ARBITRAGE

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs LRQ B.1.1-r.02

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)

______________________________________________________________________

 

Entre

                                                                  Marie-Ève Lévesque et Alexandre Gagnon

                                                               (ci-après «  les Bénéficiaires »        

Et

                                                               Sebecam Rénovations Inc.

                                                                (ci-après «  l’Entrepreneur »

Et

LA GARANTIE  DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE  l’APCHQ INC.

                                                               (ci-après  «  l’Administrateur  »)

 

 

No dossier Garantie :

197824-1

No dossier CCAC :

S11-120602 NP

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

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Arbitre :

Alcide Fournier

 

 

Pour les bénéficiaires :

 

 

 

Pour l’entrepreneur :

 

 

 

Pour l’administrateur :

Me Manon Cloutier

 

Date(s) d’audience :

27 février 2012

 

 

Lieu d’audience :

Longueuil

 

 

Date de la décision :

22 mars 2012

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

Identification des parties

 

 

 

 

Bénéficiaires :

 

Marie-Eve Lévesque

Alexandre Gagnon

2240, rue Tour-du-Parc

Longueuil (Québec)

J4N 1T2

 

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Sebecam Rénovation Inc.

4825, rue Bréboeuf

Montréal (Québec)

H2J 3L4

 

 

 

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

5930, boul. L.-H. Lafontaine

Anjou (Québec)

H1M 1S7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Historique du dossier

 

 

 

18 février 2010 :                   Signature du contrat d’entreprise entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur

 

30 mars 2010 :                     Acte notarié d’achat d’un terrain par les Bénéficiaires

 

 

11 juillet 2010 :                     Les Bénéficiaires emménagent dans la maison même si celle-ci n’est pas terminée

 

 

1er avril 2011 :                       Lettre des Bénéficiaires à l’Administrateur pour l’enregistrement du bâtiment

 

 

21 juin et 29 août 2011 :      Mises en demeure des Bénéficiaires à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur

 

 

17 août 2011 :                      Avis de 15 jours adressé à l’Entrepreneur par l’Administrateur

 

 

30 septembre 2011 :           Inspection du bâtiment par l’Administrateur de la Garantie

 

 

7 novembre 2011 :               Décision de l’Administrateur

 

 

8 décembre 2011 :              Demande d’arbitrage et nomination de l’arbitre

 

 

23 janvier 2012 :                   Convocation des parties à l’audience

 

 

27 février 2012 :                   Visite des lieux et audience

 

 

2 mars 2012 :                       Réception de la jurisprudence des Bénéficiaires

 

 

 

 

 

 

[1]                   À la visite des lieux et à l’audience sont présentes les personnes suivantes :

 

            -les Bénéficiaires, Mme Lévesque et M. Gagnon,

-Me Manon Cloutier et Mme Marie-Pier Germain, représentantes de l’Administrateur.

 

 

[2]                   L’Entrepreneur, bien que dûment  convoqué, n’est pas présent.

 Par contre, un sous-traitant, M. Caron, s’est présenté à l’audience.

 

 

[3]                   Les Bénéficiaires demandent la révision de la décision de

l’Administrateur du 7 novembre 2011 concernant les points sur lesquels ils n’ont pas

eu gain de cause, à savoir :

 

 

                        5. Pente négative de la terrasse arrière

 

6. Infiltration d’eau dans le coin extérieur de la salle de bain du sous-sol

 

7. Infiltration d’eau au sous-sol en façade avant 

 

 

[4]                   Dans sa décision, l’Administrateur ne nie pas l’existence des désordres mentionnés par les Bénéficiaires mais affirme qu’ils ont été dénoncés après l’expiration des délais prévus au règlement sur le plan de garantie.     

           

 

 

[5]                   L’article 10 du règlement se lit ainsi :

 

 

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé,dans les trois jours qui suivent la réception;

 

2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil  et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

 

3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

D.39-2006

 

 

 

[6]                   L’Administrateur de la Garantie argumente :

 

 

-la pente négative du balcon arrière a été constatée par les Bénéficiaires durant les travaux de construction, soit avant juillet 2010,

 

-l’infiltration d’eau au sous-sol avant s’est produite pour la première fois en octobre 2010,

 

-l’infiltration d’eau au sous-sol arrière dans une pièce prévue pour une salle de bain s’est produite pour la première fois en novembre 2010, et la dénonciation n’a été faite à l’Administrateur que le 22 juin, 15 juillet et 30 août 2011, soit bien après l’expiration du délai de 6 mois entre la date de la découverte du désordre et la date de dénonciation à l’Administrateur et qu’en conséquence, l’Administrateur ne peut faire droit à la réclamation des Bénéficiaires.

 

 

 

[7]                   À l’audience, les Bénéficiaires racontent toutes les difficultés qu’ils ont eues avec leur entrepreneur, Sebecam Renovation.

 

 

[8]                               D’abord, la maison n’était pas prête à la date prévue en juin 2010, et même lors de leur emménagement en juillet, beaucoup de travaux étaient toujours à compléter tel le comptoir de cuisine, la finition des planchers, etc…Selon l’expression des Bénéficiaires, ils faisaient «  du camping » dans la maison.

 

 

[9]                               L’Entrepreneur Sebecam ne leur a pas fait signer le contrat de garantie ni remis copie de ce dernier.

 

 

[10]                             Il n’y a pas eu d’inspection pré-réception et le formulaire prévu à cette fin n’a pas été complété.

 

 

[11]                 Les Bénéficiaires ignoraient donc la teneur dudit contrat de garantie et ils ont dû eux-mêmes procéder à l’enregistrement de leur immeuble auprès de la Garantie.

 

 

[12]                 Les Bénéficiaires, en invoquant les articles 19.1 et 138 du règlement, estiment que les manquements graves de l’Entrepreneur ne peuvent avoir pour conséquence que leurs réclamations soient considérées hors délai par l’Administrateur.

 

 

[13]                 Ils prétendent en effet que s’ils avaient été informés adéquatement, ils auraient respecté les délais pour présenter leurs réclamations et que toute la présente situation est due à la négligence de leur entrepreneur.

 

 

 

Décision

 

 

[14]                 Il faut d’abord noter que le présent tribunal d’arbitrage n’a pas à décider des travaux requis pour corriger les désordres constatés avant d’avoir statué sur la recevabilité des réclamations présentées par les Bénéficiaires.

 

 

[15]                 Également, les Bénéficiaires ne nient pas qu’un délai de plus de 6 mois s’est écoulé entre la constatation des désordres et la présentation de leurs réclamations à l’Administrateur de la Garantie.

 

 

[16]                 Les Bénéficiaires disent qu’ils n’ont pas été informés des dispositions de la Garantie parce que l’Entrepreneur ne leur a pas remis copie du contrat et n’a pas fait d’inspection pré-réception du bâtiment, a manqué à toutes ses obligations en vertu du plan de garantie, et que le non- respect des délais ne peut leur être opposé à cause de ces manquements graves de l’Entrepreneur.

 

 

[17]                 En réponse à ces arguments, l’Administrateur répond que le règlement sur le plan de garantie adopté en vertu de la loi sur le bâtiment ( L.R.Q. c.B-1.1.r 8) est d’ordre public et que le principe que «  nul n’est sensé ignorer la loi » s’applique au présent litige.

 

 

[18]                 Selon l’Administrateur, ce caractère d’ordre public du règlement sur le plan de garantie a été confirmé par la Cour d’Appel du Québec dans la cause Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes & Yvan Larochelle et René Blanchet es qualité (500-09-013349-030).

 

 

[19]                 Les Bénéficiaires, quant à eux, se réfèrent entre autres, aux articles 17, 19.1  137 et 138 du règlement :

 

17. Chaque bâtiment visé par la garantie doit être inspecté avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur et le bénéficiaire à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur et adaptée à chaque catégorie de bâtiments. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.

 

L'inspection doit être différée lorsque la réception du bâtiment intervient après la fin des travaux.

 

 

19.1.   Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.

 

 

 137.   L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.

 

 

 

138.   Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.

 

 

[20]                 Dans le présent litige, la preuve prépondérante révèle que :

 

                       

-1. l’Entrepreneur n’a pas inscrit l’unité résidentielle des Bénéficiaires auprès du plan de garantie,

 

-2. l’Entrepreneur n’a pas fait signer de contrat de garantie aux Bénéficiaires,

 

-3. l’Entrepreneur n’a pas remis copie du contrat de garantie aux Bénéficiaires,

 

-4. l’Entrepreneur n’a pas fait d’inspection avant réception du bâtiment avec les Bénéficiaires,

 

-5. l’Entrepreneur n’a pas fait signer le formulaire de réception du bâtiment.

 

 

 

 

 

[21]                             Dans un règlement s’apparentant à un règlement sur la

protection du consommateur, il est difficile de croire qu’une telle incurie de la part de

l’Entrepreneur n’est pas sanctionnée.

 

 

[22]                             L’article 138 précise que le Bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations envers l’Entrepreneur que s’il obtient une copie du contrat de garantie.

 

 

[23]                             En transposant le texte au présent litige, on peut lire l’article 19.1 de la façon suivante :

 

« Le non respect d’un délai de recours ( pas plus de 6 mois entre la découverte du désordre et la réclamation) ne peut être opposé au Bénéficiaire, si l’Entrepreneur manque à ses obligations prévues aux articles 17 (inspection pré-réception) et suivants.»

 

                       

[24]                             Interpréter autrement cet article pourrait conduire à des situations tout à fait inéquitables où l’entrepreneur ne remplit pas ses obligations et que les consommateurs subissent la conséquence de cette incurie.

 

 

[25]                             En effet, il suffirait, comme dans le présent litige, que l’Entrepreneur ne remplisse pas ses obligations relativement au plan de garantie, pour permettre à l’Administrateur d’invoquer l’écoulement des délais pour que la garantie ne s’applique pas.

 

 

[26]                             L’intention du législateur en adoptant le règlement sur le plan de garantie était, entre autre, de protéger les consommateurs contre des entrepreneurs négligents, comme dans le présent litige.

 

 

[27]                             Quant au caractère d’ordre public du règlement, l’entrepreneur ne l’a pas respecté et il faut se poser la question : est-ce que seul le consommateur doit en subir les conséquences ?

 

 

[28]                             À l’article 116 du règlement, le législateur a écrit :

 

                                   Un arbitre statue conformément aux règles de droit ;

il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[29]                             Par cet article, le législateur a voulu que l’arbitre règle des situations qui ne pouvaient pas être toutes décrites dans un règlement.

 

 

[30]                             L’arbitre soussigné estime que le présent litige correspond à ce qu’a désiré le législateur en permettant au tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité pour résoudre le problème.

 

 

[31]                             En conséquence, l’arbitre soussigné estime que, compte tenu de la situation très particulière, les réclamations des Bénéficiaires sont recevables par l’Administrateur de la Garantie.     

 

 

[32]                             Quant aux désordres constatés, la preuve recueillie à l’audience et à la visite des lieux, la pente négative du balcon arrière semble être la cause de l’infiltration d’eau à la salle de bain du sous-sol ; quant à l’infiltration d’eau au sous-sol avant, la source n’a pas été identifiée.

 

 

[33]                             Compte tenu du fait que l’entrepreneur n’est plus accrédité, l’arbitre soussigné estime que l’Administrateur devra prendre les mesures nécessaires pour corriger les 3 désordres dénoncés et ce, selon les procédés qu’il jugera nécessaires.

 

 

[34]                             Conformément au règlement, les Bénéficiaires ayant eu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

[35]                             Après analyse de la preuve du règlement et de la jurisprudence, l’arbitre soussigné :

 

 

-       RENVERSE la décision de l’Administrateur,

 

-       lui ORDONNE de procéder aux travaux de correction requis pour mettre fin aux infiltrations d’eau et à la pente négative du balcon arrière,

 

-       CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.

 

 

 

 

(s) Alcide Fournier

 

Alcide Fournier

Arbitre

 

 

 

 

 

Jurisprudence citée par l’Administrateur à l’audience

 

 

-Annie Asselin Martin et Laurent Martin c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. et Construction Stéphane Bédard Inc.

GAMM, 28 janvier 2009

 

-Mélanie Ruel et Jonathan Davis c. Construction Thelland Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 CCAC, 25 novembre 2011

 

-9170-7976 Quebec Inc  c. Simon Macameau

Cour du Québec (Amos)  N° 605-22-001871-078,  9 juillet 2010

 

-Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes & Yvan Larochelle et René Blanchet es qualité

Cour d’Appel du Québec,  N° 500-09-013349-030, 15 décembre 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

Jurisprudence citée par les Bénéficiaires le 2 mars 2012-03-27

 

 

 

-CCAC 30 octobre 2002

Viau c. Construction & Rénovation Clément et Mario Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 

 

-Soreconi 22 juin 2006

Yves Brouillette & Louise Hébert c. Construction Jean F. Toulouse Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs d el’APCHQ Inc.

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