Décision

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Date :

 

 

 

M.P. c. Chambre de la sécurité financière

 

 

 

 

 

 

2014 QCCAI 76

 

Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier :             111660

Date :                   Le 9 avril 2014

Membre:             Me Lina Desbiens

 

M... P...

 

Demandeur

 

c.

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Organisme

DÉCISION

OBJET

DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].

[1]          Le 28 juillet 2011, le demandeur s’adresse à la Chambre de la sécurité financière (l’organisme) afin d’obtenir une copie des dossiers d’enquête le concernant.

[2]          Le 4 août 2011, l’organisme transmet au demandeur une partie des documents visés par sa demande. Invoquant les restrictions prévues aux articles 28, 87 et 88 de la Loi sur l’accès, il refuse de donner accès aux autres documents contenus à son dossier.

[3]          Le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que la décision de l’organisme soit révisée.

[4]          Une audience se tient le 16 décembre 2013, à Montréal, en présence des parties.

[5]          Le 28 janvier 2014, le demandeur transmet une « procuration révisée », signée par ses clients concernés par une des plaintes. L’organisme transmet ses observations et réitère son objection à la recevabilité de cette procuration qui avait déjà fait l’objet de débats à l’audience. Le dossier est mis en délibéré le 4 février 2014.

AUDIENCE

[6]          Mme Brigitte Poirier témoigne pour l’organisme. Elle a été enquêtrice pour l’organisme de 2007 à 2012 et depuis, elle est directrice des enquêtes au bureau du syndic.

[7]          La mission principale de l’organisme est la protection du public. Il exerce sa compétence à l’égard des personnes œuvrant dans le secteur de l’assurance comme les conseillers en planification financière, les représentants en épargne collective, en assurance collective et en bourses d’études.

[8]          Le rôle du syndic est de mener des enquêtes sur les cas d’infraction aux lois administrées par l’organisme, notamment la Loi sur les valeurs mobilières[2] et la Loi sur la distribution des produits et services financiers[3] et de formuler des plaintes auprès du comité disciplinaire, le cas échéant.

[9]          L’organisme reçoit les demandes d’enquête. L’enquêteur analyse la demande et fait enquête auprès de la personne visée, du représentant, du consommateur concerné et des intervenants de l’industrie des services financiers, comme les compagnies d’assurances ou de fonds mutuels.

[10]       L’enquêteur obtient la version des faits du représentant visé par l’enquête ainsi que des documents. Après analyse, il produit un rapport d’enquête qui contient son analyse, son opinion et ses conclusions.

[11]       Le syndic rend une décision dans laquelle il peut décider de fermer le dossier, d’imposer une mesure administrative ou de déposer une plainte disciplinaire. Si aucune plainte n’est déposée, le dossier est considéré en suspens. En effet, il y a toujours une possibilité de réouverture du dossier.

[12]       Si, comme en l’espèce, un représentant formule une plainte à l’égard d’un autre représentant, l’organisme ouvre deux dossiers distincts.

[13]       Dans le dossier en litige, la première demande d’enquête ([numéro 1]) a été formulée à l’égard du demandeur par un tiers en application de la LDPSF. Une infraction au Règlement sur l’exercice des activités des représentants[4] y était alléguée concernant le remplacement de police de deux consommateurs.

[14]       Il y a eu une enquête dont les conclusions ont été communiquées au demandeur. Aucune plainte disciplinaire n’a été déposée. Toutefois, la syndique adjointe a émis des recommandations et le dossier a été fermé.

[15]       Insatisfait, le demandeur a voulu faire réviser cette décision. Cependant, le recours en révision n’est pas ouvert au représentant visé par la plainte, seul le plaignant peut faire une demande de révision.

[16]       La seconde demande d’enquête ([numéro 2]) à l’égard du demandeur concerne l’obligation d’exercer les activités de représentant à temps plein. La décision a été transmise au demandeur, l’informant qu’aucune plainte ne serait déposée et que le dossier était fermé.

[17]       Le demandeur veut obtenir l’entièreté des deux dossiers d’enquête. L’organisme a communiqué plusieurs documents (O-4) et a invoqué les restrictions prévues aux articles 28, 87 et 88 de la Loi sur l’accès pour refuser l’accès aux autres documents du dossier d’enquête.

[18]       Selon le témoin, les documents en litige contiennent des éléments qui révéleraient des méthodes d’enquête encore utilisées par l’organisme. Leur divulgation aurait pour conséquence de nuire à la collaboration avec l’industrie et de miner la confiance des plaignants à qui on assure la confidentialité. De plus, la protection du public serait entachée si le processus d’enquête était entravé du fait de sa divulgation.

[19]       Les documents en litige sont déposés sous pli confidentiel[5]. Il s’agit d’une fiche de validation, des notes de l’enquêteur, du rapport d’enquête, de la décision du syndic, de la correspondance entre le bureau du syndic et les intervenants, des informations recueillies et de la correspondance entre les organismes de réglementation.

[20]       L’audience se poursuit à huis clos et à l’exclusion du demandeur afin de permettre à la Commission de prendre connaissance de la preuve relative au contenu des documents.

[21]       L’organisme s’est opposé au dépôt d’une procuration de deux clients concernés par la première plainte et signée le 20 novembre 2013.

[22]       L’objection est accueillie. La procuration n’a pas été produite à l’organisme à l’appui de la demande d’accès. De plus, cette procuration ne confère pas au demandeur le droit de faire des représentations pour des mandants ni le droit de témoigner pour eux. Finalement, cette preuve n’est pas pertinente pour trancher le litige.

[23]       Le demandeur estime qu’il est harcelé par l’organisme. Il veut obtenir les dossiers complets de plaintes puisqu’il s’agit de ses renseignements personnels. Il considère que l’organisme abuse de ses pouvoirs.

[24]       Il désire obtenir l’ensemble des renseignements pour déposer lui-même une plainte à la Commission des droits de la personne. De plus, il veut faire retirer de son dossier les allégations non fondées qui lui causent préjudice.

[25]       Au cours du délibéré, le demandeur a transmis une nouvelle procuration de ses clients qui permettrait l’accès à leurs renseignements personnels contenus dans le dossier de plainte [numéro 1].

ANALYSE

[26]       Il ressort de la preuve présentée les faits suivants.

[27]       Le 21 février 2011, l’organisme a ouvert un dossier d’enquête à l’égard du demandeur, à la suite d’allégations relativement à une infraction au Règlement sur l’exercice des activités des représentants concernant le remplacement d’une police d’assurance pour deux de ses clients (dossier [numéro 1]).

[28]       Le demandeur a collaboré à cette enquête. Selon lui, les allégations sont non fondées et relèvent davantage d’un conflit entre deux représentants concurrents[6]. Au moment de la demande d’accès en juillet 2011, l’enquête n’était pas terminée. Le résultat de l’enquête lui a été transmis en août 2011 par la syndique adjointe.

[29]       Le 23 mars 2011, un second dossier d’enquête est ouvert par le syndic de l’organisme à l’égard du demandeur concernant l’obligation d’exercer les activités de représentant à temps plein. Il est informé des résultats de cette enquête le 30 mars 2011. Aucune plainte disciplinaire n’est déposée et le dossier est fermé.

[30]       Le demandeur a formulé plusieurs plaintes à l’égard de ces enquêtes.

[31]       Le 28 juillet 2011, le demandeur s’adresse à l’organisme pour obtenir l’ensemble des deux dossiers d’enquête le concernant.

[32]       Le 4 août 2011, l’organisme transmet la réponse suivante au demandeur. Il lui communique les documents qui lui ont déjà été transmis au cours de l’enquête et les échanges de courriels entre lui et l’organisme.

En réponse à votre demande d’accès datée du 28 juillet 2011 par laquelle vous souhaitiez obtenir « mon dossier portant le numéro [2] et [numéro 1] » nous sommes en mesure de vous communiquer une copie des documents suivants, lesquels sont joints à la présente:

Dossier [numéro 2]

·         Un avis d’ouverture de dossier d’enquête en date du 23 mars 2011 vous étant adressé;

·         Une lettre attestant la fermeture du dossier d’enquête datée du 30 mars 2011;

·         Un courriel daté du 26 mai 2011 dont vous êtes l’auteur et adressé à Me Levesque;

·         Un courriel de Me Levesque daté du 7 juin 2011 vous étant adressé.

Dossier [numéro 1]

·         Un avis d’ouverture de dossier d’enquête en date du 21 février 2011 vous étant adressé;

·         Une lettre de Mme Blouin, enquêteur, vous demandant de fournir certains documents et de répondre à certaines questions dans le cadre de l’enquête et datée du 2 mars 2011;

·         Une réponse à la demande de Mme Blouin, datée du 9 mars 2011 et dont vous êtes l’auteur;

·         Un courriel daté dont vous êtes l’auteur et daté du 26 mai 2011 adressé à Me Levesque dans lequel vous souhaitez la levée de I’interdiction de communication avec les clients;

·         Un courriel de Me Levesque daté du 7 juin 2011 en réponse à votre demande du 26 mai 2011;

·         Un courriel daté du 20 juin 2011 à l’intention de Mme Blouin dont vous êtes l’auteur.

L’article 28 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, L.R.Q., c. A-2.1 (la Loi), reproduit en annexe, oblige un organisme public à refuser, dans certaines circonstances, de donner communication de renseignements:

-     Contenus dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction.

D’autre part, l’article 87 de la Loi, également reproduit en annexe, prévoit ce qui suit:

-     Sauf dans le cas prévu à l’article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l’existence ou de donner communication à une personne d’un renseignement personnel la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section Il du chapitre Il ou en vertu des articles 108.3 et 108.4 du Code des professions.

En outre, l’article 88, reproduit en annexe, prévoit ce qui suit:

-     Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4o de l’article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d’un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel concernant une autre personne physique ou l’existence d’un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à cette autre personne, à moins que cette dernière n’y consente par écrit.

Après analyse, nous constatons que certains documents faisant l’objet de votre demande sont formés, en substance, de renseignements contenus dans des documents que nous détenons dans l’exercice d’une fonction de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois dont la divulgation aurait pour effet d’entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture ou dont la divulgation aurait pour effet d’entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture ou susceptible de révéler une méthode d’enquête, une source confidentielle d’information, un programme ou plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. Suivant les articles 28, 87 et 88 de la Loi, nous devons vous en refuser l’accès.

Nous constatons également que la communication des renseignements faisant l’objet de votre demande aurait vraisemblablement pour effet de révéler des renseignements concernant une ou plusieurs autres personnes physiques et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ces autres personnes. En l’absence d’autorisation de ces personnes, nous devons refuser de vous en donner communication.

[…]

[33]       Les documents en litige sont les fiches d’évaluation, les notes de l’enquêteur, le rapport d’enquête, la décision du syndic, la correspondance entre le bureau du syndic et les intervenants, les renseignements recueillis (version des faits, documents transactionnels et documents des intervenants) et la correspondance entre les organismes de réglementation contenus dans les deux dossiers d’enquête.

[34]       Outre les restrictions prévues à la Loi sur l’accès, l’organisme soutient que la demande d’accès n’est pas recevable puisqu’elle vise des documents préparatoires à un débat disciplinaire.

NOTES PRÉPARATOIRES

[35]       L’organisme soutient que le second alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès s’applique aux dossiers d’enquête :

9.      Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.

      Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [Soulignements ajoutés]

[36]       La Commission ne retient pas l’argument voulant que l’organisme puisse refuser l’accès aux documents et renseignements de l’enquête qui n’ont pas encore été soumis au comité de discipline, car il s’agit de documents préparatoires à un possible débat disciplinaire.

[37]       Le dossier d’enquête constitué par un enquêteur du bureau du syndic ne peut être considéré comme des notes préparatoires, au sens de l’article 9 al. 2 de la Loi sur l’accès. Les documents en litige sont achevés, ont une forme définitive et sont conservés par l’organisme. De plus, la décision de l’organisme prise à l’égard des plaintes se fonde sur ces documents, démontrant ainsi qu’il s’agit de documents complétés.

[38]       C’est le document lui-même qui doit avoir une fonction préparatoire et non l’objet dont il traite. Cette interprétation donnée par la Commission est constante[7].

RESTRICTIONS AU DROIT D’ACCÈS INVOQUÉES

[39]       Dans sa réponse, l’organisme invoque les articles 28, 87 et 88 de la Loi sur l’accès :

28.      Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu'il détient dans l'exercice d'une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l'exercice d'une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d'une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible:

 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions juridictionnelles;

 2° d'entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture;

 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois;

 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne;

 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet;

 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi;

 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec;

 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou

 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause.

[…]

87.       Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II ou en vertu des articles 108.3 et 108.4 du Code des professions (chapitre C-26).

88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4° de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à cette autre personne, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.

Article 28 de la Loi sur l’accès

[40]       L’article 87 de la Loi sur l’accès permet d’invoquer l’article 28 à l’égard des renseignements personnels concernant le demandeur. Pour que l’article 28 de la Loi sur l’accès s’applique, trois conditions doivent être satisfaites :

1)   les renseignements doivent être détenus dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois;

2)   les renseignements doivent avoir été obtenus dans le cadre d’une enquête spécifiquement orientée vers la détection ou la prévention d’une infraction aux lois;

3)   la divulgation des informations est susceptible d’avoir un des effets décrits aux paragraphes 1 à 9 de l’article 28 al.1.

[41]       La Commission a déjà décidé que le syndic de l’organisme est visé par le premier alinéa de l’article 28 puisqu’il est chargé de détecter les infractions aux lois qu’il applique[8]. En effet, il a pour fonction d’enquêter à l’égard des infractions à la LDPSF ou à ses règlements. Ses fonctions et ses pouvoirs se décrivent comme suit :

329.     Les syndics, soit de leur propre initiative, soit à la suite d'une information selon laquelle un représentant aurait commis une infraction à une disposition de la présente loi, de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) ou de l'un de leurs règlements, ont pour fonction d'enquêter à ce sujet.

330.     Le syndic de la Chambre de la sécurité financière exerce ses fonctions à l'égard des représentants en assurance de personnes, des représentants en assurance collective, des planificateurs financiers et des représentants de courtier en épargne collective et des représentants de courtier en plans de bourses d'études.

Le syndic de la Chambre de l'assurance de dommages exerce ses fonctions à l'égard des agents en assurance de dommages, des courtiers en assurance de dommages et des experts en sinistre.

Un syndic a compétence à l'égard d'un représentant autorisé à agir dans plus d'une discipline lorsque l'une de celles-ci relève de sa compétence.

[…]

334.     Les syndics et leurs adjoints ne peuvent être poursuivis en justice en raison d’actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions.

[…]

340. L'enquêteur peut:

 1° avoir accès, à toute heure raisonnable, à tout établissement d'un cabinet, d'un représentant autonome, d'une société autonome et d'un courtier en épargne collective ou en plans de bourses d'études inscrit conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1);

 2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents du cabinet, du représentant autonome, de la société autonome et du courtier en épargne collective ou en plans de bourses d'études inscrit conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières;

 3° exiger tout document relatif à leurs activités.

Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres, comptes, dossiers et autres documents doit, à la demande de l'inspecteur, lui en donner communication et lui en faciliter l'examen.

341.     L’enquêteur peut vérifier les droits d’accès à tout système informatique de façon à s’assurer qu’ils ne permettent l’accès aux renseignements qu’aux représentants qui y sont autorisés.

342.     Nul ne peut entraver le travail d’un enquêteur, notamment en l’induisant en erreur.

343.     Les documents, livres, registres, comptes et dossiers qu’un syndic ou l’enquêteur peut requérir doivent lui être fournis quelles que soient la nature de leur support et la forme sous laquelle ils sont accessibles.

[42]       L’enquête effectuée par le syndic peut donner lieu au dépôt d’une plainte disciplinaire et à une audition devant le comité de discipline[9].

[43]       Par ailleurs, les renseignements visés par la demande d’accès ont été obtenus dans le cadre de deux enquêtes spécifiques effectuées en raison de plaintes portées à l’endroit du demandeur.

[44]       Les deux premières conditions sont donc satisfaites.

[45]       Avant d’aborder le troisième critère, la Commission doit répondre à l’argument de l’organisme voulant que l’article 28 de la Loi sur l’accès doive s’interpréter de la même manière que les articles 108.3 et 108.4 du Code des professions[10] de façon à protéger l’ensemble du dossier d’enquête du syndic. En effet, selon la décision M.F. c. Ordre des technologues professionnels du Québec[11] de la Cour du Québec, l’ensemble du dossier du syndic d’un ordre professionnel est confidentiel.

[46]       Dans cette décision, le régime d’accès particulier aux ordres professionnels est résumé ainsi:

[41]      Il ressort des dispositions de l’article 108.1 que la Loi sur l’accès ne s’applique pas en entier aux documents détenus par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession.

[42]      Ainsi les dispositions du Code des professions créent un régime juridique particulier d’assujettissement des ordres professionnels à la Loi sur l’accès dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession. Si le droit d’accès édicté par l’article 9 de la loi demeure la règle, des restrictions particulières sont prévues à ce droit par les articles 108.3 et 108.4 du Code des professions et viennent reformuler certaines restrictions prévues à la Loi sur l’accès qu’elles remplacent. C’est le cas notamment de l’article 28 de la Loi sur l’accès qui ne s’applique pas aux ordres professionnels, mais dont la substance est reformulée aux articles 108.3 et 108.4 du Code des professions.

[43]      Mais la structure du régime d’accès aux documents demeure la même, toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents d’un ordre professionnel sauf exception ou restrictions législatives édictées dans la Loi sur l’accès elle-même ou aux articles 108.3 et 108.4 du Code des professions. C’est le sens qu’il faut donner au renvoi aux dispositions du Code des professions par l’article 1.1 de la Loi sur l’accès.

[47]       En l’espèce, l’organisme n’est pas un ordre professionnel assujetti au Code des professions. Il est plutôt assujetti à la Loi sur l’accès en vertu des articles 284 et 286 de la LDPSF:

284.     Sont instituées la «Chambre de la sécurité financière» et la «Chambre de l’assurance de dommages».

286.     Une chambre, tout comme l'Autorité, est soumise à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1).

[48]       Selon l’organisme, même s’il n’est pas assujetti au Code des professions, son dossier d’enquête devrait être entièrement confidentiel, de la même façon que pour les ordres professionnels. Il souligne que l’article 108.3 al. 2 du Code des professions reprend en substance l’article 28 al. 1 (2), tandis que l’article 108.4 correspond à l’article 28 al.1 (3) et (5) de la Loi sur l’accès.

[49]       Ces articles se lisent comme suit :

108.3.  Un ordre professionnel peut refuser de donner communication des documents et renseignements suivants détenus dans le cadre du contrôle de l'exercice de la profession :

[…]

De même, un ordre professionnel peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement ou d'un document dont la divulgation est susceptible de révéler le contenu d'une enquête ou d'avoir un effet sur une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture.

108.4.  Un ordre professionnel doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation est susceptible :

 1° de révéler le délibéré d'une personne, d'un comité ou d'une instance de l'ordre chargés de trancher des litiges ou des différends en vertu de la loi;

 2° de révéler une source confidentielle d'information;

 3° de mettre en péril la sécurité d'une personne;

 4° de causer un préjudice à la personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet;

 5° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. [Soulignement ajouté]

[50]       L’article 108.3 prévoit spécifiquement que l’ordre peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation est susceptible de « révéler le contenu d'une enquête ».

[51]       Cet effet n’est pas prévu à l’article 28 de la Loi sur l’accès. Cet article, constituant une exception au principe général d’accès, doit être interprété de manière restrictive[12].

[52]       L’organisme n’est pas assujetti au régime particulier du Code des professions qui prévoit la confidentialité des dossiers d’enquête.

[53]       La Commission ne peut interpréter la restriction prévue à l’article 28 al. 1 de la Loi sur l’accès de manière à considérer que la divulgation du contenu d’une enquête est un des effets décrits aux paragraphes 1 à 9 de cet article.

[54]       La troisième condition d’application de l’article 28 al. 1 oblige l’organisme à démontrer que la divulgation des informations sera susceptible d’avoir un des effets décrits aux paragraphes 1 à 9 de l’article 28 al. 1. Essentiellement, l’organisme soulève l’application des paragraphes 2, 3 et 5.

[55]       Qu’en est-il en l’espèce?

[56]       La Commission a pris connaissance de l’ensemble des documents déposés sous pli confidentiel et qui ont fait l’objet du témoignage de Mme Poirier, témoin de l’organisme.

[57]       Il s’agit des documents contenus aux deux dossiers d’enquête à la date de la demande d’accès et qui n’ont pas été transmis avec la réponse. Les documents du dossier d’enquête [numéro 1], laquelle n’était pas terminée au moment de la demande, sont contenus aux onglets 1 à 14 et ceux du dossier d’enquête [numéro 2], aux onglets 15 à 17.

[58]       De plus, l’organisme a souligné que le demandeur a également déposé des plaintes qui pourraient être reliées aux dossiers d’enquête demandés.

Article 28 al.1 (2), (3) et (5) de la Loi sur l’accès

[59]       L’organisme soutient que la communication du dossier d’enquête, incluant les notes d’enquête, la chronologie des événements, la liste des personnes consultées, la correspondance, le rapport d’enquête et ses conclusions, entraverait une enquête en cours, révélerait ses méthodes d’enquête et ses sources confidentielles d’information et risquerait de causer un préjudice à l’auteur des renseignements.

[60]       Il ressort de la preuve présentée qu’au moment de la demande d’accès, l’enquête dans le dossier [numéro 1] était toujours en cours et qu’aucune plainte n’avait été déposée au comité de discipline dans le dossier [numéro 2]. Ce dernier dossier, comme tous les dossiers pour lesquels une plainte n’a pas été déposée, est susceptible de réouverture.

[61]       Les onglets 1 et 15 contiennent les fiches de validation de chacune des demandes d’enquête. Elles contiennent des renseignements concernant le plaignant, le demandeur ainsi que des renseignements de nature administrative qui émanent de l’organisme et qui sont utilisés à des fins internes. Outre le fait que ces documents fassent partie du dossier d’enquête, aucune preuve particulière n’a été produite relativement à leur confidentialité.

[62]       La Commission constate qu’une des fiches contient le nom du plaignant qui doit être protégé puisque sa divulgation est susceptible de causer un préjudice à cette personne au sens du paragraphe 5 de l’article 28 al.1. En effet, il a été démontré que le demandeur et cette personne ont des intérêts opposés. Quant à la fiche contenue à l’onglet 15, elle contient également des notes manuscrites. Il s’agit d’un résumé d’une conversation avec le demandeur. Il s’agit de renseignements personnels qui le concernent et qui lui sont accessibles. En effet, aucune restriction prévue à l’article 28 ne s’applique en l’espèce. Les documents contenus aux onglets 1 et 15 sont donc accessibles à l’exception du nom du plaignant mentionné dans le document contenu à l’onglet 1.

[63]       Le rapport d’enquête à l’onglet 2 est rédigé par l’enquêteur au dossier et contient essentiellement les allégations, le résumé de la plainte, l’exposé des faits et les conclusions de l’enquêteur. Sont jointes également différentes informations ou listes de documents recueillis au cours de l’enquête.

[64]       Ce document, s’il était divulgué, révélerait la méthodologie de l’enquêteur et ses sources et pourrait avoir un impact sur l’enquête en cours ou sujette à réouverture au sens des paragraphes 2 et 3 de l’article 28 al.1.

[65]       L’onglet 3 contient le suivi de dossier. Chaque intervenant au dossier y inscrit la date et un résumé de ses interventions. Il s’agit essentiellement d’informations administratives neutres ou de résumés de conversation avec le demandeur. Ces renseignements personnels concernant le demandeur lui sont accessibles à l’exception des informations consignées les 1er, 18, 23 et 28 mars 2011. En effet, elles contiennent le résumé d’interventions auprès de tiers relativement à l’enquête en cours. Selon la preuve présentée, il s’agit de sources confidentielles d’information. Ces renseignements sont protégés puisque leur divulgation révélerait une source confidentielle d’information protégée par l’article 28 al. 1(3).

[66]       Le document contenu à l’onglet 4 est postérieur à la demande d’accès et n’est donc pas visé par celle-ci.

[67]       L’onglet 5 contient la décision de la syndique adjointe signée le jour même de la demande d’accès. Selon la preuve présentée, le dossier d’enquête qui n’a pas fait l’objet d’une plainte disciplinaire est toujours susceptible de réouverture et cette décision n’est jamais divulguée, même au cours du processus disciplinaire. Il s’agit donc de renseignements visés par le paragraphe 2 de l’article 28 al.1 puisque sa divulgation pourrait entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture.

[68]       Les onglets 6 à 10 et 12 à 14 contiennent différents documents obtenus de l’enquêteur ou de la correspondance entre ce dernier et des tiers. La divulgation de ces renseignements pourrait avoir un effet sur l’enquête en cours et révéler des méthodes d’enquête et des sources confidentielles d’information[13].

[69]       L’onglet 11 contient la demande d’enquête.

[70]       Ce document contient des renseignements d’identification de la personne qui dépose la plainte, du professionnel visé par la demande d’enquête, de témoins, la version des faits du plaignant et les documents à l’appui de sa plainte.

[71]       L’article 88 de la Loi sur l’accès, également soulevé, peut trouver application ici. En effet, la plainte et les documents qui y sont joints ont été fournis par le plaignant et contiennent sa version des faits. Il s’agit donc de renseignements qui concernent le plaignant et le demandeur. Considérant la preuve présentée et le fait qu’il existe plusieurs plaintes déposées également par le demandeur et que les personnes ont des intérêts divergents, la Commission conclut que l’exigence supplémentaire de cette disposition voulant que la divulgation risque de nuire sérieusement à cette autre personne est satisfaite. Par conséquent, ces renseignements ne sont pas accessibles.

[72]       De plus, les renseignements fournis par le plaignant sont protégés par le paragraphe 5 de l’article 28 al.1. La divulgation risque de lui causer un préjudice.

[73]       Quant aux renseignements qui pourraient concerner les clients du demandeur, le dossier ne contient que les documents fournis par le plaignant concernant le remplacement des polices d’assurance de deux clients. Il s’agit de renseignements connus du demandeur puisqu’il s’agit de formulaires qu’il a lui - même remplis. Leur divulgation ne révélerait pas une source confidentielle d’information. Par ailleurs, aucune preuve ne permet de conclure que la divulgation des annexes C-3 à C-6 causerait un préjudice aux clients. Ces annexes sont donc accessibles au demandeur.

[74]       Considérant cette conclusion, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la procuration amendée transmise par le demandeur.

[75]       Quant à l’onglet 16, il contient la correspondance entre les organismes de réglementation. Ce document est visé par l’article 28 puisque sa divulgation révélerait des méthodes d’enquête et une source confidentielle d’information.

[76]       Finalement, quant à la décision de la syndique adjointe contenue au dossier d’enquête [numéro 2], il ressort de la preuve que ce document n’est jamais communiqué, même lorsqu’il y a dépôt d’une plainte disciplinaire. Il contient l’analyse et la décision relatives aux infractions reprochées au demandeur par l’enquêteur. Il s’agit de renseignements personnels concernant le demandeur.

[77]       En l’espèce, le demandeur a reçu, le 30 mars 2011, une lettre l’informant que la syndique adjointe a décidé de ne pas poursuivre de mandat disciplinaire à l’égard des infractions alléguées et qu’elle ferme le dossier. Cette lettre ne contient pas tous les renseignements qui se trouvent dans sa décision.

[78]       À la lecture de ce document, la Commission constate qu’il ne contient pas de renseignements personnels concernant d’autres personnes ni de sources confidentielles d’information et on ne peut déduire une méthode d’enquête à sa lecture.

[79]       Cependant, il ressort de la preuve présentée qu’un dossier d’enquête qui ne donne pas lieu à une plainte disciplinaire est toujours susceptible de réouverture.

[80]       Considérant que ce document contient l’analyse de la syndique à la lumière de l’enquête effectuée ainsi que sa décision, sa divulgation serait susceptible d’entraver une enquête sujette à réouverture. Ce document n’est donc pas accessible.

[81]       Finalement, la Commission ne retient pas l’argument du demandeur voulant que les documents en litige lui soient nécessaires pour déposer une plainte à la Commission des droits de la personne pour abus de procédure ou pour déposer lui-même des plaintes devant le comité de discipline ou pour des fins de confirmation de conformité. En effet, l’intérêt du demandeur n’est pas un élément pertinent à l’évaluation de l’accessibilité de documents en vertu de la Loi sur l’accès.

[82]       À l’exception de certains documents contenus aux onglets 3 et 11, la preuve non contredite me convainc que la communication des documents en litige contreviendrait à l’un ou l’autre des paragraphes 2, 3 et 5 de l’article 28 al.1 de la Loi sur l’accès.

[83]       Les fiches d’évaluation de la demande d’enquête, le rapport d’enquête de l’enquêteur, les notes chronologiques de l’enquêteur, les demandes d’information de l’enquêteur, les réponses aux demandes d’information, le rapport d’enquête et la décision de la syndique adjointe sont des documents qui contiennent des renseignements protégés par l’article 28 de la Loi sur l’accès.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[84]       ACCUEILLE en partie la demande de révision.

[85]       ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur, dans les trente jours de la réception de la présente décision, les documents suivants :

·        les documents contenus aux onglets 1 et 15 à l’exception du nom du plaignant mentionné à l’onglet 1;

·        les documents contenus à l’onglet 3, à l’exception des informations consignées les 1er, 18, 23 et 28 mars 2011;

·        les annexes C-3 à C-6 contenues à l’onglet 11.

[86]       REJETTE quant au reste la demande de révision.

LINA DESBIENS

Juge administratif

Lavery, De Billy

(Me Loïc Berdnikoff)

Avocats de l’organisme



[1]     RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

[2]     RLRQ, c. V-1.1, la LVM.

[3]     RLRQ, c. D-9.2, la LDPSF.

[4]     RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[5]     Art. 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, (1984) 116 G.O. II, 4648.

[6]     Pièce O-4.

[7]     Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, feuilles mobiles, à jour au 1er décembre 2011, p. II/9-4.

[8]     Murphy c. Chambre de la sécurité financière, C.A.I. 01 14 11, 9 août 2002, c. Grenier; Sinki c. Chambre de la sécurité financière, C.A.I. 05 11 88, 12 février 2007, c. Henri.

[9]     Art. 344 à 350 de la LDPSF.

[10]    RLRQ, c. C-26.

[11]    2009 QCCAI 5526.

[12]    Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, feuilles mobiles, à jour au 1er décembre 2011, p. II/28-3; Innocence McGill c. Service de police de Montréal (Ville de Montréal), 2009 QCCQ 7082.

[13]    P.R. c. Chambre de l’assurance des dommages, 2008 QCCAI 141, par. 58.

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