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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI

 

 

ENTRE :                                                         GALYNA PISKONOVA

                                                                        ABDELALI EL-KHETTABI

 

(ci-après « les Bénéficiaires »)

 

HABITATIONS GERMAT INC.

 

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

 

ET :                                                                 LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier SORECONI :    070810001

No. bâtiment:            067020-2

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                                     Me Michel A. Jeanniot

 

Pour les Bénéficiaires :                                          Mme Galyna Piskonova

M. Abdelali El-Khetabbi

M. Stéphane Bossus

         

Pour l’Entrepreneur :                                               M. Stéphane Généreux, gérant de chantier

                                                                                  Mme Nathalie Moreau, service après vente

 

Pour l’Administrateur :                                            Me Luc Séguin

                                                                                  M. Jacques Fortin, architecte

Date d’audience :                                                    20 mars 2008

 

Lieu d’audience :                                                     441, rue De St-Servan, Laval

 

Date de la sentence :                                              25 mars 2008

 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre :                                                          Me Michel A. Jeanniot

PAQUIN PELLETIER

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec)  H3B 2N2

 

Bénéficiaires :                                               Mme Galyna Piskonova

M. Abdelali El-Khettabi

441, rue De St-Servan

Laval (Québec)  H7X 4B4

 

                                                                        Monsieur Stéphane Bossu

Centre d’expertises légales en Bâtiments et Ass. inc.

1060, boul. Michele-Bohec

Bureau 103-A

Blainville (Québec)  J7C 5E2

 

Entrepreneur:                                                Habitations Germat Inc.

M. Stéphane Généreux (Gérant de chantier)

Mme Nathalie Moreau (service après vente)

600, rue Bombardier

Mascouche (Québec)  J7K 3G5

 

Administrateur :                                             La Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ

5930, Louis-H. Lafontaine

Anjou (Québec)  H1M 1S7

et son procureur :

Me Luc Séguin

M. Jacques Fortin, architecte


 

Décision

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 10 septembre 2007.

 

Historique du dossier :

 

8 octobre 2003 :                    Contrat préliminaire et contrat de garantie;

 

13 septembre 2004 :            Réception du bâtiment;

 

4 octobre 2004 :                    Contrat de vente;

 

14 décembre 2006 :             Dénonciation des Bénéficiaires;

 

22 janvier 2007 :                   Avis de 15 jours adressé à l’Entrepreneur;

 

24 avril 2007 :                        Lettre de l’Entrepreneur adressée aux Bénéficiaires;

 

24 avril 2007 :                        Dénonciation des Bénéficiaires;

 

26 juin 2007 :                         Décision de l’Administrateur;

 

10 août 2007:                        Demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

20 août 2007 :                       SORECONI reçoit le cahier des pièces de l’Administrateur;

 

10 septembre 2007 :            Nomination de l’arbitre;

 

10 septembre 2007 :            Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;


 

Objection préliminaire et déroulement de l’enquête:

 

[1]        Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par quelque partie que ce soit, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et que l’audience est ouverte de consentement le 20 mars 2008 à 9h30 a.m. à la résidence des Bénéficiaires située au 441, rue De St-Servan, Laval, Québec.

 

[2]        L’enquête s’est déroulée sur plus de 3.5 heures et a été interrompue par une visite (inspection) des lieux.

 

Les admissions :

 

[3]        Il s’agit d’une unité résidentielle non détenue en copropriété.

 

[4]        La réception du bâtiment a eu lieu le 13 septembre 2004.

 

[5]        La première réclamation écrite reçue est en date du 18 décembre 2006 et a été suivie d’une seconde réclamation écrite reçue le 24 avril 2007;

 

La valeur en litige :

 

[6]        Après une brève discussion tripartite, fut déterminé de consentement et dans la collégialité que la valeur estimée de la réclamation se situe entre 7 001,00 $ et 15 000,00$.

 

Remarques préliminaires :

 

[7]        Il s’agit d’une décision unique de l’Administrateur en date du 26 juin 2007, décision sous la plume de Monsieur Jacques Fortin, architecte.

 

[8]        L’Administrateur se refuse de considérer en bloc les points numéros 1 à 12 soulevés par les Bénéficiaires.  La demande d’arbitrage est sous la plume des Bénéficiaires et se limite aux points numéros 1, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11 et 12.

 

·        Point 1 : moulures de type « O-Gee » manquantes dans la dînette;

·        Point 4 : fissures du béton autour de la fenêtre du sous-sol situées sur le mur droit vu de la rue;

·        Point 5 : bardeau (1) de toiture arraché;

·        Point 7 : fenêtre défectueuse à la chambre arrière gauche;

·        Point 8 : capacité de chauffage dans la salle de bain des maîtres et la salle à manger;

·        Point 9 : capacité de chauffage dans les salles de bain;

·        Point 10 : fissure ou gypse du plafond du rez-de-chaussée au joint entre la cuisine et le salon;

·        Point 11 : fissures diverses au gypse et moulures de type « O-Gee »;

·        Point 12 : rampe extérieure en pierre à l’entrée principale non-conforme aux spécifications;

 

[9]        Je rappelle aux parties que le tribunal d’arbitrage a été créé par le règlement sur le plan de garantie pour en assurer l’application.  Il ne peut décider d’un litige qui relève de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.

 

[10]     Je rappelle de plus que nous sommes (pour le bâtiment concerné) postérieurs à l’année qui suit la réception et moins de trois (3) ans suivant la réception du bâtiment.  À cet effet donc, je me dois d’apprécier la position des parties en fonction des critères qui me sont dictés par la doctrine et la jurisprudence suivant l’article 10.3 du Règlement[1].

 

[11]     Afin de faciliter repérage et suivi des commentaires du soussigné, j’aborderai les éléments dans l’ordre qu’ils apparaissent à la décision de l’Administrateur.

 

Point numéro 1 : moulures au gypse manquante dans la dînette

 

[12]     Au soutien de ses représentations, les Bénéficiaires déposent copie :

 

[12.1] d’une liste de spécifications (document final) sur papier en-tête de l’Entrepreneur et qui résume avec force de détails les inclusions au bâtiment; et,

 

[12.2] une annexe à la liste de spécifications (extra 1726).

 

Les documents sont produits en liasse et seront ci-après référés comme pièce B-1.1.

 

[13]     Il appert de la pièce B-1.1 (entre autres) l’extra numéro 002977 lequel prévoit l’agrandissement de la dînette style tourelle de 4 pieds.

 

[14]     L’agrandissement de la dînette style tourelle que nous avons inspectée nous apprend que cette extension n’a pas de moulure type « O-Gee » alors que le reste de la cuisine (voire même la maison) comporte ce type de moulures.

 

[15]     Bien que l’extra numéro 002977 ne fait que préciser « l’agrandissement », la conclusion logique que l’on doit tirer d’un « agrandissement » est que l’on augmente, accroît, extensionne ce qui est convenu.  Conséquemment, si la cuisine (tel le restant du bâtiment) comporte des moulures type « O-Gee », il en va de soi que l’extension de la dînette doit comporter tel type de moulure.

 

[16]     Qu’il s’agisse ou non de mésentente contractuelle entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, je l’ignore.  Chose certaine, l’absence de ce type de moulure est ostensible.

 

[17]     Il s’agit d’un manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment, il s’agit de parachèvement de travaux.  Pour que parachèvement des travaux soit opposable à l’Administrateur, ils se doivent d’être dénoncés par écrit au moment de la réception (étape 5) ou, dans certains cas, dans les quelques jours qui suivent la réception.

 

[18]     Ayant eu l’opportunité de prendre connaissance de la liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment (étape 5, onglet numéro 2 du cahier de pièces de l’Administrateur) force m’est de constater que cette question de parachèvement n’a pas été soulevée à l’Administrateur avant décembre 2006.

 

[19]     Pour ce premier volet, je ne peux faire droit à la demande des Bénéficiaires et je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur.

 

Point numéro 4 : fissure de béton autour de la fenêtre du sous-sol située sur le mur droit vu de la rue

 

[20]     Les Bénéficiaires cèdent le plancher à leur expert qui témoigne en support de son rapport d’expertise du 1er novembre 2007.

 

[21]     L’expert conclut (sur ce point numéro 4) en suggérant qu’il s’agit de fissures de nature structurale.

 

[22]     Lors du contre-interrogatoire (mené par Me Séguin pour l’Administrateur), l’expert, après avoir admis qu’il n’a pas de décrochement des lèvres, accepte qu’il ne s’agit pas d’une certitude mais plutôt d’une probabilité que la fissure soit de nature structurale.  D’ailleurs, le fait que l’expert des Bénéficiaires, appuyé de l’inspecteur de l’Administrateur (lui-même architecte), suggère qu’une simple injection suivie de surfaçage suffirait à corriger la situation, suggère très fortement qu’il ne s’agit pas d’un problème de structure.

 

[23]     Ces deux mêmes experts s’entendent de plus à l’effet que la maison n’a pas subi d’affaissements et donc que cette fissure, en toute probabilité, résulte du décoffrage.

 

[24]     Avant de conclure sur ce point, lors de notre inspection du bâtiment, nous avons bien examiné le pourtour de cette ouverture (de l’intérieur).  Aucune trace d’humidité (gonflement, boursouflure, spore ou autres) n’a pu être démontrée.

 

[25]     Les Bénéficiaires de plus reconnaissent ne jamais avoir perçu d’amoncellement, écoulement et/ou percolation et aucune trace de liquide n’était perceptible.

 

[26]     Je rappelle que nous sommes dans le cadre de l’article 10 alinéa 4 du Règlement[2], et que doit être démontrée une situation qui (entre autres) soit d’une certaine gravité apte à rendre le bien impropre à l’usage auquel on le destine ou en diminuer tellement son utilité que l’acheteur, à défaut de l’avoir acquis, n’aurait pas donné si haut prix.

 

[27]     Je rappelle de plus que ce sont les Bénéficiaires qui sont en demande et que ce sont ces derniers qui ont le fardeau de convaincre de leurs prétentions ou du caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur.  Je n’ai malheureusement, pour ce point, d’éléments utiles et nécessaires à qualifier ces fissures (qualifiées par l’Administrateur de capillaires) comme étant le reflet d’un vice caché.

 

[28]     Je ne pourrai pas pour ce point faire droit à la demande des Bénéficiaires et je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur.

 

Point numéro 5 : bardeau (1) de la toiture arraché

 

[29]     Au soutien de sa preuve, les Bénéficiaires déposent un agrandissement photographique (pièce B-5.1).

 

[30]     Cette photo a été prise le 19 mars 2008 et démontre clairement qu’il semble y avoir eu une évolution dans la détérioration depuis la décision du 26 juin 2007.

 

[31]     Plusieurs hypothèses sont soulevées par l’expert des Bénéficiaires (insuffisance de cloutage ou clouage, bande adhésive mal retirée, assemblage ou pose non conforme aux règles de l’art, bardeau déficient ou de mauvaise qualité).

 

[32]     Le vice, défaut ou problème est circonscrit à une zone bien particulière et personne ne suggère pente et/ou vallée hors norme.

 

[33]     Force est de constater qu’il s’agit d’un phénomène anormal pour une toiture de si bas âge.

 

[34]     Je note de plus que lors de la production de la pièce B-5.1, l’inspecteur de l’Administrateur (Jacques Fortin, architecte) a complété (après examen de l’épreuve photographique) que si ce constat (au moins trois tuiles problématiques) lui était alors connu, il aurait poussé ses recherches plus loin (ce qui ne veut pas pour autant dire qu’il aurait changé son opinion).

 

[35]     Pour ce point, je considère qu’il est prématuré pour le soussigné de se prononcer sur une situation qui, de toute évidence, a évolué de façon significative depuis l’inspection du 22 mai 2007 (et la décision du 26 juin suivant).

 

[36]     Les Bénéficiaires sont en demande, le fardeau leur incombe et puisque ce fardeau de preuve ne doit pas leur être indu, je suis satisfait qu’il ne s’agit pas ici du simple arrachement d’un seul bardeau et que nous sommes en présence de signes et/ou éléments multiples et annonciateur d’un phénomène anormal.

 

[37]     Il appert donc de l’opinion du soussigné qu’il existe des dommages à cette toiture qui est affectée par un défaut majeur, soit l’installation déficiente de bardeau de recouvrement ou la pose de bardeaux eux-mêmes déficients.

 

[38]     De l’avis du soussigné (faisant miens les propos de Me Alcide Fournier), il ne suffit d’affirmer avoir pris connaissance de l’importance d’un problème à une date donnée pour qu’automatiquement, la computation des délais pour réviser par écrit l’Entrepreneur et l’Administrateur commence à cette date.  Il faudrait à tout le moins que cette affirmation soit corroborée par certains faits concrets, comme cela peut se produire lors de dommages progressifs par exemple.  Dans le présent dossier, la prise de conscience de la gravité de la situation a été provoquée par l’évolution importante constatée tout récemment (selon la preuve en date du 19 mars 2008).

 

[39]     À défaut donc d’une preuve à l’effet contraire, l’arbitre soussigné estime que la date du 18 mars 2006 doit être considérée comme la date de départ pour la computation du délai de la dénonciation par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.

 

[40]     Cet élément peut-il être considéré comme un vice caché au sens des articles 1726 ou 2103 du Code civil du Québec?

 

[41]     Il est pertinent ici de reproduire un extrait de l’article 1726 C.c.Q. qui se lit comme suit :

« 1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. (…) »

 

[42]     S’agit-il d’un vice caché tel que ce terme est défini par la Loi, mais surtout la doctrine et la jurisprudence?

 

[43]     La norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant énoncé à l’article 1726 C.c.Q.

 

[44]     Selon la jurisprudence constante et bien établie, la notion « perte » en vertu de l’article 2118 C.c.Q. fait l’objet d’une interprétation large et comprend « la perte potentielle » ou « la perte probable à long terme »[3] :

 

« Pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.Q., il n’est nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler.  Il suffit de démontrer la présence des inconvénients ou d’un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l’ouvrage, c’est-à-dire une perte potentielle. ...La simple menace de perte d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.


La notion de « perte » au sens de l’article 2118 C.c.Q. doit donc, tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l’article 1688 C.c.B.C., recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tout dommage sérieux subi par l’ouvrage immobilier.
»

 

[45]                 Aussi dans Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc.[4], la Cour Supérieure affirme que :

 

« La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux.  Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux.  Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux. »

[46]     Donc et pour ce poste de réclamation des Bénéficiaires, je suis d’avis qu’il fut établi une preuve d’une perte potentielle à long terme et ce, avec prépondérance.  Avec preuve photographique à l’appui, je suis satisfait de la démonstration d’une détérioration et/ou perte qui m’habilite à opiner en ce sens.

 

[47]     Je pourrai donc donner droit à la position des Bénéficiaires.

 

[48]     Considérant qu’un Entrepreneur (ou le prestataire de services) a le libre choix des moyens d’exécution et qu’il n’existe entre ce dernier et l’Administrateur et les Bénéficiaires aucun lien de subordination le choix des correctifs et/ou la méthode de correction appartient à l’Entrepreneur (article 2099 C.c.Q. in fine), sujet à son obligation de résultat.


Point numéro 7 : fenêtre défectueuse à la chambre arrière gauche

 

[49]     Ici, notre inspection des lieux ainsi que les épreuves photographiques (19 et 20 du rapport d’expertise des Bénéficiaires) nous démontrent que le coupe froid latéral gauche de la fenêtre de cette pièce n’est pas convenablement appuyé sur le cadre (bâti) de la fenêtre.  J’accepte que dans ce contexte ce volet permette des infiltrations d’air et j’accepte le constat que la fenêtre en cause est défectueuse et que le défaut résulte du bâti et non pas du mécanisme.

 

[50]     L’on ne doit pas confondre déficit d’usage (difficulté d’opération de la fenêtre et/ou infiltration d’air) à une condition de gravité qui rend l’immeuble « impropre à l’usage auquel il est destiné ».

 

[51]     Il s’agit ici d’un inconfort et/ou d’un déficit d’usage qui ne pourrait directement ou indirectement, à court, moyen ou long terme être annonciateur d’une perte partielle de l’immeuble.

 

[52]     Il ne s’agit donc pas, toujours selon la doctrine et jurisprudence qui lui est connu, d’un élément qui rencontre les critères m’habilitant à qualifier la situation de vice caché.  S’agissant donc de malfaçon (si évidente soit-elle).  Pour cette raison, je ne pourrai faire droit à la demande des Bénéficiaires et je me dois de maintenir pour ce volet la décision de l’Administrateur.

 

Point numéro 8 : capacité de chauffage dans la salle de bain des maîtres et la salle à manger

 

Point numéro 9 : capacité de chauffage dans les salles de bain

 

[53]     Selon la preuve, il ne s’agit pas d’une situation qui résulte de la capacité de chauffage (le bâtiment est équipé d’une thermopompe à capacité trois tonnes), l’inconfort thermique résulte d’un problème de distribution (par opposition à capacité).

 

[54]     Pour les motifs ci-haut repris au point numéro 7 concernant la question du déficit d’usage par opposition à la condition de gravité apte à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné, je ne pourrai souscrire au point de vue des Bénéficiaires et je me devrai de maintenir la décision de l’Administrateur.

 

Point numéro 10 : fissure au gypse du plafond du rez-de-chaussée au joint entre la cuisine et le salon

 

Point numéro 11 : fissures diverses au gypse et moulures de type « O-Gee »

 

Point numéro 12 : rampe extérieure en pierre à l’entrée principale non-conforme aux spécifications

 

[55]     Lampe de poche à l’appui, l’expert des Bénéficiaires procède à une démonstration exhaustive de fissures porosité et autres diverses imperfections et malfaçons au gypse.  Le seul constat que le soussigné peut retirer de cet examen est que, de façon généralisée, l’ensemble des travaux de finition des murs (joints, sablage, application d’après et de peinture) est de piètre qualité.

 

[56]     Je rappelle que le bâtiment concerné est une unité résidentielle, que les Bénéficiaires ont accusé réception le 13 septembre 2004, en temps utile et de façon contemporaine à la réception du bâtiment, les Bénéficiaires exécutent la déclaration de réception du bâtiment (étape 5 du plan de garantie - onglet numéro 2 du cahier des pièces de l’Administrateur) où ils ne listent aucun élément pour lesquels parachèvement, correction ou réparations à exécuter de nature similaire.

 

[57]     Séance tenante, les Bénéficiaires reconnaissent et admettent que ces éléments (points numéros 10, 11 et 12) étaient, à défaut d’être connus, identifiables lors de leur aménagement et/ou lors de la confection de la déclaration de réception (i.e. étape 5).

 

[58]     Les Bénéficiaires plaident et représentent que le plâtre, les murs de gypse, la couche d’après ainsi que les couches de peinture qui recouvrent l’ensemble de leur résidence sont tous de couleur blanche et pour cette raison, la mauvaise qualité de l’ouvrage (du tireur de joint, le sableur, le peintre) n’était pas apparente.  Je ne peux souscrire à cette théorie.  J’accepte que certaines malfaçons ne sont pas ostensibles mais elles étaient toutes présentes, donc toutes visibles avant l’exécution par les Bénéficiaires de l’étape 5 (ainsi que subsidiairement, dans l’année qui suit la réception).

 

[59]     Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et de la jurisprudence qui me sont connues, la seule existence d’une malfaçon apparente au moment de la réception ou encore l’inachèvement de travaux observables au moment de la réception, ne sont pas suffisants pour donner ouverture à un recours en faveur de l’Administrateur.  En effet, il faut que ces situations aient été, en outre, dénoncées par écrit au moment même de la réception du bâtiment (ou dans les trois jours qui suivent si les Bénéficiaires n’avaient pas encore aménagé).

 

La décision :

 

[60]     Je rappelle que le Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie pour en assurer l’application.  Il ne peut décider d’un litige qui relève de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.

 

[61]     La Loi et le Règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes.  L’arbitre a compétence exclusive.  Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[5].

 

[62]     Enfin, l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient »[6].

 

[63]     À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie[7].  Bien que ceci inclue toute question de faits, de droit et de procédure, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le texte du Règlement ou le plan de garantie.

 

[64]     Suivant mon appréciation des faits et de la preuve versée lors de l’enquête et de l’audition, et sur la foi de la loi, de la doctrine et de la jurisprudence qui me sont connues, je suis d’opinion que je me dois de renverser la décision de l’Administrateur sur le point numéro 5 de sa décision du 26 juin 2007.

 

[65]     Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter et de maintenir la décision de l’Administrateur sur les points numéros 1, 4, 7 à 12 inclusivement et je me dois de rejeter la demande d’arbitrage des Bénéficiaires, le tout sans préjudice et sous toute réserve du droit qui est leur (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux de droit commun, leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile.

 

[66]     Considérant que les Bénéficiaires ont obtenu gain de cause sur au moins un aspect de leur réclamation, les coûts du présent arbitrage seront à la charge de l’Administrateur.

 

Les frais d’expertise :

 

[67]     L’expert dépose deux factures.  Une première datée du 1er novembre 2007 pour son rapport d’expertise (au montant de 1 367,40 $) et une deuxième facture du 20 mars 2008 pour sa présence lors de l’enquête et audition au mérite des présentes (au montant de 592,59 $).

 

[68]     Le rapport d’expertise préparé par le Centre d’Expertises légales en Bâtiment Inc. (témoin expert) doit être pertinent et avoir un rapport direct avec les problèmes discutés pour être assumé par la partie déboutée.  La facture pour le rapport d’expertise doit être assumé par la partie déboutée.

 

[69]     Quant à la facture concernant la vacation de l’expert lors de l’enquête et audition au mérite, son apport doit soutenir la position des Bénéficiaires.

 

[70]     Le rapport a été pertinent avec les questions à débat, relativement complet et explicite et il m’appert raisonnable de croire que les Bénéficiaires n’auraient pas eu de si bonnes assises au sein du présent forum sans ce rapport.  Ce n’est pas parce que les Bénéficiaires ont été déboutés que le rapport n’est pas pertinent.

 

[71]     Bien que l’article 124 du Règlement[8] prévoit que l’arbitre doit statuer pour le remboursement des frais raisonnables d’expertise, l’article 125 du Règlement[9] établit que les dépenses effectuées pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chaque partie.  Monsieur Bossus (l’expert) nous a représenté facturer 125,00$ de l’heure, sa facture datée du 20 mars 2008 est de, avant taxes, 525,00 $.  L’enquête et audition n’ayant duré que 3.5 heures, la facture du 20 mars 2008 sera réduite de 525,00 $ à 437,50 $ puisque j’y soustrais le temps consacré par l’expert afin de servir comme conseiller des Bénéficiaires).

 

[72]     Au motif que l’Administrateur considère raisonnable la facture du 1er novembre 2007 (pour la confection du rapport d’expertise 1 200,00 $), j’accorde donc aux Bénéficiaires une compensation pour frais d’expertise de 1 437,50 $ avant toutes taxes applicables.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

            ACCUEILLE en partie la demande des Bénéficiaires;

 

MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur les points numéros 1, 4, 7, 8, 9, 10, 11 et 12;

 

ORDONNE à l’Administrateur de considérer le point numéro 5 dans le cadre du contrat de garantie et ORDONNE à l’Entrepreneur d’adresser les travaux et correctifs utiles et nécessaires à corriger la couverture (bardeau d’asphalte) dans la zone (pente et façade) ciblée;

 

            ACCUEILLE en partie la demande de remboursement des frais d’expertise laquelle demande sera limitée à 1 437,50 $ en sus des taxes applicables;

 

LE TOUT avec frais contre l’Administrateur.

 

Montréal, le 25 mars 2008

 

 

 

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ME MICHEL A. JEANNIOT

Arbitre / SORECONI



[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, c. B-1.1., r. 0.2.

[2] Supra, note 1.

[3] J. Rodrigue et J. Edwards, « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons », La construction au Québec : perspectives juridiques, Wilson & Lafleur, 1998, p. 434.

[4] J.E.  97-2080 (C.S.), page 8.

[5] Articles 9, 20, 106 et 120 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[6] Article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[7] Article 83.1 de la Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1.

[8] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, c. B-1.1., r. 0.2.

[9] Ibid.