ARBITRAGE
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
No : S18-071801-NP Syndicat des copropriétaires
Chambly sur le Golf 5 381 101
Bénéficiaire
c.
L’Entrepreneur
Et :
PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la
Garantie Habitation du Québec Inc.
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Roland-Yves Gagné
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Jean-Marc Chouinard
Pour l’Entrepreneur : Me Christine Gosselin
Madame Marie-Pier Racine
Pour l’Administrateur : Me François Olivier Godin
Monsieur Yvan Gadbois
Date de l’audience : 16 octobre 2018
Date de la décision : 9 novembre 2018
DESCRIPTION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRE:
Syndicat des copropriétaires
Chambly sur le Golf 5 381 101
a/s Monsieur Jean-Marc Chouinard
[...]
Chambly, Qc. [...]
ENTREPRENEUR:
9231-9144 Québec Inc.
a/s Me Christine Gosselin
1981 Bernard Pilon
Beloeil, Qc. J3G 4S5
ADMINISTRATEUR
PriceWaterhouseCoopersInc.
ès qualités d’administrateur
provisoire du plan de garantie de la
Garantie Habitation du Québec Inc.
a/s Me François Olivier Godin
Bélanger Paradis
9200 boul. Métropolitain est
Montréal, Qc. H1K 4L2
PIÈCES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Notification de la demande d’arbitrage et nomination ;
A-2 : Demande d’arbitrage ;
A-3 : Rapport de conciliation 96918-11783 daté du 20 juin 2018 ;
A-4 : État des renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises du Bénéficiaire ;
A-5 : Avis de fin des travaux des parties communes ;
A-6 : Rapport d’inspection visuelle de Détection Thermique JD du 10 septembre 2015 ;
A-7 : Déclaration de copropriété ;
A-8 : Courriel du 12 juin 2018 de Yvan Gadbois à Sylvie Leblond.
Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 : Courriel de France Ledoux du 9 mai 2014 sur l’infiltration d’eau au 58-3 ;
B-2 : Lettre Guy Labrie 19 avril 2018 et autres courriels subséquents en liasse sur ce sujet ;
B-3 : Photo de la main (mitigeur) unité 58-6, prise le 15 mai 2018 16 :41.
L’Entrepreneur a produit la pièce suivante :
E-1 : En liasse, trois photos produites par courriel du 1er novembre 2018 lors de la réouverture d’enquête.
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 18 juillet 2018, et par la nomination du soussigné comme arbitre en substitution le 19 septembre 2018.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.
[3] L’audition s’est tenue sur les lieux, après une visite.
Valeur des problématiques
[4] Le Tribunal d’arbitrage conclut à l’insuffisance de la preuve sur la valeur du litige.
[5] Le procureur de l’Administrateur a déclaré que cette valeur n’apparaissait pas dans le dossier de conciliation.
[6] L’Inspecteur-conciliateur affirme qu’on lui a posé la question pour la première fois le matin même de l’audience, qu’il n’est pas de la section qui s’occupe de demander des soumissions, puis comme première réponse au soussigné quand il a insisté, qu’on ne sait jamais ce qu’on trouve quand on ouvre les murs.
[7] Dans ces circonstances, malgré les représentations, le Tribunal d’arbitrage considère que la preuve n’est pas concluante à ce sujet.
Différends
[8] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[9] Le Bénéficiaire a confirmé à l’audience que les différends avec la décision de l’Administrateur du 20 juin 2018 qu’il demande au Tribunal d’arbitrage de trancher sont :
[9.1] Point 1 : Infiltration d’eau rangement 6 du 58 ;
[9.2] Point 2 : Fuite d’eau à la salle de bain de l’unité 4 du 58.
Point 1 : Infiltration d’eau rangement 6 du 58
[10] Le 3 avril 2018, le Bénéficiaire dénonce ce qui suit :
[…] il y a un écoulement d’eau dans le locker du 58-6 propriété du 58-2 […]. Selon les premières constatations, l’écoulement d’eau provient du patio [Note du soussigné : il s’agit plutôt d’un balcon] du 58-3 […].
[11] L’Administrateur rejette cette réclamation. Il écrit :
commentaires du syndicat au moment de l’inspection : Le représentant du syndicat a mentionné que l’eau s’est infiltrée dans le rangement numéro 6 pour la première fois l’hiver passé. Le balcon n’a pas été déneigé l’hiver passé car le copropriétaire de l’unité 3 était absent pour la saison hivernale. Cette situation a laissé des traces sur le crépi de la fondation sous le balcon de l’unité 3.
[12] Il ajoute :
Lors de notre visite, nous avons fait les observations suivantes :
- Des dommages importants au plafond du rangement numéro 6 sous le balcon de l’unité 3 indiquant une importante infiltration d’eau ;
- Au balcon de l’unité 3, la présence[1] d’un solin à la base du revêtement mural extérieur s’appuyant à la surface du balcon de béton ;
- Des traces de cernes d’eau et de végétation sur le crépi du mur de fondation sous le balcon de l’unité 3.
[13] Il rejette la réclamation aux motifs suivants :
Considérant que la situation énoncée à ce point n’est survenue qu’une seule fois depuis la réception des parties communes soit, dans la 3e année de couverture du contrat de garantie obligatoire ;
Considérant que cette situation s’est produite suite à l’omission de déneiger le balcon de l’unité 3 durant le dernier hiver ;
Considérant que selon les constatations réalisées sur les lieux et les informations recueillies de la part des parties impliquées, il apparaît que ce point résulte d’un entretien inadéquat du bâtiment par les copropriétaires ;
Considérant l’application de l’article 6.7.3 du contrat de garantie obligatoire, dont voici l’extrait - 6.7 Exclusions de la garantie - Sont EXCLUS de la garantie : 6.7.3. Les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment […]
[14] À l’audience, Jean-Marc Chouinard, président du Syndicat Bénéficiaire, affirme :
[14.1] que le Syndicat a été formé (transféré aux copropriétaires) en janvier 2015[2] ;
[14.2] quand il a fait sa réclamation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur en avril 2018, il ignorait alors qu’il y avait eu une réclamation pour la même problématique en 2014 ; et
[14.3] qu’il y avait eu dans le passé une réparation d’effectuée par l’Entrepreneur dans le but de corriger cette problématique.
[15] Le représentant de l’Entrepreneur présent a débuté ses fonctions après cette période et n’est pas en mesure de témoigner sur les évènements de 2014, ni sur les travaux correctifs qui ont été apportés avant la formation (en fait, le transfert) du Syndicat en 2015.
[16] La seule preuve à l’audience sur les évènements de 2014, crédible et qui a permis au Bénéficiaire de remplir son fardeau de preuve, a été apportée par le Syndicat Bénéficiaire.
[17] Le Syndicat produit le courriel suivant (pièce B-1) du 9 mai 2014 de France Ledoux au Service après-vente de l’Entrepreneur :
Bonjour Caroline, […] AVANT MON DEPART LE 17 MAI, JE NE REVIENS QU'EN JUILLET ET IL N'Y AURA PERSONNE POUR SUPERVISER LES TRAVAUX PENDANT CE TEMPS.
Aussi, je ne sais si vous êtes au courant mais le balcon présente un problème majeur, l'eau ou la neige s'infiltre dans le bâtiment ce qui a provoqué l'effondrement du plafond d'un rangement et d'un garage ces problèmes doivent être résolus MAINTENANT pour ne plus revivre ces situations désagréables. Merci tel: 514 […] France Ledoux (nos soulignés)
[18] Le représentant du Syndicat Bénéficiaire affirme que des travaux correctifs ont eu lieu, que l’angle du balcon [permettant l’écoulement des eaux] n’était pas bon, l’Entrepreneur a meulé (râpé) le ciment du balcon pour que l’eau s’écoule vers l’extérieur.
[19] Le Syndicat Bénéficiaire plaide ne pas croire qu’il faille déneiger un balcon à chaque fois qu’il tombe 6 pouces de neige pour éviter une infiltration.
[20] Le représentant du Syndicat Bénéficiaire ajoute que la propriétaire des lieux était dans le Sud lors de l’hiver 2017-2018.
[21] En contre-interrogatoire, il affirme que lors de l’inspection par le professionnel du bâtiment (rapport du 10 septembre 2015), ces réparations n’ont pas été décelées, que la photo 42 du rapport (pièce A-6) ne réfère qu’à la gouttière.
[22] Cette inspection ne réfère nulle part aux réparations de 2014.
[23] À l’audience, l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur affirme que si on ne voit pas le solin, on voit un contre-solin donc on prend pour acquis qu’il y a un solin.
[24] Il ajoute :
[24.1] que le balcon est orienté nord-est, l’eau ne s’évapore pas, l’eau reste là, à preuve, il y a présence de végétation[3] ;
[24.2] comme l’absence d’ensoleillement équivaut à absence de fonte par le soleil, le redoux suivi d’un froid entraîne un barrage de glace qui fait monter le niveau de l’eau, et comme l’évènement ne s’est produit qu’une fois en trois hivers, cela indique que peut-être (sic!) un barrage a empêché l’eau de s’écouler, il y a une limite au niveau de l’étanchéité car un solin doit remonter au moins six pouces dans le revêtement ;
[24.3] tout semble (sic!) en place pour dégager l’eau et la seule fois qu’il y a eu infiltration c’est quand on n’a pas déneigé le balcon.
[25] Le représentant du Syndicat lui demande, si le scellant est bien posé il ne devrait pas avoir de problème car douze pouces ou quinze pouces de neige ne peuvent pas fondre d’un coup sec, l’Inspecteur-conciliateur lui répond que les deux hivers précédents il n’y a pas eu d’infiltration, alors qu’au dernier hiver, il y a eu une grosse quantité de neige[4] et il faut déneiger car l’eau peut rentrer.
[26] Ce dernier ajoute :
[26.1] que quand on a une grosse quantité de neige, il y a une grosse possibilité que l’eau s’infiltre ;
[26.2] qu’on a un balcon qui semble avoir tous les éléments pour son étanchéité, surtout que c’était la première fois qu’il y avait une infiltration ;
[26.3] que lors de la période de fonte, la fonte n’a pas lieu uniformément, il se forme des monticules qui peuvent retenir l’eau et l’eau emprisonnée entre dans le bâtiment ;
[26.4] que la littérature recommande, comme pour un toit, de déneiger les balcons.
[27] En plaidoirie, le Syndicat Bénéficiaire affirme que même s’il y avait trois pieds de neige, l’eau ne rentre pas nécessairement dans une maison.
[28] John Brandes a témoigné à la fin de l’audience, dans un autre lieu (sans avoir entendu les témoignages et les plaidoiries cités ci-haut).
[29] Il est le copropriétaire de l’unité qui a subi les dommages dans son rangement.
[30] Il était aussi copropriétaire en 2014 - le Tribunal d’arbitrage note que c’est le seul témoin à l’audience qui ait connu personnellement les évènements d’avant la réclamation de mai 2014 et les travaux correctifs qui s’en sont suivis.
[31] Il affirme que si en 2018, seul son rangement a subi un dommage, il en a été autrement en 2014, les dommages ont été plus gros, il y a eu un dommage à son rangement et il y a aussi eu dommage dans le plafond du garage.
[32] Il ajoute :
[32.1] qu’en 2014, après la dénonciation de France Ledoux en mai 2014, on a « groundé » (sic!) le béton pour « enlever la pente » (sic!), car normalement, l’eau n’est pas supposée s’accumuler ;
[32.2] normalement une membrane protège le mur ;
[32.3] peut-être que la pente du balcon n’est pas assez prononcée ;
[32.4] peut-être que l’eau s’est accumulée années après années, la laine minérale peut absorber l’eau jusqu’à une certaine limite puis il y a un dommage tout d’un coup (ce fait, bien qu’il ne soit pas impossible, n’a pas fait l’objet d’une preuve dans le cas présent et le témoin a témoigné comme témoin ordinaire et non comme témoin expert).
Décision sur le point 1
[33] Vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage accueille la demande d’arbitrage du Bénéficiaire, pour plusieurs raisons :
[33.1] il s’agit d’un bâtiment neuf, couvert pour les vices cachés aux parties communes en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, dont le balcon objet de l’arbitrage est au-dessus d’un garage et d’une remise chauffés ;
[33.2] fait nouveau divulgué à l’audience après la décision de l’Administrateur : c’est la deuxième fois que la problématique est apparue, cette fois-ci, suite à des travaux correctifs, travaux correctifs qui n’ont pas été divulgués :
[33.2.1] à l’inspecteur en bâtiment qui a procédé à la réception des parties communes en 2015 ;
[33.2.2] au Syndicat Bénéficiaire, qui l’ignorait au moment de produire sa réclamation en 2018 ;
[33.2.3] à l’Inspecteur-conciliateur au moment de rendre sa décision ;
[33.3] de façon subsidiaire, autre fait nouveau divulgué à l’audience après la décision de l’Administrateur : les parties communes n’ont pas fait l’objet d’une inspection préréception conformément au Règlement.
Bâtiment neuf couvert et balcon sur garage et remise chauffés
[34] L’Inspecteur-conciliateur conclut au barrage de glace sur ce balcon soi-disant causé par une période de redoux/froid, dont l’existence a d’abord été qualifiée par lui-même de « peut-être » à l’audience, sans jamais mentionner qu’il est sur un garage et remise chauffés, et en ignorant au moment de rendre sa décision l’existence d’un dommage suivi de réparations en 2014, pour ne pas considérer le vice caché du balcon.
[35] La problématique des barrages de glace est normalement un problème de toiture (la chaleur du bâtiment contribuant à la fonte de la neige sur le toit), et les décisions de nos tribunaux sur les barrages de glace aux toitures démontrent que, quand le toit est couvert par une garantie, c’est le vice du toit sous garantie qui est mis en cause par nos Cours du Québec et Supérieure[5], car il ne remplit pas sa fonction malgré la garantie, et non l’absence de déneigement[6].
[36] Quant aux décisions arbitrales rendues en vertu du Règlement, une seule réfère directement à des barrages de glace sur un balcon et encore, l’entrepreneur avait demandé l’arbitrage puis a réglé cette question avec les bénéficiaires après que ceux-ci se déclarent satisfaits de ses travaux correctifs[7].
[37] Dans l’affaire Michel Morin et Construction B. Gauley Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc.[8], un inspecteur-conciliateur du même[9] Administrateur que celui impliqué dans le présent dossier, affirmait :
[16] Invité à faire état des exigences du Code du bâtiment, l'inspecteur-conciliateur rappelle que la toiture doit être étanche même en présence d’un barrage de glace. Dans le cas d’une pente de 8/12 et moins, le Code exige l’installation d’une membrane d’avant-toit pour assurer une protection d’un pied à l’intérieur du bâtiment. Ici, la pente est de 12/12 mais une membrane a quand-même été installée. (nos soulignés)
[38] Ajoutons à cette décision arbitrale, la décision dans l’affaire Andrée-Anne Bouchard et La Garantie des Maisons Neuves, APCHQ et Les Constructions Beau-Design Inc[10]., dans laquelle la Cour affirme :
[21] La preuve prépondérante n'est pas à cet effet. La preuve révèle que les dégâts d'eau furent causés par un toit et un grenier qui ne remplissent pas leur rôle.
[22] D'ailleurs, même après toutes ces plaintes de la part de la requérante, aucune des intimées est capable de situer de façon précise et claire le problème d'infiltration d'eau. C'est anormal et inacceptable. Dans le code national du bâtiment, on n'invente rien d'extraordinaire en écrivant:
"Les toits doivent être protégés par une couverture et par les solins mis en œuvre de façon à permettre l'écoulement des eaux de pluie et à prévenir l'infiltration de l'eau retenue par des barrages de glace."
[23] C'est vrai en 2002; il fallait que ce soit vrai en 2000, en 1990 ou en 1970.
[24] D'ailleurs, monsieur le juge Beaudoin l'écrivait dans la cause Commerce and Industry Insurance c. Chabanel (13 mars 1997, 500-05-00655-899, REJB 1997-00449):
"… Une toiture ça ne doit pas couler… Il y a une obligation de résultat à l'effet qu'une toiture ne doit pas faire eau » Le résultat n'étant pas là, il y a eu en l'espèce une ou des fautes de commises durant la construction de la toiture…"
[25] Par la suite, dans la même cause, la Cour d'appel, sous la plume du juge Forget, confirmait très clairement:
"… Les appelants étaient débiteurs d'une obligation de résultat vis-à-vis le propriétaire de l'immeuble les enjoignant de construire une toiture étanche…" (nos soulignés)
[39] Pour paraphraser les honorables juges Baudouin et Forget, qui ont tous les deux siégé à la Cour d’appel, un balcon couvert par le plan de garantie en vertu du Règlement ne doit pas permettre l’infiltration d’eau constatée dans le présent dossier, il y a une obligation de résultat à l’effet qu’un balcon ne doit pas faire eau, le résultat n’étant pas là, il y a eu en l’espèce une ou des fautes commises durant la construction du balcon, l’Entrepreneur était débiteur d’une obligation de résultat[11] l’enjoignant de construire un balcon étanche, surtout qu’il est au-dessus d’un plafond chauffé.
[40] Dans le cadre du Règlement, dans l’affaire Geneviève Wellens et Habitations L. Desjardins Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ,[12] où l’entrepreneur alléguait le défaut de déneigement pour expliquer l’infiltration d’eau par une porte, notre collègue Jean Morissette, arbitre, répond :
[38] Je souligne que le seul témoin entendu pour l’Entrepreneur n’a pas participé à la pose de la porte-fenêtre, ni aux réparations ou au test d’eau ;
[39] L’assemblage des composantes autour d’une porte doit être précis. La multiplicité des matériaux et leur relation (porte, joint de calfeutrant, solin, pierre de revêtement, seuil, lisse, ancrage, galerie, etc.), sont sujets à des performances diverses et à maints problèmes ;
[40] L’absence de déneigement aux abords d’une porte-fenêtre n’est pas un élément qui, seul, libère l’Entrepreneur de son obligation de livrer une maison absente de vice ou de malfaçon puisque la présence de neige aux abords d’une porte de balcon est prévisible sous notre climat ;
[41] L’infiltration d’eau résulte d’un vice. L’Administrateur du plan de garantie et les bénéficiaires n’ont pas le fardeau de faire la preuve de ce défaut. L’Entrepreneur doit construire un bâtiment servant de résidence exempt de désordres qui ne sont pas un résultat normal des matériaux utilisés ;
[42] Une infiltration d’eau a maintes fois été définie comme une indication d’un problème sérieux et n’est pas acceptable. L’une des qualités d’une construction neuve est d’être étanche et de protéger ses occupants des intempéries et des conditions climatiques ; […]
[…] [46] Je suis plutôt convaincu que l’eau s’est infiltrée par-dessous la porte-fenêtre;
[47] Le test d’eau n’est pas concluant car la force de la glace qui s’immisce est suffisante pour écarter des matériaux en cas d’absence de protection du joint entre la porte, le plancher ou les murs ;
[48] De plus, je suis d’accord avec le principe que même avec de la neige et de la glace aux abords d’une porte, elle doit être étanche.
[41] Le Tribunal d’arbitrage conclut le balcon du Bénéficiaire sous la garantie de trois ans pour vices cachés doit offrir une étanchéité absente dans le présent dossier et que le présent balcon est affecté d’un vice caché.
[42] Avec égards, le Tribunal d’arbitrage décide selon la preuve et met en parallèle ces trois décisions avec le fait qu’au présent dossier, l’Inspecteur-conciliateur, dont l’obligation est d’inspecter le bien lors d’une réclamation pour vice caché en vertu de l’article 34 du Règlement, a témoigné à l’audience que :
[42.1] tout semble en place pour dégager l’eau et la seule fois qu’il y a eu infiltration c’est quand on n’a pas déneigé le balcon ;
[42.2] qu’on a un balcon qui semble avoir tous les éléments pour son étanchéité, surtout que c’était la première fois qu’il y avait une infiltration
[42.2.1] ajout du soussigné, il s’agit de la deuxième fois ; par la suite, l’Inspecteur-conciliateur a dit que comme cela est arrivé seulement deux fois, cela lui donnait raison[13] ;
[42.3] comme l’évènement ne s’est produit qu’une fois en trois hivers, cela indique que peut-être qu’un barrage de glace a empêché l’eau de s’écouler ;
[42.4] et à la question d’évaluer la valeur du litige, qu’on ne sait jamais ce qu’on trouve quand on ouvre les murs.
[43] Le Tribunal d’arbitrage constate donc que contrairement aux décisions citées ci-haut, la présente décision a conclu à un défaut d’entretien car tout semble bien, on ne sait jamais ce qu’on trouve quand on ouvre les murs, tout en ne mentionnant jamais le fait que le balcon est sur un garage/remise chauffé.
[44] L’Inspecteur-conciliateur a affirmé à l’audience que, le balcon n’étant pas exposé au soleil, le redoux faisait fondre la neige et qu’elle était emprisonnée par un barrage de glace suite à une autre période de froid.
[45] En aucun moment[14] il n’a fait référence au fait que le balcon était situé au-dessus d’un plafond au-dessus d’un espace chauffé et vu que le balcon était, à tout le moins, au-dessus du garage et de la remise, le soussigné a considéré n’avoir d’autres choix que de rouvrir l’enquête pour savoir si l’espace en-dessous était chauffé.
[46] A la question du soussigné :
Nous réouvrons l'enquête pour poser la question suivante qui n'a pas fait l'objet d'une preuve.
Nous avons compris que la surface du balcon de l'unité 3 était située juste au-dessus du rangement 6 et du garage commun (n'hésitez pas à nous signaler si nous avons mal compris).
Ce qui est en-dessous, soit le rangement 6 et le garage commun, sont-ils chauffés pendant la période hivernale?
Nous nous posons la question, puisque l'Inspecteur-conciliateur n'a mentionné que le redoux comme cause possible de la fonte de la neige sur le balcon.
le Bénéficiaire a répondu :
Oui les garages sont chauffés durant la période hivernale en réponse à votre question.
[47] A la sous-question du soussigné :
1. Le balcon est-il bien au-dessus du rangement ET du garage ou seulement au-dessus de l'un ou l'autre?
2. Le garage et le rangement sont chauffés ou seulement le garage?
[48] Le Bénéficiaire a répondu :
En réponse a votre question le balcon Est bien au-dessus du garage et de la remise ou (Locker) qui est endommagé et le tout est chauffée avec les garages durant l'hiver.
[49] La preuve démontre donc que, le tout dit avec égards, l’Administrateur a erré en ne donnant comme seule cause possible de fonte de la neige sur ce balcon non exposé au soleil, des périodes de redoux suivies de périodes de froid, puisque le balcon est sur le plafond d’un rangement et d’un garage chauffés l’hiver, étant entendu que, dans un cas ou dans l’autre, ou pour une autre raison non exposée ici qui pourrait être découverte par la suite, l’infiltration d’eau présente est en soit la manifestation d’un vice caché.
Inspection préréception non conforme au Règlement et sans la connaissance d’un problème antérieur
[50] Le régime de garantie mis en place par le Règlement prévoit une inspection pré-réception par un professionnel du bâtiment, spécifiquement défini, effectuée conjointement par l’entrepreneur et le professionnel du bâtiment, pour déceler les malfaçons apparentes, puis (entre autres) une garantie pour vices cachés de trois ans de la réception.
[51] Le Tribunal d’arbitrage rapporte ce qui suit en fonction de la preuve au dossier et à l’audience.
[52] Il n’y a aucun élément de preuve démontrant, ou même, montrant, que :
[52.1] l’inspecteur choisi par le Syndicat Bénéficiaire pour la préréception des parties communes était un professionnel du bâtiment, tel que défini par le Règlement ;
[52.2] que l’Entrepreneur avait effectué l’inspection conjointement avec lui, tel que prévu par le Règlement ; et
[52.3] puisque nous sommes en présence d’un vice caché, que l’Entrepreneur avait divulgué le dommage et les travaux correctifs de 2014 et que cet inspecteur ait été au courant de l’infiltration de 2014 et des travaux correctifs apportés avant la formation (le transfert) du Syndicat Bénéficiaire en 2015.
[53] L’article 33 du Règlement stipule :
[…] Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur.
[54] Le rapport d’inspection de 2015 ne mentionne que la présence « des acheteurs » et non, celle de l’Entrepreneur.
[55] Il s’agit d’un bâtiment résidentiel neuf objet du Règlement et l’Entrepreneur, pourtant représenté par procureur accompagné d’un témoin à l’audience, n’a produit
[55.1] aucun témoin qui était au courant de ce qui s’est passé en 2014, et des travaux correctifs effectués ;
[55.2] ni de document de cette époque ;
[55.3] ni dans quelles circonstances s’est effectué l’inspection préréception.
[56] Bien que l’Entrepreneur n’ait aucun fardeau de preuve quant à la décision de l’Administrateur qui a été rendue sans connaissance des dommages subis en 2014, il n’a produit :
[56.1] aucune preuve mentionnant sa présence lors de l’inspection pré-réception non mentionnée dans le rapport de 2015 d’une part, et
[56.2] ce qui est plus pertinent dans le présent dossier, même si un représentant avait été néanmoins présent, aucune preuve qu’il aurait dénoncé ce qui s’est passé en 2014 avec ce balcon, il n’y a aucune mention au rapport d’inspection, et le représentant du Syndicat témoigne à l’audience l’ignorer avant de produire sa dénonciation en 2018.
[57] Subsidiairement, cette inspection préréception n’a pas été dûment faite en vertu du Règlement, considérant que « professionnel du bâtiment » est défini dans le Règlement :
«professionnel du bâtiment»: un architecte, un ingénieur ou un technologue membre d'un ordre professionnel et qui possède une formation dans le domaine du génie ou de la construction.
[58] La photo et l’adresse du signataire du rapport, disponibles sur LinkedIn, sont différentes de celles d’un homonyme, qui lui, est technologue membre de l’Ordre des technologues professionnels.
[59] Une recherche du Tribunal d’arbitrage pendant son délibéré au tableau de l’Ordre des technologues ne montre au tableau de l’Ordre, qu’une seule personne de ce nom, et cette personne est l’autre homonyme, et non, le signataire du rapport d’inspection.
[60] Ajoutons que le représentant du Syndicat a dit à l’audience avoir reçu les références de son inspecteur d’un regroupement de syndicats de copropriétaires,
[60.1] or, les immeubles détenus en copropriété ne sont pas tous couverts[15] par le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dans la Province de Québec, et
[60.2] rien ne dit que le regroupement était au courant de la spécificité (sa couverture par le Règlement) du bâtiment résidentiel du présent dossier d’arbitrage ou était au courant qu’il s’agissait d’une inspection préréception telle que définie par le Règlement.
[61] Avant de conclure, rappelons que la Cour d’appel écrit dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc.[16] :
B. Fardeau de preuve
[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu'absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s'applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.
« Lorsque la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire, le juge ne doit pas s'empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d'abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c'est seulement lorsque cet examen s'avère infructueux qu'il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »[1][17]
[62] Quant au fardeau de preuve,
[62.1] comme l’APCHQ l’a affirmé, affirmation partagée par le soussigné : Comme nous habitons un pays de vent, de pluie, de neige et de glace, il faut prévoir un plan d’évacuation de l’eau de fonte très efficace, fonctionnel même l’hiver[18] ;
[62.2] le Bénéficiaire n’avait pas ici à établir de façon précise la cause ou la source technique du vice caché, seulement sa manifestation, rendant non-recevable car non-applicable, l’exclusion soulevée par l’Administrateur pour refuser l’application de la couverture pour vice caché prévue au Règlement car les dommages sont causés par le vice caché ;
[62.3] il s’agit d’un bâtiment neuf dont le balcon doit être livré en conformité avec l’obligation de résultat de l’Entrepreneur, balcon qui est couvert par le plan de garantie géré par l’Administrateur pour les vices cachés, et l’écoulement/infiltration d’eau présente est la manifestation d’un vice caché et le Bénéficiaire a rempli son fardeau de preuve.
[63] L’article 27 du Règlement stipule que le plan de garantie couvre :
4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
[64] Le vice caché au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec doit posséder une certaine gravité, précéder la vente, être inconnu et être non apparent - la preuve démontre que la présente problématique est couverte par toutes ces qualifications.
[65] Dans l’affaire Nancy Audette et Daniel Savignac et Construction Louis-Seize et Associés et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.[19], notre consœur Me France Desjardins écrit :
[43] Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 10 du Règlement, tout vice ou malfaçon dans la construction donnera ouverture à l'application de la garantie. Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question:
Le Règlement est d’ordre public. […]
[44] Pour bien cerner ces notions, le Tribunal réfère aux définitions fournies, à titre de guide, dans une brochure[7] publiée par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment,[8] de l’application du Règlement : […]
[45] De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit d’ailleurs, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement. L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres :
….. «3e à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment
[46] C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire bien encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.
[66] Le Tribunal d’arbitrage conclut que, s’agissant d’un bâtiment neuf, les correctifs apportés en 2014 n’étaient tout simplement pas suffisants pour prévenir une autre manifestation en 2018 alors que le balcon est toujours couvert par le plan de garantie géré par l’Administrateur quant aux vices cachés.
[67] Vu la preuve, vu la manifestation d’un vice caché, vu qu’il s’agit du balcon d’un bâtiment résidentiel neuf couvert par le plan de garantie pour vice caché, vu le droit applicable, la demande d’arbitrage quant au Point 1 est accueillie.
Point 2 : Fuite d’eau à la salle de bain de l’unité 4 du 58
[68] Le Bénéficiaire dénonça ce qui suit le 19 avril 2018 (lettre du plaignant datée du 17 avril) :
[…] #4 au 58 […] a un problème de fuite d’eau (*il y aussi apparence de mois[is]sures avancée) au-dessus de ma douche, dans le coin du mur, du plafond jusqu’à ma douche, beaucoup d’humidité sur le gyproc […] ça fait 3 semaines que ça dure […]
[69] Lors de l’inspection de l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur,
le représentant du syndicat a mentionné qu’il s’est produit une fuite d’eau par la douche de l’unité 6 du 58 qui appartient au propriétaire. La réparation de la pièce défectueuse aux robinets de la douche a été faite. Il reste les dommages au gypse à la salle de bain de l’unité 4 du 58 à réparer.
[70] L’Administrateur rejette la réclamation aux motifs que :
- les dommages observés à l’unité 4 du 58 proviennent d’une défaillance à la robinetterie à la douche de l’unité 6 du 58 ;
- ce point porte sur une partie privative selon l’état description des fractions à la déclaration de copropriété ;
- les dommages subis à l’unité 4 du 58 ne sont pas couverts par le Règlement […], ils devront faire l’objet d’une réclamation après sinistre auprès de l’assureur en habitation des bénéficiaires de l’unité 4 du 58.
[71] A l’audience, le représentant du Syndicat Bénéficiaire affirme que l’unité était alors louée, qu’on a changé la pièce défectueuse, que ça ne coule plus, il ne reste plus que les dommages à l’unité 4.
[72] Il ne sait pas qui a réparé et ajoute que le locataire n’avait pas eu le choix de faire réparer subitement mais ce n’est pas le Syndicat qui s’en est occupé.
[73] Il demande donc la réparation des dommages subis à l’unité 4.
[74] Il est convaincu qu’aucune réclamation n’a été faite à l’assureur habitation.
[75] L’Inspecteur-conciliateur à l’audience affirme que les dommages ne sont pas couverts par le plan de garantie car :
[75.1] la pièce défectueuse est dans une partie privative, les équipements de plomberie dans une unité sont dans une partie privative ;
[75.2] il prend pour acquis que les dommages à l’unité 4 sont couverts par une assurance habitation ;
[75.3] les dommages à la partie commune sont causés par une problématique dans une partie privative et non, dans les parties communes ;
[75.4] les dommages aux parties communes ne sont pas couverts ici, c’est le vice à la partie privative qui aurait pu l’être (à supposer qu’il l’ait été).
[76] En plaidoirie, le Syndicat Bénéficiaire affirme que la pièce défectueuse devait être couverte, elle a été réparée, donc reste à corriger les dommages causés par la pièce défectueuse aux parties communes.
Décision quant au point 2
[77] Le Tribunal d’arbitrage n’a d’autre choix, vu la preuve, vu le droit applicable, que de rejeter la réclamation du Syndicat Bénéficiaire à l’encontre de l’Administrateur.
[78] Il est important de souligner le fait que le recours du Syndicat Bénéficiaire à l’encontre de l’Administrateur est en vertu du Règlement et non, un recours en vertu de Code Civil seulement.
[79] Le Tribunal d’arbitrage rappelle qu’il a ici un Syndicat Bénéficiaire, bénéficiaire de la couverture du plan de garantie pour les parties communes, qui réclame de l’Administrateur du plan de garantie, le remboursement de dommages aux parties communes, découlant d’un vice allégué dans une partie privative[20].
[80] Le recours en dommages du Syndicat à ses parties communes pour une malfaçon/vice à une partie privative dont les travaux correctifs ont été déjà effectués sans préavis à l’Administrateur n’est prévu nulle part dans le Règlement.
[81] Subsidiairement (sans que cela n’affecte la décision), il semble que l’Administrateur n’ait pas été avisé avant la réparation et, quoiqu’il en soit, aucun témoin ayant une connaissance personnelle des évènements pouvant justifier l’urgence des travaux correctifs dans l’unité (comme le locataire ou son propriétaire) n’a témoigné à l’audience ou produit de déclaration écrite assermentée.
[82] Le Tribunal d’arbitrage ne peut pas se servir de l’équité pour créer un nouveau recours inexistant au Règlement.
[83] Le Syndicat n’a produit aucune une base légale ou juridique supportant son recours en dommages contre l’Administrateur en vertu du Règlement; le rôle du Tribunal d’arbitrage étant de faire apparaître le droit, le soussigné a tout de même, pendant son délibéré, vérifié s’il existait une décision précédente qui fut favorable à un syndicat bénéficiaire dans une pareille circonstance, mais n’en a trouvé aucune.
[84] La Cour d’appel du Québec a jugé dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[21]:
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […]; (nos caractères gras)
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
[85] La Loi sur le Bâtiment et le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne remplacent pas le régime légal de responsabilité prévu au Code civil du Québec et ne couvrent pas l’ensemble des droits que possèdent le Syndicat Bénéficiaire en vertu du Code civil du Québec[22].
[86] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits du Syndicat de porter ses prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie sur ce point, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et de droit commun, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre.
FRAIS
[87] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[88] Vu que les Bénéficiaires ont eu gain de cause en partie, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur en vertu de l’article 37.
[89] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[90] Quant au point 1 :
[91] ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire quant au Point 1 et REJETTE la décision de l’Administrateur ;
[92] ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs quant à l’écoulement d’eau/infiltration d’eau provenant du balcon du 58-3 dans un délai de quarante-cinq (45) jours de la date des présentes, en conformité avec les règles de l’art ;
[93] A DÉFAUT pour l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs selon la règle de l’art selon les délais mentionnés dans la présente décision, ORDONNE à l’Administrateur comme caution de l’Entrepreneur directement et sans autre délai ou avis, à faire effectuer les travaux correctifs dans un délai supplémentaire de quarante-cinq (45) jours, en conformité avec la règle de l’art ;
[94] DÉCLARE que les jours durant la période allant du samedi 22 décembre 2018 au dimanche 6 janvier 2019 inclusivement ne sont pas inclus dans la computation des délais mentionnés aux deux paragraphes précédents.
[95] Quant au point 2 :
[96] REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire quant au Point 2, et MAINTIENT la décision de l’Administrateur à ce sujet et RÉSERVE au Syndicat des copropriétaires Chambly sur le Golf 5 381 101 ses recours quant au point 2 Fuite d’eau à la salle de l’unité 4 du 58 de la présente décision arbitrale contre toute personne autre que l’Administrateur, devant les tribunaux de droit commun, sujets aux règles de droit commun et de la prescription civile, à supposer qu’il ait un recours fondé en faits et en droit.
[97] Quant aux points 1 et 2 :
[98] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’Organisme d’arbitrage CCAC, après un délai de grâce de 30 jours ;
[99] RÉSERVE à PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe ll du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 9 novembre 2018
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
Autorités citées :
Geneviève Wellens et Habitations L. Desjardins Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ GAMM 2009-11-004 17 février 2010, Jean Morissette, arbitre.
Martin c. Gemme 2017 QCCQ 8245 (Hon. Monique Dupuis, j.c.q.).
6061711 Canada Inc. c. Syndicat Des Copropriétaires et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. S14-080401-NP / S14-080402-NP14 août 2015, Me Philippe Patry, arbitre.
Syndicat De Copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc S09-240701-NP 12 mai 2011, Jean Philippe Ewart, arbitre.
Michel Morin et Construction B. Gauley Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., CCAC S13-041002-NP 27 Septembre 2013, Me France Desjardins, arbitre.
Andrée-Anne Bouchard et La Garantie des Maisons Neuves, APCHQ et Les Constructions Beau-Design Inc., 500-32-060928-019, 11 février 2012 (Hon. André Renaud, j.c.q.).
Commerce and Industry Insurance c. Chabanel (13 mars 1997, 500-05-00655-899, REJB 1997-00449).
Nancy Audette et Daniel Savignac et Construction Louis-Seize et Associés et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. CCAC S12-103002-NP, 5 avril 2013, Me France Desjardins, arbitre.
Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc. 2006 QCCA 887.
Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.).
Me Christine Gagnon, La copropriété divise 2ième édition.
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 205-132 (C.A.).
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, j.c.s.).
[1] À l’audience il affirme prendre ce fait pour acquis, voir le paragraphe [23].
[2] Le Registre des entreprises montre qu’il a débuté sa charge d’administrateur le 8 janvier 2015.
[3] Le rapport d’inspection de 2015 avait noté la présence de végétation attribuée à une gouttière percée, pièce A-6, p. 22.
[4] Il n’y a pas eu de preuve à l’audience sur les quantités de neige des différentes années 2014 à 2018.
[5] Voir le site de SOQUIJ www.jugements.qc.ca, qui cite cent dix-huit décisions sous le titre « barrage de glace ».
[6] Hors le cas où un déglaçage se fit à coups de marteaux et ces coups ont été cause de dommages. Martin c. Gemme 2017 QCCQ 8245 (Hon. Monique Dupuis, j.c.q.).
[7] 6061711 Canada Inc. et Syndicat Des Copropriétaires Havre Wakefield et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. S14-080401-NP / S14-080402-NP14 août 2015, Me Philippe Patry, arbitre. L’affaire qui suit mentionne « barrage de glace sur le toit et les balcons » mais ne fait aucune analyse, le recours étant rejeté pour tardivité. Syndicat de Copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ S09-240701-NP 12 mai 2011, Jean Philippe Ewart, arbitre.
[8] CCAC S13-041002-NP 27 Septembre 2013, Me France Desjardins, arbitre, demande rejetée car période de garantie échue).
[9] Avant que PWC n’en prenne la responsabilité.
[10] 500-32-060928-019, 11 février 2012 (Hon. André Renaud, j.c.q.).
[11] Code civil, 2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu’ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.
[12] GAMM 2009-11-004 17 février 2010, Jean Morissette, arbitre.
[13] Le Tribunal d’arbitrage conclut autrement, voir le paragraphe [66].
[14] L’arbitrage s’est tenu sur les lieux même, rien n’était donc caché.
[15] 2. Le présent règlement s’applique […] 2° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie: […] b) un bâtiment multifamilial comprenant au plus 4 parties privatives superposées, sans tenir compte, dans le calcul de ces 4 parties, des espaces privatifs dont la destination est le stationnement ou le rangement;
[16] 2006 QCCA 887.
[17] [1] Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.), p. 228, j. Monet.
[18] APCHQ, C’est arrivé à un entrepreneur près de chez vous, Un balcon dans les nuages (portant sur un autre genre de balcons, les balcons surélevés incrusté comme un nid dans la toiture), 2e point critique, https://www.apchq.com/documentation/technique/c-est-arrive-a-un-entrepreneur-pres-de-chez-vous/un-balcon-dans-les-nuages
[19] CCAC S12-103002-NP, 5 avril 2013, Me France Desjardins, arbitre.
[20] Me Christine Gagnon, « La copropriété divise 2ième édition, p. 120, par. 139 » : « Mais qu’advient-il de la section de la canalisation qui ne sert qu’à l’usage d’un seul copropriétaire? On sait que l’article 1042 C.c.Q. définit la partie privative par l’usage exclusif. Doit-on la qualifier de commune en raison de la présomption de l’article 1044 C.c.Q. ou la considérer privative en raison de l’article 1042 C.c.Q. II semble raisonnable de soutenir que la partie de la canalisation qui ne sert qu’à un copropriétaire ne fait pas partie de l’équipement commun et n’est donc pas régie par la présomption de 1044 C.c.Q. C’est donc dire que les canalisations de plomberie, même celles qui traversent une partie privative, sont présumées communes. Mais qu’advient-il de la section de la canalisation qui ne sert qu’à l’usage d’un seul copropriétaire? On sait que l’article 1042 C.c.Q. définit la partie privative par l’usage exclusif. Doit-on la qualifier de commune en raison de la présomption de l’article 1044 C.c.Q. ou la considérer privative en raison de l’article 1042 C.c.Q.? Il semble raisonnable de soutenir que la partie de la canalisation qui ne sert qu’à un copropriétaire ne fait pas partie de l’équipement commun et n’est donc pas régie par la présomption de 1044 C.c.Q. La meilleure solution reste encore de qualifier expressément ces parties de l’immeuble dans la déclaration de copropriété ».
[21] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 205-132 (C.A.).
[22] Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909, paragraphe [63] (Hon. Johanne Mainville, j.c.s.).