Québec (Ministère des Ressources naturelles) et Dumas |
2014 QCCFP 8 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N°: |
NO : 1301021 |
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DATE : |
27 mars 2014 |
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COMMISSAIRE : |
Mme Claire Laforest, commissaire suppléante |
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MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES
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REQUÉRANT-intimé
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Et
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BERTRAND DUMAS
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INTIMÉ-appelant |
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DÉCISION REQUÊTE EN RÉVISION POUR CAUSE |
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(Article
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[1] Le ministère des Ressources naturelles (ci-après appelé le « MRN ») demande à la Commission de réviser la décision du commissaire Robert Hardy[1] accueillant en partie l’appel de M. Bertrand Dumas, technicien de la faune au MRN, qui conteste la décision de ce ministère de ne pas retenir sa candidature à un concours[2] d’avancement à la classe principale de son corps d’emploi.
[2] Le refus du MRN est basé sur le fait que le résultat obtenu par M. Dumas à la procédure d’évaluation administrée lors de ce concours est inférieur au minimum requis.
[3] M. Dumas conteste l’efficacité de l’examen d’habiletés professionnelles à évaluer et mesurer de façon adéquate et impartiale les aptitudes des candidats à ce concours d’avancement de classe et les résultats qu’il a obtenus pour certaines questions de cet examen. Il conteste, en outre, l’efficacité du processus global d’évaluation du concours et le seuil de passage retenu.
[4]
Par sa décision, le commissaire Hardy déclare que la procédure utilisée
à l’occasion de ce concours d’avancement à la classe principale de technicien
de la faune est illégale en ce qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article
[5] Le MRN a tenu un concours visant à pourvoir à des emplois réguliers de technicien principal de la faune, chef d’équipe ou spécialiste.
[6] La procédure d’évaluation était composée d’un examen d’analyse, corrigé sur 100 points, et d’un examen d’habiletés professionnelles, corrigé sur 28 points et ramené ensuite sur 100 points. Aucun des deux examens n’était éliminatoire et le seuil de passage compensatoire était fixé à 126 points sur 200.
[7] M. Dumas a obtenu 70 points pour l’examen d’analyse et 50 points pour l’examen d’habiletés professionnelles, pour un résultat global de 120 points sur 200.
[8] Il conteste le seuil de passage fixé pour cette procédure.
[9] Sur ce point, le commissaire Hardy écrit, au paragraphe 75 de sa décision, qu’il « considère que le seuil global de la procédure d’évaluation du concours a été correctement établi par le MRN ». Cette partie de la décision n’est pas visée par la requête en révision. La Commission ne revient pas sur ce sujet en révision.
[10] M. Dumas soutient, par ailleurs, que l’examen d’habiletés professionnelles n’a pas été conçu pour évaluer des candidats à un concours de promotion à la classe principale de technicien, mais des candidats à des emplois de technicien, classe nominale.
[11] Selon lui, utiliser cet examen à des fins pour lesquelles il n’a pas été conçu a lésé des candidats. Ceux-ci, inscrits à un concours de technicien classe principale, s’attendaient à être évalués sur leur capacité à gérer des équipes, leur leadership et leur esprit d’initiative et ont répondu en conséquence comme s’ils occupaient un tel emploi, comme il l’a fait lui-même. Il n’a obtenu ainsi aucun point pour les questions qu’il conteste, l’examen mesurant plutôt l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle.
[12] Il prétend que ces aptitudes évaluées par l’examen d’habiletés professionnelles sont requises pour les techniciens de classe nominale et qu’elles n’avaient plus à être évaluées pour des emplois de classe principale, ce qui rend en conséquence inefficace le processus global d’évaluation de ce concours.
[13] Le raisonnement suivi par le commissaire Hardy pour rendre sa décision dans cette affaire se retrouve aux paragraphes 100 à 124 dont les paragraphes 118 à 124 se lisent comme suit :
[118] Si nous revenons maintenant à l’appel de M. Dumas, la Commission constate que ses réponses erronées à l’examen d’habiletés professionnelles ont été correctement corrigées. Il a reconnu lui-même à demi-mot qu’il justifiait certaines réponses en expliquant que son choix s’était fondé sur ce qu’on devait s’attendre d’un chef d’équipe dans les circonstances de la mise en situation. À cet égard, le MRN a raison de prétendre que rien dans les consignes, ni dans le libellé des mises en situation ne mentionnait qu’il fallait se placer dans le rôle d’un chef d’équipe pour cet examen. L’examen d’habiletés professionnelles ne servait pas à mesurer les aptitudes à exercer ce rôle, comme l’a bien démontré M. Devinat, le concepteur du moyen d’évaluation.
[119] Mais à la décharge de M. Dumas, l’arrimage entre l’avis de concours, pour pourvoir des emplois notamment de chef d’équipe, et les examens retenus, qui n’ont pas vérifié les aptitudes à exercer les attributions spécifiques de cet emploi énoncées dans l’avis de concours, a fait défaut. Ce défaut a entaché la procédure d’évaluation d’un manque d’équité entre les candidats, selon qu’ils avaient, pour répondre à certaines questions de l’examen d’habiletés professionnelles, à choisir de s’en tenir aux consignes ou d’y répondre en fonction des attributions annoncées pour les personnes à recruter.
[120] Si M. Dumas ne peut revendiquer de points additionnels pour l’examen d’habiletés professionnelles parce qu’il n’a pas suivi les consignes, il a par ailleurs raison de prétendre que la procédure globale d’évaluation n’a pas mesuré de façon adéquate, et avec l’équité attendue selon l’objet de la Loi prévu à son article 3, les aptitudes des candidats au concours de promotion dont il conteste l’efficacité à les évaluer.
[121] Contrairement à l’article
[122] Autrement et simplement résumé, il n’est pas raisonnable que la procédure d’évaluation pour un concours d’avancement à la classe principale, volet chef d’équipe, ne comporte pas de moyen pour évaluer les aptitudes à être chef d’équipe. Il peut être requis pour tous les techniciens d’avoir l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle, mais il est nécessairement requis d’avoir des aptitudes additionnelles pour être chef d’équipe et ce sont celles-là qu’il importait d’abord d’évaluer chez les candidats.
[123] Dans les circonstances de ce dossier, la Commission doit annuler le concours faute pour la procédure d’évaluation utilisée d’avoir pu évaluer correctement les candidats.
[124] Par ailleurs, la Commission remarque qu’il n’est pas judicieux de tenir un même concours pour deux types d’emploi différents. Tout en n’étant pas nommément interdite par la Loi, le Règlement ou les directives, il demeure que cette pratique s’harmonise difficilement avec le fait qu’un candidat à un des deux emplois concernés n’est pas nécessairement intéressé ou apte pour l’autre. À moins que l’on soit à la recherche de personnes qui auraient à occuper simultanément un emploi de chef d’équipe et un autre de spécialiste, ce que la directive sur la classification ne laisse pas entrevoir comme possibilité et ce qui n’était pas annoncé dans l’avis de concours, on peut se demander dans quelle mesure cette approche d’évaluer, dans un même concours, les aptitudes d’un candidat pour deux emplois, dont un qu’il n’aura pas à occuper, constitue encore là un exercice impartial et équitable.
MOTIFS DE RÉVISION
[14] Le MRN soulève huit motifs de révision spécifiés comme suit :
1. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que les examens utilisés pour ce concours étaient destinés à évaluer des aptitudes requises pour la classe nominale des techniciens.
2. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que les examens utilisés pour ce concours étaient destinés au recrutement de techniciens de classe nominale.
3. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en appuyant sa décision sur un rapport de vérification portant sur un sujet étranger au concours et dont il n’a jamais été question lors de l’audience, ainsi qu’en considérant comme des faits avérés certaines affirmations contenues dans ce rapport.
4. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en tirant d’extraits de sa jurisprudence des conclusions de fait et de droit que les décisions citées ne pouvaient soutenir.
5. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que l’appelant était justifié de répondre à un examen en s’inspirant de ses perceptions et de ses suppositions plutôt qu’en s’en tenant aux consignes claires et précises fournies aux candidats.
6. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en attribuant une portée légale ou règlementaire à une politique du Conseil du trésor qui est essentiellement un document d’orientation.
7. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a, en fait, écarté le témoignage concernant l’analyse des emplois réalisée par le comité d’évaluation pour y substituer sa propre opinion et annuler le concours.
8. La Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que deux volets d’une même classe d’emplois ne peuvent être l’objet d’un même concours et lorsqu’elle a annulé le concours.
[15] M. Dumas commente les deux premiers motifs du MRN et, considérant que les autres motifs font plutôt référence aux pouvoirs de la Commission, il fait confiance à cette dernière pour en décider.
[16] Le MRN réplique brièvement aux commentaires de M. Dumas.
[17] Aux fins de son analyse, la Commission en révision regroupera les quatre premiers motifs de révision du MRN et évaluera ensuite le septième motif de révision.
[18] À la lecture des paragraphes 118, 119, 120 et 124 précités de la décision en révision, la Commission considère cependant qu’on ne peut en tirer les conclusions qui justifieraient les cinquième et huitième motifs de révision du MRN. Elle ne juge pas nécessaire, en outre, de se prononcer sur le sixième motif de révision. Ces trois motifs ne seront donc pas analysés.
[19] Avant d’aborder les motifs de révision soulevés par le MRN, la Commission rappelle les critères de révision applicables en l’espèce.
[20]
L’article
123. Une décision de la Commission doit être rendue par écrit et motivée. Elle fait partie des archives de la Commission.
La Commission peut, sur demande, réviser ou révoquer toute décision qu’elle a rendue :
1. lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2. lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3. lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3 du deuxième alinéa, la décision ne peut être révisée ou révoquée par le membre qui l’a rendue.
[21] Le MRN appuie sa requête sur la troisième cause donnant ouverture à ce recours.
[22] Au sujet du vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision, les tribunaux supérieurs ont établi que le pouvoir du tribunal à cet égard n’équivaut pas à un droit d’appel et qu’il ne saurait être une invitation à substituer son opinion ou son appréciation de la preuve à celle du premier décideur, ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[3]. Le pouvoir de révision interne est un pouvoir de redressement ou de réparations de certaines irrégularités ou d’erreurs commises à l’égard d’une première décision afin qu’elle soit conforme à la Loi. L’erreur identifiée dans la première décision doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour invalider la décision.
[23] Dans une décision récente sur le pouvoir de révision de la Commission des lésions professionnelles, la Cour supérieure a indiqué que cette Commission avait correctement analysé son pouvoir de révision en exprimant qu’« il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’elle s’appuie sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4] ».
[24] La Commission a souligné à quelques reprises que le vice de fond, assimilé à l’erreur de droit ou de fait, doit être déterminant et présenter des caractéristiques de gravité et d’évidence.
L’ARGUMENTATION
du MRN
[25] Suivant les deux premiers motifs de révision du MRN, la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que les examens utilisés pour ce concours étaient destinés à évaluer des aptitudes requises pour la classe nominale des techniciens et lorsqu’elle a conclu que les examens utilisés pour ce concours étaient destinés au recrutement de techniciens de classe nominale.
[26] Se référant à la preuve présentée devant la Commission, le MRN soutient qu’aucune preuve n’établit qu’au moment de sa conception, l’utilisation de l’examen d’habiletés professionnelles devait être limitée à la sélection des candidats aux emplois techniques de classe nominale. Aucune preuve n’en restreint, non plus, la pertinence ou l’utilisation aux emplois techniques de classe nominale. Rien ne permet de conclure, en outre, que l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle ne sont pas des aptitudes pertinentes pour des emplois techniques de classe principale, chef d’équipe ou spécialiste, ou que l’examen utilisé ne permet pas d’évaluer ces aptitudes pour l’une ou l’autre des classes d’emplois, nominale ou principale.
[27] Le MRN allègue également qu’aucun élément de la preuve présentée ne permet d’affirmer que les examens utilisés pour ce concours ont été conçus en fonction d’un mode de dotation des emplois dans la fonction publique, qu’il s’agisse de recrutement ou de promotion, et qu’ils ne sont destinés qu’à évaluer des aptitudes requises pour le recrutement à la classe nominale des techniciens.
[28] Il ajoute que le recrutement, bien que vraisemblablement plus fréquent pour les emplois de classe nominale des techniciens, peut aussi être utilisé pour pourvoir à des emplois de classe principale. Il conclut qu’on ne peut donc établir de relation directe et exclusive entre un mode de dotation et des examens conçus pour l’évaluation des aptitudes en vue de la sélection des techniciens.
[29] Quant à l’examen d’analyse, le MRN soutient que ni l’évaluation de cette habileté ni l’utilisation de cet examen ne sont contestées par M. Dumas. Aucune preuve quant à la construction de cet examen et quant aux utilisations permises n’a donc été présentée devant la Commission.
de M. Dumas
[30] M. Dumas soutient que le fait que l’examen d’habiletés professionnelles ait été soumis, pour sa validation finale, à 3227 candidats à un concours prouve incontestablement qu’il s’agissait d’un concours de recrutement et non d’un concours d’avancement de classe.
[31] Il doute, en outre, de l’affirmation du MRN suivant laquelle le recrutement peut être utilisé pour pourvoir à des emplois de classe principale puisque les conditions d’admission au concours d’avancement de classe impliquent que les candidats sont déjà en fonction au sein du ministère.
[32] D’autre part, partant du principe que le niveau de responsabilité et les pouvoirs décisionnels des techniciens de classe principale sont supérieurs à ceux des techniciens de classe nominale, il soutient qu’on peut s’attendre à ce que la solution identifiée pour une mise en situation dans un examen diffère en fonction du niveau de classification de l’emploi visé.
[33] Constatant que sur la liste (pièce I-18) des 36 corps d’emploi de techniciens transmise aux concepteurs de l’examen d’habiletés professionnelles, 9 de ces corps d’emploi ne comportent pas de classe principale, il en déduit que les concepteurs de l’examen ont dû construire celui-ci de façon à ce que les réponses attendues reflètent un niveau de complexité commun à l’ensemble des 36 corps d’emploi technique considérés, soit le niveau de classe nominale.
[34] Il soutient finalement que la responsable du concours et les membres du comité d’évaluation n’avaient pas les connaissances requises pour identifier adéquatement les critères d’évaluation des candidats.
réplique du MRN
[35] Le MRN fait valoir que les conditions d’admission à la classe de technicien principal de la faune prévues à l’article 8 de la Directive du Conseil du trésor concernant la classification des emplois de techniciens de la faune (pièce I-13) sont applicables aussi bien au recrutement qu’à la promotion.
[36] Il rappelle que l’examen d’habiletés professionnelles visait à évaluer l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle et non la capacité à assumer des responsabilités et à prendre des décisions.
[37] Enfin, il soutient que la composition du comité d’évaluation et la compétence de ses membres ne faisaient pas partie des motifs d’appel.
du MRN
[38] Suivant le troisième motif de révision du MRN, la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en appuyant sa décision sur un rapport de vérification portant sur un sujet étranger au concours et dont il n’a jamais été question lors de l’audience, ainsi qu’en considérant comme des faits avérés certaines affirmations contenues dans ce rapport.
[39] Le MRN expose que la position retenue par le commissaire Hardy, au paragraphe 113 de sa décision, de devoir évaluer « des habiletés nouvelles nécessaires à l’exercice des activités différentes que comporte l’emploi de chef d’équipe » semble découler de la position adoptée par la Commission dans son Rapport de vérification sur les promotions sans concours, paru en avril 2011.
[40] Il fait valoir que le cadre normatif des promotions sans concours est distinct de celui des concours de promotion et que « la prudence devrait donc s’imposer avant d’établir un parallèle entre ces deux modes d’accès à la promotion et de transférer aux concours de promotion des éléments provenant d’un rapport de vérification sur les promotions sans concours ».
[41]
Il allègue que l’interprétation du commissaire Hardy va au-delà des
exigences de l’article
[42] Il précise que « Cette obligation ne va pas jusqu’à comparer le résultat de l’analyse ainsi réalisée avec les exigences d’emplois d’une classe différente et qu’elle n’exige pas davantage de rechercher quels critères avaient été évalués pour l’accession des candidats à la classe à laquelle ils appartiennent au moment du concours ».
[43] Suivant le quatrième motif de révision du MRN, la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en tirant d’extraits de sa jurisprudence des conclusions de fait et de droit que les décisions citées ne pouvaient soutenir.
[44]
Le MRN soumet qu’on ne peut déduire des trois décisions citées par le
commissaire Hardy dans sa décision, des règles d’application de l’article
[45] Suivant le septième motif de révision du MRN, la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a, en fait, écarté le témoignage concernant l’analyse des emplois réalisée par le comité d’évaluation pour y substituer sa propre opinion et annuler le concours.
[46] Le MRN se réfère au témoignage de la responsable de concours sur le processus suivi par le comité d’évaluation pour décider des aptitudes à évaluer et faire le choix des moyens d’évaluation.
[47] Il fait valoir que c’est le rôle du comité d’évaluation, qui a une connaissance des emplois en concours et de l’organisation dans laquelle ils sont exercés, « d’analyser les attributions de ces emplois et le contexte de leur exercice pour en déduire les compétences déterminantes qu’ils requièrent ».
[48] Il soutient que le comité s’est bien acquitté de ses responsabilités dans ce concours et qu’il a choisi des examens appropriés pour évaluer les aptitudes retenues, « à la fois en ce qui concerne la capacité de ces examens à bien mesurer les habiletés ou aptitudes visées qu’en ce qui concerne les emplois pour lesquels ils étaient conçus ».
[49] Il conclut que la Commission, « considérant erronément que les examens utilisés étaient conçus seulement pour l’évaluation de candidats à la classe nominale des techniciens et s’attendant plutôt au choix d’examens destinés à l’évaluation de compétences exclusives aux emplois de classe principale, » a mal évalué le travail et les décisions prises par le comité d’évaluation.
[50]
Enfin, il ne comprend pas pourquoi la Commission n’a pas développé
substantiellement son raisonnement quant aux emplois de spécialiste et pourquoi
elle n’a pas décidé d’annuler seulement la procédure d’évaluation qu’elle
jugeait non conforme à l’article
[51] Le commissaire Hardy reconnait, aux paragraphes 99, 105 et 115 de sa décision, que la décision du MRN d’évaluer la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle lors du concours d’avancement à la classe principale des techniciens de la faune était correcte.
[52] La validité de chacun des examens utilisés par le MRN pour évaluer ces habiletés n’est pas remise en question.
[53] De plus, le commissaire Hardy déclare, aux paragraphes 118 et 120, que l’examen d’habiletés professionnelles de M. Dumas a bien été corrigé et que ce dernier ne peut revendiquer des points additionnels pour les questions qu’il conteste parce qu’il n’a pas suivi les consignes données avant l’examen.
[54] Enfin, comme il a été mentionné précédemment, le commissaire Hardy affirme, au paragraphe 75, que le seuil de passage de la procédure d’évaluation du concours a été correctement établi par le MRN.
[55] Relativement aux motifs d’appel de M. Dumas, force est de constater jusque-là que ce que le MRN a fait dans ce concours est conforme à la loi et à la réglementation applicables.
[56] Le commissaire Hardy conclut, cependant, que la procédure n’est pas complète, ce qui justifie, pour lui, l’annulation du concours.
[57] En révision, la Commission ne peut soutenir cette décision.
[58] Pour en arriver à sa conclusion, le commissaire Hardy part de la prémisse que les examens d’analyse et d’habiletés professionnelles utilisés par le MRN sont des examens destinés à « évaluer des aptitudes nécessaires au recrutement pour la classe nominale » des emplois de technicien (paragraphe 99 de la décision).
[59] Il semble induire cette affirmation d’un passage de la décision Bissonnette[5] qu’il cite au paragraphe 98 de sa décision. Il écrit ce qui suit :
[98] Enfin, dans l’affaire Sylvestre, la Commission
rapportait des passages de la décision Bissonnette[…], dont celui-ci
abordant les articles
La Commission considère que toute personne classée
dans un corps d’emploi doit être en mesure d’en remplir toutes les
attributions, ce qui se traduit, en matière de concours, par la conformité aux
articles
[60] Or, rien dans cette citation ne permet d’inférer la prémisse sur laquelle se base le raisonnement du commissaire Hardy.
[61] Par ailleurs, cette prémisse ne s’appuie pas sur la preuve.
[62] D’abord, M. Dumas n’a pas contesté l’examen d’analyse. Aucune preuve n’a donc été faite sur son développement et son utilisation et aucune conclusion ne saurait en conséquence être tirée à l’encontre de cet examen.
[63] D’autre part, la preuve non contredite du MRN démontre que l’examen d’habiletés professionnelles a été conçu et développé pour évaluer l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle pour le personnel technique de la fonction publique du Québec, sans limites particulières d’utilisation.
[64] De l’avis de la Commission en révision, ceci vise donc, lorsque les habiletés sont requises pour les emplois à pourvoir, tant les emplois de classe nominale que ceux de classe principale et les candidats au recrutement comme ceux en promotion.
[65] Ceci concorde avec l’utilisation qui a été faite de cet examen dans la fonction publique et c’est ce qui ressort d’ailleurs, effectivement, de la jurisprudence analysée par le commissaire Hardy.
[66] Que l’examen ait évalué plus de candidats à la classe nominale qu’à la classe principale ou plus de candidats au recrutement qu’en promotion ne peut, en soi, permettre de conclure que cet examen est « destiné à évaluer des aptitudes nécessaires au recrutement pour la classe nominale » des emplois de technicien ou qu’il a été « conçu d’abord pour mesurer deux aptitudes pour être technicien, classe nominale » (paragraphes 99 et 121 de la décision).
[67] Soulignons, par ailleurs, qu’on ne peut déduire du fait qu’un examen ait évalué plusieurs milliers de candidats à des emplois de techniciens, classe nominale, que les candidats à des concours de promotion de techniciens, classe principale, ont nécessairement déjà fait l’objet d’une telle évaluation. C’est pourtant ce que laisse entendre le commissaire Hardy lorsqu’il écrit, au paragraphe 105 de sa décision que « le comité d’évaluation a toute la discrétion pour évaluer, même en matière de promotion, des aptitudes déjà mesurées au stade du recrutement pour la classe nominale du même emploi, comme dans ce cas-ci l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle ».
[68] D’autant plus que les conditions d’admission à la classe de technicien principal de la faune, prévues à l’article 8 de la Directive du Conseil du trésor concernant la classification des emplois de techniciens de la faune (pièce I-13), permettent de pourvoir par recrutement à des emplois de cette classe.
[69] Cette première prémisse non justifiée constitue une erreur déterminante en ce qu’elle fausse, à la base, le raisonnement du commissaire Hardy.
[70] Le commissaire Hardy commet une seconde erreur déterminante qui fausse son analyse lorsqu’il conclut que la procédure d’évaluation des candidats à un concours de promotion pour pourvoir à des emplois de techniciens, classe principale, doit comporter l’évaluation d’habiletés « nouvelles » et son corollaire suivant lequel des examens qui servent à évaluer des candidats à des emplois de techniciens, classe nominale, ne peuvent à eux seuls constituer la procédure d’évaluation d’un tel concours.
[71]
Au paragraphe 101 de sa décision, il affirme ainsi qu’au sens de
l’article
[72] Après avoir énuméré certaines activités propres à l’emploi de chef d’équipe, il écrit, au paragraphe 105, que « l’exercice d’évaluation des candidats auquel un comité doit se prêter, suivant les attributions annoncées dans l’avis de concours, n’exclut pas l’opportunité d’évaluer d’autres aptitudes pertinentes à cet emploi, comme l’esprit d’équipe ou d’analyse et le sens du service à la clientèle ».
[73] Il ressort de ce qui précède que le commissaire Hardy considère que la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe ou le sens du service à la clientèle ne sont pas des aptitudes « qui réfèrent aux attributions de l’emploi annoncées dans l’avis de concours » (paragraphe 101 de la décision).
[74] Il soutient, au paragraphe 111, que la « pertinence du contenu de l’ensemble d’une procédure d’évaluation doit pouvoir se vérifier par rapport à la spécificité de l’emploi à pourvoir ».
[75] Il se réfère ensuite au Rapport de vérification sur les promotions sans concours de la Commission paru en avril 2011 dont il cite un passage relatif au processus d’accession à une classe d’emploi principale, volet spécialiste, pour conclure comme suit, au paragraphe 113, à l’égard du concours contesté :
[113] Dans ce dossier-ci, la Commission constate que le comité d’évaluation, dans son choix des examens, n’a pas tenu compte des habiletés nouvelles nécessaires à l’exercice des activités différentes que comporte l’emploi de chef d’équipe. En utilisant l’examen d’habiletés professionnelles, le comité a évalué des habiletés mesurées également pour la classe nominale. Il n’a pas mesuré les aptitudes requises pour exercer les attributions de la classe principale qu’il avait pourtant identifiées dans l’avis de concours. Le même raisonnement s’applique à l’examen d’analyse, dûment identifié (I-5) comme un examen pour le personnel technique, pas pour du personnel spécifiquement appelé à être chef d’équipe.
[76] Son affirmation est donc basée sur la certitude qu’il faut nécessairement évaluer des habiletés « nouvelles » lors d’un concours pour accéder à la classe principale d’un corps d’emploi.
[77]
Sans remettre en cause les extraits cités hors contexte du Rapport de
vérification sur la promotion sans concours, la Commission en révision rappelle
que l’article
[78] Aucune disposition législative ou règlementaire ne requiert cependant qu’il s’agisse d’aptitudes nouvelles, additionnelles, spécifiques ou même exclusives à l’emploi à pourvoir, ce qui rendrait obligatoire une évaluation comparative avec d’autres emplois qui ne sont pas visés par le concours concerné. L’exigence législative ne va pas jusque-là.
[79] Le commissaire Hardy conclut qu’il était correct d’évaluer la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle, mais que ces habiletés ne sont pas « en lien avec les attributions annoncées dans l’avis de concours » (paragraphe 106 de la décision).
[80]
La Commission en révision ne peut soutenir une telle approche. Ou les aptitudes évaluées sont requises pour l’emploi à pourvoir et
leur évaluation respecte l’article
[81] La conclusion du commissaire Hardy à cet égard s’appuie donc sur une autre fausse prémisse et n’est pas conforme à la Loi.
[82] Les quatre premiers motifs de révision du MRN sont donc fondés.
[83] Le commissaire Hardy commet une troisième erreur déterminante lorsqu’il conclut, justifié par ces fausses prémisses, que les aptitudes évaluées ne sont pas en lien avec les attributions annoncées dans l’avis de concours.
[84] Il affirme, au paragraphe 106 de sa décision, que la discrétion du comité d’évaluation « ne peut pas autoriser de passer outre au premier objectif de la procédure d’évaluation mise sur pied pour mesurer les « aptitudes qui sont requises » pour l’emploi à pourvoir, soit d’évaluer celles en lien avec les attributions annoncées dans l’avis de concours ».
[85] Il ajoute, au paragraphe 107, que « Pour en arriver à déterminer si les examens retenus ont permis une évaluation adéquate des candidats, il faut que la Commission puisse, ce qui n’est pas le cas ici, constater que le comité d’évaluation en retenant ses moyens d’évaluation a fait un parallèle significatif entre ces instruments de mesure et les attributions annoncées de l’emploi. »
[86] De l’avis de la Commission en révision, le commissaire Hardy ne tient pas compte à cet effet de la preuve présentée par le MRN.
[87] Suivant le témoignage non contredit de la responsable de concours, les membres du comité d’évaluation, dont la composition n’est pas contestée par M. Dumas dans ses motifs d’appel et n’est pas remise en cause par le commissaire Hardy, ont considéré la Directive du Conseil du trésor sur la classification des emplois de techniciens de la faune (pièce I - 13) ainsi que des exemples de descriptions d’emploi de techniciens de la faune, classe principale, au MRN (pièces I-14 et I-15) pour analyser les tâches propres à cette classe d’emploi, tant pour un chef d’équipe que pour un spécialiste, et pour évaluer les compétences nécessaires pour exercer ces tâches.
[88] La responsable de concours a exposé l’arrimage fait par le comité entre les différentes tâches décrites dans ces documents et les aptitudes que le comité a décidé d’évaluer.
[89] Le comité a, notamment, évalué que l’esprit d’équipe était requis d’un chef d’équipe pour diriger une équipe de techniciens de la faune, répartir le travail entre les membres de son équipe, collaborer à l’entrainement de ces membres et exécuter, à l’occasion, avec ceux-ci des tâches plus complexes.
[90] En contre-interrogatoire, la responsable de concours a indiqué qu’il est possible que le leadership soit une compétence nécessaire pour exercer l’emploi de chef d’équipe, mais que ce n’est pas celle que le comité d’évaluation a jugée prépondérante pour l’exécution des tâches.
[91] La preuve démontre que pour le comité d’évaluation, les aptitudes retenues étaient requises pour les emplois de classe principale à pourvoir. D’ailleurs M. Dumas lui-même considère que la capacité d’analyse était un critère très important à mesurer. Il ne conteste à cet égard que l’examen d’habiletés professionnelles qu’il a échoué.
[92] Or, sans réfuter de quelque manière la preuve du MRN ni justifier son affirmation, le commissaire Hardy écrit, au paragraphe 110 :
[110] Coordonner, répartir et vérifier l’exécution du travail, comme collaborer à l’entraînement des membres de son équipe sont toutes des activités dont on ne peut pas voir de quelle façon l’examen d’habiletés professionnelles pourrait permettre d’évaluer les aptitudes à les exercer. On peut très bien concevoir que les aptitudes d’esprit d’équipe et du sens du service à la clientèle, mesurées par l’examen d’habiletés professionnelles, peuvent être utiles à l’exercice de l’emploi de chef d’équipe. On ne peut affirmer toutefois qu’elles sont déterminantes au point de ne même pas avoir à mesurer les aptitudes à exercer les activités décrites dans les attributions de l’emploi.
Il n’indique pas cependant quelles seraient ces aptitudes à évaluer.
[93] La Commission en révision considère que n’eût été de la conviction qu’avait le commissaire Hardy que les examens utilisés étaient destinés à évaluer des candidats à la classe nominale et qu’il était nécessaire d’évaluer des habiletés additionnelles pour l’accession par concours à la classe principale, il n’en serait pas venu à la conclusion que le comité d’évaluation avait failli à sa tâche de déterminer les habiletés à évaluer et il n’aurait pas annulé le concours.
[94] La Commission remarque par ailleurs, d’une part, que la procédure d’admission des candidats au concours contesté par M. Dumas n’est pas en cause devant la Commission et, d’autre part, que le commissaire Hardy conclut, dans sa décision, que l’évaluation de la capacité d’analyse, l’esprit d’équipe et le sens du service à la clientèle était justifiée sans être suffisante pour constituer une procédure d’évaluation complète.
[95] Il est alors surprenant de constater que le commissaire Hardy décide finalement d’annuler tout le concours après avoir restreint son raisonnement essentiellement à l’emploi de chef d’équipe sans se prononcer clairement sur ce qui en découle quant au fait que le concours est tenu pour pourvoir également à des emplois de spécialiste (paragraphes 121 à 123 de la décision), et ce, avant même de donner son avis sur la tenue d’un seul concours pour pourvoir à des emplois de chef d’équipe ou de spécialiste (paragraphe 124 de la décision), avenue qu’il considère inopportune, sans être illégale.
[96] Dans ces circonstances, le commissaire Hardy n’aurait pas dû, sans plus de justification, décider d’annuler le concours. Il aurait plutôt dû annuler seulement la procédure d’évaluation ou ordonner la tenue d’une étape additionnelle.
[97] Le septième motif de révision du MRN est donc également fondé.
[98] En conséquence, après analyse, la Commission en révision considère que la décision du commissaire Hardy s’appuie sur des fausses prémisses et qu’elle n’est pas supportée par la preuve.
[99]
Elle croit que la procédure d’évaluation retenue par le MRN dans le
concours no 259A-6003001 est suffisante et respecte l’article
[100] POUR CES MOTIFS, la Commission en révision :
· ACCUEILLE la requête en révision pour cause du ministère des Ressources naturelles;
· RÉVISE la décision rendue par le commissaire Hardy le 27 novembre 2013 dans le dossier 1301021;
· REJETTE l’appel de M. Bertrand Dumas.
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__________________________________ Mme Claire Laforest, Commissaire suppléante |
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Me Claire Lapointe |
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Procureure pour le ministère des Ressources naturelles |
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Requérant-intimé |
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M. Bertrand Dumas |
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Intimé-appelant non représenté |
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Requête prise en délibéré : 11 mars 2014 |
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[1] Dumas c. Ministère des Ressources naturelles, 2013 CanLII 77402 (QC CFP).
[2] Concours d’avancement de classe no 259A-6003001 - Technicienne ou technicien de la faune, classe principale.
[3]
Tribunal administratif du Québec c. Godin,
[4]
Rona inc. c. Commission des lésions professionnelles,
[5] Bissonnette
c. Ministère de la Sécurité publique,
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