ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : GILLES DOMAINE & JEAN-CLAUDE BELLERIVE;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : CONSTRUCTION ROBERT GARCEAU INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S13-091201-NP
Décision
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Me Pierre Soucy
Pour l’Entrepreneur : Me Constant Goulet
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date de la sentence : 18 juillet 2014
Identification complètes des parties
Bénéficiaire : Monsieur Gilles Domaine
Monsieur Jean-Claude Bellerive
[...]
Shawinigan (Québec) [...]
Et son procureur :
Me Pierre Soucy
Lambert Therrien avocats
473, rue Radisson, C.P. 1900
Trois-Rivières (Québec) G9A 5M6
Entrepreneur: Construction Robert Garceau Inc.
420, 110ième avenue
Shawinigan (Québec) G9T 6N5
Et son procureur :
Me Constant Goulet
Goulet & Charbonneau
692, 5e Rue
Shawinigan (Québec) G9N 1E9
Administrateur : La Garantie Qualité Habitation
9200, boul. Métropolitain Est
Montrél (Québec) H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier Godin
Plumitif
12.09.2013 Réception de la demande d’arbitrage du procureur des Bénéficiaires au CCAC
12.09.2013 Nomination du soussigné et réception du mandat par le CCAC
17.09.2013 Réception d’une correspondance et cahier de pièces de l’Administrateur
20.09.2013 Transmission d’une correspondance recherchant disponibilités pour fixer un appel conférence préparatoire
24.09.2013 Transmission de la confirmation de la date et heure pour l’appel conférence préparatoire
04.10.2013 Appel conférence préparatoire et transmission du procès-verbal d’appel conférence et conférence de gestion
10.12.2013 Transmission d’une correspondance confirmant la tenue de l’audience pour le 19 décembre 2013
11.12.2013 Réception d’une correspondance de la part du procureur des Bénéficiaires demandant la remise de l’audience
12.12.2013 Transmission d’une correspondance confirmant le report de l’audience
21.01.2014 Transmission d’une correspondance recherchant disponibilités pour fixer l’enquête et audition
23.01.2014 Transmission d’une correspondance recherchant disponibilités pour fixer un appel conférence préparatoire
18.02.2014 Transmission de la confirmation de la date et heure pour l’appel conférence préparatoire
31.03.2014 Transmission pour reporter l’appel conférence préparatoire et recherche de disponibilités pour refixer cet appel conférence préparatoire
01.04.2014 Transmission de la confirmation de la date et heure pour l’appel conférence préparatoire
23.04.2014 Appel conférence préparatoire et transmission du procès-verbal d’appel conférence et conférence de gestion
24.04.2014 Transmission d’une correspondance confirmant la tenue de l’audience pour le 10 et 11 juin 2014 au Palais de Justice de Shawinigan
10.06.2014 Audition sur le moyen préliminaire en salle 2.04 du Palais de justice de Shawinigan
Décision
Admission
[1] Il s'agit d'un bâtiment résidentiel aussi connu et identifié comme le 1961-63-65-67, 18e avenue Shawinigan;
[2] La réclamation écrite des Bénéficiaires, source de la décision de l’Administrateur, fut transmise et reçu par ce dernier le ou vers le 24 mai 2013 et une visite-inspection des lieux eu lieu le 3 juillet suivant;
[2.1] la valeur en litige est de 5 000$ à 25 000$;
[3] Il n'y a pas d'admission quant à la date de réception du bâtiment et/ou des unités qui le compose;
Juridiction
[4] Il n'y a pas d'objection préliminaire quant à la formation ou constitution du présent Tribunal, la juridiction est donc acquise, l'enquête et audition débute le 10 juin 2014 en salle 2.04 du palais de justice de Shawinigan (à 9h30 AM);
Question en litige
[5] L'administrateur se refuse de donner suite au(x) demande(s) des bénéficiaires puisque;
[5.1] Selon l'Administrateur, les Bénéficiaires ont pris connaissance d'une situation au plus tôt en fin octobre, début novembre 2007, au plus tard au «printemps» 2008 et non pas fait de réclamation écrite à l’Administrateur avant le 24 mai 2013. Conséquemment, il se serait passé un délai de plus de six (6) mois entre la découverte de la situation et la dénonciation;
[5.2] Sous réserve de l’objection ci-haut prévue à [5.1], il y a débat quant à la date effective de réception du bâtiment, l'Administrateur suggère qu'il s'est écoulé plus de cinq ans entre la réception (du bâtiment) et la prise de connaissance de la situation, [un second cas d'exclusion de la garantie (article 10.5 du règlement)];
L’enquête et audition
[6] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici au long tous et chacun des éléments de preuve soulevés par les parties lors de l'enquête, je me limiterai ici à reprendre seul les éléments ginglymes à ma décision. Je me permettrai néanmoins un résumé sommaire des représentations des parties;
Sommaire de la Preuve (et Argumentaire) des Bénéficiaires :
A) Date de réception et date de fin des travaux
[7] Selon les Bénéficiaires, la preuve testimoniale entendue fait état que la date prévue de la fin des travaux n’était pas le 15 octobre 2007 tel que le suggère l’Administrateur mais au plus tôt entre novembre et décembre 2007 au plus tard «quelque part» au printemps 2008;
[8] Selon le Bénéficiaire, M. Domaine (et le représentant de l’Entrepreneur M. Garceau), «les deux loyers du bas», au mois de septembre, au moment de la signature du formulaire de pré-réception, «n’étaient pas encore terminés» (sic);
[9] Le Bénéficiaire «Bellerive», pour sa part, il n’emménage qu’en octobre et ce n’est que par la suite, que fût complété «les loyers de l’étage» (qui n’étaient pas encore terminés);
[10] Toujours selon le Bénéficiaire «Domaine», certains éléments du bâtiment n’ont été complétés qu’en 2008, tel que les balcons et les rampes;
[11] Le procureur des Bénéficiaires nous suggère donc qu’à partir de ces éléments de preuve, c’est le début année 2008 qui dit être utilisé comme période de référence pour la computation du délai prévu à l’art. 10 (5°) du Règlement, et donc «qu’on se situe à l’intérieur du délai de 5 ans de la fin des travaux au moment de la réclamation». (Selon les Bénéficiaires, au moment de la dénonciation à l’Administrateur, la garantie de 5 ans n’est toujours pas expirée);
B) Sur le dépassement du délai de six (6) mois prévu à l’art. 10 (.3, .4 et .5) du Règlement
[12] Quand les Bénéficiaires ont-ils eu connaissance de la problématique de pyrrhotite et quand ont-ils agis, (comprendre) dénoncer cette situation à l’Administrateur ?;
[13] Les Bénéficiaires nous suggèrent qu’il s’agirait d’une situation évolutive, une problématique, dont la prise de connaissance a évoluée avec le temps. Si le dossier de pyrrhotite à Trois-Rivières est aujourd’hui bien connu, les premiers recours n’ont été pris qu’en 2010/2011, l’Administrateur fût d’ailleurs impliqué dans plusieurs dossier (de pyrrhotite) depuis 2010;
[14] L’Administrateur en 2010/2011 aurait, semble-t-il été «informé» par les Bénéficiaires d’une «situation». L’Administrateur semble-t-il ne se déplace. Si l’Administrateur s’était déplacé en 2010/2011(alors sensibilisé au problème de pyrrhotite), lorsque Me Bélanger, pour les Bénéficiaires, en 2011, mets en demeure l’Administrateur de «venir voir» la «problématique de la fissuration», bien peut-être qu’alors l’Administrateur aurait constaté l’ampleur du dommage et qu’il aurait, à ce moment-là, reconnus la problématique et le vice graduel qui en découle;
Première impossibilité d’agir des Bénéficiaires
[15] Désirant adresser la question de la connaissance et l’impossibilité d’agir par la même occasion, selon les Bénéficiaires, leur première «impossibilité d’agir», fût celle qui découle d’une erreur et/ou omission de leur procureur d’alors Me Bélanger. Me Bélanger, qui en 2011, constate une situation «évolutive».
[16] Plus précisément, en novembre 2011, Me Bélanger, pour les Bénéficiaires, écrit une correspondance à l’Entrepreneur et expose : «dès l’hiver 2007-2008, les balcons du bâtiment en question ont été soulevés par le gel, occasionnant des fissures importantes dans le béton des murs de l’immeuble ainsi que le déplacement des colonnes et des balcons du 2e étage et le détachement du recouvrement extérieur (Canexel) du bâtiment»(Pièce A-8). Selon les Bénéficiaires, l’Entrepreneur et l’Administrateur sont alors informés de la situation;
[17] Me Bélanger en décembre 2011 est alors informé (par l’Administrateur) de la procédure à suivre et plus précisément qu’un formulaire et un chèque doit être acheminé;
[18] Semble-t-il que Me Bélanger alors «ferme son cabinet»(!), et qu’il n’y a aucune suite qui est donné à cette demande de l’Administrateur;
[19] Selon les Bénéficiaires, ils n’ont connaissance de cette omission que lors de la réception du cahier pièces de l’Administrateur;
[20] En argumentaire, les Bénéficiaires nous invite à spéculer que si à l’époque, si effectivement les démarches avaient été faites par leur procureur en novembre 2011, il est acquis qu’au printemps 2012, lorsqu’on constate qu’il y a encore des fissures, et qu’en septembre 2012, lorsque l’Entrepreneur aurait alors reçu l’appel de son fournisseur de béton (Béton-Laurentides), à l’effet que c’est sans doute un problème relié à la pyrrhotite, le problème aurait alors été reconnu par l’Administrateur ! (à tout le moins à l’intérieur du délai de couverture de cinq ans);
Deuxième impossibilité d’agir des Bénéficiaires
[21] Les Bénéficiaires nous suggèrent une deuxième impossibilité d’agir : tel que ci-haut repris, le représentant de l’Entrepreneur, M. Garceau, est informé par un dénommé M. Beauchesne de Béton-Laurentides début septembre 2011 qu’il est plus que probable que son bâtiment connaisse des problèmes reliés à la pyrrhotite;
[22] M. Garceau alors s’entretient avec Les Bénéficiaires, (avec qui il entretient de bonne relation). M. Garceau, (pour l’Entrepreneur) représente aux Bénéficiaires qu’il confie ça à son avocat (un dénommé Me Goulet), et que ce dernier «va s’occuper du dossier»;
[23] Le Bénéficiaire «Domaine», dans sa compréhension de sa discussion qu’il a eu avec le représentant de l’Entrepreneur (M. Garceau) à ce moment-là, croit que l’avocat de l’Entrepreneur va s‘occuper de les (Bénéficiaires) représenter et de faire les démarches auprès du plan de garantie et des différents intervenants, qui ultimement peuvent être responsable de la problématique. M. Domaine et M. Garceau se voisine, et à chaque fois M. Garceau se veut rassurant et répète à satiété : «oui, oui, on s’en occupe, on a en parlé à l’avocat, inquiètes toi pas»;
[24] En mars 2013, M. Domaine toujours sans nouvelle de «l’avocat de l’Entrepreneur» s’inquiète, demande à l’épouse de M. Garceau (qu’il connait) : «as-tu des nouvelles, avec Qualité Habitation, est-ce que ça l’avance ? Avez-vous eu des nouvelles de Qualité Habitation ? » (sic);
[25] Sans nouvelle(s) concrète(s), M. Domaine communique finalement avec le bureau de Me Goulet au mois de mai 2013, il s’entretient alors pour une première fois avec Me Goulet, qui lui réponds «qu’il s’en occupe» et qu’il envoie des mises en demeure;
[26] M. Domaine reçoit copie d’une mise en demeure qui confirme effectivement que Me Goulet communique avec différents intervenants, l’Administrateur n’est pas ciblé par ce(s) mise en demeure, l’Administrateur est seulement «mis-en-copie»;
[27] Sur le droit, nous est soumis décisions qui font état d’une règle fondamentale en matière de perte de droit judiciaire lorsqu’il y a non-respect des délais, imputable au conseil juridique ou à l’avocat et qui confirme effectivement qu’en matière de délai de rigueur, l’erreur du procureur peut constituer une impossibilité d’agir;
[28] Les Bénéficiaires suggèrent que les autorités soumises au niveau de l’impossibilité d’agir doivent ici s’appliquer et faire en sorte qu’ils ne doivent pas être privé de leurs droits pour déterminer effectivement d’une part, que la garantie n’était pas expirée au moment de la dénonciation (quand on avait donné le mandat à Me Bélanger) et que la dénonciation qui aurait dû être faite à partir du mandat qui avait été confié, dans un premier temps à Me Bélanger puis, dans un deuxième temps, à Me Goulet devrait être opposable à l’Administrateur;
Arguments de l’Administrateur :
[29] L’Administrateur ne partage pas l’opinion des Bénéficiaires, notamment en ce qui concerne certains faits, et l’interprétation que l’on doit en faire.
[30] L’Administrateur revient sur les correspondances déposées, qui ont source la main de M. Domaine, où on y mentionne (en décembre 2010), «nous avons bien reçu le formulaire d’ouverture de dossier»;
[31] D’évidence (selon l’Administrateur), le Bénéficiaire fait référence à une réponse de l’Administrateur et ceci veut dire (à tout le moins) que le formulaire était entre les mains des Bénéficiaires en décembre 2010;
[32] Puis, le 24 novembre 2011, une lettre de la plume de Me Bélanger (A-8), pour les Bénéficiaires, connait une réponse le 7 décembre 2011, M. Gignac, pour l’Administrateur, explique à nouveau qu’il faut compléter un formulaire et payer les droits;
[33] À cette même correspondance on mentionne que la malfaçon, le vice caché tout comme le vice de construction doit être dénoncé dans un délai de six (6) mois de leur acquisition (pièce A-9);
[34] Au mois de mai suivant, une missive du Bénéficiaire commence par : « merci d’avoir donné suite à notre demande», l’Administrateur nous suggère que ceci signifie qu’entre le 7 décembre 2011 (A-9) et mai 2012 (A-10) qu’il y a eu correspondance et/ou à tout le moins conversations téléphoniques entre l’Administrateur et les Bénéficiaires;
[35] Selon Me Godin, dire ou alléguer que la Garantie n’a pas fourni l’information nécessaire aux bénéficiaires pour qu’ils puissent se prévaloir de leurs droits est factuellement inexact. Selon le procureur de l’Administrateur, les correspondances au dossier démontrent qu’il y a eu transmission(s) de document(s) pour ouverture de dossier et fût même mentionné l’importance du délai de 6 mois;
[36] Pour ce qui est de l’erreur du procureur, qui est suggéré, selon Me Godin, le témoignage de M. Garceau est à l’effet qu’il n’a pas été question de la garantie quand il a parlé avec M. Goulet, M. Garceau a d’ailleurs précisé qu’il n’avait pas parlé de "garantie" avec M. Domaine (en ce qui concerne la garantie de Qualité Habitation), il a simplement dit qu’il allait «mettre son avocat sur le dossier»;
[37] La lettre de Me Goulet, [avocat de l’Entrepreneur (M. Domaine)] parle d’elle-même, elle n’est pas adressée à la garantie Qualité Habitation, il s’agit de la menace d’un recours civil et semble-t-il n’envisageait pas de faire appel à la garantie offerte par l’Administrateur;
[38] Selon Me Godin, les Bénéficiaires savent déjà comment faire une réclamation depuis 2010, (ils sont en possession d’un formulaire d’ouverture de dossier), ils ne le font pas. Ils apprennent en septembre (2012) qu’il y a un (possible) problème de pyrrhotite, à nouveau ils peuvent faire une demande, ils ne le font pas. Plus tard, ils croient que le procureur de l’Entrepreneur, Me Goulet, va peut-être les aider;
[39] Finalement, au mois de mai (2012), ils contactent le procureur de l’Entrepreneur, reçoivent alors copie de correspondance(s), aucune cible l’Administrateur;
[40] En plaidoirie, l’Administrateur représente que la jurisprudence est constante à l’effet que le délai (de six (6) mois de la connaissance) auquel fait référence l’art.10 est de rigueur et que si le délai n’est pas respecté, le droit du Bénéficiaire et la couverture du plan de la garantie s’éteint;
En réplique, (les Bénéficiaires soulèvent) :
[41] Sur la question du délai de rigueur, la Cour Suprême a précisé que l’impossibilité d’agir ne peut pas faire perdre les droits à un bénéficiaire, que nous sommes en situation de délai de rigueur, où l’avocat des demandeurs (des bénéficiaires) n’avaient pas déposé leur demande à l’intérieure du délai prévu mais, dans un contexte où un avocat omet de respecter un délai, délai de rigueur, ceci ne doit pas faire perdre le droit à un client (les Bénéficiaires), ce principe est consacré par la Cour Suprême et abondamment citée par les Cour Supérieur et par les Cour du Québec;
[42] Subsidiairement, quand qu’on examine le comportement des Bénéficiaires, ces gens-là se sont comportés plus que diligemment alors à partir du moment où les Bénéficiaires ont l’assurance que le dossier est entre les mains de l’entrepreneur et/ou d’un avocat (qu’on les représente et que des démarches sont entreprises) ils devraient bénéficier de la clémence du Tribunal;
Discussion
Nature de l'avis de l'article 10
[43] Qu'elle est la nature de l'avis de dénonciation prévu à l’article 10 du Règlement?
[44] Un premier élément de réponse se retrouve à l'article 1739 du Code civil du Québec ("C.c.Q.");
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
[45] Les auteurs considèrent cet avis assujetti aux dispositions de l'article 1595 C.c.Q. qui requiert que l'avis soit par écrit, et la jurisprudence et la doctrine, contrairement à certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent que cet avis se doit d'être par écrit, est impératif et de nature essentielle;
[46] La Cour suprême du Canada s'est aussi adressée à cette question sous l'étude de l'impact de la signification dans un cas de procédure d'appel;
[47] Il est intéressant de noter que cette approche se retrouve à la même jurisprudence qui supporte la règle d'interprétation libérale en matière de procédure civile, et plus particulièrement sous la plume de M. le juge Pratte dans l'arrêt Cité de Pont Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516 (p. 519) cité entre autre par Madame la juge L'Heureux Dubé Québec (Communauté urbaine) c. Services de santé du Québec relativement à une inscription en appel sous l'égide de l'article 494 C.p.c.:
Dans l'espèce, l'inscription, si elle a été déposée au greffe de la Cour supérieure, n'a cependant jamais été signifiée à l'intimée ou à ses procureurs. L'un des deux éléments essentiels à la formation de l'appel faisait donc défaut; il ne s'agit pas d'une simple formalité dont la Cour d'appel peut permettre la correction (art. 502 C.p.c.).
Nos soulignés
[48] Madame la juge L'Heureux Dubé indique d'autre part sous Québec (Communauté urbaine) c. Services de santé du Québec quant au délai d'exercice:
Le droit d'appel est un droit substantif, Le délai pour l'exercer, …, en constitue une partie intégrante et partant tient du droit substantiel et non de la procédure. ….Le droit d'appel, assorti d'un délai pour l'exercer, n'a qu'une existence limitée; s'il n'est pas exercé dans le délai prescrit, lorsque le délai est de rigueur comme dans l'espèce (C.p.c. annoté, p. 574, Provencher c. Bélanger; 1986 R.D.J. 137 , Les Prévoyants du Canada c. Marcotte), et que les dispositions correctives spécifiques ne s'appliquent plus, il est irrémédiablement perdu, périmé, forclos.
Nos soulignés
[49] La Cour d'appel dans plusieurs décisions a rejeté des requêtes en rétractation de jugement sous 484 C.p.c. parce qu'il s'était passé plus de six mois de la date applicable et plus particulièrement le juge Delisle J.C.A. qui écrivait:
«Malheureusement, ce n’est que […], en dehors donc de ce dernier délai [note : délai de six mois prévu à l’article 484] que l’avocat de l’appelant a demandé au tribunal que son client soit relevé des conséquences du retard à agir.
Comme il s’était écoulé plus de six mois, le juge de première instance a accueilli le moyen d’irrecevabilité invoqué par l’intimée.
Il a eu raison.
Contrairement au délai de 15 jours de l’article 484 qui, a certaines conditions, n’est pas fatal, le délai de six mois du même article et celui de l’article 523 C.p.c. sont des délais de prescription.»
[50] Le Tribunal est d’avis, tel que l’arbitre Ewart l’a exprimé récemment dans une autre affaire, que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e , 4e et 5e respectivement de l’article 10 du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peux conséquemment être sujet à extension;
Délai de déchéance
[51] L'article 2878 C.c.Q. au Livre Huit, Chapitre 1, intitulé Prescription, Dispositions générales stipule:
2878. Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.
Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès.
Nos soulignés
[52] La Cour d'appel nous indique que le délai de déchéance se doit d'être exprimé de façon précise, claire et non ambiguë. La jurisprudence confirme la position prise par les auteurs, et plus particulièrement Jean Louis Baudouin, dans Les Obligations :
«Le second alinéa de cette disposition [2878] précise que la déchéance ne se présume pas et doit résulter d’un texte exprès. Il n’y a donc désormais comme seuls délais préfix véritables que ceux à propos desquels le législateur s’est exprimé de façon précise, claire et non ambiguë».
[53] La Cour d'appel a d'autre part déterminé qu'il n'est pas nécessaire d'avoir le mot déchéance ou forclusion spécifiquement mentionné à une disposition législative mais que :
«…, une mention formelle du terme "déchéance" ne me parait pas obligatoire. Il faut cependant que l’intention du législateur est d’en faire un tel délai. »
[54] La Cour d'appel confirme cette même position sous la plume de Jean Louis Beaudoin, qui à titre de juge, confirme ses commentaires à titre d'auteur sous une décision unanime de la Cour dans Massouris et Honda Canada Finance Inc. (Re) (Syndic de), 2002 CanLII 39140 (QC C.A.), relativement au délai de publication de l'article 1852 C.c.Q:
1852. […].
[Deuxième alinéa] Sont toutefois soumis à la publicité les droits résultant du bail d'une durée de plus d'un an portant sur un véhicule routier ou un autre bien meuble déterminés par règlement, … l'opposabilité de ces droits est acquise à compter du bail s'ils sont publiés dans les 15 jours...
est un délai de déchéance;
[55] Une des conséquences de la déchéance, la perte ou forclusion du droit d'exercice d'un droit particulier, dans le cas des présentes quant à l'Administrateur, le droit des Bénéficiaires de requérir la couverture du plan de garantie, n'est pas sujet aux dispositions de la suspension ou interruption de la prescription applicables dans certaines circonstances. Alors qu’un délai de prescription peut être suspendu et interrompu (articles 2289 C.c.q. et s.), la solution contraire prévaut pour le délai de déchéance, qui éteint le droit dès que la période est expirée quoi qu’il arrive. Le titulaire du droit, de ce fait, ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception.
[56] En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés;
[57] Conséquemment, la trame factuelle, mise en preuve et la constatation que le calendrier d’événements établie la forclusion des droits des Bénéficiaires par l’expiration du délai de six(6) mois de la découverte ou survenance du risque, (ou en cas de vice ou de perte graduelle, de leurs premières manifestations). À cet effet, la pièce A-8 est assassine au droit des Bénéficiaires. L’objection préliminaire du procureur de l’Administrateur et la décision de l’Administrateur doivent être maintenues;
[58] Le Tribunal comprend qu’il ne s’agit pas ici de plaider sa propre turpitude mais, l’ignorance du délai de six (6) mois prévu aux articles 3.2, 3.3 et/ou 3.4 du contrat de garantie et/ou de l’article 10 du Règlement ainsi que la bonne foi des parties ne constituent pas des éléments en droit qui habilitent le décideur à faire fit d’un délai de déchéance. Tout motif, quel qu’il soit, (si noble soit-il) ne peut reposer sur un fondement juridique puisque même si la preuve révèle qu’il pouvait s’agir de l’erreur ou de la négligence d’un tiers mandataire et/ou conseiller, il s’agit ici d’un délai de déchéance; sitôt le calendrier constaté, l’arbitre est dans l’impossibilité d’agir.
Jugé
[59] Le Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application de d’autres lois;
[60] Suivant donc mon appréciation des faits, ma compréhension de la Loi et de la jurisprudence connue, je me dois d’accepter et de maintenir la décision de l’Administrateur et je dois rejeter la demande d’arbitrage des Bénéficiaires, le tout sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est leurs (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux civiles leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[61] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que les Bénéficiaires n’ont obtenue gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage entre l’Administrateur du plan et les Bénéficiaires;
[62] En conséquence, les frais d’arbitrage en droit mais, et surtout dans le cas bien précis en équité selon les articles 116 et 123 du plan de garantie, seront partagés en raison de cinquante (50) dollars pour les Bénéficiaires, le reste à l’Administrateur du plan de garantie de l’APCHQ;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
MAINTIENT la décision du 29 août 2013, numéro de conciliation 5772, sous la plume de Benoit Pelletier.
LE TOUT, avec frais à être départager à raison de 50$ par les Bénéficiaires et pour le reliquat à l’Administrateur du plan de garantie.
Montréal, le 16 juillet 2014
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Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / CCAC
Décisions consultées :
Michel Girard c. Groupe Pro-Fab Inc. / Les Résidences P.F. et La Garantie Habitation du Québec Inc. (La Garantie Qualité Habitation), Reynald Poulin, SORECONI 112109001, 28 juin 2012
Sabrina de Luca & Maurizio Di Maio c. Maisons usinées Confort Design Inc. et Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, Michel A. Jeanniot, SORECONI 080430001, 10 mars 2009
Julie Bergeron & Kénan Venne c. Les entreprises Michel Forest Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Jean Morissette, GAMM 2012-15-015, 19 juin 2013
Pascal Dubois & Annie Mailloux c. Les Habitations André Lemire et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Claude Dupuis, GAMM 2007-08-002, 21 mai 2007
Karine Gagnon & Richard Lavictoire c. Le Groupe Trigone Construction Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Claude Dupuis, GAMM AZ-50391037, 13 novembre 2003
René Mailhot & Karine Gauthier c. Construction Paul Dargis Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Claude Dupuis, GAMM 2010-06-001, 30 mars 2011
Darie Renamba c. 4176855 Canada Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., Claude Dupuis, GAMM 2012-07-002, 11 mars 2013
9050-8219 Québec Inc. c. Les Développements Le Monarque Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc., Jeffrey Edwards, CCAC S08-140301-NP, 22 août 2008
Syndicat de la copropriété Jardins de Limoges - 3550407 c. Habitation Classique Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Claude Dupuis, GAMM 2007-09-017, 3 avril 2008
Nor-Man Regional Health Authority Inc. v. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 SCC 59 (Cour Suprême du Canada)
Dunsmuir v. New Brunswick, [2008] 1 SCR 190 (Cour Suprême du Canada)
Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, 2007 CSC 34 (CanLII)
(Cour Suprême du Canada)
Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurances inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie, [2000] R.J.Q. 1708 (C.A.)
Dens Tech-Dens, k.g. c. Netdent-Technologies inc., 2008 QCCA 1245 (CanLII) (C.A.).
Société de cogénération de St-Félicien c. Industries Falmec inc. J.E. 2005-929 (C.A.).
Heeg c. Hitech Piping (HTP) Ltd. , 2009 QCCS 4043 (R. Mongeon jcs)
Autorité des marchés financiers c. Lacroix 2007 QCCS 2300 (R. Mongeon jcs)
Cogismaq International inc. c. Lafontaine 2007 QCCS 1214 (B. Moulin jcs)
Habitations Sylvain Ménard inc. c. Labelle 2008 QCCS 3274 (H. Langlois jcs)
R..J.R. MacDonald Inc. c. Procureur Général du Canada et Procureur Général du Québec & als. (1994) 1 R.C.S. 311
Caisse populaire Ste-Catherine de Sienne c. Glassman, JE 96-1823 (C.S.), J.P. Sénécal JCS.
Pomerleau c Flamidor inc. 2008 QCCQ 2484,( para. 56 pour les facteurs d’importance et para. 64 pour une analyse du préjudice sérieux).
Brigden c. Moran et Valeurs mobilières Desjardins, (500-22-182341-118), sous la présidence du juge Jacques Paquet, J.C.Q., 19 juin 2012.
Office municipal d’habitation de Montréal c. Consortium M.R. Canada Ltée et Garantie Abritat inc., décision arbitrale interlocutoire-suspension, de Me Jean-Philippe Ewart, 2 octobre 2012.
Office municipal d’habitation de Montréal c. Consortium M.R. Canada ltée et Robert Magne et Me Jean-Philippe Ewart et Tapis Solution inc. et Nivel-Sol inc., (500-17-072971-123), 23 janvier 2013.