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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

 

ENTRE :

 

Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse

 

 

                   (ci-après « le Bénéficiaire »),

 

 

 

ET :

 

Montcan inc.

 

 

                   (ci-après « L’Entrepreneur »),

 

 

 

ET :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

 

 

                   (ci-après « L’Administrateur »).

 

 

 

No dossier CCAC : S09-030701-NP

 

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Madame Julie Gailly

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Monsieur David Scalia

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me François Laplante


 

 

 

Date de la décision :

 

17 novembre 2009

 

 

Identification complète des parties:

 

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse

7400, rue Lajeunesse, Condo 7

Montréal (Québec) H2R 2H8

 

À l’attention de madame Julie Gailly

 

 

 

Entrepreneur :

 

Montcan inc.

1100, boulevard Crémazie Est, bureau 210

Montréal (Québec) H2P 2X2

 

À l’attention de monsieur David Scalia

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc..

5930, boul. Louis-H.-Lafontaine

Anjou (Québec) H1M 1S7

 

À l’attention de Me François Laplante

 

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 14 juillet 2009.

 

 

Historique du dossier :

 

15 septembre 2005 :

Déclaration de copropriété signée par l’Entrepreneur;

 

 

31 octobre 2005 :

Avis de fin des travaux des parties communes ;

 

 

31 octobre 2005 :

Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception des parties communes du bâtiment;

 

 

9 octobre 2006 :

Rapport d’inspection de monsieur Fançois Dussault, inspecteur en bâtiment;

 

 

19 octobre 2006 :

Lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur des travaux à parachever et éléments à corriger aux parties communes;

 

 

26 octobre 2006 :

Lettre de transmission du rapport d’inspection de monsieur Dussault à l’Entrepreneur;

 

 

31 octobre 2006 :

Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire demandant si ce dernier souhaitait recevoir les documents nécessaires pour ouvrir un dossier de réclamation auprès de l’Administrateur :

 

 

29 novembre 2006 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur intitulée « Demande d’ouverture de dossier de réclamation »;

 

 

22 septembre 2008 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur avec la demande de réclamation, le chèque de 100 $ et autres documents;

 

 

16 octobre 2008 :

Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur;

 

 

19 novembre 2008 :

Deuxième avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur;

 

 

1er avril 2009 :

Inspection de l’Administrateur;

 

 

25 mai 2009 :

Décision de l’Administrateur;

 

 

3 juillet 2009 :

Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire datée du 30 juin 2009;

 

 

14 juillet 2009 :

Nomination de l’arbitre;

 

 

30 juillet 2009 :

L’arbitre communique avec les parties pour fixer une date d’audience préliminaire;

 

 

25 août 2009 :

Avis d’audience préliminaire transmis aux parties;

 

 

10 septembre 2009 :

Audience préliminaire par conférence téléphonique;

 

 

15 septembre 2009 :

Transmission par l’arbitre du procès-verbal de l’audience préliminaire et de l’avis d’audience;

 

 

5 octobre 2009 :

Audience;

 

 

17 novembre 2009:

Décision arbitrale.

 

 

 

DÉCISION

 

Introduction

 

[1]        Dans cette cause, le Bénéficiaire a allègué que certaines parties communes du bâtiment sis au 7400, rue Lajeunesse à Montréal détenu en copropriété divise et comprenant huit (8) unités de logement, sont affectées de défauts de construction.

 

[2]        L’Administrateur procéda à une inspection le 1er avril 2009 et rendit une décision en date du 25 mai 2009 dans laquelle il accueillait une partie des réclamations (les points 1 à 4 de sa décision) au motif qu’elles référaient à des malfaçons non apparentes. Il rejetait toutefois les autres réclamations (les points 5 à 12) en expliquant qu’il s’agissait de situations apparentes qui auraient dû être dénoncées au moment de la réception des parties communes du bâtiment.

 

[3]        Le Bénéficiaire porta cette décision en arbitrage, notamment quant aux points suivants :

 

-          le point 4 (en partie) relativement aux balcons des unités 4 et 6, et

-          les points 5 à 12.

 

[4]        Tel que convenu préalablement avec toutes les parties et confirmé dans l’avis d’audience, le tribunal effectua une visite des lieux avant l’audience. L’arbitre soussigné était accompagné lors de sa visite par madame Julie Gailly (pour le Bénéficiaire) et monsieur Davis Scalia (pour l’Entrepreneur). Le procureur de l’Administrateur, Me François Laplante et son témoin, monsieur Jacques Fortin, n’ont été présents que lors des dernières 15 minutes de cette visite.

 

[5]        L’audience eut lieu au 1010, de la Gauchetière Ouest, bureau 950 à Montréal de 10 h à 15 h 40 (moins 1 heure pour le dîner).

 

[6]        Au début de l’audience, le Bénéficiaire s’est désisté du point no 11 de la décision de l’Administrateur (« vérifications du puisard et des conduits sous l’escalier intérieur commun avant »).

 

[7]        De plus, au début de l’audience, le Bénéficiaire indiqua verbalement qu’il désirait ajouter le balcon de l’unité no 5 aux balcons des unités 4 et 6 mentionnés dans sa demande d’arbitrage.

 

[8]        Cette demande d’ajout du balcon de l’unité no 5 ne rencontra pas d’objection de la part de l’Administrateur ou de l’Entrepreneur quoiqu’ils n’y consentirent pas expressément.

 

Juridiction

 

[9]        Aucune objection préliminaire à la constitution du tribunal ou à la tenue de l’audition n’ayant été soulevée, le tribunal déclara que juridiction lui est acquise.

 

Questions en litige

 

[10]      Pour faciliter la compréhension de cette décision, le tribunal résume les questions en litige comme suit :

 

1.      Est-ce que les défauts allégués (balcons des unités 4, 5 et 6) et les points 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 12 dans la décision de l’Administrateur constituent des malfaçons apparentes ou non apparentes?

2.      Si ces défauts étaient des malfaçons non apparentes au moment de la réception, est-ce que le Bénéficiaire a respecté les exigences prévues à l’article 34 paragraphe 2 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »)[1]?

3.      Si les défauts allégués constituaient des malfaçons apparentes au moment de la réception, est-ce qu’ils sont couverts ou pas par le plan de garantie, malgré le fait qu’ils ne sont pas mentionnés dans la déclaration de réception des parties communes signée par le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Salvatore Iacono, au nom du Bénéficiaire. À la date de cette signature, le Bénéficiaire était contrôlé par l’Entrepreneur.

 

Preuve pertinente

 

Les balcons des unités 4 et 6

 

[11]      En ce qui concerne les balcons des unités 4 et 6, madame Julie Gailly, l’unique témoin du Bénéficiaire, soumit en preuve les photos de ces deux (2) balcons (pièce P-1 en liasse) qu’elle a prises le 22 septembre 2009 après une pluie abondante. Ces photos démontrent une rétention d’eau sur à peu près la moitié du balcon de l’unité no 6 ainsi que dans le passage entre les balcons des unités 5 et 6. Pour ce qui est du balcon de l’unité 4, on remarque aussi une légère rétention d’eau, particulièrement au milieu du balcon.

 

[12]      Madame Gailly ne se rappelait pas exactement combien de temps après la cessation de la pluie en ce jour du 22 septembre 2009, elle a pris ces photos. En contre-interrogatoire, elle témoigna qu’elle n’a pas calculé la durée de temps que l’eau demeura sur les balcons après l’arrêt de la pluie.

 

[13]      Bien qu’elle ne l’ait pas constaté personnellement, les anciens propriétaires de l’unité no 4 s’étaient plaints de la présence de glace sur leur balcon. Elle mentionne également que bien que l’Entrepreneur ait coulé du béton sur le balcon de l’unité 4 comme mesure corrective, le béton a craqué et les copropriétaires l’ont complètement enlevé parce qu’ils le considéraient comme une source de danger.

 

[14]      Monsieur Jacques Fortin, le témoin expert de l’Administrateur qui est aussi l’auteur de la décision de l’Administrateur, expliqua qu’il avait rejeté la réclamation du Bénéficiaire quant aux balcons des unités 4 et 6 partiellement sur la foi de la déclaration de monsieur Philippe Poulin, un des représentants du Bénéficiaire, qu’il a recueillie lors de son inspection des parties communes du bâtiment.  Monsieur Poulin lui déclara qu’il n’y avait pas de problème avec ces balcons.

 

[15]      De plus, monsieur Fortin confirma ce qu’il avait écrit dans la décision de l’Administrateur, que la pluie tombait le jour de son inspection et qu’il n’a constaté aucune retenue d’eau sur les balcons 4 et 6.

 

[16]      Monsieur Fortin déposa en preuve des photos (pièce A-20 en liasse) de certains balcons prises lors de son inspection, y compris une photo du balcon de l’unité 4 (qui démontre un plancher presque sec) et une autre photo du balcon de l’unité 6 (où presque la moitié du balcon est recouverte d’eau).

 

[17]      Monsieur Fortin précisa que, selon les normes, un plancher de béton doit avoir une faible pente verts l’extérieur du bâtiment, quoiqu’aucune norme ne spécifie le degré d’inclinaison requis.

 

[18]      Il opina, en regardant les photos des balcons des unités 4 et 6 déposées par le témoin du Bénéficiaire (madame Gailly) comme pièce P-1 en liasse que le volume d’eau retenu sur le plancher de ces deux (2) balcons n’était, « pas problématique ».

 

Le balcon de l’unité 5

 

[19]      En ce qui concerne le balcon de l’unité 5, sur une des photos comprises dans la pièce P-1 en liasse déposée par le témoin du Bénéficiaire, madame Gailly, on aperçoit une certaine retenue d’eau près de la balustrade. Les anciens propriétaires de l’unité no 5 ne s’étaient jamais plaints d’un problème d’eau affectant leur balcon. Le témoin n’a pas constaté personnellement la présence de glace sur ce balcon en hiver.

 

[20]      Madame Gailly affirma que le 22 septembre 2009, lors de la prise des photos (pièce P-1 en liasse), qui démontrent une rétention d’eau sur les balcons des unités 4, 5 et 6, elle avait constaté que les autres balcons étaient secs.

 

[21]      En contre-interrogatoire, madame Gailly reconnut que le problème de rétention d’eau du balcon de l’unité 5 n’avait jamais été dénoncé par écrit par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur ou à l’Administrateur. De plus, elle affirma qu’elle ne savait pas quand le problème d’eau sur le balcon de l’unité 5 avait commencé.

 

[22]      Elle déclara qu’elle avait visité le chantier du bâtiment une dizaine de fois avant le 16 septembre 2005. Elle n’avait jamais remarqué de problèmes affectant quelque balcon que ce soit.

 

Les points 5 à 12 (excluant le point 11)

 

[23]      Témoignant pour le Bénéficiaire, madame Gailly réitéra certains extraits de sa lettre de demande d’arbitrage du 30 juin 2009 qu’elle avait signée au nom du Bénéficiaire et qu’elle avait envoyée au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial, notamment ceux qui réfèrent aux  points 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 12 de la décision de l’Administrateur. Elle affirma que tous ces points n’étaient pas décelables par un acheteur raisonnablement diligent. Elle référa également à la déclaration de réception des parties communes signée par l’architecte Glenn Peterson en date du 31 octobre 2005 (pièce P-2) faisant partie du document intitulé « Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception des parties communes du bâtiment ». Elle souligna que l’architecte Peterson n’avait noté, dans le document P-2, aucun défaut de construction. Elle déclara que la première fois que le Bénéficiaire avait découvert les défauts de constructions mentionnés aux points 5 à 12 (excluant le point 11) de la décision de l’Administrateur était quelque onze (11) mois plus tard, lorsqu’il avait lu le rapport de son propre inspecteur en bâtiment, monsieur François Dussault T.P., daté du 9 octobre 2006.

 

[24]      Madame Gailly voulut déposer en preuve le rapport de monsieur Dussault sous la cote P-5. Le procureur de l’Administrateur s’objecta à ce dépôt au motif que monsieur Dussault n’était pas présent à l’audience et que le Bénéficiaire n’avait pas transmis son curriculum vitae avant l’audience pour qu’il puisse être qualifié d’expert, tel que demandé par l’arbitre soussigné lors de l’audience préliminaire par voie téléphonique. Le tribunal prit cette objection sous réserve.

 

[25]      Le tribunal note que vers la fin de l’audience, lors de la réouverture de l’enquête pour permettre à l’Administrateur de compléter sa preuve concernant la déclaration de réception des parties communes du bâtiment (pièce P-2), l’Administrateur a retiré son objection quant au dépôt en preuve du rapport de l’inspecteur en bâtiment Dussault (pièce P-5).

 

[26]      Madame Gailly, expliqua que le Bénéficiaire a reçu la déclaration de réception des parties communes signée le 31 octobre 2005 par l’architecte Glenn Peterson quelque trente-cinq (35) jours plus tard soit le 5 décembre 2005.

 


[27]      À cette date, le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Salvatore Iacono a démissionné comme unique administrateur du Bénéficiaire et il fut remplacé par deux (2) nouveaux administrateurs qui étaient également propriétaires des unités de logement du bâtiment en cause.

 

[28]      La première réunion du conseil d’administration du Bénéficiaire eut lieu le 5 décembre 2005.

 

[29]      Madame Gailly ne se rappelait pas à quelle date le Bénéficiaire a reçu « l’Avis de fin des travaux des parties communes du bâtiment » (pièce P-2).

 

[30]      Elle déclara que le Bénéficiaire ne contestait pas la date du 31 octobre 2005 qui apparaît sur la déclaration de réception des parties communes (pièce P-2) et  sur « l’Avis de fin des travaux des parties communes » (pièce P-3).

 

[31]      Vers la fin de l’audience, lors de la réouverture de l’enquête pour permettre à l’Entrepreneur de compléter sa preuve, madame Gailly précisa que le document P-2 avait été remis le 5 décembre 2005 à monsieur Melançon qui était l’un des deux (2) nouveaux administrateurs du Bénéficiaire et que le Bénéficiaire n’a jamais remis en question ce document;

 

[32]      Le témoin a toujours pris pour acquis que l’architecte Glenn Peterson avait agi de bonne foi en signant la déclaration de réception des parties communes (pièce P-2).

 

[33]      Le témoin a aménagé dans sa propre unité de condominium entre le 15 et le 30 septembre 2005.

 

[34]      Elle ne savait pas combien d’autres propriétaires de condo avaient aménagé avant le 30 septembre 2005, « peut-être 50 % ». En décembre 2005, toutefois, les huit (8) unités de condo étaient occupés.

 

[35]      Elle déclara que l’Entrepreneur n’est jamais intervenu pour corriger un ou plusieurs des points 5 à 12 (excluant le point 11) depuis l’envoi par le Bénéficiaire de sa lettre de dénonciation datée du 19 octobre 2006, dont copie a également été envoyée à l’Administrateur.

 

[36]      Elle précisa que l’Entrepreneur est intervenu pour corriger d’autres défauts qui lui avaient été dénoncés par le Bénéficiaire. Elle référa aux lettres suivantes :

 

a)     la lettre du 2 juin 2006 du Bénéficiaire à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur, concernant la mauvaise installation des bains et de leurs composantes (pièce A-7), et

b)     la lettre du 7 août 2006 du Bénéficiaire à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur, concernant l’installation de la marquise au-dessus de la porte d’entrée principale, la peinture extérieure et la peinture de l’escalier intérieur (pièce A-8).

Elle déclara que ces lettres « faisaient réagir l’Entrepreneur ».

 

[37]      En contre-interrogatoire, madame Gailly déclara qu’elle ne savait pas pourquoi le conseil d’administration du Bénéficiaire n’était pas intervenu entre la lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur datée du 29 novembre 2006 et la lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur en date du 22 septembre 2008 (onglet 6 du cartable des pièces du Bénéficiaire).

 

[38]      Dans sa lettre du 29 novembre 2006 intitulée : « Demande d’ouverture du dossier de réclamation » le Bénéficiaire a écrit ce qui suit :

 

            « À ce jour, nous estimons que les mesures par Montcan pour faire suite à l’avis de dénonciation sont insatisfaisantes. De plus, le Syndicat n’a toujours pas reçu copie des plans et devis.

 

            Je vous demande donc, par la présente, de me transmettre les documents nécessaires à l’ouverture d’un dossier de réclamation à la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ. »

 

Point 7 - positionnement ou absence des larmiers sous certaines allèges en pierre

 

[39]      Le témoin de l’Administrateur, monsieur Jacques Fortin qui fut reconnu comme expert par le tribunal déclara qu’il y a deux endroits où des larmiers se trouvent sur la façade du bâtiment : le premier endroit est sur le côté droit, sous une poutre décorative et le deuxième est à gauche, sous le seuil en pierre d’une porte. Selon lui, les deux larmiers existent. Le fait qu’un larmier soit trop près du parement en brique ne signifie pas qu’il ne fait pas son travail. Il n’a pas constaté d’infiltration d’eau près de ces larmiers.

 

Point 8 - positionnement de certains solins (portes, fenêtres et murs de fondation)

 

[40]      Selon le témoin Fortin, un solin au-dessus d’une cornière en métal devrait la dépasser d’un quart de pouce (1/4″). Toutefois, il dit que dans 90 % des bâtiments, ces solins ne sont pas apparents et ceci ne cause pas de problèmes. Si un problème survient - la cornière devient rouillée.

 

Point 9 - clous apparents non scellés sur certains évents métalliques de toit

 

[41]      Monsieur Fortin affirma que lors de son inspection, il n’avait pas vu de tels clous. S’il les avait vus, il les aurait pris en photo, ce qu’il n’avait pas fait.

 


Point 10 - pente du parapet supérieur métallique en façade avant

 

[42]      Lors de son inspection, monsieur Fortin a constaté la présence d’un peu d’eau sur le dessus du parapet métallique. À cet endroit, il n’y a pas de jointure dans la tôle du parapet. Il déclara qu’en principe, la pente d’un tel parapet devrait être inclinée vers le toit pour permettre à l’eau de s’égoutter sur la membrane du toit. Il n’a pas décelé de rouille sur le parapet.

 

Point 12 - scellement manquant autour des luminaires et prises extérieures, des sorties de ventilation, des portes et fenêtres autour des structures des balcons arrière

 

[43]      Monsieur Fortin n’a pas vu de scellement autour des prises électriques. Selon lui, l’absence de scellement devrait être apparente dans le sens que ça devrait être décelable même par un consommateur. Un scellement devrait être vérifié annuellement. Il n’a pas observé de dégât au bâtiment causé par un manque de scellement.

 

[44]      Lors de son interrogatoire, monsieur Fortin opina que les points 5 à 12 (excluant le point 11) n’étaient peut-être pas décelables par un non- professionnel lors de la réception des parties communes, le 31 octobre 2005, mais ils sont devenus décelables au moins depuis octobre 2006, lorsqu’ils furent mentionnés dans le rapport de l’inspecteur Dussault (pièce P-5).

 

[45]      En contre-interrogatoire par le Bénéficiaire, monsieur Fortin reconnut que les points 5 à 12 (excluant le point 11) sont devenus apparents depuis octobre 2006 (date du rapport de l’inspecteur Dussault). Il déclara qu’il n’avait pas observé de dommages apparents au bâtiment qui auraient pu être causés par la présence des points 5 à 12 (excluant le point 11), et précisa que dans la décision de l’Administrateur, il n’a pas traité des vices cachés.

 

[46]      En ré-interrogatoire par le procureur de l’Administrateur, monsieur Fortin opina que l’architecte Glenn Peterson, un professionnel du bâtiment, aurait dû noter les points 5 à 12 sur la « Liste préétablie à vérifier des parties communes du bâtiment » (pièce P-2) ce qu’il n’a pas fait.

 

Les prétentions des parties

 

Quant à la question en litige no 1

 

[47]      Le Bénéficiaire plaida que les points 5 à 12 (excluant le point 11) étaient non apparents lors de la signature de la déclaration de réception des parties communes par l’architecte Glenn Peterson. Elle présuma que l’architecte Peterson avait agi de bonne foi en omettant de les mentionner dans la déclaration de réception. Ces défauts sont devenus apparents aux yeux du Bénéficiaire seulement en octobre 2006 lorsqu’il a pris connaissance du rapport de l’inspecteur en bâtiment, François Dussault. Elle prétendit que lors de son témoignage, le témoin expert de l’Administrateur, monsieur Jacques Fortin, avait admis que les points 5 à 12 (excluant le point 11) étaient devenus apparents pour un non-professionnel en octobre 2006 quand le Bénéficiaire a lu le rapport de l’inspecteur Dussault daté du 9 octobre 2006.

 

[48]      L’Administrateur prétendit que les points 5 à 12 (excluant le point 11) étaient apparents lors de la signature par l’architecte Peterson de la déclaration de réception des parties communes (pièce P-2). Comme ces points n’ont pas été notés par monsieur Peterson lors de la réception des parties communes, ils ne sont pas couverts par le plan de garantie. L’architecte Peterson aurait dû les noter sur la liste préétablie des parties communes à vérifier, mais il a omis de le faire. Peut-être il a été négligent. S’il a commis une faute - ce tribunal n’a pas la juridiction relativement aux recours contre lui.

 

Quant à la question en litige no 2

 

[49]      L’Administrateur prétendit que ce délai de presque deux (2) ans entre la lettre du Bénéficiaire du 19 octobre 2006 et celle du 22 septembre 2008 est trop long pour rencontrer les exigences du paragraphe 2 de l’article 34 du Règlement quoiqu’il admet que ce paragraphe ne contient pas de délai maximal à respecter entre la dénonciation d’un défaut et une demande de réclamation auprès de l’Administrateur. Cependant, il admet que l’Administrateur n’a subi aucun préjudice du fait qu’il s’est écoulé deux (2) ans entre les lettres du Bénéficiaire du 19 octobre 2006 et du 22 septembre 2008.

 

Quant à la question en litige no 3

 

[50]      Selon l’Administrateur, étant donné que les points 5 à 12 étaient apparents lors de la réception des parties communes mais n’étaient pas notés sur la déclaration de réception signée par l’architecte Glenn Peterson (pièce P-2), ces points ne sont pas couverts par le plan de garantie de l’Administrateur. Le tribunal n’a pas la compétence requise pour invalider la déclaration de réception (pièce P-2) de l’architecte Glenn Peterson parce qu’à l’audience, le Bénéficiaire l’a reconnue comme étant valide.

 

Analyse et décision

 

Recevabilité en preuve du rapport de l’inspecteur Dussault (pièce P-5)

 

[51]      Monsieur Dussault n’a pas témoigné à l’audience. Le Bénéficiaire n’a pas demandé au tribunal qu’il soit qualifié d’expert et il n’a pas déposé le curriculum vitae de monsieur Dussault tel que demandé aux parties par le tribunal lors de l’audition préliminaire par voie téléphonique, si elles voulaient qu’un de leurs témoins puisse être reconnu comme expert. Le Bénéficiaire a voulu déposer en preuve le rapport de monsieur Dussault (pièce P-5) ce à quoi l’Administrateur s’est objecté. Par la suite, l’Administrateur a retiré cette objection.

 

[52]      Pour toutes ces raisons, le tribunal décide d’admettre en preuve le rapport de monsieur Dussault mais seulement partiellement. Les affirmations de monsieur Dussault qui sont fondées sur ses observations directes lors de son inspection du bâtiment, seront admises en preuve pour le Bénéficiaire. Celles qu’on pourrait qualifier « d’opinions » seront exclues de cette preuve.

 

Les balcons des unités 4 et 6

 

[53]      Dans sa décision, l’Administrateur a constaté que les balcons des unités 4 et 6 ne retenaient pas l’eau et ce, malgré le fait qu’il pleuvait lors de son inspection.

 

[54]      Toutefois, à l’audience, monsieur Fortin, l’auteur de la décision de l’Administrateur a déposé en preuve des photos prises lors de son inspection (pièce A-20 en liasse) qui démontrent que le balcon de l’unité 4 était presque sec tandis que celui de l’unité 6 était recouvert d’une couche d’eau sur la moitié de sa surface.

 

[55]      De son côté, le Bénéficiaire a déposé en preuve des photos qu’elle a prises personnellement le 22 septembre 2009 (pièce P-15 en liasse) après une pluie abondante. Malgré le fait qu’elle ne se rappelle pas de la durée de temps écoulé entre la cessation de la pluie la prise des photos, la photo du balcon no 6 démontre que ce balcon est recouvert d’une grosse flaque d’eau tandis que celui de l’unité no 4 est presque sec.

 

[56]      Vu cette preuve, le tribunal vient à la conclusion que la rétention d’eau sur le balcon de l’unité 6 constitue une malfaçon. Le caractère non-apparent de cette malfaçon a été constaté par le tribunal lors de sa visite des lieux. Il a été confirmé également par l’Administrateur dans sa décision se rapportant au balcon de l’unité 7 qui était également affecté d’une malfaçon semblable.

 

[57]      Quant au balcon de l’unité 4, le tribunal conclut que le Bénéficiaire n’a pas réussi à démontrer de façon prépondérante que ce balcon est affecté d’une malfaçon.

 

Balcon de l’unité 5

 

[58]      Quant au balcon de l’unité 5, il n’est pas spécifiquement mentionné dans le rapport de l’inspecteur Dussault, pas plus que dans la lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur (avec copie à l’Administrateur) du 19 octobre 2006 (pièce P-4) ou dans la décision de l’Administrateur.

 

[59]      Au début de l’audience, le Bénéficiaire a voulu ajouter ce balcon à la liste des éléments que le tribunal devrait déterminer dans sa décision. Cette demande n’a pas rencontré d’objection de la part de l’Administrateur ou de l’Entrepreneur. En fait, ces deux (2) parties ont réagi à la demande du Bénéficiaire en gardant silence.

 

[60]      Avant de déterminer si ce balcon est affecté d’une malfaçon, le tribunal doit se demander s’il a la compétence nécessaire pour effectuer cette détermination.

 

[61]      Le tribunal est réticent à interpréter le silence de l’Entrepreneur et de l’Administrateur à l’encontre de la demande du Bénéficiaire d’ajouter ce balcon à la liste des points soumis à l’arbitrage, comme un consentement exprès à cet ajout.

 

[62]      De plus, le tribunal rappelle que sa compétence est fondée sur les dispositions du Règlement, y compris sur l’article 35 du Règlement qui se trouve dans la section « V » (en chiffres romains) du Règlement intitulée « Recours ». Cet article se lit comme suit :

           

            « 35.   Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les trente (30) jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de trente (30) jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. »

 

[63]      Selon l’interprétation du tribunal de l’article 35, sa compétence est fondée sur l’existence d’un « différend » entre un bénéficiaire (ou un entrepreneur) et l’administrateur. Cependant, ce différend découle de l’insatisfaction du bénéficiaire (ou de l’entrepreneur) quant à la « décision de l’administrateur ». L’absence de ce qu’on pourrait qualifier de « décision de l’administrateur » sur un point précis (tel qu’un défaut affectant le balcon de l’unité 5) signifie aussi l’absence d’un « différend » sur ce point.

 

[64]      Rappelons-nous que le balcon no 5, n’a pas été mentionné directement ou indirectement dans la décision de l’Administrateur. De plus, il n’y a rien dans cette décision qui indiquerait que ce balcon a été porté à l’attention de l’Administrateur lors de son inspection du bâtiment. Dans ces circonstances, le tribunal ne voit pas où il pourrait puiser sa compétence pour rendre une décision au sujet du balcon de l’unité 5.

 

Les points 5 à 12 (excluant le point 11) de la décision de l’Administrateur

 

[65]      Ces points étaient-ils apparents ou non apparents au moment de la réception?

 

[66]      Dans sa décision du 25 mai 2009, l’Administrateur est venu à la conclusion que ces points étaient apparents au moment de la réception. À l’audience, le procureur de l’Administrateur adopta la même position lors de sa plaidoirie.

 

[67]      Cependant, avant de déterminer le caractère apparent ou non apparent de ces points, il faut déterminer la date de réception des parties communes.

 

[68]      La preuve unanime présentée lors de l’audition est à l’effet que cette réception eut lieu le 31 octobre 2005, soit la date sur la déclaration de réception des parties communes signée par l’architecte Glenn Peterson. Madame Gailly a reconnu clairement lors de son témoignage qu’elle ne contestait pas ni la date ni le contenu de cette déclaration de réception.

 

Situations apparentes ou non apparentes

 

[69]      Afin de distinguer un défaut de construction (vice ou malfaçon) apparent ou non apparent, le tribunal adopte le test prévu à l’article 1726, 2e alinéa du Code civil du Québec qui stipule: « Est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »

 

[70]      Dans sa décision du 25 mai 2009, l’Administrateur, sous la plume du témoin expert Jacques Fortin, a adopté un test très semblable : « Du point de vue de l’Administrateur, les points 5 à 12 étaient apparents au moment de la réception en ce sens qu’ils étaient décelables pour un acheteur raisonnablement diligent ».

 

[71]      La preuve révèle que le Bénéficiaire a découvert les défauts de construction affectant les parties communes qui font l’objet de cet arbitrage seulement après avoir lu le rapport de l’inspecteur Dussault daté du 9 octobre 2006 (pièce P-5) soit quelque onze (11) mois après la réception du bâtiment en date du 25 octobre 2005.

 

[72]      Le tribunal note qu’entre la réception des parties communes au 31 octobre 2005 et la lettre de dénonciation du Bénéficiaire datée du 19 octobre 2006, le Bénéficiaire a dénoncé par écrit (avec copie de ces écrits à l’Administrateur) différents autres problèmes affectant le bâtiment tels que :

 

               a)      Un vice d’installation des appareils sanitaires dénoncé par la lettre datée du 24 avril 2006 (pièce A-4),

 

               b)      Une mauvaise installation des bains et de ses composantes mentionnée dans la lettre du 2 juin 2006 (pièce A-7), et

 

               c)      Le parachèvement de l’installation de la marquise au-dessus de la porte d’entrée principale, de la peinture extérieure et de la peinture de l’escalier intérieur (pièce A-8).

 

[73]      Il faut souligner ici que les problèmes allégués par le Bénéficiaire dans sa correspondance à l’Entrepreneur mentionnée au paragraphe précédent, ont fait l’objet de certaines démarches et de corrections de la part de l’Entrepreneur.

 

[74]      Quant à la cause qui nous occupe, aux yeux du tribunal, la pertinence de ces trois (3) autres lettres de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur est de démontrer que le Bénéficiaire faisait preuve de diligence pour constater et dénoncer à l’Entrepreneur et à l’Administrateur les défauts de construction des parties communes affectant l’immeuble. Si le Bénéficiaire n’a pas dénoncé par écrit les problèmes mentionnés aux points 5 à 12 (excluant le point 11) qui nous occupent, cela semble indiquer que, malgré sa diligence générale en matière de problèmes de construction affectant le bâtiment, il ne les pas constatés jusqu’au moment où il a pris connaissance du rapport de monsieur Dussault daté du 9 octobre 2006.

 

[75]      De plus, le témoignage que monsieur Fortin a livré à l’audience est plus nuancé que ce qu’il a écrit dans la décision de l’Administrateur du 25 mai 2009 (cité au paragraphe 70 ci-haut). Dans son témoignage, il admet qu’il soit possible qu’avant octobre 2006, ces points n’aient pas été décelables par un non-professionnel (voir le paragraphe 44 ci-haut).

 

[76]      Est-ce que l’architecte Glenn Peterson aurait dû découvrir tous ces défauts et les noter sur la déclaration de réception des parties communes qu’il a signée le 31 octobre 2005? C’est ce que prétend l’Administrateur. Cependant, cette prétention de l’Administrateur n’est appuyée d’aucune preuve. L’architecte Peterson n’a pas témoigné à l’audience. Aucune preuve n’a été soumise au tribunal quant à la durée de son inspection préréception ou quant aux démarches qu’il avait suivies lors de cette inspection. Conséquemment, le tribunal ne peut pas accueillir cette prétention de l’Administrateur.

 

[77]      Pour ces raisons, le tribunal vient à la conclusion que les situations décrites aux points 5 à 12 (excluant le point 11) étaient non apparentes au moment de la réception des parties communes.

 

Malfaçons ou pas

 

[78]      Bien que non apparents, certains des points 5 à 12 (excluant le point 11) peuvent être qualifiés de malfaçons et d’autres pas.

 

[79]      Selon le paragraphe 27(2) du Règlement, le plan de garantie administré par l’Administrateur couvre « la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons; ».

 

[80]      Selon le tribunal, pour connaître la signification du mot « malfaçon », qui apparaît au paragraphe 27(2) du Règlement, on peut faire référence à la jurisprudence ou à la doctrine qui ont interprété ce mot dans le contexte de l’article 2120 du Code civil du Québec. Les auteurs, Sylvie Rodrigue et Jeffrey Edwards, dans leur article intitulé « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons »[2] écrivent ce qui suit :

 

            « Comme son nom l’indique, une « malfaçon » est une travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvois dans le contrat. Signalons aussi que le travail non fait, ou incomplet constitue également, de manière implicite, une malfaçon, car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contractuelles. »

 

[81]      Examinons brièvement certains des points qui font l’objet de cet arbitrage à la lumière de cette définition de « malfaçon ».

 

Chantepleures obstruées (point 5) et chantepleures manquantes au-dessus de certaines ouvertures (point 6)

 

[82]      Lors de son inspection, l’inspecteur en bâtiment Dussault, a constaté que certaines chantepleures faites à la base des murs de maçonnerie et au-dessus des ouvertures, sont partiellement obstruées par du mortier (page 8, paragraphe 5 de la pièce P-5). Le tribunal a pu faire la même constatation lors de sa visite des lieux.

 

[83]      De plus, tel que le mentionne le Bénéficiaire dans sa lettre de dénonciation du 19 octobre 2006 (pièce P-4) et tel que confirmé par madame Gailly à l’audience, il y a des chantepleures manquantes au-dessus de certaines ouvertures du bâtiment.

 

[84]      Selon le tribunal, l’obstruction de certaines chantepleures et l’absence de chantepleures au-dessus de certaines ouvertures constituent des malfaçons, c’est-à-dire des travaux mal exécutés, non faits ou incomplets au sens de la définition du mot « malfaçon » mentionnée au paragraphe 80 ci-haut.

 


Positionnement ou absence des larmiers sous certaines allèges en pierre

(point 7)

 

[85]      En ce qui concerne le positionnement ou l’absence de larmiers, lors de la visite des lieux par l’arbitre soussigné, le Bénéficiaire n’a pas pu lui montrer où ces larmiers se trouvaient ou devraient se trouver.

 

[86]      Lors de l’audition, l’expert de l’Administrateur, monsieur Fortin a témoigné que non seulement les larmiers étaient présents à deux endroits sous les allèges mais de plus, qu’ils se trouvaient suffisamment éloignés du mur de la façade du bâtiment pour fonctionner convenablement, c’est-à-dire pour permettre à l’eau qui descendait de l’appui de tomber à terre plutôt que sur le mur de la façade.

 

[87]      Par conséquent, le tribunal vient à la conclusion que le Bénéficiaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer par une preuve prépondérante que le défaut de construction qu’il allègue et qui est mentionné au point 7 dans la décision de l’Administrateur constitue une malfaçon.

 

Positionnement de certains solins (portes, fenêtres et murs de fondation)

(point 8)

 

[88]      Quant au point 8, le tribunal estime que, vu le témoignage de monsieur Fortin pour le compte de l’Administrateur, le Bénéficiaire avait le fardeau de prouver clairement le contenu de la norme ou de la règle d’art qui exigeait qu’un solin doit dépasser la cornière métallique d’un certain nombre de millimètres ou de fractions de pouce.

 

[89]      Le Bénéficiaire avait également le fardeau de convaincre le tribunal que la largeur des solins était insuffisante eu égard à cette norme ou à cette règle d’art.

 

[90]      Comment le Bénéficiaire devait-il faire cette preuve de la norme ou de la règle d’art pertinente? Comme nous l’enseigne le juge Guy Ringuet, J.C.Q.[3] « le moyen de preuve relié aux règles d’art doit en principe revêtir la forme d’une expertise car elle est de la nature d’une opinion ».

 

[91]      Considérant les conclusions du tribunal décrites au paragraphe 52 ci-haut, le tribunal ne peut pas admettre en preuve l’opinion de l’expert en bâtiment Dussault exprimée dans son rapport du 9 octobre 2006 au sujet de la norme ou de la règle d’art applicable aux solins.

 

[92]      La règle d’art applicable aux solins qui a été exprimée par le témoin expert monsieur Jacques Fortin (qui témoignait pour l’Administrateur) n’est pas très claire. D’un côté il a déclaré que, selon lui, les solins devaient dépasser la cornière par un quart de pouce et de l’autre côté, il disait que dans 90% des bâtiments, les solins ne sont pas apparents et que ceci ne cause aucun problème.

 

[93]      Le représentant de l’Entrepreneur, monsieur Scalia, a témoigné que selon son expérience personnelle, l’usage suivi dans l’industrie de la construction est que ces solins sont coupés au ras de la cornière, au stade de la finition du bâtiment.

 

[94]      Vu l’absence de l’opinion d’un expert qui serait recevable en preuve pour le Bénéficiaire et à lumière de l’opinion de l’expert Fortin et du témoignage de monsieur Scalia, le tribunal conclut que le Bénéficiaire n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une règle d’art claire concernant ces solins. Il s’ensuit que le Bénéficiaire n’a pas prouvé que les solins mentionnés au point 8 étaient affectés de malfaçons.

 

[95]      Vu cette conclusion, le tribunal n’a pas à se pencher sur la question de savoir si cette règle d’art a ou n’a pas été transgressée par l’Entrepreneur lors de l’installation de certains solins (point 8).

 

Clous apparents non scellés sur certains évents métalliques de toit (point 9)

 

[96]      Dans son rapport (pièce P-5, paragraphe 21), l’inspecteur en bâtiment Dussault a écrit  que des clous sur des évents de toit sont apparents et devraient être scellés pour éviter tout risque d’infiltration d’eau dans les combles du toit. Cette constatation est accompagnée de la photo no 39 annexée au rapport P-5.

 

[97]      L’expert de l’Administrateur, monsieur Fortin, a témoigné qu’il n’a pas constaté ces clous lors de son l’inspection. Il a déclaré que s’il les avait vus, il les aurait pris en photo. Ce qu’il n’a pas fait.

 

[98]      Malgré le témoignage de l’expert Fortin, la photo 39 annexée au rapport de monsieur Dussault est suffisante pour convaincre le tribunal que le non-scellement de ces clous constitue une malfaçon.

 

Pente du parapet supérieur métallique en façade avant (point 10)

 

[99]      Dans son rapport l’inspecteur en bâtiment, monsieur Dussault, a écrit qu’une petite section du parapet supérieur métallique en façade avant sur le toit présente une pente nulle (pièce P-5, page 11, paragraphe 22).

 

[100]   L’expert de l’Administrateur, monsieur Fortin, témoigna que, selon la règle d’art qui s’applique à cet élément, le parapet du toit devrait être incliné un peu vers le toit pour que l’eau sur le parapet puisse s’égoutter sur la membrane du toit.

 

[101]   Monsieur Fortin témoigna également que lors de son inspection il a pu observer un peu d’eau sur une partie de ce parapet. Le tribunal comprend de ce témoignage qu’au moins cette partie du toit ne présente pas l’inclinaison prévue par la règle d’art.

 

[102]   De cette preuve, il ressort qu’au moins une section de ce parapet n’est pas incliné vers le toit comme l’exige la règle d’art énoncé par l’expert Fortin et qu’elle présente plutôt une pente nulle, ce qui constitue une malfaçon.

 

Scellement manquant autour des luminaires et prises extérieures, des sorties de ventilation, des portes et fenêtres et autour des structures des balcons arrière (point 12)

 

[103]   La preuve du Bénéficiaire concernant le point 12 est constituée d’observations de l’inspecteur Dussault mentionnées dans son rapport (pièce P-5, page 6, paragraphe 1) accompagnées de plusieurs photos jointes en annexe à ce rapport.

 

[104]   Témoignant pour l’Administrateur, monsieur Fortin a reconnu l’absence de scellement autour de prises électriques seulement. Il n’a pas élaboré quant à la présence ou l’absence de scellement aux autres endroits mentionnés par l’inspecteur Dussault.

 

[105]   Il opine que, selon lui, le scellement relève du travail d’entretien du bâtiment.

 

[106]   En ce qui concerne cette dernière opinion de l’expert Fortiin, le tribunal ne peut pas la partager dans le cas qui nous occupe.  Le manque de scellement constaté pour la première fois par l’inspecteur Dussault eut lieu en septembre 2006 et fut décrit dans son rapport du 9 octobre 2006. Cette visite de l’inspecteur Dussault a eu lieu quelque onze (11) mois après la réception des parties communes en date du 31 octobre 2005. Selon le tribunal, l’absence de scellement s’apparente plutôt à un travail non fait ou incomplet de la part de l’Entrepreneur plutôt qu’à un manque d’entretien régulier qui incomberait au Bénéficiaire et qui constituerait une exclusion du plan de garantie de l’Administrateur.

 

[107]   Pour ces raisons, le tribunal considère que le manque de scellement autour des luminaires, des prises extérieures, des sorties de ventilation, des portes et fenêtres et autour des structures des balcons arrière constitue une ou des malfaçons couvertes par la garantie.

 

Est-ce que le Bénéficiaire a respecté les exigences prévues à l’article 34, paragraphe 2 du Règlement?

 

[108]   Les quatre (4) premiers paragraphes de l’article 34 du Règlement, selon leur version applicable aux bâtiments dont la construction a commencé avant le 7 août 2006, se lisent comme suit :

 

            « 34.   La procédure suivante s’applique à toute réclamation faite en vertu du plan de garantie :

 

            1.   dans le délai de garantie d’un, 3 ou 5 ans, selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;

 

            2.   Au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administrateur des frais de 100 $ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;

 

            3.   Dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;

 

            4.   Dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection; »

 

[109]   L’Administrateur reconnaît que la lettre de dénonciation du Bénéficiaire datée du 19 octobre 2006 (pièce P-4), a été transmise à l’intérieur du délai d’un an après la réception des parties communes, conformément au paragraphe 1 de l’article 34 du Règlement. Il prétend toutefois qu’entre cette lettre du 19 octobre 2006 et la lettre du 22 septembre 2008 accompagnée de la demande de réclamation et du chèque de 100 $ (et d’autres documents), presque deux (2) ans se sont écoulés. L’Administrateur reconnaît que l’article 34, paragraphe 2 ne prévoit aucun délai maximal entre l’expédition de la dénonciation et la lettre du Bénéficiaire avisant l’Administrateur qu’il est insatisfait de l’intervention de l’Entrepreneur - mais plaide que l’intention du législateur est que toute la procédure des recours prévus à l’article 34 exige une célérité que le Bénéficiaire n’a pas respectée.

 

[110]   En révisant la preuve documentaire soumise, le tribunal constate qu’entre la lettre de dénonciation du Bénéficiaire du 19 octobre 2006 et celle du 22 septembre 2008, le Bénéficiaire a transmis une autre lettre soit celle du 29 novembre 2006 intitulée « Demande d’ouverture du dossier de réclamation » (pièce P-7) qui est citée au paragraphe 38 ci-haut. Selon le tribunal, cette lettre du Bénéficiaire du 29 novembre 2006 peut être considérée comme l’avis écrit du Bénéficiaire à l’Administrateur constatant son insatisfaction de l’intervention de l’Entrepreneur ou son manque d’intervention, tel que le prévoit le paragraphe 2 de l’article 34 du Règlement. Le fait que les frais de 100 $ prévus au paragraphe 34(2) du Règlement ont été transmis par le Bénéficiaire à l’Administrateur plus tard avec la lettre du 22 septembre 2008, n’est pas un facteur critique, d’autant plus qu’aucun délai pour le versement à l’Administrateur de ces 100 $ n’est prévu à ce paragraphe 34(2) du Règlement.

 

[111]   Conséquemment, le tribunal vient à la conclusion que le Bénéficiaire a respecté les exigences du paragraphe 34(2) du Règlement.

 

[112]   Vu les conclusions du tribunal que les points 5, 6, 9, 10 et 12 étaient des malfaçons non apparentes au moment de la réception des parties communes du bâtiment, le tribunal n’a point besoin d’analyser les autres prétentions des parties.

 

Conclusions supplémentaires

 

[113]   La Loi sur le bâtiment[4] ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.

 

[114]   Selon l’article 21 du Règlement, lorsque le demandeur est le Bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur à moins que le Bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas, l’arbitre départage ces coûts.

 

[115]   De plus, aux termes de l’article 22 du Règlement, l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[116]   Dans cette affaire, le Bénéficiaire est le demandeur et il a obtenu gain de cause sur certains aspects de sa réclamation.

 

[117]   Pour ce qui est des frais d’expertise payés par le Bénéficiaire pour la préparation du rapport de monsieur Dussault cotée comme Pièce P-5, étant donné qu’aucune facture n’a été présentée lors de l’audience, aucun remboursement n’a été demandé par le Bénéficiaire et que monsieur Dussault n’a pas témoigné à l’audience, l’Administrateur n’aura pas à les supporter.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire relativement au balcon de l’unité 4 du bâtiment;

 

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le point 7 de la décision de l’Administrateur (positionnement ou absence des larmiers sous certaines allèges en pierre);

 

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le point 8 de la décision de l’Administrateur (positionnement de certains solins (portes, fenêtres et murs de fondation);

 

DÉCLARE qu’il n’a pas la compétence pour rendre une décision à l’égard du balcon de l’unité 5;

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le balcon de l’unité 6 du bâtiment;

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant les points 5 (chantepleures obstruées) et 6 (chantepleures manquantes au-dessus de certaines ouvertures) de la décision de l’Administrateur.

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le point 9 de la décision de l’Administrateur (clous apparents non scellés sur certains évents métalliques de toit);

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le point 10 de la décision de l’Administrateur (pente du parapet supérieur métallique en façade avant);

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant le point 12 de la décision de l’Administrateur (scellement manquant autour des luminaires et prises extérieures, des sorties de ventilation, des portes et fenêtres et autour des structures des balcons arrière);

 

DÉCLARE que les points mentionnés ci-dessus soit, le balcon de l’unité 6 ainsi que les points 5, 6, 9, 10 et 12 de la décision de l’Administrateur étaient affectés de malfaçons non-apparentes au moment de la réception des parties communes du bâtiment le 31 octobre 2005 et sont couverts par le Plan de garantie de l’Administrateur, et

 

ORDONNE à l’Administrateur de prendre en charge la réparation des structures décrites sous tous ces points afin de les rendre conformes aux normes et aux règles d’art qui s’appliquent à chacune d’elles; ces réparations devront être complétées dans un délai de soixante (60) jours de la date de réception par l’Administrateur de la présente décision à moins que l’Administrateur et le Bénéficiaire conviennent par écrit de prolonger ce délai relativement à certaines de ces réparations à cause de conditions climatiques qui compromettraient les résultats visés par ces réparations;


 

DÉCLARE que les frais de cet arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;

 

DÉCLARE que l’Administrateur n’est pas tenu de payer quelque frais d’expertise que ce soit au Bénéficiaire;

 

 

 

Montréal, le 17 novembre 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre  / CCAC

 



[1]               Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs R.Q.c.B-1.1.2, R.0.2 adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c.B-1.1

[2]               La construction au Québec : perspectives juridiques, Ogilvy Renault S.E.N.C., Wilson Lafleur Ltée Montréal, 1998, p. 453

[3]               Centre de construction Marcel Pelletier inc. c. Nellis Lemieux et Jeanne-Mance Perron; décision du 6 décembre 2007, no 130-22-000510-064, p. 19

[4]               Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1