tenter de capter leur affection en les comblant de biens matériels tout en leur refusant les soins dont ils ont besoin et en n'assumant pas ses obligations alimentaires envers eux, leur donner l'exemple du non-respect des ordonnances judiciaires, tenter de les manipuler pour gagner des batailles judiciaires et diminuer devant eux l'importance du travail scolaire démontrent une incapacité parentale.  Et c'est aussi très mal aimer ses enfants.

[91]           Après cette analyse de la preuve, le juge prononce ses conclusions quant aux droits d'accès et à la déchéance de l'autorité parentale.

[92]           Il n'« a aucune hésitation » à suspendre indéfiniment les droits d'accès de M... C... pour une période indéfinie :

[181] Une seule question se pose: la Cour doit-elle rendre une décision finale, qui ne pourra être révisée qu'en cas de survenance de faits nouveaux, comme le succès d'une démarche thérapeutique, ou une nouvelle ordonnance intérimaire, par exemple pour une durée d'un an en vue d'alors apprécier si la défenderesse a fait des démarches sérieuses?

[182] La Cour n'a aucune hésitation à retenir la première hypothèse.  D'une part, rien ne permet de sérieusement croire que la défenderesse est le moindrement disposée à entreprendre une démarche thérapeutique significative, ou qu'elle puisse de quelque manière envisager de se remettre en question.  Son attitude depuis près de cinq ans démontre une absence totale d'autocritique et on ne peut que constater que jusqu'à la fin de l'audition, elle a continué à nier ses problèmes.

[93]           Quant à l'autorité parentale, le juge estime que la preuve ne permettrait pas de prononcer une déchéance complète, mais qu'il peut ordonner une suspension des prérogatives de l'autorité parentale :

[187] Quant à la question de l'autorité parentale, la Cour est d'avis qu'il n'est pas approprié de prononcer une déchéance complète, se rappelant que la Cour d'appel a déjà indiqué qu'il s'agit d'une «mesure extrêmement grave».  Les enfants ont quand même un lien avec leur mère, et cette dernière les aime, même si elle ne comprend pas leur intérêt et que ce faisant, elle peut leur causer un tort irréparable.  Mais on ne peut exclure que ce lien puisse être rétabli dans l'avenir, même si cet avenir est lointain, voire très lointain.  On peut encore espérer qu'à long terme, la défenderesse pourra reprendre son rôle de mère auprès de ses enfants.  Prononcer la déchéance de l'autorité parentale est incompatible avec un tel constat.  Et c'est sans compter que cette mesure serait au surplus inutile.

[188] La situation est différente dans le cas de la suspension des prérogatives de l'autorité parentale de la défenderesse, du «retrait de son exercice» comme le permet le deuxième paragraphe de l'article 606 du Code civil.  La Cour constate que depuis près de cinq ans, cette dernière agit constamment à l'encontre de l'intérêt des enfants, et que cela ne changera pas dans un avenir prévisible.

[94]           Enfin, le juge fixe la pension alimentaire pour les enfants en attribuant à M... C... un revenu annuel de 30 000 $.

[95]           Je m'en remets à l'analyse du premier juge dans son ensemble.  Toutefois, et avec les plus grands égards, je suis d'avis que les mesures imposées sont hors de proportion avec la situation que l'on veut corriger.  Cela étant, je n'affirme pas qu'un juge ne peut jamais retirer les droits d'accès - généralement, pour une période déterminée - à un parent qui a un comportement susceptible de provoquer une aliénation parentale; toutefois, je suis d'avis que la preuve au dossier, telle que constituée devant cette Cour, ne permettait pas d'interdire à la mère tout contact avec ses enfants pour une période indéfinie, en plus de lui retirer tous les attributs de l'autorité parentale.

[96]           Le dossier démontre un conflit important entre le père et la mère.  Il n'y a pas de doute que le premier juge attribue tous les torts à la mère.  Soit, mais l'élément punitif ne doit pas obscurcir l'intérêt primordial des enfants.

[97]           La psychologue Manon Déry a déposé un rapport du 23 juin 2005 et le psychologue Daniel Fortier, un rapport du 5 mai 2008.  Les deux psychologues ont reconnu que M... C... avait un comportement inacceptable de dénigrement à l'égard du père.  Ils n'ont jamais proposé une rupture totale avec la mère.  M... C... a demandé une nouvelle expertise psychosociale qui lui a été refusée.

[98]           Je ne prétends pas que le juge ne peut pas se prononcer en l'absence d'un rapport d'un psychologue; je sais bien que la décision appartient toujours au juge et non à l'expert.  Cela dit, les conséquences sont si importantes pour les enfants qu'il faut faire preuve de prudence.

[99]           Je ne peux me convaincre que le défaut de collaboration pour choisir un psychologue, des remarques inappropriées sur les travaux scolaires et sur la collaboration aux tâches domestiques et le défaut de remettre des jouets constituent des motifs suffisants pour entraîner une rupture totale entre les enfants et leur mère.  Je ne veux pas minimiser ces incidents et je sais bien qu'ils sont l'aboutissement d'une situation qui perdure et que la dernière goutte fait parfois déborder le verre, mais cela dit, il me semble inapproprié d'imposer une mesure aussi radicale.

[100]       Je ne peux concevoir que l'on retire à M... C... tous les attributs de l'autorité parentale surtout pour les raisons invoquées par S... Be... dans son témoignage.

[101]       Le premier juge était conscient de la difficulté de satisfaire aux exigences en pareille situation : des motifs graves et l'intérêt des enfants (art. 606 C.c.Q.)[11].

[102]       La déchéance de l'autorité parentale est une mesure extrême ainsi que le rappelle le juge Chamberland dans l'affaire Droit de la famille - 1738[12] :

La déchéance de l'autorité parentale est une «mesure extrêmement grave(8)».  Il s'agit d'une «mesure radicale(9)», une «mesure tout à fait exceptionnelle(10)».  Elle a un «caractère infamant(11)».  Le professeur Pineau écrivait que «la déchéance de l'autorité parentale n'[avait] pas été instituée pour permettre à l'enfant de changer de nom […] ou pour permettre d'accélérer le processus de l'adoption(12)»; ni, j'ajouterais, pour permettre à un parent de contrer la requête en vue d'obtenir des droits d'accès présentée par l'autre parent.

J'aborde donc l'analyse de la question à la lumière de ces propos, fort justes et sereins, du juge Beetz dans l'affaire C. (G.) c. V.-F. (T.)(13) :

La déchéance de l'autorité parentale constitue un jugement de valeur sur la conduite de son titulaire.  Qu'il soit partiel ou total, le jugement de déchéance représente une déclaration judiciaire d'inaptitude du titulaire à détenir une partie ou la totalité de l'autorité parentale.  On ne peut donc déchoir une personne, même partiellement, sans conclure qu'elle a commis, par action ou abstention, un manquement grave et injustifié à son devoir de parent.

—————————————————————————-

(8)         Droit de la famille - 639, supra, note 2, 1083, opinion du juge Monet.

(9)         C. (G.) c. V.-F. (T.), supra, note 2, 261, opinion du juge Beetz.

(10)        Droit de la famille - 990, supra, note 2, 1220, opinion du juge Baudouin.

(11)        Gabriel Marty et Pierre Raynaud.  Droit civil : les personnes.  3e éd. Paris : Sirey, 1976. P. 304.

(12)        Jean Pineau.  La famille : droit applicable au lendemain de la «Loi 89».  Montréal : P.U.M., 1983.  P. 346.

(13)        Voir supra, note 2, 261-262.

[103]       Les mêmes commentaires trouvent application quant au retrait total des droits d'accès de la mère.  La solution n'est toutefois pas évidente.  Les enfants n'ont eu aucun contact avec leur mère depuis plus de neuf mois.

[104]       Je propose de rétablir les droits d'accès de M... C... en tenant compte de la progression prévue à l'entente des parties entérinée le 14 novembre 2008.  M... C... aura donc un droit d'accès non supervisé un jour par semaine de 10 heures à 17 heures, le samedi durant une semaine, le dimanche la semaine suivante et ainsi de suite.  M... C... devra aller chercher et reconduire les enfants au domicile de S... Be....  M... C... pourra également téléphoner aux enfants deux fois par semaine pour une durée de 15 minutes entre 18h45 et 19h15 le mardi et le jeudi de chaque semaine.  Elle pourra également échanger des messages courriels avec les enfants étant entendu qu'ils utiliseront l'adresse courriel de S... Be....

[105]       Il va sans dire, les parties pourront convenir de droits d'accès différents.

[106]       J'estime que la situation devrait être révisée dans six mois.  Ce nouvel examen tiendra compte de tous les éléments permettant de trouver une solution dans le meilleur intérêt des enfants, y compris - cela va sans dire - le comportement de M... C... dans l'intervalle.  Il est à souhaiter que les parties pourront alors elles-mêmes - peut-être avec l'aide d'un médiateur ou d'une médiatrice - trouver une solution.  Si elles doivent de nouveau s'adresser au tribunal, le litige devrait être confié à un juge autre que le juge Béliveau.

 

PENSION ALIMENTAIRE

[107]       La convention du 13 novembre 2008, entérinée par la Cour, comporte la clause suivante relative à la pension alimentaire pour les enfants :

6.         À titre de pension alimentaire globale pour les enfants pour le passé, le présent et jusqu'à ce que la situation financière de la défenderesse ne soit supérieure à trente mille dollars (30 000,00 $) de revenus annuels, la défenderesse et/ou N... H... paiera une somme forfaitaire totale et finale de quarante-deux mille dollars (42 000,00 $) au demandeur le ou avant le 8 décembre 2008;

[108]       Le premier juge estime ne pas être lié par cette convention puisque les autres clauses n'ont pas été respectées par M... C... et son père; de toute façon, il déclare ne pas être lié par la volonté des parties quant à la pension alimentaire pour enfants :

[96] Cela étant, la Cour a par la suite avisé les parties que si cette prise de position des intervenants ne viole pas la lettre de l'engagement du 13 novembre 2008, puisque l'entente n'a été entérinée qu'à titre intérimaire, elle est sûrement contraire à son esprit.  Par ailleurs, le soussigné a rappelé qu'une renonciation à une pension alimentaire pour des enfants ne lie pas les tribunaux puisqu'il s'agit là d'une question d'ordre public.  En l'espèce, l'entente du 13 novembre 2008 prévoit que la défenderesse ne devra pas payer de pension alimentaire pour les enfants tant qu'elle n'aura pas des revenus annuels de 30 000$.

[109]       Bien que S... Be... n'ait pas présenté une demande formelle de pension alimentaire pour les enfants, le premier juge impute un revenu de 30 000 $ à M... C... pour les motifs suivants :

[194] Reste à imputer un revenu à la défenderesse.  Cette dernière a incontestablement la compétence nécessaire pour gagner 30 000$ par année.  C'est d'ailleurs ce qui a été envisagé dans le consentement du 13 novembre 2008.  En sus, les parents de cette dernière contribuent fortement et régulièrement au train de vie de Mme C..., de sorte que la Cour peut en tenir compte.

[195] Ainsi, M. H... a indiqué que la défenderesse habite une résidence sur le bord [...] avec une piscine hors terre, qu'il a évaluée à environ 130 000$.  C'est sûrement conservateur comme estimation.  Il a reconnu qu'il paie l'hypothèque, la cablovision, l'abonnement à Bell ExpressVu ainsi que les dépenses d'entretien.  Il a déclaré que Mme C... lui paie un loyer de 600$.  La Cour a de sérieuses réserves à cet effet car c'est là le montant à peine plus que ce que touche la défenderesse.  En effet, cette dernière reçoit 775$ de prestations d'aide sociale ou de revenus réguliers et de telles prestations.

[196] M. H... a également indiqué qu'il a divers véhicule et que sa fille peut en utiliser un.  Et cela est sans compter que Mme C... prend presque tous ses repas avec ses parents et que ceux-ci ont certainement financé toutes sortes de dépenses pour les enfants, car cette dernière n'avait pas le moyen de le faire.  M. H... a d'ailleurs reconnu qu'il payait les frais d'accès supervisés et certaines sorties lors des droits d'accès.  D'ailleurs, ce n'est sûrement pas la défenderesse qui a pu payer les billets pour le cirque du Soleil, pour elle et les enfants.

[197] On peut estimer à au moins 15 000$ la contribution des intervenants au train de vie de Mme C....  En ajoutant 9 000$ par année, soit l'argent qu'elle touche elle-même, on arrive à un revenu net de 24 500$.  Et il s'agit là d'un minimum.  Cela suppose un revenu brut de l'ordre d'environ 30 000$.

[198] La Cour conclut donc qu'il y a lieu d'imputer à la défenderesse un revenu de 30 000$ par année.

[110]       Il n'est pas contesté que M... C... n'avait pas de revenu à cette époque : après avoir fait faillite, elle a bénéficié de l'aide sociale durant une certaine période avant de retourner aux études à l'automne 2009.

[111]       Le juge avait le pouvoir d'attribuer un revenu à M... C... en vertu de l'article 587.2 C.c.Q.

[112]       Il est fréquent qu'un parent ait des ressources dissimulées, soit qu'il ait des revenus « au noir », soit qu'il travaille dans une entreprise familiale sans un salaire apparent, etc.  Le juge peut certes attribuer un revenu à ce parent.

[113]       M. H... et Mme B... fournissent à leur fille le gîte et lui permettent d'utiliser une voiture pour se déplacer vu qu'il n'y a pas de transport en commun dans ce milieu rural.

[114]       J'ai beaucoup de difficulté à concevoir que des enfants hébergés par les parents et qui utilisent l'automobile de la famille reçoivent un revenu équivalent à la valeur de ces services.

[115]       Le premier juge a raison de dire qu'il n'est pas lié par la convention des parties; il ne faut toutefois pas perdre de vue qu'il l'a entérinée.

[116]       Le jugement de première instance n'indique pas davantage de quelle façon doit être imputée la somme de 42 000 $ payée à titre de pension alimentaire pour les enfants en décembre 2008.

[117]       Je propose d'annuler cette pension alimentaire qui paraît être fixée d'une façon arbitraire.

 

CONCLUSION

[118]       Je propose d'accueillir le pourvoi aux fins d'annuler les conclusions suivantes :

[201]    INTERDIT à la défenderesse tout accès avec les enfants, même par voie téléphonique, de courrier ou de courriel;

[208]    RETIRE à la défenderesse l'exercice de tous les attributs de son autorité parentale à l'égard de ses enfants X et Y

[209]    DÉCLARE, pour plus de certitude mais sans restreindre d'aucune manière la portée de l'ordonnance rendue au paragraphe précédent; que le demandeur peut exercer seul et sans avoir d'aucune manière à consulter la défenderesse, les prérogatives suivantes:

1.      Le choix du lieu de résidence des enfants;

2.      Le choix de l'école des enfants et toutes les décisions relatives à leur éducation;

3.      Le choix de la religion des enfants;

4.      Le choix des activités sportives, culturelles et autres des enfants;

5.      Le droit de consentir seul à tout traitement médical, chirurgical, dentaire, psychologique ou autre à l'égard des enfants;

6.      Le droit de demander et d'obtenir un passeport pour les enfants sans l'autorisation de la défenderesse;

7.      Le droit de voyager hors du Canada avec les enfants sans l'autorisation de la défenderesse;

[211]    RÉSERVE les droits du demandeur de demander la déchéance de l'autorité parentale de la défenderesse;

[213]    PREND ACTE qu'il y a lieu d'imputer à la défenderesse des revenus annuels de 30 000$

[214]    PREND ACTE que les frais de garderie et autres frais particuliers pour les enfants sont de 4 170$ par année;

[215]    ORDONNE à la défenderesse de payer au demandeur, à compter de ce jour, une pension alimentaire pour les enfants de 280,56$ par mois, payable conformément à la loi;

[216]    ORDONNE à la défenderesse de payer, dans les trente jours de la réception de copie de reçus à cet effet, 24,62% des frais de psychologue que le demandeur aura assumé pour les enfants, une fois remboursement obtenu de ses assureurs;

[119]       Je propose d'accorder à M... C... un droit d'accès non supervisé un jour par semaine de 10 heures à 17 heures, le samedi durant une semaine, le dimanche la semaine suivante et ainsi de suite.  M... C... devra aller chercher et reconduire les enfants au domicile de S... Be....  M... C... pourra également téléphoner aux enfants deux fois par semaine pour une durée de 15 minutes entre 18h45 et 19h15 le mardi et le jeudi de chaque semaine.  Elle pourra également échanger des messages courriels avec les enfants étant entendu qu'ils utiliseront l'adresse courriel de S... Be....

[120]       Je suggère que ces droits d'accès des parties soient révisés dans un délai de six mois ou à tout autre moment s'il survient des faits nouveaux.

[121]       Je suggère que si une audition doit être tenue, elle devra l'être par un juge autre que celui qui a rendu le jugement faisant l'objet du présent pourvoi.

[122]       Je propose que le pourvoi soit accueilli sans frais.

 

 

 

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

 



[1]     Au paragraphe 172 de sa décision, il écrit : «Peut-on espérer un redressement dans un avenir rapproché?  La réponse est non, le passé étant garant de l'avenir.»

[2]     Le litige quant aux grands-parents maternels fait l'objet d'un autre pourvoi, C... B... et N... H... et M... C... c. S... Be..., C.A. Montréal, no 500-09-019826-098, jj. Chamberland, Forget, Morissette.  Un arrêt est également déposé ce jour dans ce dossier.

[3]     S.B. c. M.C., [2006] R.D.F. 741 (C.S.).

[4]     A. c. B., 2007 QCCA 109 .

[5]     S.B. c. M.C. et C.BA., 2007 QCCS 3603 .

[6]     M... C... est maintenant représentée par une autre avocate dans le présent dossier.

[7]     L.R.Q., c. C-12.

[8]     Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 .

[9]     R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484 .

[10]    Van de Perre c. Edwards, [2001] 2 R.C.S. 1014 .

[11]    Droit de la famille - 1738, [1995] R.J.Q. 2328 .

[12]    Ibid., 2333.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.