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TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la société pour la résolution des conflits inc. (soréconi), organisme d’arbitrage agréé par la régie du bâtiment du québec chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE HULL

 

 

DOSSIERS N°:     060124001 (046367 GMN), 060124002 (046370 GMN), 060124003 (076916 GMN), 060124004 (046372 GMN), 060124005 (046369 GMN), 060124006 (046368 GMN), 060124007 (046361 GMN), 060124008 (046371-2 GMN), 060124009 (046365 GMN), 060124010 (046364 GMN), 060124011 (046360 GMN), 060124012 (046363 GMN), 060124013 (046362 GMN)

 

MONTRÉAL, le 14 février 2007

 

 

 

ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.

 

 

 

DOSSIER N°:           060124001 (046367 GMN)

 

Lina Al-Karkhi et Richard Labrèche

 

             Bénéficiaires

 

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

 

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

DOSSIER N°:           060124002 (046370 GMN)

 

Lina Al-Karkhi et Richard Labrèche

 

             Bénéficiaires

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124003 (076916 GMN)

 

Lina Al-Karkhi et Richard Labrèche

 

             Bénéficiaires

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124004 (046372 GMN)

 

Céline Long et Pierre Gaétan Michaud

 

             Bénéficiaires

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

DOSSIER N°:           060124005 (046369 GMN)

 

Pierre Dorion

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124006 (046368 GMN)

 

Nathalie Rhéaume

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124007 (046361 GMN)

 

Marc Lafleur

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

DOSSIER N°:           060124008 (046371-2 GMN)

 

Carmen Dagenais et Jacques Pichette

 

             Bénéficiaires

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124009 (046365 GMN)

 

Daniel Blouin

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124010 (046364 GMN)

 

Andrée-Suzanne Isabelle

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

DOSSIER N°:           060124011 (046360 GMN)

 

Agathe Murray

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124012 (046363 GMN)

 

Sylvie Longtin

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

DOSSIER N°:           060124013 (046362 GMN)

 

Roseline Galipeau

 

             Bénéficiaire

c.

3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction)

 

             Entrepreneur - Demandeur

et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

[1]             Le 30 octobre 2006, dans une lettre qui lui est adressée, l'arbitre soussigné reçoit de soréconi l'instruction de suspendre les procédures d'arbitrage pour un temps non déterminé.  La lettre se lit ainsi :

 

"La présente est pour vous donner instruction de ne pas poursuivre le procédure d'arbitrage dans les dossiers en rubrique [les dossiers en l'instance] avant que je vous confirme que les provisions pour frais exigées de l'entrepreneur/ demandeur ont été versées à soréconi / Fiducie.

 

soréconi doit s'assurer que les fonds requis pour rendre la procédure d'arbitrage à terme sont disponibles.

 

..."

 

[2]             Dans une lettre datée du 14 novembre 2006 qu'il adresse à la fois au président de soréconi et à l'arbitre soussigné, Me Martin Binet, le procureur de six des bénéficiaires à la présente instance, soit les dossiers 060124001 à 060124006, réagit à cette lettre du 30 octobre 2006 de soréconi.  Il apparaît au Tribunal d'arbitrage utile de citer extensivement cette lettre :

 

"Messieurs,

 

La présente fait suite à la lettre du 30 octobre 2006, reçue de M. Claude Mérineau, pour le compte de soréconi, à l'effet de donner instruction à Me Robert Masson, l'arbitre mandaté dans les dossiers en rubrique, de suspendre les procédures en raison du défaut de l'entrepreneur de verser les fonds requis pour rendre la procédure d'arbitrage à terme.

 

Il m'appert qu'une telle suspension va à l'encontre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q., c. B-1.1.

 

En effet, à l'article 117, il est stipulé que l'audition de la demande en d'arbitrage doit débuter dans les 30 ou 15 jours de sa réception selon que la demande porte sur une réclamation ou l'adhésion.

 

Or, dans le cas présent, la suspension aura pour effet de retarder indûment une audition d'arbitrage que les bénéficiaires que je représente attendent impatiemment.  Le début de l'arbitrage est prévu pour le 28 novembre 2006, inutile de vous dire que nous devons actuellement préparer cette audition.  Que devons nous faire ?  Suspendre notre préparation ?  Annuler les dates prévues ?  Nous sommes dans une impasse dont nous sommes les victimes.

 

À ce jour, les délais ont été occasionnés pour diverses raisons qui se justifiaient, tel que des requêtes préliminaires de part et d'autre.

 

Cependant, permettre la suspension tel que c'est le cas actuellement, donnerait le signal aux entrepreneurs de contester toute décision de l'administrateur du plan de garantie pour ensuite faire défaut de payer les provisions pour frais d'arbitrage et ainsi éviter d'avoir à payer les sommes d'argent réclamées par les bénéficiaires du plan de garantie.

 

Le règlement est clair, l'entrepreneur doit payer la moitié des coûts de l'arbitrage.  S'il ne peut le faire, nous soumettons que les demandes d'arbitrage ne devraient pas être suspendues mais simplement rejetées.

 

L'arbitrage n'est pas un appel de plein droit.  Il s'agit d'un mécanisme accepté par l'entrepreneur qui veut profiter du fait qu'il est accrédité par la garantie des maisons neuves de l'APCHQ et qui accepte de se soumettre à un processus administratif décisionnel.  Le paiement des coûts d'arbitrage en fait partie.

 

Par conséquent, je n'ai d'autre choix que de vous demander le rejet des demandes d'arbitrage de l'entrepreneur dans les dossiers où j'occupe, soit les dossiers 060124001 à 060124006 inclusivement.

 

..."

 

[3]             Les procureurs des bénéficiaires dans les autres dossiers n'ont pas présenté une telle demande.

 

[4]             La demande de provisions pour frais à l'entrepreneur par soréconi a aussi soulevé une vive contestation de la part de celui-ci qui prétend à la fois que soréconi n'est pas en droit de demander des provisions pour frais, pas plus qu'elle n'est en droit de donner instruction à l'arbitre de suspendre la procédure d'arbitrage.

 

[5]             Face à cette contestation de la demande de provisions pour frais d'un côté, à la demande de rejet des demandes d'arbitrage dans 6 des 13 dossiers d'un autre côté et devant une absence de demande particulière dans les 7 autres dossiers, le Tribunal d'arbitrage était d'opinion qu'il fallait vider toute cette question des demandes de provisions pour frais et de la suspension des procédures d'arbitrage versus celle des demandes de rejet des demandes d'arbitrage, mais aussi qu'il fallait que le processus s'applique à tous les dossiers en l'instance et non seulement aux 6 précités.

 

[6]             C'est pourquoi, au tout début de la première des 16 journées prévues pour l'audience sur le mérite, après avoir reçu la confirmation du procureur de l'entrepreneur que les provisions pour frais demandées n'avaient pas encore été versées, l'arbitre a posé proprio motu la question suivante :

 

"Le Tribunal d'arbitrage est-il autorisé à mettre fin à l'arbitrage et à déclarer d'office que les demandes d'arbitrage sont désertées par l'entrepreneur ou que l'entrepreneur s'est désisté de ses demandes d'arbitrage ?"

 

[7]             Dans ses instructions aux procureurs, l'arbitre a demandé que leurs représentations s'appuient, entre autres mais non limitativement, sur l'article 123 et sur le paragraphe 19° de l'annexe II du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r .0.2), sur l'article 224 de la Loi sur les Tribunaux judiciaires (L.R.Q., c.T-16), sur l'article 2643 du Code civil du Québec, et sur les articles 944.1 , 944.5 , 46 et 20 du Code de procédure civile et, par analogie, sur les articles 507.2 , 524 et 503.1 du Code de procédure civile.

 

[8]             L'audience sur le mérite a immédiatement été prorogée sine die et l'audience sur la question posée a été fixée au 14 décembre 2006 dès 9:15 heures.  Ce détail a son importance.

 

[9]             L'audience du 14 décembre débute par une confrontation entre le procureur de l'entrepreneur et l'arbitre.  Le procureur demande au Tribunal d'arbitrage de retarder le début de l'audience jusqu'à 9:45 heures au motif qu'il souhaite l'enregistrement de l'audience, ce à quoi le Tribunal d'arbitrage répond qu'il est loisible au procureur de demander l'enregistrement de l'audience mais qu'il aurait dû s'y prendre d'avance pour retenir les services d'un sténographe.  En effet, depuis l'installation d'un système d'enregistrement numérique dans les palais de justice, il faut un mot de passe pour avoir accès à l'ordinateur et seuls les greffiers possèdent ces codes qu'ils ne transmettent à personne.  À tout événement, le Tribunal d'arbitrage refuse de retarder le début de l'audience.  Ce sur quoi le procureur de l'entrepreneur quitte la salle d'audience.

 

[10]         À 9:45 heures, voyant que le procureur de l'entrepreneur refusait toujours de se présenter, l'arbitre est allé à sa rencontre accompagné de l'un des procureurs des bénéficiaires.  Le procureur était en conversation avec son client.  L'arbitre l'a sommé de se présenter immédiatement en salle d'audience.  Celui-ci refuse, tergiverse et prétend que son client doit être entendu ce même matin devant la Cour supérieure dans un autre dossier et qu'il souhaite la présence de celui-ci devant l'arbitre pour le faire témoigner, sans offrir quelque détail que ce soit sur cette prétendue audience devant la Cour supérieure.

 

[11]         Le procureur est alors informé que l'audience débutera avec ou sans la présence du procureur de l'entrepreneur, ce dernier choisissant de ne pas être présent.

 

[12]         Le procureur de l'entrepreneur décide alors de réintégrer la salle d'audience et, invité à présenter son plaidoyer sur la question posée, il demande une nouvelle fois au Tribunal d'arbitrage de suspendre l'audience.  Il affirme alors que le Tribunal d'arbitrage n'a pas la compétence de suspendre les procédures d'arbitrage ou de rejeter les demandes d'arbitrage au seul motif du refus de l'entrepreneur de verser les provisions pour frais demandées.

 

[13]         Le procureur va même jusqu'à affirmer qu'une entente est intervenue la veille à 15:10 heures avec soréconi et que si l'arbitre persiste à vouloir continuer cette audience, alors il demandera la récusation de l'arbitre.  L'arbitre informe alors le procureur qu'il a été informé par un représentant de soréconi, ce jour même, avant le début de l'audience, qu'aucune provision n'a été reçue.  Et, devant l'intention manifestée par le Tribunal d'arbitrage de procéder, le procureur de l'entrepreneur demande la récusation de l'arbitre au motif de son manque d'indépendance et de partialité à l'encontre de l'entrepreneur, sans étayer d'avantage sa requête.

 

[14]         Malgré l'article 942.3 C.p.c. qui édicte que "la partie qui propose la récusation expose par écrit ses motifs... dans les 15 jours de la date où elle a eu connaissance... d'une cause de récusation", ou l'article 236 (2) C.p.c. qui dicte que "la partie qui connaît une cause de récusation contre le juge doit de même la déclarer sans délai par un écrit versé au dossier", le Tribunal d'arbitrage n'a pas tenu rigueur au procureur de ne pas s'être conformé aux prescriptions de ces articles, pour le motif de ne pas vouloir encore une fois retarder la tenue de l'arbitrage.  La question est prise en considération illico.

 

[15]         Les motifs de la décision du Tribunal d'arbitrage prononcée sur le champ sont les suivants.

 

[16]         Alors qu'il n'est pas fréquent qu'un tribunal de droit commun s'occupe de la gestion des dossiers, sauf dans quelques districts judiciaires, la pratique est par contre courante lorsqu'il s'agit d'arbitrage, qu'il s'agisse d'arbitrage ad hoc, d'arbitrage institutionnel ou même d'arbitrage en vertu du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (Règlement).  L'arbitre chargé d'un dossier en fait la gestion et l'administration dès le début de sa nomination et jusqu'à son terme.  C'est lui qui s'assure que le dossier est complet et en état d'être entendu ; c'est lui qui voit au déroulement de l'instance, qui fixe les délais et qui en assure le respect ; c'est lui qui convoque les parties aux audiences, etc.  L'arbitre agit aussi comme greffe.  Il arrive à l'occasion qu'il doive imposer la discipline des intervenants à une instance.  Et ce n'est pas parce qu'il doit prendre des décisions sur des questions de gestion ou d'administration ou de discipline ; et ce n'est pas parce que, lorsqu'il doit prendre une telle décision, l'arbitre donne raison à une partie plutôt qu'à une autre qu'il fait preuve d'inimitié entre lui et l'une des parties, qu'il démontre quelqu'intérêt à favoriser l'une des parties au détriment d'une autre ou qu'il perd pour autant toute indépendance ou qu'il fait montre de partialité.

 

[17]         En l'occurrence, en prenant les décisions dont il est question aux paragraphes précédents relativement à la bonne gestion et à la saine administration du dossier et en refusant de permettre de retarder indûment le déroulement de cette instance, l'arbitre est d'opinion qu'il ne fait preuve d'aucune inimitié entre lui et l'une des parties ; qu'il ne démontre aucun intérêt à favoriser l'une des parties au détriment d'une autre ; qu'il ne perd pas pour autant toute indépendance ou qu'il fait montre de partialité.

 

[18]         De même, l'arbitre doit s'assurer du paiement de ses honoraires.  Encore une fois, au risque de paraître redondant, qu'il s'agisse d'arbitrage ad hoc, d'arbitrage institutionnel ou même d'arbitrage en vertu du Règlement, c'est à l'arbitre qu'incombe cette responsabilité et, pour le faire, il doit exiger le paiement de provisions pour frais.  À cet égard, il traite directement avec les parties à l'arbitrage lorsqu'il s'agit d'arbitrage ad hoc ou, s'il s'agit d'un arbitrage institutionnel ou d'un arbitrage en vertu du Règlement il tient l'organisme d'arbitrage informé de l'évolution du dossier et de l'estimation des frais totaux d'arbitrage pour que ce dernier organisme voit à demander les provisions suffisantes.

 

[19]         Ce faisant, l'arbitre ne perd pas pour autant son indépendance.  Tout au contraire, cette indépendance de l'arbitre se manifeste par la gestion du paiement de ses honoraires.  C'est ainsi qu'il assure son indépendance et sa sérénité et qu'il projette à toutes les parties à l'arbitrage une image d'indépendance.

 

[20]         Les arbitres sont des juges privés qui doivent être rémunérés pour leurs services par les parties, contrairement au tribunaux de droit commun où les juges sont rémunérés par l'État et, comme l'indique l'Honorable Danielle Grenier, j.c.s., dans l'affaire Long C. Huynh c. Ting Telecom et al.[1], "l'encadrement des questions relatives au coût de l'arbitrage a pour but d'éviter que ces questions ne viennent perturber le déroulement du processus d'adjudication."

 

[21]         En conséquence, le Tribunal d'arbitrage rejette la requête en récusation séance tenante et ordonne au procureur de l'entrepreneur de débuter ses représentations.

 

[22]         Le procureur de l'entrepreneur choisit de quitter à nouveau la salle d'audience.

 

[23]         L'arbitre invite alors les procureurs des bénéficiaires et le procureur de l'administrateur de la garantie à présenter au Tribunal d'arbitrage leurs opinions sur la question posée.

 

[24]         Mais avant de passer à cette étape, le Tribunal d'arbitrage croît opportun de terminer le récit des agissements du procureur de l'entrepreneur.

 

[25]         Le procureur de l'entrepreneur réintègre à nouveau la salle d'audience pendant que les procureurs des bénéficiaires et de l'administrateur de la garantie présentent leurs plaidoyers sur la question posée.

 

[26]         Après les représentations des procureurs des bénéficiaires et de l'administrateur de la garantie, l'arbitre invite à nouveau le procureur de l'entrepreneur à faire ses représentations sur la question posée.  Pendant le plaidoyer de ce dernier, la quiétude de la salle d'audience est perturbée par la vibration de son BlackBerry que le procureur avait laissé sur sa table.  Me Marcotte s'interrompt alors, lit la messagerie-texte transmise et décide de poursuivre ses représentations.  Enjoint par le Tribunal d'arbitrage d'éteindre son appareil dans la salle d'audience, ce dernier s'obstine et refuse effrontément et avec arrogance disant qu'il attend un message important concernant l'obligation de son client de se présenter devant la Cour supérieure.  Peu de temps après, un associé du bureau de Me Marcotte, Me Jean Carol Boucher, fait son entrée dans la salle d'audience, suivi de Alain Ménard, le président de l'entrepreneur qui, la suite de l'audience le démontre, n'a visiblement plus à comparaître devant un tribunal de la Cour supérieure puisqu'il demeure jusqu'à la fin de l'audience.

 

[27]         Me Jean C. Boucher demande la permission de s'adresser au Tribunal d'arbitrage.

 

[28]         Il informe le Tribunal d'arbitrage qu'il connaît le litige relatif aux demandes de provisions pour frais par soréconi actuellement devant ce Tribunal d'arbitrage et souligne qu'il s'agit d'une question sérieuse et de beaucoup d'importance pour laquelle la Loi sur le bâtiment et le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sont silencieux.  C'est pourquoi l'entrepreneur a décidé de présenter une requête en jugement déclaratoire sur cette question à la Cour supérieure.  La requête sera signifiée cet après-midi, affirme-t-il.  Il produit une copie de cette requête en jugement déclaratoire devant le Tribunal d'arbitrage.

 

[29]         Me Jean C. Boucher demande alors au Tribunal d'arbitrage de suspendre les procédures d'arbitrage et de donner suite à la tradition que lorsque informé d'une requête en appel d'une décision un tribunal accepte de suspendre l'instance le temps d'obtenir une réponse qui réglera cette question.

 

[30]         En l'espèce, ce Tribunal d'arbitrage, ne s'étant pas encore prononcé sur « la question posée » et jugeant la demande prématurée, est d'opinion de rejeter la nouvelle requête des procureurs de l'entrepreneur de suspendre les procédures d'arbitrage.

 

[31]         Me Jean C. Boucher revient alors à la charge en demandant au Tribunal d'arbitrage l'assurance qu'il ne se prononcera pas sur la question posée jusqu'au prononcé de la décision sur la requête en jugement déclaratoire.

 

[32]         À cet égard, les procureurs des bénéficiaires représentent que les règles du Code de procédure civile prévoient que ce type de requête, la requête pour jugement déclaratoire, n'a pas pour effet d'imposer la suspension des procédures d'arbitrage ; que la requête en jugement déclaratoire n'est pas de la nature d'une injonction mais plutôt de la nature d'une requête introductive d'instance qui est soumise à la règle des 180 jours pour l'inscription, qu'elle n'offre pas une maîtrise suffisante des délais et qu'en plus elle est sujette à appel ; qu'encore une fois, les faits contredisent les paroles des procureurs de l'entrepreneur et que cette requête en jugement déclaratoire est une nouvelle manœuvre dilatoire puisque alors qu'ils connaissent l'intention du Tribunal d'arbitrage de se prononcer sur la question posée depuis le 28 novembre 2006, la requête n'est même pas encore signifiée, aujourd'hui ; alors que certains bénéficiaires attendent depuis près de 4 ans pour que soit réglé ce litige, il faudra attendre encore entre 6 mois et 2 ans avant de pouvoir continuer les procédures d'arbitrage, ce qui va à l'encontre de l'esprit de l'arbitrage qui se veut une procédure de règlement des litiges qui soit plus rapide que devant les tribunaux de droit commun.  Les procureurs invitent le Tribunal d'arbitrage à rejeter la requête des procureurs de l'entrepreneur de ne pas se prononcer sur la question posée et d'attendre le prononcé de la décision sur la requête en jugement déclaratoire.

 

[33]         S'appuyant sur les règles du Code de procédure civile qui gouvernent la tenue d'un arbitrage le Tribunal d'arbitrage est d'opinion de rejeter cette demande.

 

[34]         L'audience se poursuit alors sur la question principale alors que le procureur de l'entrepreneur termine ses représentations.

 

[35]         Mais revenons au début de ces représentations sur la question posée.  Les procureurs des bénéficiaires émettent les opinions qui suivent.

 

[36]         Dans cette affaire, représentent-ils, les délais ont été démesurément étirés ce qui cause de graves préjudices aux bénéficiaires qui attendent depuis bientôt quatre ans le dénouement de cette mésaventure.  Suspendre les procédures d'arbitrage pendant une période indéterminée pour attendre que l'entrepreneur verse les provisions pour frais demandées aura des conséquences dramatiques ; et la situation faite aux bénéficiaires est injuste, sinon inéquitable.

 

[37]         La demande de soréconi à l'entrepreneur de déposer des provisions pour frais n'est pas un compte.  Il s'agit d'une procédure habituelle et l'entrepreneur n'a pas de motif de refuser une telle demande.  La grille de tarification, même si elle n'était pas en vigueur lors du dépôt des demandes d'arbitrage, confirme un état de fait préexistant et l'entrepreneur est lié par le Règlement.

 

[38]         La Plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs est un système de justice que le législateur a choisi de privatiser, de ne pas subventionner, contrairement à l'accès aux tribunaux de droit commun, et d'obliger les utilisateurs à en défrayer entièrement les coûts.  Le législateur a aussi décidé que tout entrepreneur qui souhaite œuvrer dans le domaine du bâtiment résidentiel neuf doit offrir une garantie et pour cela adhérer au Plan de garantie.  Le Règlement traite de l'arbitrage et le paragraphe 19° de l'annexe II traite des frais et des avances à payer.  En conséquence, celui qui refuse d'en acquitter sa part doit s'en voir refuser l'accès.  Le Règlement oblige l'entrepreneur, dans les cas comme celui en l'instance où il est le demandeur en arbitrage, à défrayer 50 % des frais de l'arbitrage.  Or, en l'espèce, des frais ont déjà été encourus, et l'entrepreneur a déjà refusé d'acquitter sa part de la première facture de l'arbitre.  Les demandes d'arbitrage doivent donc être rejetées avec frais ou déclarées désertées.  Car l'étirement des délais causera aux bénéficiaires du Plan de garantie un préjudice plus grave que celui que le versement de provisions pour frais peut causer à l'entrepreneur.

 

[39]         Pour le procureur de l'administrateur de la garantie, la présente situation ne peut durer.  L'administrateur de la garantie reconnaît le pouvoir d'un organisme d'arbitrage de demander des provisions pour frais.  Et, en l'instance, alors qu'il est prévu que l'enquête et l'audition dureront 17 jours, cette demande est des plus raisonnables.  La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. a d'ailleurs payé sa part des provisions pour frais demandées.

 

[40]         Mais, continue le procureur de l'administrateur, le litige entourant toute cette demande de provisions pour frais est un litige qui est extérieur au véritable débat qui doit être tenu par cet arbitrage et de suspendre indéfiniment les procédures d'arbitrage aura pour effet de causer de graves préjudices aux bénéficiaires.  C'est pourquoi l'administrateur de la garantie est d'opinion que le plus raisonnable est que l'audience sur le mérite débute immédiatement, quelqu'en soient les conséquences.

 

[41]         Pour le procureur de l'entrepreneur, soréconi n'a pas le droit de demander de provisions pour frais et l'entrepreneur ne veut pas payer ce qui n'est pas dû.  C'est pourquoi, dans le but de ne pas retarder indûment la procédure d'arbitrage, il tente de s'entendre avec soréconi pour raccourcir les délais mais, dans l'intérim, il est d'opinion que l'arbitrage doit débuter immédiatement.

 

[42]         L'entrepreneur, affirme son procureur, a adhéré au Plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs et s'est obligé à en respecter les prescriptions.  Il s'est en conséquence engagé "à verser les frais exigibles" comme l'exige le paragraphe 19° de l'annexe II du Règlement.  Or il n'y est pas question d'avances ou de provisions pour frais et en conséquence soréconi n'est pas fondée à en demander ; d'où la contestation de l'entrepreneur.  De même, l'article 224 de la Loi sur les Tribunaux judiciaires prévoit l'obligation de versements préalables à la prestation de services lorsqu'un tarif est fixé par le gouvernement.  En l'espèce, prétend l'entrepreneur le tarif n'est pas fixé par le gouvernement.

 

[43]         Et, malgré que le paragraphe 4 de l'article 83.1 de la Loi sur le bâtiment traite de "grille de tarification des coûts d'arbitrage approuvée par la Régie [du bâtiment] et portant sur les frais d'arbitrage, y compris les frais engagés par cet organisme et les coûts de ses services, les honoraires des arbitres et les provisions pour frais", les demandes d'arbitrage ont été déposées le 19 janvier 2006 alors que la grille de tarification n'est en vigueur que depuis le 1er mars 2006.  Elle ne s'applique donc pas car elle est postérieure au dépôt des demandes d'arbitrage.  En effet, prétend l'entrepreneur, si au moment du dépôt des demandes d'arbitrage la provision pour frais n'était pas prévue, on ne peut en demander par la suite.  L'obligation n'existant pas au moment du dépôt des demandes d'arbitrage, on ne peut par la suite demander de telles provisions et dans le cas contraire, le refus de se conformer à une telle demande ne peut être considéré comme une désertion de la demande d'arbitrage.

 

[44]         Rappelons-le, le débat soulevé par la question posée ayant trait à la désertion ou au désistement des demandes d'arbitrage par l'entrepreneur, et la demande de suspension des procédures d'arbitrage et la demande de rejet des demandes d'arbitrage ont tous la même origine : la demande de provisions pour frais par soréconi et sa conséquence la plus immédiate : l'étirement des procédures d'arbitrage.

 

[45]         Et deux questions ressortent de ce débat : 1) un organisme d'arbitrage est-il fondé à demander des provisions pour frais ? et 2) le cas échéant, un entrepreneur est-il tenu de verser les provisions pour frais exigées par un organisme d'arbitrage ?

 

[46]         Pour répondre à ces questions, le Tribunal d'arbitrage estime important, pour une meilleure compréhension, de citer les textes de Loi qui s'y rapportent.

 

[47]         L'article 83.1 de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) édicte que :

 

"83.1.  Seul un organisme qui rencontre les critères suivants peut être autorisé par la Régie à administrer l'arbitrage de différends découlant des plans de garanties :

 

 1°  il est voué exclusivement à l'arbitrage de différends ;

 

 2°  il établit une liste d'arbitres dont la probité est éprouvée et qui satisfont aux conditions déterminées par règlement de la Régie ;

 

 3°  il applique une procédure d'arbitrage qui comporte, entre autres, les règles arbitrales édictées par règlement de la Régie ;

 

 4°  il prescrit une grille de tarification des coûts d'arbitrage approuvée par la Régie et portant sur les frais d'arbitrage, y compris les frais engagés par cet organisme et le coût de ses services, les honoraires des arbitres et les provisions pour frais ;

 

 5° il rencontre toute autre condition fixée par règlement de la Régie."

(Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).

 

[48]         L'article 123 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.2) détermine la répartition des coûts de l'arbitrage :

 

"123.  Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

Seul l'organisme d'arbitrage est habilité à dresser le compte des coûts de l'arbitrage en vue de leur paiement."

(Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).

 

[49]         Tandis que l'annexe II du même Règlement, et en particulier le paragraphe 19°, énumère les obligations auxquelles doit s'engager un entrepreneur pour obtenir son adhésion au Plan de garantie et ainsi être autorisé à agir comme "entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs" (art. 6) :

 

"ANNEXE  II

(a. 78)

LISTE DES ENGAGEMENTS DE L'ENTREPRENEUR

 

L'entrepreneur s'engage :

...

19°  à verser les frais exigibles pour son adhésion au plan ou son renouvellement, ceux pour chaque inspection requise par l'administrateur, le cas échéant, et les coûts exigibles pour l'arbitrage."

(Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).

 

[50]         Sur la première question, quant à savoir si un organisme d'arbitrage est fondé à demander des provisions pour frais.

 

[51]         Contrairement aux affirmations des procureurs de l'entrepreneur, que l'on retrouve plus haut, à l'effet que la Loi sur le bâtiment et le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sont silencieux à l'égard de la demande de provisions pour frais, le seul énoncé des textes de la Loi et du Règlement précités suffit à les contrer.

 

[52]         Maintenant.  Si, au nombre des critères que doit rencontrer un organisme d'arbitrage pour être autorisé à administrer l'arbitrage de différends découlant des plans de garanties, se trouve celui de devoir prescrire une grille de tarification des coûts d'arbitrage portant sur les frais d'arbitrage, les honoraires des arbitres et les provisions pour frais, n'est-ce pas parce que le législateur l'autorise à exiger des provisions pour frais ?  Poser la question c'est y répondre.

 

[53]         Citant ensuite l'article 224 de la Loi sur les Tribunaux judiciaires (L.R.Q. c. T-16) qui dicte :

 

"Tarif des frais et des droits.

 

224.  Sauf en matière pénale, le gouvernement fixe le tarif des frais judiciaires et des droits de greffe des tribunaux....

 

Versement préalable.

 

Lorsqu'un tarif établi conformément au premier alinéa prescrit que des frais judiciaires ou des droits de greffe doivent être versés pour la production ou la délivrance d'un acte de procédure judiciaire ou d'un autre document ou pour la prestation d'un service, cet acte de procédure ou ce document ne peut être produit au tribunal ou à un officier de justice ou délivré par celui-ci et ce service ne peut être rendu à moins que ces frais ou droits ne soient versés."

 

le procureur de l'entrepreneur indique que l'article prévoit l'obligation de versement préalable à la prestation de services lorsqu'un tarif est fixé par le gouvernement.  Or, prétend l'entrepreneur, dans le cas qui nous occupe, la grille de tarification n'est pas fixé par le gouvernement.

 

[54]         Mais il suffit de lire la Loi sur le bâtiment, notamment l'article 88 qui décrète que "la Régie [du bâtiment du Québec] est une personne morale, mandataire de l'État" et les articles 78, 110, 111 et 185 concernant les pouvoirs de la Régie et la délégation des pouvoirs de l'État à la Régie et savoir que la grille de tarification pour l'arbitrage est adoptée par la Régie pour reconnaître que la grille de tarification est fixée par l'État.

 

[55]         C'est donc en s'appuyant sur les textes des Lois et du Règlement précités que soréconi a adressé une demande de versement de provisions pour frais à l'entrepreneur et à l'administrateur de la garantie.  Car l'organisme d'arbitrage qui mandate l'arbitre est responsable de s'assurer de la disponibilité des fonds requis pour garantir le paiement des coûts de l'arbitrage, c'est à dire des honoraires et déboursés de l'arbitre et des frais d'arbitrage qui comprennent les frais engagés par l'organisme d'arbitrage et le coût de ses services.

 

[56]         C'est aussi en s'appuyant sur les mêmes textes que soréconi indiquait, dans sa lettre précitée du 30 octobre 2006, devant le refus, l'omission ou la négligence de l'entrepreneur à verser les provisions pour frais demandées, qu'elle devait s'assurer de la disponibilité des fonds requis pour rendre la procédure d'arbitrage à terme.

 

[57]         Qu'à cela ne tienne de rétorquer le procureur de l'entrepreneur.  Malgré le paragraphe 4° de l'article 83.1 de la Loi sur le bâtiment qui traite de "grille de tarification des coûts d'arbitrage approuvée par la Régie [du bâtiment] et portant sur les frais d'arbitrage, y compris les frais engagés par cet organisme et les coûts de ses services, les honoraires des arbitres et les provisions pour frais", et malgré l'exigence du paragraphe 19° de l'annexe II du Règlement faite à l'entrepreneur de "verser les frais exigibles", les demandes d'arbitrage ont été déposées le 19 janvier 2006 alors que la grille de tarification n'est en vigueur que depuis le 1er mars 2006.  Elle ne s'applique donc pas car elle est postérieure au dépôt des demandes d'arbitrage.  En effet, prétend l'entrepreneur, si au moment du dépôt des demandes d'arbitrage la provision pour frais n'était pas prévue, on ne peut en demander par la suite.  L'obligation n'existant pas au moment du dépôt des demandes d'arbitrage, on ne peut par la suite demander de telles provisions et dans le cas contraire, le refus de se conformer à une telle demande ne peut être considéré comme une désertion de la demande d'arbitrage.

 

[58]         La première partie du discours du procureur de l'entrepreneur laisse planer l'impression qu'il n'y avait pas de grille de tarification avant le 1er mars 2006 et que l'exigence de versement de provisions pour frais n'avait pas cours.  Bien au contraire.  Il est de la connaissance judiciaire de ce Tribunal d'arbitrage que chacun des organismes d'arbitrage affichait une grille de tarification distincte.  La grille du 1er mars a uniformisé la tarification pour les frais d'arbitrage entre tous les organismes d'arbitrage.  De même, elle a uniformisé un état de faits préexistant concernant les demandes de provisions pour frais alors que chaque organisme d'arbitrage utilisait sa procédure et ses critères lorsqu'il s'agissait d'exiger le versement de provisions pour frais, que ce soit dans les cas où le demandeur est le bénéficiaire ou dans les cas où le demandeur est l'entrepreneur.  Cet état de faits, nous l'avons vu plus haut, origine de la responsabilité qui incombe à l'arbitre puis à l'organisme d'arbitrage de s'assurer du paiement de ses honoraires avant de prendre fait et cause et de débuter les procédures d'arbitrage.  Et, finalement, est-il utile de le rappeler, les grilles de tarification propres à chaque organisme d'arbitrage avant celle du 1er mars 2006 étaient aussi approuvées par la Régie du bâtiment du Québec.

 

[59]         Ceci étant dit, il devient inutile de traiter de la seconde partie du discours du procureur de l'entrepreneur, alors qu'il aborde la question de l'application rétroactive de la grille tarifaire.

 

[60]         Sur la deuxième question, quant à savoir si un entrepreneur est tenu de verser les provisions pour frais exigées par un organisme d'arbitrage.

 

[61]         L'entrepreneur, affirme son procureur, a adhéré au Plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs et s'est obligé à en respecter les prescriptions.  Il s'est en conséquence engagé "à verser les frais exigibles" comme l'exige le paragraphe 19° de l'annexe II du Règlement.  Cependant, l'entrepreneur ne veut pas payer ce qui n'est pas dû.  Il accepte de payer les frais qui sont exigibles mais non les provisions pour frais.  Il n'oppose pas un refus de payer.  Il désire seulement pouvoir contester les comptes de l'arbitre.

 

[62]         Il ressort de ce qui précède que le procureur de l'entrepreneur confond les notions d'obligation de payer et d'exigibilité.

 

[63]         La demande de soréconi à l'entrepreneur de verser des provisions pour frais n'est pas un compte.  Il s'agit d'une procédure habituelle, nous l'avons vu, par laquelle l'organisme d'arbitrage assure le paiement de ses honoraires et de ceux de l'arbitre ; et l'entrepreneur, lié par son engagement, n'a pas de motif de refuser une telle demande.

 

[64]         Encore une fois, nous l'avons vu, le Règlement est un système d'accès à la justice que le législateur a choisi de privatiser et de mettre à contribution les usagers.  Le Règlement oblige l'entrepreneur, dans les cas comme celui en l'instance où il est le demandeur en arbitrage, à défrayer 50 % des frais de l'arbitrage.  En conséquence, celui qui refuse d'en acquitter sa part doit s'en voir refuser l'accès.

 

[65]         Verser des provisions pour frais n'est pas payer un compte.  C'est constituer un montant pour garantir un paiement.

 

[66]         Comme l'indique si bien l'Honorable juge Grenier dans l'affaire Long C. Huynh c. Ting Telecom et al. précitée : "les questions de rémunération des arbitres n'ont rien de commun avec celles des tribunaux judiciaires.  Les arbitres sont des juges privés.  Il est normal que [l'organisme d'arbitrage] désire s'assurer du paiement complet des honoraires de l'arbitre ainsi que celui de ses propres frais"[2] avant d'autoriser le début des procédures d'arbitrage ou encore la poursuite de ces procédures.

 

[67]           Si l'entrepreneur désire contester un éventuel compte, il doit faire comme l'indique l'Honorable juge Grenier dans l'affaire Long C. Huynh c. Ting Telecom et al. précitée : "si les intimés estiment que le compte d'honoraires de l'arbitre est trop élevé, ils peuvent toujours le contester en empruntant la voie judiciaire et non en refusant de l'acquitter."[3]

 

[68]         À cet égard, pour éviter à tout éventuel contestataire d'avoir à ester en justice, les organismes d'arbitrage se sont dotés de règles pour la conciliation des comptes et il est loisible à quiconque désire s'en prévaloir de le faire.  Mais cette procédure impose des étapes à suivre : d'abord verser les provisions pour frais exigées et, le moment venu, contester le compte.  L'inverse, c'est-à-dire contester puis éventuellement payer est inacceptable.

 

[69]         Car agir autrement c'est mettre en péril la sérénité et l'indépendance de l'arbitre et l'image d'indépendance qu'il doit projeter aux autres parties à l'arbitrage.

 

[70]         Et, en l'instance, alors qu'il est prévu que l'enquête et l'audition dureront 17 jours, la demande de versement de provisions pour frais est des plus raisonnables.

 

[71]         D'autant plus que l'attitude de l'entrepreneur à cet égard n'est pas sérieuse et que son argumentation n'est pas crédible.  En effet, le premier compte de l'arbitre date du 19 juillet 2006 et en aucun moment l'entrepreneur n'a réagi à ce compte.  Il n'a jamais indiqué quelque intention de contester le compte, qu'il n'a pas encore payé, avant l'envoi du deuxième compte de l'organisme d'arbitrage, le 12 décembre 2006, qui a été précédé d'une demande de provisions pour frais alors que le temps prévu pour l'enquête et l'audition avait été estimé par les procureurs ad litem et que l'arbitre pouvait ainsi estimer les coûts de l'arbitrage.

 

[72]         De ce qui précède, le Tribunal d'arbitrage tire l'opinion qu'un organisme d'arbitrage est autorisé et bien fondée à exiger de quelque partie à un arbitrage qu'elle lui verse en fidéicommis la partie du montant estimé des coûts de l'arbitrage.  Et, suivant l'évolution du dossier, comme l'évaluation des coûts peut être révisée, ainsi en va-t-il de la demande de versement de provisions pour frais.

 

[73]         De ce qui précède, le Tribunal d'arbitrage tire également l'opinion qu'un entrepreneur, lorsqu'il est le demandeur en arbitrage, est tenu de verser les provisions pour frais exigées par un organisme d'arbitrage.

 

[74]         Le Tribunal d'arbitrage est aussi d'opinion que l'arbitre n'aurait jamais dû être saisi du dossier en l'instance avant qu'une demande de provisions pour frais ne soit adressée à l'entrepreneur et à l'administrateur de la garantie et que ces provisions ne soient versées à l'organisme d'arbitrage par les parties en question.

 

[75]         Mais les procédures d'arbitrage ont déjà débuté en l'instance, contrairement aux règles d'arbitrage adoptées et approuvées ou aux politiques établies.  L'arbitre est déjà saisi du dossier, les procédures d'arbitrage ont débuté depuis au moins le 11 avril 2006 et quelques audiences préliminaires ont déjà été tenues.  Il ne saurait donc être question de suspendre le dossier pour une période indéterminée et d'attendre le bon vouloir de l'entrepreneur de verser les provisions pour frais exigées par l'organisme d'arbitrage et de payer les comptes qui sont dus.

 

[76]         Car, comme l'exprime si bien le procureur de l'administrateur de la garantie, "le litige entourant toute cette question de demande de provisions pour frais est un litige qui est extérieur au véritable débat qui doit être tenu par cet arbitrage et de suspendre indéfiniment les procédures d'arbitrage aura pour effet de causer de graves préjudices aux bénéficiaires.  C'est pourquoi l'administrateur de la garantie est d'opinion que le plus raisonnable est que l'audience sur le mérite débute immédiatement."

 

[77]         D'autant plus que la suspension des débats donnerait le signal aux entrepreneurs qu'ils peuvent contester toute décision de l'administrateur de la garantie pour ensuite faire défaut de payer les provisions pour frais d'arbitrage et ainsi éviter d'avoir à payer les sommes d'argent réclamées par les bénéficiaires du plan de garantie.

 

[78]         Il en va de la saine administration du Plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs.

 

[79]         Mais il faut trouver le moyen de préserver l'indépendance et la sérénité de l'arbitre et l'image d'indépendance qu'il doit projeter même en cas de défaut de l'entrepreneur de s'acquitter de ses obligations.

 

[80]         Ce moyen se trouve dans le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

[81]         Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur en l'instance en vertu du Règlement est un contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. s'oblige à exécuter les obligations auxquelles l'entrepreneur s'est engagé si celui-ci n'y satisfait pas.  C’est un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement qui impose cette intégralité.

 

[82]         Voici comment s'exprime le législateur sur la question :

 

"6.     Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l'article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l'exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l'article 7 et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire.

...

 

78.    Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit:

...

         3°      signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II;

...

 

ANNEXE  II

(a. 78)

 

LISTE DES ENGAGEMENTS DE L'ENTREPRENEUR

 

L'entrepreneur s'engage:

...

         19°    à verser les frais exigibles pour son adhésion au plan ou son renouvellement, ceux pour chaque inspection requise par l'administrateur, le cas échéant, et les coûts exigibles pour l'arbitrage.

...

 

135.  La signature de l'entrepreneur doit être apposée sur la dernière page des doubles du contrat de garantie à la suite de toutes les stipulations.

 

136.  La signature apposée par l'entrepreneur lie l'administrateur.

...

 

74.    Aux fins du présent règlement et, en l'absence ou à défaut de l'entrepreneur d'intervenir, l'administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé."

 

[83]         Comme il s'agit d'un contrat de cautionnement ouvert, c'est la signature de l'entrepreneur, lors de la conclusion d'un contrat de construction, qui, chaque fois, met en œuvre un nouveau contrat de cautionnement garantissant le respect de toutes les obligations légales et contractuelles prises par l'entrepreneur et énumérés à l'annexe II du Règlement dont celle de verser les coûts exigibles pour l'arbitrage.

 

[84]         La caution est solidaire des obligations de l'entrepreneur.

 

[85]         En l'espèce, les obligations de l'entrepreneur sont doubles : payer sa part des coûts de l'arbitrage et verser les coûts exigibles pour l'arbitrage.

 

[86]         Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :

 

“Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

...”

 

[87]         En l'espèce, l'entrepreneur est le demandeur en arbitrage.

 

[88]         En conséquence, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que la responsabilité du paiement des coûts de l'arbitrage peut d'ores et déjà être déterminée, quel que soit le sort de chacune des demandes d'arbitrage en l'instance.  Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur.

 

[89]         Le Tribunal d'arbitrage estime également raisonnable que les comptes de l'organisme d'arbitrage soient payés dans un délai de 30 jours comme l'est la pratique du commerce en ces matières.

 

[90]         Comme corollaire à ce qui précède, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que tous les montants dus doivent porter intérêt au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue aux articles 1619 et suivants du Code civil du Québec à compter de la date à laquelle ils sont dus.

 

[91]         Enfin, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que les obligations faites à l'administrateur de la garantie aux paragraphes qui précèdent, en cas de défaut de l'entrepreneur de satisfaire à ses obligations, s'appliquent non seulement pour l'avenir mais également à tous les comptes de l'organisme d'arbitrage déjà présentés et à toute demande de versement de provision pour frais déjà faite.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE :

 

 

[92]         rejette toutes les requêtes des procureurs de l'entrepreneur pour suspendre les procédures d'arbitrages.

 

[93]         rejette la requête des procureurs de l'entrepreneur faite au Tribunal d'arbitrage de ne pas se prononcer sur la question posée et d'attendre le prononcé de la décision sur la requête en jugement déclaratoire.

 

[94]         rejette la requête du procureur de l'entrepreneur en récusation de l'arbitre.

 

[95]         déclare qu'un organisme d'arbitrage est autorisé et bien fondée à exiger de quelque partie à un arbitrage qu'elle lui verse en fidéicommis sa partie du montant estimé des coûts de l'arbitrage.  Et que, suivant l'évolution du dossier, comme l'évaluation des coûts peut être révisée, qu'il en va ainsi de la demande de versement de provisions pour frais.

 

[96]         déclare qu'un entrepreneur, lorsqu'il est le demandeur en arbitrage, est tenu de verser les provisions pour frais exigées par un organisme d'arbitrage.

 

[97]         déclare qu'étant donné que les procédures d'arbitrage ont déjà débuté et que l'arbitre est déjà saisi du dossier et que quelques audiences préliminaires ont déjà été tenues, il ne saurait être question de suspendre le dossier pour une période indéterminée et d'attendre le bon vouloir de l'entrepreneur de verser les provisions pour frais exigées par l'organisme d'arbitrage et de payer les comptes qui sont dus.

 

[98]         condamne l'entrepreneur, 3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction), à payer 50 % des coûts de l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'un compte par l'organisme d'arbitrage, ces comptes portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue aux articles 1619 et suivants du Code civil du Québec à compter de la date à laquelle ils sont dus.

 

[99]         condamne l'administrateur de la garantie, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., à payer 50 % des coûts de l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'un compte par l'organisme d'arbitrage, ces comptes portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue aux articles 1619 et suivants du Code civil du Québec à compter de la date à laquelle ils sont dus.

 

[100]    condamne l'administrateur de la garantie, à défaut par l'entrepreneur de payer sa part des coûts de l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'un compte par l'organisme d'arbitrage, à payer pour et à l'acquit de l'entrepreneur tous les montants dus, ces montants portant intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue aux articles 1619 et suivants du Code civil du Québec à compter de la date à laquelle ils sont dus.

 

[101]    condamne l'entrepreneur, 3984583 Canada Inc. (Jobiko Construction), à verser 50 % des coûts exigibles pour l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'une demande de versement de provisions pour frais exigées par l'organisme d'arbitrage.

 

[102]    condamne l'administrateur de la garantie, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., à verser 50 % des coûts exigibles pour l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'une demande de versement de provisions pour frais exigées par l'organisme d'arbitrage.

 

[103]    condamne l'administrateur de la garantie, à défaut par l'entrepreneur de verser sa part des coûts exigibles pour l'arbitrage dans les 30 jours de la présentation d'une demande de versement de provisions pour frais exigées par l'organisme d'arbitrage, à verser pour et à l'acquit de l'entrepreneur tous les montants exigés.

 

[104]    déclare que les obligations faites à l'administrateur de la garantie en cas de défaut de l'entrepreneur de satisfaire à ses obligations, s'appliquent non seulement pour l'avenir mais également à tous les comptes de l'organisme d'arbitrage déjà présentés et à toute demande de versement de provision pour frais déjà faite.

 

 

(S) Robert Masson

Me Robert MASSON, ing., arb.

 

Procureurs des bénéficiaires :

- Me Martin Binet, avocat

- Me Lucien G. Boucher, Mes Boucher & Brochu, avocats

- Me Benoît Duclos, Legault, Roy, s.e.n.c., avocats

 

Procureur de l'entrepreneur :

Me Sylvain Marcotte, Boucher et Associés, avocats

 

Procureur de l'administrateur de la garantie :

Me François Laplante, Savoie Fournier, avocats

 

Dates de l'audience : 14 décembre 2006



[1]     AZ-98021646 (CS), p.8.

[2]     Ibid., page 8.

[3]     Ibid., page 9.