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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Pascal Lefrançois et Mylène Fiore |
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(ci-après les « bénéficiaires »)
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ET : |
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Le Domaine Trinité inc. |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier APCHQ : 175860-1 No dossier GAMM : 2011-09-002
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SENTENCE ARBITRALE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour les bénéficiaires : |
Mme Mylène Fiore |
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Pour l'entrepreneur : |
Aucun représentant |
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Pour l'administrateur : |
Me Manon Cloutier |
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Date d’audience : |
24 mars 2011 |
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Lieu d’audience : |
Anjou |
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Date de la sentence : |
11 avril 2011 |
[1] Les bénéficiaires ont réclamé auprès de l’administrateur des montants totalisant 3 933,78 $ à titre de dédommagement pour le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens suite à un retard de livraison de la part de l’entrepreneur.
[2] La date de livraison prévue au contrat préliminaire était le 1er avril 2010, alors que la réception du bâtiment (détenu en copropriété divise) a eu lieu le 10 juin 2010, pour un retard de quelque 71 jours. Ce retard de livraison a été admis par les parties.
[3] Le refus de l’administrateur de rembourser les montants demandés repose sur le fait que ce ne sont pas les bénéficiaires qui ont eu à les débourser, mais plutôt des locataires.
[4] Après avoir été dûment convoqué, l'entrepreneur n'a pas délégué de représentant lors de l'audience.
- En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné : Mme Mylène Fiore, bénéficiaire; M. Manuel Lago, inspecteur-conciliateur pour l’APCHQ
[5] Les bénéficiaires habitent à Otterburn Park. Le 1er novembre 2009, ils ont signé un contrat préliminaire pour l’acquisition d’un condo à Saint-Basile-le-Grand, pour livraison le 1er avril 2010.
[6] Après la signature de ce contrat, pour des raisons strictement personnelles, les bénéficiaires ont décidé de ne plus quitter leur habitation actuelle à Otterburn Park et de louer le condo de Saint-Basile-le-Grand aux parents du conjoint; ces derniers habitaient à Terrebonne.
[7] À cet égard, les deux parties, soit les bénéficiaires et les parents du conjoint, ont signé, en date du 27 novembre 2009, un bail en bonne et due forme, d’une durée de 15 mois, débutant le 1er avril 2010.
[8] Les parents ont vendu leur propriété et ont emménagé chez les bénéficiaires à Otterburn Park le 1er décembre 2009; ils y sont demeurés jusqu’à la date de la réception du condo ou peu après le 10 juin 2010; entre-temps, les parents ont entreposé leurs biens à Terrebonne.
[9] Les bénéficiaires ont remboursé aux parents un montant de 3 933,78 $ pour les dépenses engagées entre le 1er avril 2010 et le 19 juin 2010; cette somme est répartie comme suit :
- Frais de déménagement : 1 233,67 $
- Frais d’entreposage : 495,20 $
- Frais de relogement : 2 204,91 $
TOTAL 3 933,78 $
[10] Selon Mme Fiore, les bases de cette réclamation correspondent aux critères énoncés au plan de garantie.
[11] À cause du bail signé entre les parties, les bénéficiaires se sont tenus responsables de rembourser aux locataires les frais causés par le retard de livraison du condo à Saint-Basile-le-Grand; l’entrepreneur n’ayant pas respecté son contrat, ni les parents ni les bénéficiaires ne doivent être pénalisés par ce retard.
[12] Mme Fiore précise que la réclamation de 2 204,91 $ pour les frais de relogement ne concerne que des repas; cette somme découle de l’achat de produits d’épicerie ayant servi à la préparation desdits repas dans la propriété des bénéficiaires à Otterburn Park.
[13] Elle soumet que l’entrepreneur n’a jamais répondu aux appels des bénéficiaires.
[14] Durant la période de cohabitation, les bénéficiaires ont subi des préjudices et pertes de jouissance, en plus d’atteintes au plan émotionnel, Mme Fiore ayant accouché durant cette période.
[15] Pour minimiser les coûts, les parents ont évité d’habiter dans un hôtel et de manger au restaurant.
[16] La bénéficiaire indique qu’un bien peut être matériel ou non matériel; or, le mot « bien » au plan de garantie (article 26) n’est pas défini; le bail étant un contrat, et ce dernier étant un bien, les bénéficiaires doivent rembourser les locataires.
[17] À l’appui de son argumentation, Mme Fiore a cité les articles 899, 904, 916 et 1863 du Code civil du Québec.
[18] L’administrateur a refusé la présente réclamation. Les motifs sont exprimés dans un rapport de décision daté du 4 janvier 2011; en voici un extrait :
Les bénéficiaires ont joint à leur demande une copie d’un bail prouvant que le bâtiment devait être occupé par un locataire à partir du 1er avril 2010.
Or, ledit locataire n’a pu emménager dans le bâtiment que le 19 juin 2010. Les factures déposées avec la demande sont au nom du locataire et visent le remboursement des dépenses du locataire et non celles des bénéficiaires.
Lors de notre visite, la bénéficiaire a expliqué que le locataire habitait chez les bénéficiaires à Otterburn Park entre le 1er avril et le jour du déménagement ayant eu lieu le 19 juin 2010.
Puisqu’ils habitaient dans leur propriété d’Otterburn Park, les bénéficiaires n’ont pas eux-mêmes défrayé quelque montant que ce soit pour le relogement, le déménagement et l’entreposage.
[19] La procureure cite les articles 26.3° et 30.2° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[20] Elle rappelle que la responsabilité de la garantie est limitée par les clauses contenues dans le Règlement, tandis que la responsabilité de l’entrepreneur est plus large.
[21] Dans le présent dossier, les frais ont été engagés par les locataires; les bénéficiaires, soit les propriétaires du bâtiment, n’ont pas subi ces frais; les locataires présentent une réclamation en dommages, non couverts par le plan de garantie; ce dernier couvre plutôt l’entreposage des biens corporels appartenant aux bénéficiaires.
[22] Au soutien de ses prétentions, la procureure a soumis les autorités suivantes :
- Kaushi Patel c. Les Habitations Meaujé Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., SA, 12 avril 2006, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
- Maria Goretti Ferreira et John Pimentel c. Goyette, Duchesne & Lemieux Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SA, 26 mai 2005, M. Alcide Fournier, arbitre.
- Diane Corbeil c. 4002644 Canada Inc. (Valmont sur Rives) et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SA, 21 octobre 2005, Me Marcel Chartier, arbitre.
- Denise Doucet c. L.V. Construction inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SA, 26 mai 2006, M. Gilles LeBire, arbitre.
- Syndicat de copropriété « SDC Les Habitations Mélatti, 7014 Marie-Rollet et 7011 Louis-Hébert à Lasalle » c. Les Constructions G. Mélatti inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 11 août 2006, Me Jeffrey Edwards, arbitre.
[23] Dans le présent dossier, les articles du Règlement mis en cause et auparavant cités par la procureure de l’administrateur sont les suivants :
26. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
[…]
3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:
a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;
b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'enrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants:
[…]
2° pour la protection à l'égard du relogement, du déménagement et de l'entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à la condition qu'il n'y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété soit: (5 500 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
a) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l'entreposage;
b) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le relogement comprenant gîte et couvert sans toutefois dépasser, sur une base quotidienne:
- pour 1 personne: 75 $; (85 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 2 personnes: 100 $; (110 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 3 personnes: 125 $; (140 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
- pour 4 personnes et plus: 150 $; (170 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
[…]
[24] La réclamation totale est de 3 933,78 $, les frais de déménagement étant de 1 233,67 $, les frais de relogement de 2 204,91 $ et les frais d’entreposage de 495,20 $.
[25] Relativement aux frais de déménagement, les parents du conjoint ont signé, en date du 27 novembre 2009, un bail avec les bénéficiaires pour occupation du condo de Saint-Basile-le-Grand le 1er avril 2010; par contre, les parents ont emménagé chez les bénéficiaires dans l’habitation d’Otterburn Park le 1er décembre 2009; ainsi, à ce moment-là, les parents savaient, retard de livraison du condo ou pas, qu’ils auraient à payer un transport. En d’autres termes, les frais de transport ne découlent pas du retard de livraison de l’unité d’habitation, mais plutôt de l’emménagement hâtif des parents chez les bénéficiaires; accéder à cette partie de la réclamation produirait un enrichissement injustifié.
[26] En ce qui a trait aux frais de relogement (2 204,91 $), il existe une preuve non contredite que la totalité de cette réclamation montre uniquement des achats dans des chaînes d’alimentation; elle ne fait état d’aucun achat dans des établissements de restauration, ni d’aucune dépense pour des chambres de motel ou d’hôtel. Or, ces coûts auraient été engagés par les parents, qu’ils habitent ou non dans leur propre résidence; encore une fois, accepter cette réclamation provoquerait un enrichissement injustifié.
[27] Les frais d’entreposage (495,20 $) composent le dernier élément de la présente réclamation; il s’agit des frais d’entreposage des biens des parents pour la période s’étendant du 1er avril 2010 à la date effective de livraison de l’unité de condo à Saint-Basile-le-Grand.
[28] L’article 26.3° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs stipule que la garantie doit couvrir l’entreposage des biens du bénéficiaire, en cas de manquement de l’entrepreneur; la garantie est muette à l’endroit des frais d’entreposage engagés par un tiers.
[29] À cet égard, le tribunal cite l’arbitre Gilles LeBire[1] :
Concernant la demande qui est faite pour sa fille, vous devez considérer qu’elle n’est pas propriétaire de l’immeuble, et par le fait même, elle n’est pas bénéficiaire de la garantie, en conséquence, elle n’a pas le droit de réclamer et sa mère n’a pas le droit de réclamer pour autrui
[30] Mme Fiore a fait état de dommages moraux et émotionnels causés par une longue cohabitation avec les parents de son conjoint.
[31] L’objectif premier du plan de garantie est de protéger l’habitation contre les malfaçons et les vices; non seulement ce plan ne prévoit-il pas de protection contre les dommages moraux, mais il n’en prévoit pas non plus contre les dommages physiques qu’un bénéficiaire subirait à la suite d’un défaut de construction.
[32] Pour ces motifs, la présente réclamation est REJETÉE dans sa totalité.
[33] Conformément à l’article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal départage les coûts du présent arbitrage de la façon suivante : cinquante dollars (50,00 $) à la charge des bénéficiaires et le solde à la charge de l’administrateur.
BOUCHERVILLE, le 11 avril 2011.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre |
[1] Denise Doucet c. L.V. Construction inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SA, 26 mai 2006, M. Gilles LeBire, arbitre, para. 20.