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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie

 des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE HULL

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

Dossier no. : 2008-13-005

 

Date :

2 octobre 2009

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

Me JEAN MORISSETTE

______________________________________________________________________

 

MADAME SANDRA DUBOIS MONETTE 

Bénéficiaire

c.

CONSTRUCTION LMA (6019315 Canada inc.)

           Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

          L’Administrateur

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

 

PRÉLIMINAIRES

[1]           L’avis d’arbitrage de l’Entrepreneur du 13 août 2008 requiert la révision des décisions de l’Administrateur :

i)  Du 1 juillet 2008 de Monsieur Luc Bondaz, dossier 130276-2, concernant une demande d’indemnisation pour retard accordée à la bénéficiaire pour une somme de 5 311.56$, et

ii)  Du 1 juillet 2008 de Monsieur Luc Bondaz, dossier 130276-1, concernant les points suivants :        

1.   Scellant autour des portes et fenêtres ;

2.   Porte de garde-robe manquante ;

3.   Installation d’un échangeur d’air ;

5.   Polyéthylène absent sous la dalle de béton ;

6.     Finition du terrain à l’emplacement du système septique « ÉCO-FLO ».

[2]           Les personnes présentes sont informées du processus judiciaire qui encadre l’audience de cet arbitrage.  Seul l’Administrateur est représenté par procureur lors de l’audition du 25 mars 2009.

[3]           Les parties ont alors reconnu ma compétence pour entendre et décider du présent litige.  Aucune requête préliminaire n’a été présentée;

[4]           De consentement, les parties procéderont sur la partie de la demande concernant la contestation de l’indemnité pour retard dans un premier volet et ensuite sur les autres points, afin de libérer l’un des témoins ;

[5]           Les témoins ont été assermentés avant de rendre témoignage ;

[6]           L’Entrepreneur et la bénéficiaire choisiront de mandater un procureur pour les fins d’une réponse aux notes et autorités soumises par l’Administrateur;

 

LA PREUVE

[7]           Le cahier de pièces soumis par l’Administrateur est admis en preuve et déposé, pièces A-1 à A-12 , de consentement;

[8]           Monsieur Charles Azar est agent immobilier chez Royal Lepage ;

[9]           Monsieur Azar est un ami de la bénéficiaire.  Ils se connaissent pour avoir fréquenté la même institution d’enseignement à l’adolescence.   Alors que madame Sandra Dubois-Monette communique avec lui pour faire des recherches pour l’achat d’une maison, il lui suggère plutôt de se faire construire une maison par l’Entrepreneur ;

 

[10]      Monsieur Azar se présente comme étant le représentant de l’Entrepreneur. Il insistera pour mentionner qu’il a agi pour Monsieur Marc-André Larocque, l’unique actionnaire et Administrateur de Construction LMA (6019315 Canada inc.) avec qui il fait des affaires régulièrement;

[11]      Il commentera et déposera en preuve les documents suivants :

Ø      E-1 (i)        La première page du contrat préliminaire A-1, amendée pour y voir un prix total de 156 300 $ ;

Ø      E-1 (ii)       La deuxième page de A-1 est identique ;

Ø      E-1 (iii)      Formulaire annexe C qui mentionne que sont exclues du contrat préliminaire les taxes scolaire, municipale et mutation qui seront payables par l’acheteur;

Ø      E-1 (iv)      Devis descriptif de la construction, à l’item 22 on y lit inter alia :

·        livraison de l’immeuble le 1er juillet au (sic) condition (sic) que la lettre de financement soit au plus tard le 10 avril 2007. Après cette date le délai sera au (sic) nombre (sic) de jours à compter du 10 avril 2007.

[12]      La pièce E-2, confirme l’acceptation du prêt de la bénéficiaire de la Banque Laurentienne et est datée du 17 avril 2007.  Ainsi, et selon la condition 22 de la pièce E-1(iv), le délai de livraison devrait être reporté du 1er juillet 2007 au lendemain du 7 juillet 2007;

[13]      La pièce E-3 portant le titre de Modification et avis de réalisation de conditions est produite par le témoin.  Ce document, du 15 août 2007, est signé par madame Monette comme acheteur et Monsieur Charles Azar pour le vendeur.  On y lit, inter alia ;

‘’ M 2.3. Autres modifications

«Le prix de vente sera 153 000 $ cent cinquante trois mille dollars - FINAL ET TOTAL

 - Une balance 3 300$ trois mille trois cent (sic) dollar (sic) sur le financement sera réajusté (sic) à la remise pour l’acheteur. 

§         Aucune (sic) dédomagement (sic) ne sera pris par l’acheteur pour le délai de livraison de l’immeuble et ce dédit de son droit du retard de livraison.

§         Le déménagement sera payé par LMA Construction.

§         L’acheteur s’engage à prendre les procédures nécessaires pour assurer la maison pour le 17 août 2007.

§         Le dossier sera remis chez le notaire le 15 août 2007 avant 14h00.

§         La remise de 5 000$ pour plomberie et 2 660.00$ pour l’installation de la pierre sera remboursé (sic) en argent comptant chez le notaire à l’acheteur. ‘’

[14]      Monsieur Azar commentera et déposera aussi un formulaire fourni par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., pièce E-4. Ce formulaire d’inspection préréception ne comporte aucune autre mention que d’identifier les parties et d’être signé le 28 août 2007 par madame Monette et lui-même pour l’Entrepreneur. Je souligne immédiatement que cette pièce contredit la pièce A-3, un premier formulaire de réception du bâtiment du 15 août 2007 qui contient des annotations et travaux à parachever.

[15]      Le contre-interrogatoire de Monsieur Azar me permettra d’apprendre que :

-           Selon son souvenir, la prise de possession de la maison a eu lieu le 17 août 2007 par la bénéficiaire;

-           Il a rédigé les clauses apparaissant à la pièce E-3 à la demande expresse de l’Entrepreneur avant que la bénéficiaire puisse prendre possession des lieux;

-           Les travaux de plomberie et installation apparaissant à la pièce E-3 ont été remboursés à l’acheteur, en argent comptant, au moment de la signature du contrat notarié  le 28 août 2007, pièce A-4 ;

-           Les frais de déménagement payables par l’Entrepreneur à la bénéficiaire en vertu de E-3 n’ont pas été payés ;

-           Les diverses modifications au prix d’achat ont permis à la bénéficiaire d’obtenir son financement, pièce E-2, soit 95% de 156 300$:

-           Ces divers prix d’achat sont :

Pièce A1                     163  000 $

                                     Pièce E-1 (i)               156 300 $

                                     Pièce E-3                   156 300 $

                                     Pièce A-2                   163 000 $

                                     Pièce A-4                   163 000 $

 

 

 

[16]      À la lecture de ces pièces et suivant les diverses réponses du témoin Azar, je comprends que le 17 660 $ décrit au contrat notarié A-4 comme paiement d’un acompte effectué par l’acheteur est composé de :

·        une balance de 3 300 $ (E-3) comme ajustement sur le financement

·         plus une remise de 5 000$ pour des travaux de plomberie (E-3)

·        plus 2 660$ pour l’installation de la pierre (E-3)

·        plus 6 700$ remise du vendeur à l’acheteur (A-2);

[17]      Monsieur Charles Azar a, personnellement, accepté de payer les frais d’entreposage de la bénéficiaire jusqu’à la livraison de l’immeuble et les a effectivement payés pour la période de retard ;

[18]      Il ajoutera que le retard est dû à la bénéficiaire qui n’a pas su faire exécuter les travaux de plomberie en temps opportun, qu’il n’a reçu aucune rétribution pour ses services, y ayant renoncé au bénéfice de l’Entrepreneur qui, lui aussi, n’a pas fait de profit dans ce dossier ;

[19]      Par ailleurs, Monsieur Azar a modifié son témoignage en ce qu’il représentait l’Entrepreneur en cours d’audition.  Effectivement, ce n’est qu’au moment où je lui ai rappelé que le Code de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ) mentionne que son devoir de conseil devait bénéficier autant à l’acheteur qu’au vendeur qu’il a fait volte-face et dit qu’il représentait aussi la bénéficiaire dans le cas sous étude.

[20]      Pourtant, il mentionnera que l’inscription de la pièce E-3 sur le dédit de la bénéficiaire pour son dédommagement sur son droit de retard de livraison a été faite à la demande expresse de l’Entrepreneur et aucune explication n’a été donnée à l’acheteur ;

[21]      J’ai compris de l’ensemble du témoignage de Monsieur Charles Azar qu’il a agi comme promoteur plutôt que comme un agent d’immeuble, libre de donner à l’acheteur et au vendeur des conseils objectifs ;

[22]      Madame Sandra Dubois Monette, quand à elle, nous dira avoir signé ce document E-3 étant convaincue d’être protégée par les informations reçues aux services à la clientèle de l’Administrateur du Plan de garantie quelques journées avant le 15 août 2007. Les explications qu’elle dit avoir reçues étant que cette signature n’a aucune valeur puisque contraire au contrat de garantie;

[23]      L’Administrateur fera entendre, sur cette question, madame Annette Gagnon du Service à la clientèle qui nous réfère aux règles relatives au contrat de garantie, pièce A-1, à l’article 3. Cet article mentionne, inter alia : ;

 « Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs étant obligatoire, le bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits qui lui sont conférés par le Règlement ».

[24]      Madame Gagnon dit ne pas être avocate et ne donner aucune information de nature juridique lorsqu’elle répond aux personnes qui s’adressent aux services à la clientèle par voie téléphonique. Elle ne donne que des informations de nature globale  et réfère les gens à leur contrat  de garantie, ici la pièce A-1 ;

[25]      Monsieur Luc Bondaz, technologue professionnel et signataire des décisions sujettes à l’arbitrage, nous informera des faits suivants :

·        Lors de l’inspection du 4 juin 2008, Monsieur Stéphane Poulin pour l’Entrepreneur et la bénéficiaire sont présents ;

·        Ce matin là, il reçoit la documentation qui est dans le cahier devant nous, pièces A-1 à A-12. Ce n’est que ce matin qu’il prend connaissance des pièces E-1(i, ii , iii et iv), E-2 et E-3;

·        Il n’a pas considéré que la bénéficiaire s’était engagée à faire des travaux car cela ne lui a pas été clairement exprimé lors de son enquête ;

·        Il a utilisé le 1er juillet 2007 qui apparaît au contrat A-1 comme date de livraison, n’ayant pas d’autres documents ou faits à traiter sur ce sujet ;

·        À l’examen des reçus et factures qu’il a examinés et des délais calculés au 1er juillet,  il en est venu  à la conclusion qu’un montant de 5 311.56$ est payable à la bénéficiaire par l’Entrepreneur à titre d’indemnité de retard;

·        Aucune renonciation à cette indemnité ne lui a été communiquée;

·        S’il avait obtenu la pièce E-3, le matin de la conciliation et examen des lieux, il aurait dû considérer le dédit mentionné à ce document et sa décision aurait peut-être été différente;

 

·        Il aurait considéré ce document E-3, mais ne peut nous dire quelle aurait été sa décision car la validité de la renonciation demande une réflexion en relation avec l’article 140 du règlement qui est d’ordre public ;

[26]      Sur l’aspect de l’indemnité pour retard, Monsieur Pascal Couvrette, à l’époque conjoint de la bénéficiaire, attestera que les travaux de finition de la plomberie n’ont pu être terminés avant le début d’août 2007 parce qu’entre autres, le revêtement de plancher n’a été exécuté que dans la période des vacances de la construction 2007.

[27]      Il mentionnera que le puits qui alimente la résidence de Madame Monette n’a été construit que tard dans l’été (après le revêtement de pierres de la façade), à la fin juillet-début d’août.  C’est en grande partie ce qui a retardé le branchement et la finition de la plomberie qui, comme il est admis, était de la responsabilité de Madame Dubois Monette;

[28]      Monsieur Marc-André Larocque, la personne en autorité chez l’Entrepreneur, nous dira que le puits n’a pas été creusé tardivement, sans toutefois disposer d’un  quelconque document qui nous préciserait la date de forage ou la construction de ce puits;

[29]      Monsieur Larocque confirme que des clés ont été enlevées à la bénéficiaire car elle faisait des visites sur le chantier et le contactait pour connaître l’évolution des travaux et d’une date de fin des travaux, clés qui n’ont été remises à la bénéficiaire qu’après la signature de la pièce E-3;

[30]      Monsieur Larocque s’en remet entièrement à l’agent d’immeuble Charles Azar et dit confirmer l’entier de son témoignage;

[31]      Sur les points 1, 2, 3, 5 et 6 il dira :

·        Le revêtement de pierres en façade étant de la responsabilité de la bénéficiaire, le scellant autour des fenêtres en façade n’est pas de sa responsabilité;

·        Il a vu la porte que l’on dit manquante, elle était là;

·        Il n’y a pas d’échangeur d’air et cet item manquant est de la responsabilité du plombier. Dans ses maisons, le sous-entrepreneur plombier fournit l’échangeur d’air et en fait l’installation. Puisque la plomberie appartient à Madame Sandra Dubois Monette, cet item est hors contrat;

·        Il admet qu’il n’y a pas de polyéthylène sous la dalle de béton;

·        La finition du terrain à l’emplacement du système Éco-Flo n’est pas de sa responsabilité puisque l’aménagement du terrain appartient à la bénéficiaire et est hors contrat;

En contre-interrogatoire, Monsieur Larocque dira;

·        Il s’agit d’un contrat clé en main;

·        Le rapport de l’installation du système sanitaire, pièce E-5, mentionne qu’une couche de sol et graminées doivent le recouvrir de manière à en éloigner les eaux de surface

 

ANALYSE

[32]      Au cours de l’audition, j’ai remarqué que Monsieur Azar parlait comme s’il était  l’Entrepreneur. Assis près de Monsieur Larocque, ces hommes apparaissent comme ayant des intérêts, financiers ou autres, en commun. De toute façon, l’agent immobilier s’est effectivement présenté comme le représentant de l'Entrepreneur;

[33]      Le retard de l’Entrepreneur à verser son dépôt pour sa demande à l’organisme d’arbitrage a résulté que les travaux prévus à la décision 130276-1 ont été exécutés par l’Administrateur du plan de Garantie;

[34]      Ainsi, seule la validité de la décision sera examinée sans besoin d’examiner les travaux suggérés. Les points concernés sont :

1.      Scellant autour des portes et fenêtres ;

2.      Porte de garde-robe manquante ;

3.      Installation d’un échangeur d’air ;

5.      Polyéthylène absent sous la dalle de béton ;

6.      Finition du terrain à l’emplacement du système « éco-flo » ;

 

[35]      Je confirmerai la décision de l’Entrepreneur en ce qui concerne les points 1,2 et 3 puisque inscrits à la pièce A-3 comme travaux à parachever. Le document A-3 m’apparaît être le document le plus vraisemblable dans les circonstances de la présente affaire. Ce document contredit la pièce E-4 qui est apparue lors de l’audition et qui ne comporte aucune annotation que ce soit. Comme exemple, la mention du manquement de la porte n’apparaît plus au document E-4. On en déduirait que cette porte aurait été installée entre le 15 août et le 28 du même mois. Pourtant ce n’est pas le cas car la décision sur ce point est à l’effet que cette porte est toujours manquante. Autrement, il faudra croire que la bénéficiaire a volontairement enlevé la porte pour on ne sait trop quelle raison;

[36]      Je confirmerai aussi la décision concernant les points 5 et 6 de cette même décision puisque aucune preuve contraire probante et permettant à l’Entrepreneur de renverser son fardeau de preuve ne m’est présentée, tout au contraire;

[37]      D’abord, l’Entrepreneur a confirmé l’absence de polyéthylène sous la dalle de béton et je considère que la pose d’une peinture ayant la qualité requise pour le remplacer est une alternative convenable et non contredite;

[38]      Tant qu’à la finition du terrain à l’emplacement du système sanitaire ÉCO-FLO, la pièce E-5, ÉTUDE SEPTIQUE, PLAN ET DEVIS, de Conception Septique Outaouais, adressée à l’Entrepreneur, dans sa partie Élément épurateur, à l’article 6.2, mentionne comme faisant partie de sa construction de : Recouvrir la surface de l’élément épurateur d’une couche de sol perméable exempt de particules de silt et d’argile. La surface devra être stabilisée avec de la végétation herbacée et une pente doit lui être donnée pour faciliter l’écoulement des eaux de surface.

[39]      À la question de savoir à qui appartient de faire ces travaux, on peut lire à la page 7 de cette dite étude E-5, à la partie 11, Surveillance des travaux, inter alia :

‘’ L’objectif premier de la surveillance des travaux est de vérifier la conformité générale des travaux réalisés par l’Entrepreneur.

À la fin des travaux, lorsque l’Entrepreneur avisera le technologue et que le terrassement sera complété, les vérifications suivantes seront effectuées :

·        Vérification de la finition du terrassement;

·        Vérification de la stabilisation herbacée de l’élément épurateur;

·        Vérification finale;’’

(Les soulignés sont du soussigné)

[40]      Cette étude vient spécifiquement contredire l’Entrepreneur dans son témoignage sur cette question;

[41]      En fait, le témoignage de Monsieur Marc-André Larocque se modifie au gré des questions traitées  par l’arbitrage ;

[42]      Ainsi, dans la portion de son témoignage concernant la période de retard, il ne fournit aucune  documentation qui appuierait ses prétentions au sujet de la date de forage de construction du puits.

[43]      J’ajoute que l’Entrepreneur propose de donner plein effet au dédit de la bénéficiaire quant au dédommagement pour retard alors qu’il n’a pas encore respecté sa propre obligation qui y est inscrite de payer le déménagement de Madame Monette Dubois;

[44]       À la demande du procureur de l’Administrateur, j’ai accepté que les parties plaident par écrit. Comme l’Administrateur l’a exprimé, M. Luc Bondaz aurait eu à considérer ce document, pièce E-3, s’il lui avait été remis lors de sa rencontre avec les parties du 4 juin 2008, préalable à sa décision;

[45]      J’ai reçu les notes et autorités des procureurs de l’Administrateur, qui sont datées du 6 avril 2009, celles de l’avocate de l’Entrepreneur, le 9 juin 2009 et celles de l’avocat de la bénéficiaire le 20 août 2009 ;

[46]      Les avocats de l’Entrepreneur et de la bénéficiaire ne font pas état des circonstances entourant la signature et le contenu du document E-3.  Je m’explique ce phénomène par leur absence au moment de l’audition ;

[47]      L’avocat de l’Administrateur s’exprime ainsi sur cet aspect :

 « En effet, en contrepartie du dédit de la bénéficiaire, l’Entrepreneur s’est engagé à lui payer ses frais de déménagement.  Notons qu’il importe peu à ce moment-ci de savoir si l’Entrepreneur a payé ou non les frais de déménagement. Aucune date de paiement n’a été déterminée à la transaction et l’Entrepreneur n’ayant jamais été mis en demeure de payer, il n’est pas en défaut de le faire.

Une question demeure cependant, une telle transaction est-elle valide au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. »

[48]      J’ai lu avec attention les autorités soumises par le procureur de l’Administrateur.

[49]      Voici comment la juge L’Heureux-Dubé de la Cour Suprême du Canada s’exprime dans l’affaire Garcia Transport[1] qui concerne la légalité pour une partie à intervenir à une renonciation d’un droit d’ordre public, à la page 30 :

« La règle générale veut que la renonciation ne soit valide que si elle intervient après que la partie, en faveur de laquelle la loi a été édictée, a acquis le droit qui découle de cette loi. C’est alors, et alors seulement, que la partie la plus faible, tel le débiteur en l’espèce, peut faire un choix éclairé entre la protection que la loi lui accorde et les avantages qu’elle compte obtenir de son cocontractant en échange de la renonciation de cette proposition, comme l’explique Gérout, loc. cit, fasc.2, à la p.10

          … l’apparition de plus en plus fréquente de règles de protection dans l’ordre public économique a multiplié les cas où les parties peuvent renoncer à un ordre public édicté dans leur seul intérêt. Mais il faut s’entendre sur la portée de cette affirmation : l’ordre public protecteur intervient pour assurer l’entière liberté du contractant le plus faible contre le contractant le plus fort: il manquerait complètement son but si la personne protégée pouvait y renoncer au moment où elle contracte […] Il faut qu’en toute connaissance de cause, au moment où la protection doit produire ses effets, l’intéressé ne risque plus de subir les pressions de son adversaire.

C’est pourquoi la renonciation à une protection légale l’ordre public ne peut se concevoir que pour des droits acquis.  La loi  n’impose pas de droits aux  individus, mais leur permet de les acquérir; elle n’interdit que la renonciation à un droit qui n’est pas encore né; la seule condition de validité de la renonciation à ces droits est l’accomplissement de leurs conditions d’acquisitions.

Couturier, lot.cit., souligne aussi la nécessité d’assurer la protection constante du contactant placé dans une situation d’infériorité, et ce, jusqu’à ce que le droit lui soit acquis (à la p. 106)

Mais les règles ressortissant à l’ordre public de protection ne sont pas seulement impératives, elles visent à protéger un contractant placé dans une situation d’infériorité; comme il s’agit de le prémunir contre les faiblesses prévisibles de son propre consentement, on ne saurait lui permettre d’abdiquer la protection légale : ce serait ruiner cette protection même. Tant que subsiste la situation d’infériorité qui explique et justifie l’intervention du législateur, la renonciation au bénéfice de la loi, lors même qu’elle porterait sur des droits acquis, paraît porter atteinte aux exigences de  l’ordre public de protection.

Ou, comme le fait observer Ghestin dans Le contrat dans le nouveau droit québécois et en droit français, op.cit., à la p.42 ;

Enfin, il est logique d’autoriser la personne qui était protégée, lorsqu’il s’agit d’ordre public de protection, à renoncer à cette protection, à la condition d’ailleurs qu’elle le fasse lorsque celle-ci n’est plus nécessaire.

Pour conclure sur ce point, disons qu’il est possible de renoncer à une disposition d’ordre public économique de protection puisque sa violation n’est sanctionnée que par une nullité relative.  En raison de la nature même de la protection accordée, toutefois, cette renonciation n’est valide que si elle est consentie après l’acquisition du droit et non avant.  À mon avis, le juge Jacques de la Cour d’appel a correctement exposé l’état du droit lorsqu’il a écrit, à la page 929 ;

Il est maintenant acquis que la partie qui bénéficie de la protection d’une loi d’ordre public économique de protection peut y renoncer. Cependant, cette renonciation ne peut être anticipée.  Elle ne peut avoir lieu que lorsque le droit que cette loi accorde est né et peut être exercé en toute connaissance de cause, tout comme, par analogie, un acte de ratification d’une obligation annulable doit exprimer, entre autres, l’intention de couvrir la cause de l’annulation (art. 1214 C.C.) »        

 

[50]      Dans le volume, Les obligations des auteurs Baudouin et Jobin à la section F. « Sanctions de l’ordre public » on peut lire :

« De plus, il faut maintenant distinguer selon qu’on est en présence d’une règle  d’ordre public de protection ou de direction. Lorsque la règle touche l’ordre public de protection, il est logique, pour éviter des effets pervers, que seul celui que la règle a pour but de protéger puisse invoquer la nullité. Aussi, dans les contrats tombant sous le coup de la Loi sur la protection du consommateur, seul le consommateur et non le commerçant peut s’en prévaloir.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est le cas pour l’ordre public de direction, la partie protégée peut renoncer à ses droits, mais à certaines conditions : cette renonciation ne sera valide que lorsque la partie sera en position de se rendre compte de ses droits concrètement (par exemple, elle a découvert le vice qui était caché et sait qu’elle dispose d’un recours) et de faire un choix éclairé entre la protection que lui accorde la loi et les avantages de la renonciation (par exemple, une indemnité). Le droit est donc né et actuel à ce moment. Une telle renonciation constitue essentiellement une transaction (article 2631). Parfois une telle renonciation survient au moment même de la formation du contrat, alors que la règle d’ordre public de protection a été violée (par exemple, le bien vendu comporte un défaut de durabilité, que connaît l’acheteur); la renonciation est valide quand elle satisfait les conditions précitées. On voit même des cas de renonciation tacite à exercer un droit d’ordre public de protection, par simple défaut de le faire valoir en justice pendant un temps significatif et alors que la partie est pleinement consciente de ses droits ». [2]

[51]      Le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d’ordre public.  L’article 140 édicte : 

‘’140.  Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement. ‘’

[52]      Il est ainsi prévu que la personne bénéficiaire du plan de garantie est protégée puisque placée en situation d’infériorité vis-à-vis l’Entrepreneur qui devait lui livrer une maison lui servant, comme c’est le cas sous étude, de domicile familial.

[53]      Ainsi, tout bénéficiaire du plan de Garantie ne peut renoncer à un droit prévu dans le règlement jusqu’au moment où ce droit est né et peut être exercé, en toute connaissance de cause.  Est-ce que la bénéficiaire, le 15 août 2007, date de la signature de la pièce E-3, possédait un droit né et en avait-elle connaissance ?

[54]      En d’autres termes, pour que la renonciation soit valide, je devrais être convaincu, selon la balance des probabilités, que la bénéficiaire était, lors de la signature de la pièce E-3, en position de se rendre compte de ses droits concrètement et de faire un choix éclairé entre la protection que lui accorde le règlement et les avantages de la renonciation, c'est-à-dire entre l’indemnité qu’elle pourrait obtenir et le montant de la transaction ou avantage transigé;

[55]      La preuve soumise me convainc que la bénéficiaire ne pouvait connaître son droit parce qu’il n’était pas encore né.  Oui, Madame Sandra Dubois-Monette savait qu’elle bénéficiait d’un recours pour retard le matin de la signature de la pièce E-3. mais en connaissait-elle la valeur ? Sûrement pas, puisqu’elle n’a eu possession de sa maison que le 28 août 2007, date de la signature du contrat notarié, pièce E-4 ou le 17 août selon le témoignage de Monsieur Azar qui, rappelons-le, se dit le représentant de l’Entrepreneur.  Incidemment, le contrat notarié (A-4) mentionne à la page 4 que l’acheteur reçoit la délivrance de l’immeuble cette même journée du 28 août. Ce n’est qu’au moment où elle obtient la délivrance de la maison (1716 et ss. C.c.Q.) que la bénéficiaire connaît précisément le montant dont elle peut obtenir paiement pour le délai de livraison qui n’a pas été respecté;

[56]      C’est donc dire que le dédit inscrit à la pièce E-3 est invalide et nul puisque contraire à l’ordre public établit par l’article 140 du Règlement. Il faut considérer alors cette mention comme non écrite, nulle et de nul effet;

[57]      Ainsi arrivé à cette conclusion,  je n’ai pas à analyser plus avant le rôle partisan et empreint d’intérêts personnels joué par l’agent immobilier Azar ni du peu de crédibilité que j’accorde au témoignage de Monsieur Marc-André Larocque;

[58]      À l’instar de Monsieur Luc Bondaz,  j’arrive au même calcul que lui en ce qui concerne l’indemnité payable pour retard et pour les mêmes raisons et ce, malgré que la maison devait être livrée le 8 juillet 2007, en vertu des pièces E-1(iv) et E-2;

 

 

 

POUR ET PAR CES MOTIFS :

REJETTE la demande d’arbitrage;

CONFIRME   la décision de l’Administrateur du Plan de Garantie et condamne l’Entrepreneur à payer à la bénéficiaire la somme de 5 311,56$ avec intérêt légal à compter du 30e jour de la décision du 16 juillet 2008 (Pièce A-11), date de la décision confirmée;

CONDAMNE, l’Entrepreneur et l’Administrateur à payer tous les frais et honoraires de l’arbitrage en parts égales, conformément à l’article 123 du règlement  sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ;

 

 

 

 


JEAN MORRISETTE, arbitre

 

 

 

 

 

 

 

Me Richard M. LeBlanc

 

Leblanc Doucet McBride, avocats

 

Pour la bénéficiaire Sandra Dubois-Monette

 

 

 

Me Annie Hallée

 

Tremblay Gagnon

 

Pour l’Entrepreneur LMA (6019315 Canada inc.)

 

 

 

Me Luc Séguin

 

Savoir Fournier, avocats

 

La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

 

Pour l’Administrateur de la garantie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :  25 mars 2009

 

Réception des notes autorités : 6 avril 2009, 9 juin 2009 et 20 août 2009

 

 

 



[1] Compagnie Royal Trust Banque fédérale de développement c. Garcia Transport Ltée et al (1992)        

2 R.C.S.

[2] Les obligations, Baudouin et Jobin, 6e édition, Éditions Yvon Blais