Décision

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Gabarit CFP

Tardif et Régie du cinéma

2014 QCCFP 2

          COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1301133

 

DATE :

17 janvier 2014

___________________________________________________________

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Robert Hardy

___________________________________________________________

 

 

DOMINIQUE TARDIF

 

Appelante

 

Et

 

RÉGIE DU CINÉMA

 

Intimée

 

___________________________________________________________

 

                                                            DÉCISION

                  (Article 127, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

___________________________________________________________

 

L'APPEL

[1]          Mme Dominique Tardif est une fonctionnaire non syndiquée, technicienne en administration, échelon 6, à la Régie du cinéma (ci-après la « Régie ») et, pour les raisons évoquées plus loin, elle demande, dans son appel (E-3) du 3 janvier 2013, que lui soit attribué l’échelon 11 de sa classe d’emploi.

[2]          Mme Tardif énonce dans l’exposé de son appel que celui-ci s’inscrit à la suite des modifications apportées, le 28 mai 2012, à l’article 16 de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires[1] (E - 1).

[3]          La procureure de la Régie soumet, en moyen préliminaire, que l’appel de Mme Tardif est prescrit et c’est cette objection que cette décision vient trancher.

L’OBJECTION PRÉLIMINAIRE DE LA RÉGIE

[4]          La procureure remarque d’abord que l’appel est interjeté suivant les prescriptions de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1, (ci-après la « Loi »), qui édicte que le gouvernement prévoit par règlement les matières sur lesquelles un fonctionnaire non syndiqué peut faire appel, et ce, s’il ne dispose pas d’autre recours valable en vertu de la Loi.

[5]          Il s’agit du Règlement sur un recours en appel pour les fonctionnaires non régis par une convention collective, F-3.1.1, r. 5, (ci-après le « Règlement »). L’article 2 de ce règlement, adopté en application de l’article 127 de la Loi, expose les matières d’appel, dont au paragraphe 9, « la Directive concernant l’attribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires » (ci-après la « Directive sur les taux de traitement ».

[6]          Référant aux articles 58 et 60 de la directive mentionnée par Mme Tardif dans son appel, soit la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, la procureure fait remarquer que celle-ci est venue remplacer la Directive sur les taux de traitement. Il faut ainsi dorénavant lire le paragraphe 9 du Règlement comme s’il référait à la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires.

[7]          Or, l’article 3 du Règlement qui traite de la procédure introductive d’un appel prévoit que celui-ci doit être formé « dans les 30 jours de l’événement qui y donne ouverture ».

[8]          Pour la procureure, l’événement qui donne ouverture à l’appel de Mme Tardif ne peut être que l’adoption de la nouvelle Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, entrée en vigueur le 28 mai 2012. Le délai d’appel de 30 jours expirant dans ce cas-ci en juin 2012, l’appel de Mme Tardif, formé en janvier 2013, est manifestement prescrit.

[9]          Pour ces raisons, la procureure demande à la Commission d’accueillir l’objection de la Régie et de rejeter l’appel de Mme Tardif.

LA POSITION DE MME TARDIF PAR RAPPORT À L’OBJECTION

[10]       D’entrée de jeu, Mme Tardif mentionne que son appel ne vise pas en particulier son employeur, la Régie, mais qu’il est interjeté à l’encontre de la directive du Conseil du trésor.

[11]       Elle témoigne que c’est dans le temps des Fêtes 2012 qu’elle a eu l’occasion de réfléchir à la situation dans laquelle elle se trouvait par rapport à sa carrière, en fonction de divers événements survenus au cours des dernières années et notamment en fonction de certaines des modifications apportées aux règles sur la détermination du traitement d’un fonctionnaire.

[12]       Au sujet du délai qui s’est écoulé entre le dépôt de son appel et l’entrée en vigueur de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, le 28 mai 2012, Mme Tardif précise d’abord qu’elle n’a consulté le Règlement qu’en janvier 2013. Mais de toute façon, son argument principal tient au fait que, contrairement à la Régie, elle estime que l’événement à l’origine de son appel n’est pas seulement la date d’entrée en vigueur de cette directive.

[13]       Pour elle, la question de l’expiration d’un délai ne se pose pas, car elle conteste plutôt l’effet d’événements successifs, dont certains lui causent encore préjudice aujourd’hui et qu’elle expose à la Commission.

[14]       Alors qu’elle était encore agente de bureau, elle s’est trouvée dans une situation où elle aurait pu bénéficier d’une promotion, mais on n’a pas pu régulariser sa situation étant donné que l’emploi auquel elle aurait pu être nommée n’était pas disponible pour elle, car d’autres personnes disposaient d’une priorité pour y accéder.

[15]       Elle mentionne notamment que suivant des travaux menés, en deux phases la première s’étant déroulée au printemps 2012 et la seconde ayant débuté à l’automne de la même année, un certain nombre de personnes étaient susceptibles d’être nommées à un statut de temporaire pour avoir travaillé 44 mois sur une période de 48, en tant qu’employées occasionnelles[2].

[16]       Également, les noms d’autres personnes, qui avaient eu l’opportunité de passer des concours réservés, étaient sur des listes de déclaration d’aptitudes et disposaient elles aussi d’un autre type de priorité[3].

[17]       Comme son nom n’apparaissait pas sur ces listes, elle a plutôt, pour progresser dans sa carrière, passé un concours de recrutement pour un emploi constituant pour elle une promotion, soit technicienne en administration, concours qu’elle a réussi et qui lui a permis d’être nommée à un tel emploi. Sa nomination a alors été faite suivant les dispositions de l’ancienne directive et elle a été classée à un échelon dont la rémunération correspondait à une somme inférieure à ce qu’elle gagnait comme agente de bureau.

[18]       Dans les documents joints à son appel, on constate qu’à la veille de sa nomination à un poste de technicienne en administration, en mars 2008, Mme Tardif gagnait 34 809 $ à titre d’agente de bureau. À la suite de sa réussite du concours de recrutement, elle a été classée à l’échelon 1 de l’échelle des techniciens en administration, soit à un salaire de 29 476 $.

[19]       Et Mme Tardif de préciser dans son appel :

« En date du 1er avril 2012, le maximum de l’échelle de traitement des agents de bureau est de 38 553 $. Mon salaire actuel est 38 279 $. Si j’avais bénéficié de cette directive [la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires], l’article b [de l’article 16] de cette directive se serait appliqué et on m’aurait attribué l’échelon 6 de la classe d’emploi de technicien en administration et mon salaire aurait été de 35 321 $. Ma date d’anniversaire à l’avancement d’échelon est le 22 mai et j’ai toujours eu droit à ceux-ci. Je serais donc rendu aujourd’hui à l’échelon 11 pour un salaire de 46 187 $. »

[20]       Or, si elle était demeurée agente de bureau occasionnelle, elle aurait répondu en 2012 aux exigences pour être sur la liste des 44/48. Au moment de sa nomination à titre de temporaire sur un poste de technicienne en administration, son niveau de salaire comme agente de bureau aurait été maintenu, suivant l’application de la nouvelle directive. Comme elle aurait été rendue au sommet de l’échelle des agents de bureau, soit à l’échelon 7 de la classe nominale, et selon le salaire correspondant de l’échelle des techniciens en administration, elle aurait été classée à l’échelon supérieur à celui qu’elle possède même actuellement, cinq ans plus tard.

[21]       Autrement dit, suggère Mme Tardif, si elle demandait à son employeur de la rétrograder agente de bureau et de la renommer technicienne en administration, elle aurait alors maintenant un salaire plus élevé, situation qui lui semble illogique.

[22]       Mme Tardif précise qu’elle ne demande pas le versement de sommes rétroactives au moment où elle a été nommée technicienne en administration. Mais selon elle, la succession des événements, dont elle a raconté sommairement les contours et qu’elle ne précise pas davantage consciente que son appel n’est pas entendu à ce moment-ci sur le fond, démontre tout de même que le préjudice qu’elle a subi était toujours présent en janvier 2013, au moment de son appel et que ce dernier ne peut être en conséquence prescrit comme le prétend la Régie.

[23]       De plus, l’illogisme que les mêmes événements font apparaître justifie que, pour corriger la situation pour l’avenir, son appel soit entendu, et ce, dans la perspective que s’appliquent à elle, à compter de maintenant, les avantages particuliers découlant de l’application de la nouvelle Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, ceux relatifs à l’attribution de l’échelon et du taux de traitement au moment du recrutement d’un fonctionnaire admissible à la mesure des 44/48 mois.

RÉPLIQUE DE LA RÉGIE ET DUPLIQUE DE MME TARDIF

[24]       En réplique, la procureure de la Régie plaide que Mme Tardif fait référence à des événements antérieurs à la date d’entrée en vigueur de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, le 28 mai 2012. L’origine de la mesure des 44/48 mois remonte à bien plus longtemps que cela et son appel ne peut être l’équivalent d’un grief continu. De plus, sa nomination au titre de technicienne en administration date même du 7 mars 2008, selon les documents annexés à son appel.

[25]       Rien n’a changé dans la situation de Mme Tardif après le 28 mai 2012 et il n’est pas survenu depuis d’événement lui ayant causé préjudice.

[26]       Mme Tardif renchérit toutefois sur sa position en soulignant que les suites des événements qu’elle a soulignés vont continuer d’avoir des conséquences négatives sur sa carrière. Elle donne en exemple l’avancement accéléré d’échelon que pourraient prochainement lui valoir les études de perfectionnement qu’elle est sur le point de terminer. Si elle était déjà au sommet de son échelle de traitement, ce qui autrement aurait été le cas tel que vu précédemment, elle aurait droit à un boni pour études de 3,5 % de son salaire plutôt qu’à un avancement accéléré d’échelon. Et Mme Tardif d’ajouter :

« Cela me cause préjudice parce que ces échelons [les cinq qu’elle revendique], je les aurais eus si on m’avait reconnu cette pratique-là [les dispositions nouvelles de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires] à l’époque. Et cela a encore des conséquences applicables qui peuvent causer des préjudices pour l’ensemble de ma carrière.

Si j’accède à un niveau de professionnel, on va le faire en fonction de l’échelon que j’ai et non en fonction de l’échelon où je serais autrement rendu. C’est un préjudice qui s’échelonne dans le temps. »

[27]       La procureure de la Régie conclut que quant à elle, le terme important dans le cadre de cet appel est le mot « événement », utilisé à l’article 3 du Règlement. C’est un moment fixe dans le temps et il se situe au 28 mai 2012.

MOTIFS

[28]       La Régie demande de rejeter l’appel de Mme Tardif, reçu à la Commission le 4 janvier 2013 parce qu’il serait prescrit, ayant été soumis tardivement, bien après 30 jours suivant l’événement à son origine, soit l’entrée en vigueur de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires le 28 mai 2012.

[29]       Ce délai est prévu au premier alinéa de l’article 3 du Règlement qui se lit comme suit :

« 3.       Le recours d’un fonctionnaire est formé par la transmission d’un avis écrit au sous-ministre ou au dirigeant de l’organisme dans les 30 jours de l’événement qui y donne ouverture. Ce délai est de rigueur. »

[30]       Pour sa part, Mme Tardif prétend que son appel n’est pas prescrit. Elle conteste le fait que sa rémunération soit, au moment de son appel, celle d’une technicienne en administration, échelon 6, alors qu’elle estime qu’elle devrait avoir droit à celle de l’échelon 11. Elle ne demande pas le versement de sommes d’argent de façon rétroactive, mais elle souhaite que l’effet négatif de la survenance de divers événements soit corrigé pour l’avenir. Elle ne nie pas que ces événements se soient produits avant l’entrée en vigueur de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires. Mais elle constate qu’elle est préjudiciée du fait que de nouvelles dispositions de cette directive font en sorte que sa rémunération actuelle et future est et sera inférieure à ce qu’elle serait ou devrait être à l’avenir si ces nouvelles dispositions, qui s’appliquent dorénavant à elle également, s’étaient appliquées au moment où elle a été recrutée à titre de technicienne en administration.

[31]       Le préjudice que Mme Tardif prétend subir existait en janvier 2013, au moment de son appel et en conséquence son appel ne saurait être prescrit.

[32]       Voyons d’abord de façon plus précise la nature des modifications apportées par la directive entrée en vigueur le 28 mai 2012, par rapport à l’état du droit précédent en semblable matière.

[33]       Auparavant, à la Sous-section I - Recrutement, de la Section III - Détermination du taux de traitement, de la Directive sur les taux de traitement (E-2), le premier alinéa de l’article 13.1 prévoyait notamment ce qui suit :

« Malgré les dispositions prévues aux articles 7 à 11, le fonctionnaire appartenant à la catégorie du personnel fonctionnaire ayant le statut d’occasionnel ou ayant été en lien d’emploi à titre d’occasionnel dans la catégorie du personnel fonctionnaire au cours des 48 derniers mois, qui est nommé sur un emploi occasionnel ou nommé temporaire dans une autre classe d’emplois de la catégorie du personnel fonctionnaire pour laquelle une connexité à son emploi immédiatement antérieur a été établie par le sous-ministre ou le dirigeant d’organisme, se voit attribuer l’échelon et le taux de traitement correspondant au taux de traitement qu’il recevait dans sa classe d’emplois antérieure ou, si le taux de traitement du fonctionnaire ne correspond à aucun taux de traitement de sa nouvelle classe d’emplois, il se voit attribuer le taux de traitement immédiatement supérieur à celui qu’il recevait et l’échelon correspondant. Si le taux de traitement que recevait le fonctionnaire dans son emploi antérieur est supérieur au taux de traitement maximal de l’échelle de traitement de sa nouvelle classe d’emplois, l’échelon et le taux de traitement attribués correspondent à ce taux maximal.

[…] »

[Nous soulignons]

Ainsi, une protection salariale pouvait s’appliquer au fonctionnaire occasionnel qui répondait aux conditions de durée dans ou en lien d’emploi à titre d’occasionnel et qui était nommé à titre temporaire[4] à l’occasion d’un concours de recrutement concernant une autre classe d’emploi de la catégorie du personnel fonctionnaire, et ce, à la condition qu’une connexité de cette autre classe d’emploi avec l’emploi immédiatement antérieur ait pu être établie.

[34]       Avec l’entrée en vigueur, le 28 mai 2012, de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, aux mêmes sous-section et section que dans l’autre directive, mais au premier alinéa de l’article 16, sont dorénavant établies à ce sujet les conditions suivantes :

« Malgré les dispositions prévues aux articles 8 à 14, le fonctionnaire ayant le statut d’occasionnel ou ayant été en lien d’emploi à titre d’occasionnel au cours des 48 derniers mois et qui est nommé à un emploi occasionnel ou nommé temporaire dans une autre classe d’emplois se voit :

a)    attribuer l’échelon et le taux de traitement ou le traitement correspondant au taux de traitement ou traitement qu’il recevait dans sa classe d’emplois antérieure; ou

b)    attribuer le taux de traitement immédiatement supérieur à celui qu’il recevait et l’échelon correspondant si le taux de traitement, le traitement ou le taux de salaire du fonctionnaire ne correspond à aucun taux de traitement de sa nouvelle classe d’emplois; ou

c)    attribuer l’échelon et le taux de traitement ou le traitement correspondant au taux maximal ou le taux de salaire, si le taux de traitement, le traitement ou le taux de salaire que recevait le fonctionnaire dans son emploi antérieur est supérieur au taux de traitement ou au traitement maximal de l’échelle de traitement ou au taux de salaire de sa nouvelle classe d’emplois.

[…]

[Nous soulignons]

Ainsi, la protection salariale a été étendue au fonctionnaire occasionnel nommé à titre temporaire dans une autre classe d’emploi, sans égard à la catégorie et sans nécessité d’établissement de connexité comme auparavant avec l’emploi occasionnel immédiatement antérieur.

[35]       Dans ce contexte, Mme Tardif soutient que c’est la réflexion à laquelle elle s’est attardée dans le temps des Fêtes 2012 qui l’a menée à faire son appel en janvier 2013 et c’est à ce moment-là qu’elle a consulté le Règlement pour inscrire son recours.

[36]       À son point de vue, il y aurait une succession d’événements à considérer comme assise à son appel et l’adoption de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires n’est que l’un de l’ensemble de ces événements qui, regroupés, lui ont causé ou sont susceptibles de lui occasionner un préjudice dans la poursuite de sa carrière.

[37]       Mais le recours qu’un fonctionnaire peut exercer à l’encontre d’un préjudice qui peut lui être causé découle de l’article 2 du Règlement qui débute comme suit :

« 2. Un fonctionnaire qui se croit lésé peut en appeler d’une décision rendue à son égard en vertu des directives suivantes du Conseil du trésor […] »

S’ensuit l’énumération d’une liste de directives dont celle du paragraphe 9, concernant l’attribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires que la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires est venue remplacer.

[38]       De cet article 2, il faut comprendre que pour qu’un fonctionnaire puisse former un appel, il faut qu’il y ait eu au préalable « une décision rendue à son égard ». Avant même de considérer le calcul du délai de 30 jours, c’est le premier élément que Mme Tardif doit prouver pour contrer l’objection de la Régie.

[39]       En ce qui concerne les événements survenus au moment où Mme Tardif était occasionnelle, qui ont fait en sorte que son nom n’apparaissait pas, ce qu’elle reconnaît, sur les listes de priorité qui auraient pu éventuellement lui permettre d’être nommée temporaire, ce ne sont pas des décisions rendues à son égard. La Commission comprend que des lettres d’entente, négociées, ont mené à l’établissement d’un régime particulier d’accès à des emplois réguliers pour des occasionnels, selon des critères convenus. De toute façon, s’il s’était posé un problème à l’égard de la non inscription de son nom sur une liste, ce qui n’a pas été le cas, c’est à cette seule époque qu’elle aurait pu contester ce fait.

[40]       En ce qui concerne les événements relatifs à sa réussite du concours de recrutement et à sa nomination à titre de temporaire comme technicienne en administration, aucun de ceux-ci peut constituer une décision qui a pu la léser, au sens de l’article 2 du Règlement.

[41]       La Régie a raison de prétendre que, dans ce dossier-ci, le seul événement à compter duquel un appel pouvait être formé par Mme Tardif, c’était l’entrée en vigueur de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, le 28 mai 2012, et ce, sans égard aux conclusions qu’une audition au fond de cette affaire aurait pu mener, si tant est qu’un préjudice réel aurait pu être démontré. Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle directive, Mme Tardif ne pouvait pas percevoir un préjudice quelconque puisque ce sont les modifications apportées par celle-là qui ont alimenté au départ sa réflexion et l’ont menée à faire son appel.

[42]       Dans ces circonstances, l’appel de Mme Tardif, déposé en janvier 2013, a été formé bien après le délai de 30 jours de l’événement qui pouvait lui donner ouverture et l’objection de la Régie doit être accueillie.

[43]       Par ailleurs, relativement à la notion de préjudice, la Commission signale qu’elle se définit ainsi :

« 1. Dans un sens général, atteinte portée aux droits ou aux intérêts de quelqu’un. […]

2. Dommage corporel, matériel ou moral subi par une personne par le fait d’un tiers et pour lequel elle peut éventuellement avoir le droit d’obtenir réparation. […][5] »

[44]       La Commission peut comprendre la frustration de Mme Tardif de constater que les modifications apportées par la nouvelle directive auraient pu, si elles eussent été adoptées quelques années auparavant, lui procurer des avantages dont d’autres ont pu profiter depuis. Par exemple, la Commission veut bien croire que dans un cas de figure il est possible qu’une personne agente de bureau, demeurée occasionnelle assez longtemps pour voir son nom inscrit sur une liste de priorité, puisse, entre 2008 et 2012 avoir atteint le sommet de son échelle de traitement et le salaire correspondant, pour voir, après le 28 mai 2012, ce salaire protégé au moment d’accéder à une autre classe d’emploi. Et cela peut faire en sorte que ce niveau de rémunération soit plus élevé que celui auquel Mme Tardif est rendue après s’être donnée la peine de passer un examen pour accéder à la même classe d’emploi, y avoir performé pour en gravir chaque échelon et se retrouver, financièrement parlant, en retard d’un échelon par rapport à l’autre personne qui vient juste d’accéder à cette classe d’emploi par le biais des nouvelles règles établies par la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires.

[45]       Mais, en tout état de cause, on ne peut parler de préjudice, passé ou futur, en l’absence du droit à quelque chose. La Commission est d’accord avec la Régie que l’adoption de la nouvelle directive n’a rien changé à la situation de Mme Tardif.

[46]       POUR CES MOTIFS, la Commission :

·           CONSTATE que l’appel de Mme Dominique Tardif a été fait hors délai;

·           ACCUEILLE l’objection préliminaire de la Régie du cinéma;

·        REJETTE l’appel de Mme Tardif.

                                                                                Original signé par :

                       

 

_____________________________

Robert Hardy, avocat

Commissaire

 

 

Mme Dominique Tardif

Appelante non représentée

 

Me Ruth Arless-Frandsen

Procureure pour l’intimée

 

 

Lieu de l’audience :

Montréal

 

 

Date de l’audience :

1er mai 2013

 

 

 

 

 



[1]     C.T. 211312 du 3 avril 2012 et ses modifications.

[2]     Pour plus de détails sur les conditions relatives à cette mesure, voir la Lettre d’entente numéro 10 concernant les mesures permettant à un employé occasionnel ou saisonnier d’accéder au statut d’employé temporaire, apparaissant dans la Convention collective des fonctionnaires 2010-2015, p. 222.

[3]     Pour plus de détails sur les conditions relatives à cette autre mesure, voir la Lettre d’entente numéro 11 concernant les mesures applicables à l’employé occasionnel ou saisonnier inscrit sur une liste de déclaration d’aptitudes afférente aux concours réservés tenus en application de la lettre d’entente numéro 17 de la convention collective 1998-2003, apparaissant dans la Convention collective des fonctionnaires 2010-2015, p. 229, ainsi que la Lettre d’entente numéro 12 concernant la gestion des listes de déclaration d’aptitudes émises suite aux concours réservés tenus en vertu de la lettre d’entente numéro 17 de la convention collective 1998-2003, apparaissant également dans la Convention collective des fonctionnaires 2010-2015, cette fois à la p. 234.

[4]     La notion de « temporaire » réfère ici au statut acquis par une personne qui accède à un employé régulier et qu’elle conserve jusqu’à l’acquisition de sa permanence. Voir à ce sujet les articles 13 et 14 de la Loi, ainsi que la définition du mot « temporaire » énoncée au paragraphe k) de l’article1-1.01 de la Convention collective des fonctionnaires 2010-2015.

[5]     REID, Hubert. Dictionnaire de droit québécois et canadien, Wilson & Lafleur, 4e édition, 2010, p. 467.

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