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Centre Canadien d’Arbitrage Commercial

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r. 0.2)

 

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

DOSSIER N°:           S07-112901-NP

 

DATE                         :           Le 24 juillet 2008     

 

 

 

ARBITRE       :           Me PIERRE BOULANGER

 

 

 

RICHARD RACICOT,

 

Bénéficiaire

 

c.

HABITATIONS PRO-STYLE INC.,

 

Entrepreneur

 

et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

Administrateur de la garantie

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

 

INTRODUCTION

 

[1]        Il s’agit d’une demande d’arbitrage datée du 29 novembre 2007 concernant la décision de l’administrateur datée du 29 octobre 2007.  Plus particulièrement, la demande d’arbitrage vise les points n° 16 et 23 de la décision, lesquels se lisent comme suit :


 

 

 

16.       HAUTEUR DE DÉGAGEMENT ENTRE LE PAREMENT ET LE TERRAIN

 

            Nous avons constaté, du côté droit de la maison, qu’il n’y avait pas de dégagement entre le parement de Canexel et le sol, contrairement à l’exigence de 200 mm du Code national du bâtiment.

 

            Le bénéficiaire nous a informé avoir lui-même complété le terrassement de pelouse, aux endroits problématiques.

 

            Tel qu’il est mentionné au contrat de garantie, les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire, sont exclues de la garantie.

 

            Or, en ce qui concerne le point 16 qui précède, l’administrateur est d’avis que les problèmes observés résultent définitivement d’ajouts réalisés par le bénéficiaire.

 

            Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ce point.

 

 

 

 

 

23.       PLANCHER DE BOIS FRANC

 

            Les bénéficiaires se plaignent de la fragilité du bois utilisé. Nous avons en effet constaté plusieurs égratignures à la surface du plancher.

 

            Ils prétendent que plusieurs de ces égratignures ont été faites par l’entrepreneur, lors de l’installation dudit plancher, ce que nie ce dernier, à l’exception de deux à trois d’entre elles, pour lesquelles il a laissé des lattes supplémentaires aux bénéficiaires.

 

            Nous avons également constaté plusieurs marques sur le plancher causées par le poids ou le déplacement des meubles.

 

            Les bénéficiaires réclament le remplacement complet du plancher sur toute la surface du rez-de-chaussée. Ils nous ont de plus informé ne pas avoir obtenir la qualité du produit pour lequel ils ont payé.

 

            Quoiqu’il en soit, nous sommes d’avis que les marques et égratignures sont mises en relief par l’aspect foncé du bois et qu’elles sont le résultat de l’usure normale du plancher.

 

 


 

[2]        Vu que l’un des deux points en litige concerne le dégagement du parement extérieur du bâtiment par rapport au sol, il a été convenu d’attendre la fonte des neiges afin de voir le tout.  Pour cette raison, l’audition s’est tenue le 30 avril 2008 dans la maison concernée située au 840 rue Sylvain à Magog.  À cette occasion, ont d’abord été entendus les experts Pierre Patry, ingénieur, et Pascal Martin, technologue (Inspectech) qui ont témoigné au sujet du point n°16 mentionné ci-haut.  Le bénéficiaire Richard Racicot et sa conjointe Nicole Caron ont aussi été entendus.  En défense, monsieur Sylvain Leroux, représentant de l’entrepreneur, et monsieur Michel Hamel, représentant de l’administrateur, ont été entendus.

 

[3]        En ce qui a trait au point n° 23, le bénéficiaire a déposé le rapport d’expertise, daté du 31 mars 2008, de l’expert Marcel Lefebvre (Forintek) dont communication avait été donnée préalablement à l’avocat de l’administrateur. Mais cet expert était alors absent. Après objection soulevée par l’avocat, discussion et courte suspension, l’administrateur a convenu d’accepter le dépôt du rapport pour valoir témoignage.  Il est toutefois ressorti, au cours des autres témoignages entendus, que des éclaircissements et précisions s’avéraient nécessaires de la part de l’expert Lefebvre. Les parties ont donc convenu qu’il y avait lieu qu’il soit aussi entendu et la date du 2 juillet 2008 fut alors retenue pour la suite de l’audition.

 

[4]        La suite de l’audition s’est déroulée comme prévu le 2 juillet 2008. L’expert Lefebvre a été interrogé et contre-interrogé et les plaidoiries entendues. Après délibéré, le tribunal d’arbitrage rend sa décision comme suit.

 

 

HAUTEUR DE DÉGAGEMENT ENTRE LE PAREMENT ET LE TERRAIN

 

[5]        D’entrée de jeu, je me dois de préciser qu’il ne s’agit pas d’une exclusion prévue à l’article 12 alinéa 9 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.  Cette exclusion n’a d’ailleurs pas été soulevée par l’administrateur.  Selon les recommandations du manufacturier Canexel (pièce P-7), il est écrit :     « laisser au moins 8 pouces (200 mm) entre le bas du revêtement et le niveau du sol ».  De fait, les personnes présentes à l’audition du 30 avril 2008 ont pu constater, sur le côté droit, des espaces variant entre un pouce à trois pouces à certains endroits, pour ensuite atteindre le dégagement minimum requis de 8 pouces à mesure que l’on s’avance vers l’arrière sur ce terrain légèrement en pente.  Il y a donc un dégagement insuffisant entre le bas de parement de Canexel et la surface gazonnée du sol.

 

[6]        L’administrateur ne nie pas que le dégagement soit insuffisant.  Mais il prétend que c’est à cause de la couche de terre et de tourbe installée par le bénéficiaire sur le terrain livré par l’entrepreneur, nivelé à l’état brut.  L’entreprise de terrassement dont les services ont été retenus par le bénéficiaire, plaide l’administrateur, n’aurait pas dû installer la tourbe de cette façon.

 

[7]        Le bénéficiaire Richard Racicot, corroboré par sa conjointe Nicole Caron, a témoigné qu’il avait bien avisé l’entrepreneur de la date (du jeudi 26 octobre 2006) où la tourbe serait posée. À cet égard, le bénéficiaire a produit la lettre du 22 octobre 2006, écrite par Nicole Caron à l’entrepreneur (pièce P-6), où l’on peut lire : « le terrain doit être égalisé mercredi pour que jeudi la pelouse et la haie soient finalisées. C’est important ». Le bénéficiaire et sa conjointe affirment qu’ils n’ont pas reçu d’avis de l’entrepreneur qu’il fallait plutôt attendre avant d’installer la tourbe.  De l’autre côté, l’entrepreneur Sylvain Leroux affirme qu’il a plu durant 2 à 3 jours à cette époque, que sa niveleuse ne pouvait alors se rendre à proximité du solage et qu’il a alors demandé au bénéficiaire d’attendre avant de faire installer sa pelouse.

 

[8]        Il est utile de se référer à la photographie P-4 (prise le 5 septembre 2006, soit avant que la construction du bâtiment ne soit terminée). On y voit, déjà, que le niveau du sol est élevé sur le côté droit du bâtiment et que le dégagement est insuffisant. Il était tout à fait prévisible, pour l’entrepreneur, que de la tourbe serait installée à cet endroit, ce qui devait entraîner, par voie de conséquence, un dégagement insuffisant.

 

[9]        Manifestement, une correction s’impose. L’entrepreneur devra donc, à ses frais, abaisser le niveau du sol pour atteindre le dégagement requis, en prenant soin de ne pas créer de pente négative.  Les frais de remise en place de la tourbe seront à la charge du bénéficiaire, attendu qu’il fut imprudent de sa part de faire installer la tourbe alors que le dégagement était déjà insuffisant.

 

 

PLANCHERS DE BOIS FRANC

 

 

[10]     Le bénéficiaire a témoigné à l’effet que, déjà, avant la livraison, certaines marques anormales avaient été faites sur le plancher par les bottes des travailleurs de la construction. L’entrepreneur a alors donné au bénéficiaire deux boîtes de planches de bois pour qu’il procède lui-même au remplacement des planches endommagées.

 

[11]     Le bénéficiaire a plutôt fait procéder, par l’expert Lefebvre, à l’expertise de 12 planches, soit 6 planches prélevées sur le plancher et 6 autres provenant d’une des deux boîtes dont il est question au paragraphe précédent.

 

[12]     Les visites des lieux effectuées par le soussigné les 30 avril et 2 juillet 2008 ont permis de constater que les planchers de bois, même s’ils sont de couleur foncée, sont en mauvais état pour une maison neuve qui est habitée depuis peu par un couple de retraités.  Des égratignures, des encavures, des trous, des marques de toutes sortes parsèment les planchers et ce, dans toutes les pièces de la maison.  Suivant les témoignages de Richard Racicot et de Nicole Caron, leur utilisation du bâtiment a été prudente et adéquate mais les marques sur les planchers se sont néanmoins multipliées au fur et à mesure que les semaines et les mois s’écoulaient.

 

[13]     Le bénéficiaire a produit, sous la cote P-9, le rabat d’une des boîtes d’emballage en carton contenant les planches de bois concernées.  On peut y lire ce qui suit :

 

 

Pre-finish Country Birch flooring

Plancher Pré - fini Merisier Country

Couleur CHESTNUT Colour

3/4’’ x 3 - 1/4’’(SHEN)

21.40’

Made in China   /   Fabriqué en Chine

 

 

 

[14]     Le bénéficiaire a aussi produit, sous la cote P-10, un avis du directeur du service technique de l’APCHQ, André Gagné, publié dans le bulletin d’information de décembre 2005, où on peut notamment lire ce qui suit :

 

 

REVÊTEMENT DE BOIS EN PROVENANCE DE L’ASIE

_______________________________________________________

 

Tentés par l’exotisme des certains revêtements de bois, certains propriétaires demandent aux entrepreneurs d’installer des essences de bois en provenance d’Asie qui n’ont pas fait leurs preuves en sols canadiens et québécois.

 

En effet, le comportement de certaines essences de bois est incertain et peut avoir des conséquences fâcheuses. Certains des revêtements que nous avons pu inspecter comportent de nombreuses lacunes, dont des taux d’humidité de l’ordre de 12% et des défauts de fabrication (ex : extrémités qui ne sont pas d’équerre, épaisseur des planches qui varie, etc.).

 

 

[15]     Dans le cas sous étude, c’est l’entrepreneur qui a choisi le fournisseur (Home Dépôt) et le bois.

 

[16]     Les faits ci-haut relatés, à eux seuls, sont insuffisants pour conclure à l’existence d’un vice caché au sens des articles 1726 et 2103 du Code Civil du Québec.

 

[17]     Toutefois, le bénéficiaire a présenté une preuve d’expertise (pièces P-8 et P-8A), au demeurant non contredite, et a fait la démonstration que les problèmes dont il est question au paragraphe 12 de la présente décision sont directement reliés à un manque de résistance du bois.

 

[18]     Dans l’ensemble, les tests effectués sur les 12 planches dont il est question au paragraphe 11 révèlent que la densité (calculée au poids par centimètre cube) et la dureté (calculée en kilos Newton lors de l’enfoncement d’une bille « Janka ») du bois sont en-deçà de ce que l’on retrouve pour le bois sec dans l’industrie (A.P.Jessome - Résistance et propriétés connexes des bois indigènes au Canada).

 

[19]     Selon l’expert Lefebvre, le manque de densité et de dureté s’explique notamment par le fait que les planches de bois qu’il a examinées et testées sont affectées par de la carie (pourriture).  Ce témoin a constaté et démontré la présence de traces de carie sur plusieurs des échantillons testés.  Seul l’un des 6 échantillons prélevés dans la boîte d’emballage ne contenait pas de traces de carie.

 

[20]     Lors de l’audience du 2 juillet 2008, l’expert Lefebvre a pu constater plusieurs marques sur le plancher reliées aux problèmes de densité et de dureté dont il a traités dans son rapport et dans son témoignage.  Il soutient que le résultat n’est pas acceptable.

 

[21]     Tel que mentionné plus haut, l’expertise de Marcel Lefebvre n’a pas été contredite par l’entrepreneur ni par l’administrateur.  Cette expertise et le témoignage de son auteur sont fiables et confirment l’existence d’un vice caché dans le bois.

 

[22]     Selon l’argumentation en défense, la couleur foncée du plancher fait ressortir les marques et il faut apprécier le résultat en tenant compte de l’ensemble des pièces.  La tournée des lieux, faite par le soussigné le 30 avril 2008, a démontré que les marques sont trop nombreuses pour conclure qu’il s’agit d’accidents de parcours.

 

[23]     Dans les circonstances, il y a lieu, pour l’entrepreneur, de corriger le tout en remplaçant à ses frais, tous les planchers de bois franc dans la maison.

 

 

LES FRAIS D’EXPERTISE

 

[24]     Sous la cote P-13, le bénéficiaire a produit les factures de l’expert Lefebvre (Forintek) datées du 21 janvier 2008 (500.00 $) et du 29 février 2008 (1,000.00 $) pour les tests effectués et la rédaction du rapport d’expertise.  Ces montants apparaissent raisonnables et sont accordés dans leur intégralité vu l’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

[25]     Quant aux frais chargés par l’expert Lefebvre pour son déplacement de Québec à Magog et son témoignage, ce témoin a fait état d’un montant forfaitaire de 1,500.00 $.  De son côté, le procureur de l’administrateur a fait valoir que ce montant est élevé et qu’il faut plutôt considérer un tarif de 100.00 $ à 150.00 $ de l’heure.  Compte tenu des frais de déplacement, j’estime qu’un montant de 1,200.00 $ est adéquat à ce titre.  Le total des frais d’expertise remboursables s’élève donc à 2,700.00 $.

 

 


POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :

 

            ACCUEILLE la demande du bénéficiaire.

 

            DÉCLARE mal fondée la décision de l’inspecteur conciliateur Michel Hamel quant aux points n° 16 et n° 23.

 

            ORDONNE à l’entrepreneur, dans un délai de trois (3) mois de la présente décision, de faire les travaux de terrassement requis pour abaisser le sol du côté droit de la maison de manière à obtenir le dégagement requis, la remise en place de la tourbe étant aux frais du bénéficiaire.

 

            ORDONNE à l’entrepreneur d’enlever toutes les planches des planchers de bois franc de la maison et de les remplacer par des planches conformes aux règles de l’art et ce, dans un délai de trois (3) mois de la présente décision.

 

            DÉCLARE, conformément à l’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, que le bénéficiaire a droit à un remboursement, par l’administrateur, d’un montant de 2,700.00 $ pour frais d’expertise.

 

            DÉCLARE que les autres frais d’arbitrage sont à la charge de l’administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

 

                                                                                                                                                        

                                                           Me PIERRE BOULANGER

                                                           Arbitre

 

Me Michel Trudeau (présent le 2 juillet 2008 seulement)

TRUDEAU DUFRESNE

Pour le bénéficiaire

 

Sylvain Leroux

Pour l’entrepreneur

 

Me François Laplante

SAVOIE FOURNIER

Pour l’administrateur