ARBITRAGE

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

((Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)


Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

Dyhia Kebir et Louis Marmet

Bénéficiaires

Et

Groupe Construction Rossi B.2. Inc.

Entrepreneur

Et

La Garantie Qualité Habitation du Québec Inc.

Administrateur

 

 

No dossier Garantie :

61854-3777

No dossier GAMM :

2011-12-018

No dossier Arbitre :

13 185-85

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

_______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards, Arb. A.

 

 

Pour la Bénéficiaire :

Madame Dyhia Kebir

Monsieur Louis Marmet

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Véronique Racicot

 

 

Pour l’Administrateur :

Monsieur Bruno Rossi

 

Dates d’audience :

16 mai 2012

 

 

Date de réception des documents des parties :

24 mai 2012

 

 

Visite des lieux et lieu d’audience :

Au domicile des Bénéficiaires  

 

 

Date de la décision :

Le 4 juillet 2012

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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

1.      LA DEMANDE D’ARBITRAGE

 

[1]       Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage par l’Entrepreneur d’une décision rendue par l’Administrateur (signée par Karine Pépin, conciliatrice) le 16 novembre 2011 (ci-après la « Décision ») (Pièce A-2).


2.      LES FAITS ET LES PROCÉDURES DE L’INSTANCE ARBITRALE

 

[2]       Les pièces produites dans ce dossier par l’Administrateur sont les suivantes :

   A-1 :       Demande d’arbitrage transmise par le GAMM datée du 9 janvier 2012;

 

  A-2 :       Décision de l’Administrateur datée du 16 novembre 2011              (en référence au rapport du 24 mai 2011);

 

  A-3 :       Lettre des Bénéficiaires datée du 22 octobre 2010;

 

   A-4 :       Lettre des Bénéficiaires adressée à l’Administrateur datée du 8 décembre 2010;

 

   A-5 :       Rapport de l’Administrateur daté du 24 mai 2011;

 

   A-6 :       Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de Condominium datés du 5 mars 2009;

 

  A-7 :       Contrat de vente entre 9195-5674 Québec Inc. et les Bénéficiaires daté du 7 octobre 2009;

 

 

[3]       La pièce produite dans ce dossier par l’Entrepreneur est la suivante :

  E-1 :       En liasse, photos prises par Mickaël Barbary en date du 9 novembre 2011;

 

[4]       Le 7 octobre 2009, les Bénéficiaires ont acquis une unité de logement (ci-après la « Propriété ») dans un immeuble tenu en copropriété (Pièce A-7).  La réception de ladite Propriété par les Bénéficiaires a eu lieu le 19 novembre 2009, le tout tel qu’il appert de la Décision (Pièce A-2).   Le 22 octobre 2010, les Bénéficiaires ont dénoncé à l’Entrepreneur plusieurs problèmes à la Propriété, notamment concernant le parquet de bois dont les lattes seraient devenues trop espacées (Pièce A-3).   En date du 13 décembre 2010, la réclamation des Bénéficiaires a été reçue par l’Administrateur (Pièce A-4).   Par conséquent, la plainte a été reçue dans la deuxième année de la réception de la Propriété, et ainsi, la protection de trois ans contre les vices cachés prévue par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] peut potentiellement trouver application en l’espèce.

 

3.      LA THÈSE DE L’ADMINISTRATEUR

 

[5]       La représentante de l’Administrateur, Madame Karine Pépin, a visité la Propriété des Bénéficiaires à deux reprises, soit le 9 mai 2011 et le 7 octobre 2011.  Elle a vérifié le niveau d’espacement entre les lattes de bois et elle a confirmé que l’espacement excédait les normes acceptables.  Il y a consensus quant à toutes les parties pour cet aspect de la preuve.  Cette dernière a alors vérifié le taux d’humidité ambiant et le taux d’humidité au parquet de bois.  Lors de ces deux visites, le taux d’humidité au parquet de bois était d’environ 6°.  Quant au taux de l’humidité ambiant, il était en moyenne de 36% en date du 9 mai 2011 et de 49% en date du 7 octobre 2011.  Ainsi, lors des deux visites de la représentante de l’Administrateur, le taux d’humidité ambiant et le taux d’humidité au parquet de bois étaient normaux.

[6]       De plus, lors de ces deux visites à la Propriété, la représentante de l’Administrateur a mesuré l’espacement entre les lattes du parquet de bois afin de vérifier si cet espacement variait selon les saisons.  L’Administrateur en est venu à la conclusion que l’espacement entre les lattes était demeuré le même tant au mois de mai qu’au mois d’octobre 2011.

[7]       L’Administrateur a donc conclu à un problème d’installation du parquet de bois ou à un problème inhérent aux matériaux utilisés pour le plancher et a demandé à l’Entrepreneur de faire les vérifications et les travaux correctifs nécessaires, le tout tel qu’il appert de la Décision de l’Administrateur (Pièce A-2).

 

4.      LA THÈSE DE L’ENTREPRENEUR

 

[8]       Le 9 décembre 2011, Monsieur Mickaël Barbary, de la compagnie qui fournit les lattes qui ont été installées à la Propriété, mandaté par l’Entrepreneur, a visité la Propriété des Bénéficiaires.  Lors de cette visite, ce dernier a également mesuré le taux d’humidité ambiant et le taux d’humidité au plancher de bois.  Il a également vérifié l’espacement entre les lattes du parquet de bois.  Selon la Pièce E-1, à cette date, le taux d’humidité au parquet de bois variait entre 9.1° et 14.8° et le taux d’humidité ambiant variait entre 62% et 70%.  L’Entrepreneur a soumis au Tribunal d’arbitrage que ce serait la mauvaise utilisation des lieux par les Bénéficiaires qui serait à l’origine des problèmes relativement au parquet de la Propriété, ce qui ne relève aucunement de sa responsabilité.

 

5.      ANALYSE

 

[9]       La preuve de l’Entrepreneur nous paraît sujette à la critique, et ce, pour plusieurs raisons.

[10]    D’abord, les photos prises par Monsieur Barbary (En liasse Pièce E-1) en date du 9 novembre 2011, n’ont été déposées que le jour de l’audition.  Par conséquent, l’Administrateur et les Bénéficiaires n’ont pas eu l’opportunité d’effectuer une contre-expertise, ce qu’ils étaient entièrement en droit de faire.

[11]    De plus, les donnés recensées par l’expert de l’Entrepreneur relativement au taux d’humidité ambiant et au taux d’humidité au parquet de bois, ont toutes été prises le même jour, ce qui ne constitue pas un échantillon fiable.  Or, s’ils avaient été dûment informés par l’Entrepreneur de la nature de cette preuve, il aurait été facile pour l’Administrateur et les Bénéficiaires de garder une chronologie des taux d’humidité à la Propriété, permettant ainsi de valider ou de contester les données recensées par Monsieur Barbary.

[12]    Également, selon le témoignage des Bénéficiaires, la visite de l’expert de l’Entrepreneur eut lieu le matin sans qu’ils soient prévenus à l’avance, et ce, immédiatement après que le lave vaisselle ait fini de fonctionner et que les Bénéficiaires aient pris tous deux une douche, ce qui expliquerait les taux d’humidité élevés obtenus par l’expert de l’Entrepreneur à cette date.  Il est également possible que la visite de Monsieur Barbary ait eu lieu après plusieurs journées consécutives de pluie, ce qui aurait augmenté de manière naturelle le niveau d’humidité ambiante dans la Propriété.

[13]    Or, l’Entrepreneur a le fardeau de la preuve de démontrer que la Décision de l’Administrateur (Pièce A-2) est erronée.  Or, la preuve fournie par l’Entrepreneur, soit le fait que les taux d’humidité étaient élevés en date du 9 décembre 2011, n’est pas suffisante en soi.

[14]    De plus, l’Arbitre a constaté que les lieux de la Propriété étaient impeccables et que le mode de vie des Bénéficiaires paraissait tout à fait normal et donc que celui-ci ne pouvait engendrer une humidité excessive.  En août 2011, ces derniers ont même installé un système d’air climatisé, ce qui n’a aucunement résolu le problème relativement au plancher de bois de la Propriété.  Selon l’avis du Tribunal d’arbitrage, la responsabilité quant à l’espacement des lattes ne peut donc leur être imputée.

[15]    Par ailleurs, le plancher de bois est fait en bambou, ce qui offre une plus grande résistance à l’humidité, selon les déclarations des trois parties.

[16]    Considérant tout ce qui précède, le Tribunal d’arbitrage vient à la conclusion que le trop grand espacement des lattes de bois du plancher de la Propriété des Bénéficiaires, résulte d’un problème d’installation et constitue donc un vice caché au sens de l’Article 1726 du Code civil du Québec qui se lit en partie comme suit :

« Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. »

[17]    Il y a donc lieu de retenir la responsabilité de l’Entrepreneur en vertu du Règlement pour vice caché.  L’Entrepreneur devra effectuer tous les travaux correctifs pour remplacer le plancher de bois.  Si l’Entrepreneur répare des parties déficientes, il doit s’assurer qu’il n’y a pas de différence de couleur des lattes, selon les règles de l’art.  La méthode utilisée lors des travaux correctifs appartient à l’Entrepreneur, mais il est tenu à une obligation de résultat.

[18]    Selon la preuve de l’Entrepreneur non contredite, le coût des travaux correctifs à effectuer au parquet de bois seraient de l’ordre de 8 300 $.  Toutefois, à l’avis du Tribunal d’arbitrage, il serait inéquitable en l’instance que l’Entrepreneur assume le coût intégral des travaux correctifs pour refaire le parquet à neuf, compte tenu du fait que la réception de la Propriété par les Bénéficiaires a eu lieu depuis plus de deux ans et demi, soit le 19 novembre 2009.  En effet, l’article 116 du Règlement énonce ce qui suit :

« Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »

[19]    Selon le Tribunal d’arbitrage, dans les circonstances, il est équitable que les Bénéficiaires assument une part des coûts pour effectuer les travaux nécessaires au parquet de bois de la Propriété.  Autrement, il y aurait un enrichissement inéquitable des Bénéficiaires au détriment de l’Entrepreneur.  Ainsi, les Bénéficiaires doivent défrayer la somme de 750 $ pour les travaux correctifs nécessaires.


6.     
CONCLUSION ET FRAIS D’ARBITRAGE

 

[20]    Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal d’arbitrage rejette la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

[21]    Étant donné que c’est l’Entrepreneur qui est la demanderesse dans le présent dossier, les frais d’arbitrage devront être partagées en parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur, et ce, selon l’article 123 du Règlement.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

ORDONNE aux Bénéficiaires de payer la somme de 750 $ du coût des travaux correctifs nécessaires;  ce montant doit être déposé en fidéicommis auprès de l’Administrateur avant que les travaux de correction ne commencent;

ORDONNE à l’Entrepreneur, dans un délai de trente (30) jours du dépôt en fidéicommis chez l’Administrateur du montant requis par les Bénéficiaires, de procéder à effectuer les travaux correctifs requis pour éliminer les vices, malfaçons et problèmes traités dans la présente sentence arbitrale concernant le plancher de bois et conformément à la teneur de la présente sentence;

À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux dans ledit délai, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer les travaux dans les trente (30) jours suivants;

ORDONNE à l’Entrepreneur et à l’Administrateur de payer les frais d’arbitrage de la présente sentence, et ce, en parts égales.



(s) Me Jeffrey Edwards

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

Copie conforme

 

 

__________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 



[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B.1.1, r. 0.2 (ci-après le

«Règlement»)